1. politique [ pɔlitik ] adj. et n. m.
• 1361; lat. politicus adj., du gr. politikos « de la cité (polis) »
I ♦ Adj.
A ♦ Relatif à la cité, au gouvernement de l'État.
1 ♦ Vx Relatif à la société organisée. ⇒ civil(opposé à naturel), public(opposé à privé). En Angleterre, « les intérêts politiques sont le principal objet des méditations » ( Mme de Staël). — Mod. Économie politique.
2 ♦ Mod. Relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir dans une société organisée, au gouvernement d'un État. Pouvoir politique : pouvoir de gouverner. Décisions politiques. « Le principe de la vie politique est dans l'autorité souveraine » (Rousseau). Rapports entre la structure économique, sociale et le régime politique (capitalisme, socialisme, libéralisme). ⇒ aristocratie (1o), démocratie, dictature, monarchie, république. Institutions politiques d'une civilisation, d'un État. ⇒ constitution (II). Réformes politiques et réformes sociales. — (En ce qui concerne la souveraineté par le peuple) Droits civils et droits politiques des personnes. Consultation politique. ⇒ élection, plébiscite, référendum, vote. — (En parlant de ceux qui détiennent le pouvoir, qui jouent un rôle dans les affaires publiques) Les assemblées politiques. Les milieux politiques. — HOMME, FEMME POLITIQUE, professionnel(le) de la politique, qu'il ou elle soit au pouvoir (ministre, président) ou y aspire, en général à l'intérieur d'un parti. ⇒ politicien; député, élu, sénateur... cf. Homme, femme d'État. « Un homme politique, c'est un homme qui est persuadé qu'il va réussir où d'autres ont échoué » (Colette). Indice de popularité d'un homme politique. — Par ext. La vie politique de Chateaubriand. Faire une carrière politique.
3 ♦ Relatif à la théorie du gouvernement, du pouvoir. La pensée politique de Rousseau. Histoire des idées politiques. Grandes doctrines politiques : absolutisme, anarchisme, communisme, étatisme, fascisme, libéralisme, marxisme, monarchisme, royalisme, socialisme, totalitarisme. — Essai, étude politique.
♢ Relatif à la connaissance scientifique des faits politiques. Institut d'études politiques (anciennt École des sciences politiques, abrév. fam. Sciences-po ). Académie des sciences morales et politiques. Science politique. ⇒ politologie.
4 ♦ Relatif aux rapports du gouvernement et de son opposition; au pouvoir et à la lutte autour du pouvoir. Participer à la vie politique française. L'échiquier politique. Climat politique. L'actualité politique. La journée, la semaine politique. — Situation politique d'un pays. Crise politique. Revendications politiques et professionnelles des syndicats. Dr. pén. Délits, crimes politiques. Procès politiques. Par ext. Détenu, prisonnier politique (opposé à prisonnier de droit commun), ou ellipt n. un politique. Les trains de déportés « étaient remplis de “politiques” et de Juifs » (Beauvoir). — Parti politique. Marketing politique. Facteurs politiques et économiques. L'opinion publique « est souvent une force politique » (Sauvy).
♢ (En parlant des opinions sur le pouvoir) Opinions politiques. Tendances, attitudes, positions politiques : conservateur, droite, extrémisme, extrémiste, gauche, gouvernemental, opportunisme, opposition, progressisme, progressiste, radical, radicalisme, réaction, réactionnaire. Sympathies politiques. Adversaires, opposants, amis politiques. Débat politique. Journal politique. — Scénario d'anticipation politique. ⇒ politique-fiction.
5 ♦ Relatif à un État, aux États et à leurs rapports. Unité politique. Communauté politique. ⇒ nation. Frontières politiques et frontières naturelles. Histoire politique de l'Orient. Géographie politique : partie de la géographie humaine. ⇒ géopolitique. Carte politique du monde. « l'univers politique a bien changé » (Valéry).
B ♦ (1636) Vx ou littér. Habile. Ce n'est pas très politique. ⇒ diplomatique. Il jugeait « politique de manifester son admiration pour l'antiquité grecque » (A. Hermant). — (Personnes) « Des hommes actifs, ardents, politiques » (Michelet). ⇒ avisé.
II ♦ N. m. (1568)
1 ♦ Littér. Personne qui gouverne, qui exerce des responsabilités politiques. « Le vrai politique est celui qui joue bien et qui gagne à la longue » (Voltaire). Un fin politique. — Personne qui fait prévaloir les considérations politiques. C'est un politique, pas un militaire.
♢ Fig. Personne qui sait gouverner autrui. « Il était trop franc et trop mauvais politique pour déguiser ce qu'il pensait » (R. Rolland).
2 ♦ (XXe) Didact. Ce qui est politique (aux sens I, 2o, 4o). Le politique et le social. « L'âge actuel est proprement l'âge du politique » (Benda).
politique 2. politique [ pɔlitik ] n. f.
• 1265, rare av. XVIIe; même étym. que 1. politique
1 ♦ Art et pratique du gouvernement des sociétés humaines (État, nation). « La politique, art de tromper les hommes » (d'Alembert). « Quant à la politique ? [...] — Ah ! c'est l'art de créer des faits, de dominer, en se jouant, les événements et les hommes » (Beaumarchais). « La politique consiste dans la volonté de conquête et de conservation du pouvoir » (Valéry).
♢ Spécialt, rare Les sciences politiques; l'étude des phénomènes concernant l'État, le pouvoir, le gouvernement. « ceux qui voudront traiter séparément la politique et la morale n'entendront jamais rien à aucune des deux » (Rousseau).
2 ♦ Manière de gouverner un État (politique intérieure) ou de mener les relations avec les autres États (politique extérieure ou politique étrangère). Politique conservatrice, libérale, de droite, de gauche. Politique étrangère pragmatique. ⇒ realpolitik. Politique de coexistence pacifique. ⇒ pacifisme. Politique de neutralité, de non-intervention (⇒ neutralisme) , d'intervention (⇒ interventionnisme) , d'agression. Politique expansionniste (⇒ expansionnisme) , colonialiste (⇒ colonialisme) . Politique fondée sur la primauté de la nation. ⇒ nationalisme. — La politique d'un président, d'un ministre. « Tout parti vit de sa mystique et meurt de sa politique » (Péguy). La politique européenne de la France. — Politique d'austérité. Politique des petits pas, de la chaise vide, de la main tendue.
♢ Dispositions prises dans certains domaines par le gouvernement. Politique culturelle, sociale, agricole. Politique de l'emploi, des prix. Politique économique, financière, fiscale. Politique douanière, commerciale. ⇒ libre-échange, protectionnisme.
3 ♦ (1652) Ensemble des affaires publiques. « La tolérance est aussi nécessaire en politique qu'en religion » (Voltaire). S'occuper, se mêler de politique. Faire de la politique. Parler politique.
♢ La carrière politique. Se destiner à la politique.
4 ♦ (XVIIe) Manière concertée de conduire une affaire. Une bonne, une mauvaise politique. ⇒ stratégie, tactique. Politique commerciale d'une entreprise. Pratiquer la politique de l'autruche, du moindre effort, du pire. Absolt C'est une politique, une façon d'envisager les choses.
♢ Vieilli Calcul intéressé. « sans nulle politique à l'égard de son mari, elle laissait échapper les plus belles occasions de se faire acheter de beaux chapeaux » (Stendhal).
● politique adjectif (latin politicus, du grec politikos, de polis, ville) Relatif à l'organisation du pouvoir dans l'État, à son exercice : Institutions politiques. Relatif à une conception particulière du gouvernement, des affaires publiques : Opinions politiques. Partis politiques. Relatif à ceux qui détiennent ou qui veulent détenir le pouvoir dans l'État, l'exercer : Carrière politique. Les milieux politiques. Se dit d'une manière d'agir avec autrui habile, judicieuse, diplomate et calculée. ● politique (citations) adjectif (latin politicus, du grec politikos, de polis, ville) Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 L'agonie a ses ruades. En langue politique, cela s'appelle réaction. Tas de pierres Éditions Milieu du monde Charles Maurras Martigues 1868-Saint-Symphorien 1952 Académie française, 1938 Quand un régime tombe en pourriture, il devient pourrisseur : sa décomposition perd tout ce qui l'approche. La Dentelle du rempart Grasset Emmanuel Mounier Grenoble 1905-Châtenay-Malabry 1950 La plus grande vertu politique est de ne pas perdre le sens des ensembles. Suite française, in revue Esprit décembre 1944 Alexis Clérel de Tocqueville Paris 1805-Cannes 1859 Il faut une science politique nouvelle à un monde tout nouveau. De la démocratie en Amérique Aristote Stagire 384-Chalcis 322 avant J.-C. L'homme est naturellement un animal politique. Politique, I, 1, 9 (traduction Thurot) ● politique (expressions) adjectif (latin politicus, du grec politikos, de polis, ville) Droits politiques, droits qu'a tout citoyen de participer à la vie politique en étant éligible ou électeur. Homme politique, personnalité qui joue un rôle dans les affaires publiques. (Le féminin femme politique est rare.) Prisonnier politique, auteur d'une infraction politique (par opposition à prisonnier de droit commun). Carte politique, carte représentant les pays et les régions en tant qu'États ou autres entités administratives. Géographie politique, synonyme de géopolitique. Philosophie politique, étude des diverses formes d'exercice du pouvoir et d'organisation des sociétés, en vue d'établir leur valeur respective. Science politique, analyse et étude du pouvoir politique (science du pouvoir) et des institutions (science de l'État). Sociologie politique, étude des différents pouvoirs qui sont à l'œuvre au sein des sociétés, de leur nature, de leur visée et des modalités de leur exercice. ● politique (synonymes) adjectif (latin politicus, du grec politikos, de polis, ville) Se dit d'une manière d'agir avec autrui habile, judicieuse, diplomate...
Synonymes :
Géographie politique
Synonymes :
- géopolitique
● politique
nom
Homme politique.
Prisonnier politique.
● politique
nom masculin
Ce qui relève de l'exercice du pouvoir dans l'État : Le politique et le social.
● politique
nom féminin
Ensemble des options prises collectivement ou individuellement par les gouvernants d'un État dans quelque domaine que s'exerce leur autorité (domaine législatif, économique ou social, relations extérieures) : La politique économique de la France.
Méthode particulière de gouvernement, manière de gouverner : Politique libérale, autoritaire.
Moyens mis en œuvre dans certains domaines par le gouvernement : Politique de l'emploi, des prix.
Manière concertée d'agir, de conduire une affaire : La politique commerciale de la maison.
Manière prudente, fine, avisée d'agir : Ménager quelqu'un par pure politique.
● politique (citations)
nom
Honoré de Balzac
Tours 1799-Paris 1850
Un grand politique doit être un scélérat abstrait, sans quoi les sociétés sont mal menées.
La Maison Nucingen
Honoré de Balzac
Tours 1799-Paris 1850
Un enfant est un grand politique dont on se rend maître comme du grand politique… par ses passions.
Mémoires de deux jeunes mariées
Pierre Corneille
Rouen 1606-Paris 1684
Père dénaturé, malheureux politique !
Polyeucte, V, 6, Sévère
Claude Adrien Helvétius
Paris 1715-Paris 1771
L'art du politique est de faire en sorte qu'il soit de l'intérêt de chacun d'être vertueux.
Notes, maximes et pensées
Henri Lacordaire
Recey-sur-Ource, Côte-d'Or, 1802-Sorèze 1861
Académie française, 1860
Quelle pitié que les politiques […] qui se croient assez forts pour gouverner le monde avec des écus de cinq francs et des gendarmes !
Lettres, à Mme de la Tour du Pin
André Malraux
Paris 1901-Créteil 1976
Le mépris des hommes est fréquent chez les politiques, mais confidentiel.
Le Temps du mépris
Gallimard
Jean Paulhan
Nîmes 1884-Neuilly-sur-Seine 1968
Académie française, 1963
Tout ce que je demande aux Politiques, c'est qu'ils se contentent de changer le monde sans changer la vérité.
De la paille et du grain
Gallimard
François Marie Arouet, dit Voltaire
Paris 1694-Paris 1778
Il n'y a point de grand conquérant qui ne soit grand politique.
Essai sur les mœurs, De l'Orient et de Gengis-Kan
● politique (synonymes)
nom
Homme politique.
Synonymes :
- homme d'État
● politique (citations)
nom masculin
Emmanuel Mounier
Grenoble 1905-Châtenay-Malabry 1950
Le spirituel commande le politique et l'économique. L'esprit doit garder l'initiative et la maîtrise de ses buts, qui vont à l'homme par-dessus l'homme et non pas au bien-être.
Refaire la Renaissance, in revue Esprit n° 1
● politique (citations)
nom féminin
Jean Anouilh
Bordeaux 1910-Lausanne 1987
Rien n'est irréparable en politique.
L'Alouette, Warwick
La Table Ronde
Claude Aveline
Paris 1901-Paris 1992
C'est une mission de l'intellectuel que d'empêcher la métamorphose d'un moyen politique en article de foi, en mythe.
Les Devoirs de l'esprit
Grasset
André Chamson
Nîmes 1900-Paris 1983
Académie française, 1956
Toutes nos pensées touchent à la politique.
La Galère
Gallimard
François René, vicomte de Chateaubriand
Saint-Malo 1768-Paris 1848
Presque toujours, en politique, le résultat est contraire à la prévision.
Mémoires d'outre-tombe
Philippe, marquis de Chennevières-Pointel
Falaise 1820-Paris 1899
La politique, si elle n'est le rêve des génies, est d'ordinaire la causette des imbéciles.
Contes normands
Auguste Comte
Montpellier 1798-Paris 1857
La saine politique ne saurait avoir pour objet de faire marcher l'espèce humaine, qui se meut par une impulsion propre, suivant une loi aussi nécessaire, quoique plus modifiable, que celle de la gravitation. Mais elle a pour but de faciliter sa marche en l'éclairant.
Plan des travaux scientifiques nécessaires pour réorganiser la société
Georges Adrien, dit Georges Darien
Paris 1862-Paris 1921
La seule politique que veuille la France, c'est une politique incolore, insipide, flasque ; elle est prête à payer n'importe quoi pour avoir cette politique-là ; et elle paye, et elle l'a.
La Belle France
Stock
Joseph Fiévée
Paris 1769-Paris 1839
La politique n'étant qu'un enchaînement de conséquences, toute vérité isolée devient un mensonge dans l'ordre social.
Correspondance et relations avec Bonaparte
abbé Ferdinando Galiani
Chieti 1728-Naples 1787
L'éducation publique pousse à la démocratie, l'éducation particulière mène droit au despotisme.
Lettre à Mme d'Épinay
Charles de Gaulle
Lille 1890-Colombey-les-Deux-Églises 1970
La politique la plus coûteuse, la plus ruineuse, c'est d'être petit […].
Allocution prononcée au Champ-d'Arbaud, à Basse-Terre, 20 mars 1964, Discours et messages. Pour l'effort (1962-1965)
Plon
Joseph Joubert
Montignac, Corrèze, 1754-Villeneuve-sur-Yonne 1824
En politique, il faut toujours laisser un os à ronger aux frondeurs.
Carnets
Jean de La Bruyère
Paris 1645-Versailles 1696
Ne songer qu'à soi et au présent, source d'erreur dans la politique.
Les Caractères, Des jugements
Louis XIV, roi de France
Saint-Germain-en-Laye 1638-Versailles 1715
Tout l'art de la politique est de se servir des conjonctures.
Mémoires
André Malraux
Paris 1901-Créteil 1976
On ne fait pas de politique avec de la morale, mais on n'en fait pas davantage sans.
L'Espoir
Gallimard
Charles Maurras
Martigues 1868-Saint-Symphorien 1952
Académie française, 1938
Il faut s'attendre à tout en politique, où tout est permis, sauf de se laisser surprendre.
L'Action française, 22 février 1918
Charles Maurras
Martigues 1868-Saint-Symphorien 1952
Académie française, 1938
Une espérance collective ne peut […] pas être domptée. Chaque touffe tranchée reverdit plus forte et plus belle. Tout désespoir en politique est une sottise absolue.
L'Avenir de l'intelligence
Flammarion
Jules Michelet
Paris 1798-Hyères 1874
Quelle est la première partie de la politique ? L'éducation. La seconde ? L'éducation. Et la troisième ? L'éducation.
Le Peuple, Introduction
Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu
château de La Brède, près de Bordeaux, 1689-Paris 1755
Presque toutes les monarchies n'ont été fondées que sur l'ignorance des arts et n'ont été détruites que parce qu'on les a trop cultivés.
Lettres persanes
Henry Millon de Montherlant
Paris 1895-Paris 1972
Académie française, 1960
La politique est l'art de se servir des gens.
Carnets
Gallimard
Henry Millon de Montherlant
Paris 1895-Paris 1972
Académie française, 1960
La religion est la maladie honteuse de l'humanité. La politique en est le cancer.
Carnets
Gallimard
Napoléon Ier, empereur des Français
Ajaccio 1769-Sainte-Hélène 1821
La haute politique n'est que le bon sens appliqué aux grandes choses.
Cité par Las Cases dans le Mémorial de Sainte-Hélène
Jean Paulhan
Nîmes 1884-Neuilly-sur-Seine 1968
Académie française, 1963
La poésie (et la politique) sont, pour une part, une façon d'utiliser au mieux la folie.
Lettre à J. Debû-Bridel
Charles Péguy
Orléans 1873-Villeroy, Seine-et-Marne, 1914
Tout parti vit de sa mystique et meurt de sa politique.
Notre jeunesse
Gallimard
Pierre Joseph Proudhon
Besançon 1809-Paris 1865
La politique est la science de la liberté.
Qu'est-ce que la propriété ?
Jules Renard
Châlons, Mayenne, 1864-Paris 1910
Je ne m'occupe pas de politique.
— C'est comme si vous disiez : « Je ne m'occupe pas de la vie ».
Journal, 23 août 1905
Gallimard
Jules Romains, pseudonyme littéraire devenu ensuite le nom légal de Louis Farigoule
Saint-Julien-Chapteuil, Haute-Loire, 1885-Paris 1972
Académie française, 1946
Je crois que tu es dans le vrai en traitant la politique comme l'art d'arriver par n'importe quels moyens à une fin dont on ne se vante pas.
Les Hommes de bonne volonté, Province
Flammarion
Commentaire
C'est Jallez qui parle.
André Siegfried
Le Havre 1875-Paris 1959
Académie française, 1944
En politique, seuls savent s'arrêter ceux qui ne seraient pas partis.
Inédit
Grasset
André Siegfried
Le Havre 1875-Paris 1959
Académie française, 1944
En politique, il faut déjà beaucoup de culture pour se contenter d'explications simples.
Quelques maximes
J. Haumont
Henri Beyle, dit Stendhal
Grenoble 1783-Paris 1842
Dans tous les partis, plus un homme a d'esprit, moins il est de son parti.
Vie de Napoléon, Préface
Alexis Clérel de Tocqueville
Paris 1805-Cannes 1859
En politique, la communauté des haines fait presque toujours le fond des amitiés.
Souvenirs
Paul Valéry
Sète 1871-Paris 1945
Politique de la vie.
Le réel est toujours dans l'opposition.
Mauvaises Pensées et autres
Gallimard
Paul Valéry
Sète 1871-Paris 1945
Si l'État est fort, il nous écrase. S'il est faible nous périssons.
Regards sur le monde actuel, Fluctuations sur la liberté
Gallimard
Paul Valéry
Sète 1871-Paris 1945
La politique est l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde.
Rhumbs
Gallimard
François Marie Arouet, dit Voltaire
Paris 1694-Paris 1778
La politique a sa source dans la perversité plus que dans la grandeur de l'esprit humain.
Le Sottisier
Démosthène
Athènes 384-Calaurie 322 avant J.-C.
Il faut que les principes d'une politique soient faits de justice et de vérité.
Olynthiennes, II, 10 (traduction M. Croiset)
Otto, prince von Bismarck ou, plus précisément, von Bismarck-Schönhausen
Schönhausen 1815-Friedrichsruh 1898
La politique n'est pas une science exacte.
Die Politik ist keine exakte Wissenschaft.
Commentaire
C'était une des expressions favorites de Bismarck, qui l'employa souvent avec des variantes, comme dans ce discours de 1884 où il affirmait : « La politique n'est pas une science comme se l'imaginent beaucoup de professeurs, mais un art. »
Joseph Dominique, baron Louis
Toul 1755-Bry-sur-Marne 1837
Faites-nous de bonne politique et je vous ferai de bonnes finances.
Commentaire
L'origine de cette sage maxime se trouve dans les Mémoires de François Guizot. C'est le baron Louis, ministre des Finances sous la Restauration, puis sous la monarchie de Juillet, qui l'avait dite à Guizot au cours d'un conseil des ministres en 1830.
Ambrose Gwinnet Bierce
Meigs County, Ohio, 1842-Mexico 1914
Opposition. En politique, le parti qui empêche le gouvernement de s'emballer en lui coupant les jarrets.
Opposition. In politics the party that prevents the Government from running amuck by hamstringing it.
The Devil's Dictionary
Mao Zedong, Mao Tsö-tong ou Mao Tsé-toung
Shaoshan, Hunan, 1893-Pékin 1976
La politique est une guerre sans effusion de sang, et la guerre une politique avec effusion de sang.
Citations du président Mao Tsé-Toung, V
George Meredith
Portsmouth 1828-Box Hill 1909
En art, comme en politique, les imbéciles sont un obstacle plus gênant que les morts : on a plus de peine à se frayer un chemin à travers leurs rangs.
The brainless in Art and in Statecraft are nothing but a little more obstructive than the dead. It is less easy to cut a way through them.
Les Comédiens tragiques, IV
John Stuart Mill
Pentonville, Londres, 1806-Avignon 1873
Un parti d'ordre ou de stabilité et un parti de progrès ou de réforme sont, tous deux, des éléments nécessaires d'une saine condition de vie politique.
A party of order or stability and a party of progress or reform are both necessary elements of a healthy state of political life.
Sur la liberté, 2
Richard Brinsley Butler Sheridan
Dublin 1751-Londres 1816
La conscience n'a pas plus à faire avec la galanterie qu'avec la politique.
Conscience has no more to do with gallantry than it has with politics.
La Duègne
Robert Louis Balfour Stevenson
Édimbourg 1850-Vailima, près d'Apia, îles Samoa, 1894
La politique est peut-être la seule profession pour laquelle nulle préparation n'est jugée nécessaire.
Politics is perhaps the only profession for which no preparation is thought necessary.
Études familières sur les hommes et les livres
● politique (expressions)
nom féminin
Faire de la politique, suivre une carrière politique ; exprimer ses opinions sur le pouvoir et son exercice.
● politique (synonymes)
nom féminin
Manière prudente, fine, avisée d'agir
Synonymes :
- calcul
- stratégie
- tactique
politique
adj. et n.
rI./r adj.
d1./d Relatif au gouvernement d'un état. Institutions politiques.
|| Relatif aux relations mutuelles des divers états. Frontières politiques.
d2./d Qui a rapport aux affaires publiques d'un état. Homme politique. Milieu, monde politique.
d3./d Relatif à une manière de gouverner, à une théorie de l'organisation d'un état. Parti politique. Doctrines, opinions politiques.
d4./d Qui montre une prudence calculée. Une conduite très politique.
rII./r n. f.
d1./d Science ou art de gouverner un état; conduite des affaires publiques. Traité de politique. Faire de la politique.
d2./d Ensemble des affaires publiques d'un état, des événements les concernant et des luttes des partis.
d3./d Manière de gouverner. Politique sage, prévoyante. Politique de gauche, de droite. Politique de développement, de l'environnement.
— Par ext. Manière de mener une affaire.
d4./d Fig. Conduite calculée pour atteindre un but précis. Il s'est incliné par pure politique.
rIII/r n. m.
d1./d Personne qui s'applique à la connaissance des affaires publiques, du gouvernement des états. Talleyrand fut un grand politique.
d2./d (Rare au fém.) Fig. Personne habile, avisée. Un fin politique.
I.
⇒POLITIQUE1, adj. et subst.
I.— Adjectif
A.— Relatif à l'État.
1. Vx. Qui a rapport à la société organisée. Il les a vues [les âmes des justes], formant, de leurs splendeurs groupées ensemble, ces mots écrits en lettres de feu, comme la loi fondamentale des cités politiques :Diligite justitiam, qui judicatis terram (OZANAM, Philos. Dante, 1838, p. 183) :
• 1. ... l'information a pour nature et pour objet de faire participer l'individu à la vie sociale par la connaissance, afin de lui permettre d'y participer de manière plus lucide et plus consciente par l'action : à cet égard, elle est essentiellement « politique », au sens plein du mot — l'homme est un « animal politique » — que son contenu soit politique stricto sensu, économique, religieux, scientifique, etc..., ou purement « événementiel » (faits « divers » de tous ordres).
SALLERON, Comment informer, 1965, p. 10.
♦ Animal politique. Condorcet ou Saint-Simon, écrivant aujourd'hui sur le sujet qui occupait Platon dans sa République, prendraient pour fanal, non pas le principe que l'homme est purement un être raisonnable et sociable, ou, comme disaient les anciens, un animal politique, mais le principe que l'homme est perfectible, et que la société humaine est perfectible (P. LEROUX, Humanité, 1840, p. 151). Que veut dire « l'homme est un animal politique »? Cela signifie que l'homme ne peut vivre qu'en société, par conséquent que l'autonomie de la volonté est soumise à des lois sociales (SCELLE, Fédéralisme eur., 1952, p. 2). V. supra ex. 1.
♦ Arithmétiquepolitique. Arithméticien politique. Spécialiste d'arithmétique politique. En France, le meilleur « arithméticien politique » est, sans doute, Lavoisier qui évalue le revenu national et compare la structure des consommations aux besoins de la population (Hist. sc., 1957, p. 1609).
— Économie politique (usuel). V. économie1 B.
2. Qui concerne chaque État considéré sur le plan administratif comme une entité souveraine. Cette méthode, suivie par mon maître P. Vidal de La Blache, est clairement exposée dans la préface de son atlas : « La carte politique du pays à étudier est accompagnée d'une carte physique... etc. » (BRUNHES, Géogr. hum., 1942, p. 11). Un simple coup d'œil sur les religions nous laisse entrevoir de profondes différences : leur lien peut être déterminé par la nature : famille, clan, tribu; ou par la géographie politique : village, cité, nation (Traité sociol., 1968, p. 80) :
• 2. Conflits ou rencontres pacifiques, l'effet de ces rapports a été de mettre en branle les forces vives de la géographie politique. Nulle contrée [celle correspondant à la Belgique] n'a subi plus de vicissitudes, plus d'attractions en sens contraire; n'a vu plus de remaniements territoriaux. Les frontières politiques n'ont pas cessé de varier.
VIDAL DE LA BL., Tabl. géogr. fr., 1908, p. 58.
B.— Relatif aux affaires de l'État et à leur conduite.
1. [Sans valeur de caractérisation] Aspect, caractère politique de qqc.
a) [Le déterminé évoque un élément du cadre institutionnel]
) [Le déterminé fait réf. à l'exercice du pouvoir] Direction, choix, fonction politique. La prérogative, usurpée par d'autres chefs inférieurs, de partager seuls l'autorité politique, et d'exercer les fonctions du gouvernement, comme celles de la magistrature (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p. 32). Sur le seuil de la carrière politique, j'avais peur de manquer de lumières et de prendre parti à l'aveugle (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 336) :
• 3. ... l'État n'est plus en mesure de remplir son rôle fonctionnel fondamental : être le centre dont émanent des décisions respectées par tous. D'abord les décisions politiques essentielles n'émanent plus de l'État : en 1956, il se soumet à la rue algéroise, puis aux initiatives de ses commis civils ou militaires.
BELORGEY, Gouvern. et admin. fr., 1967, p. 30.
SYNT. Expansion, hégémonie, pouvoir, responsabilité politique; mesure politique; accord, alliance politique; mandat, poste, représentation politique.
♦ [En parlant d'un agent] Qui exerce son action dans le domaine des affaires de l'État. Chef, commissaire, corps, instances, ministre, personnel, représentant politique(s). M. Hoskier n'était pas seulement un des financiers les plus estimés de la place de Paris, mais une personnalité politique (BARRÈS, Cahiers, t. 11, 1915, p. 123) :
• 4. ... lorsqu'on confie un pouvoir à une Assemblée politique, elle a tendance à l'interpréter politiquement. Ainsi, le Sénat de 1852 devait examiner essentiellement les lois du point de vue de leur constitutionnalité, ce qui est une appréciation juridique; mais le Sénat examina les lois du point de vue de leur opportunité, ce qui est une appréciation politique.
VEDEL, Dr. constit., 1949, p. 83.
Homme ou (plus rare) femme politique. N'affectez pas de me faire comprendre par ce haussement d'épaules votre dédain bien connu pour les femmes politiques! (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p. 101). Il indique et détaille spirituellement la recherche par les hommes politiques du militaire le plus bête dans l'armée pour en faire le ministre de la guerre, parce que les hommes politiques sentent qu'il arrive toujours un jour où ce ministre de la guerre a la tentation de chambarder les pékins, ses collègues (GONCOURT, Journal, 1894, p. 699). Un auteur britannique écrit que le diplomate doit combiner les talents de l'homme politique, sans l'avantage d'avoir affaire à des compatriotes, et de l'administration coloniale, sans celui de pouvoir recourir à la force (CHAZELLE, Diplom., 1962, p. 115).
— Qui régit la conduite des affaires de l'État. Organisation, structure politique; constitution, législation, loi politique. Notre régime politique sera dans mille ans universellement considéré comme plus monstrueux que l'esclavage (MAUROIS, Sil. Bramble, 1918, p. 34). Au nom de la démocratie, une autre transformation importante du système politique anglais [la limitation du pouvoir de la Chambre des Lords] venait d'être réalisée au début du XXe siècle (VEDEL, Dr. constit., 1949, p. 39).
) [Le déterminé fait réf. à une entité géogr. ou admin.] Considéré relativement à l'exercice d'un pouvoir souverain dans le domaine des affaires de l'État. Circonscription, collectivité, communauté, contrée, pays, région politique. Il ne s'agit pas non plus de plusieurs langues nettement séparées territorialement, mais comprises dans les limites d'un même état politique, comme c'est le cas en Suisse (SAUSS. 1916, p. 265). À mesure que la puissance politique s'y est formée et que s'y sont développées des relations commerciales, des villes, capitales politiques, sont nées soit sur les côtes, soit sur les promontoires formant acropoles (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 89).
♦ Indépendance, morcellement, stabilité politique; nationalisme, régionalisme politique; histoire politique d'une région. L'Allemagne comme l'Italie désire aujourd'hui l'unité politique (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 79). Rares sont les cantons qui, comme l'Andorre, ont pu par hasard garder une autonomie politique (VIDAL DE LA BL., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 356). Le conseil de l'Europe, destiné à coiffer toutes les autres organisations politiques, et que dans un avenir plus ou moins lointain on pourrait appeler essai de fédéralisme politique (SCELLE, Fédéralisme eur., 1952, p. 47).
) [Le déterminé fait réf. à la participation des citoyens] Émancipation, liberté politique; consultation politique. Ils n'ont jamais abjuré cette détestation de l'égalité politique conférée à tous et à chacun par le droit de suffrage, base inébranlable de la démocratie, cause efficiente et génératrice, perpétuellement génératrice de la république (GAMBETTA, 1877 ds Fondateurs 3e Républ., p. 285). Non seulement il y a une liste [électorale] et une seule dans chaque commune (à Paris dans chaque quartier), mais cette liste est valable pour toutes les élections politiques aussi bien à l'Assemblée Nationale qu'aux conseils généraux ou aux conseils municipaux (VEDEL, Dr. constit., 1949 p. 345).
Domicile politique. Domicile où le citoyen exerce ses droits politiques. Le domicile politique de tout Français est dans le département où il a son domicile réel (COURIER, Pamphlets pol., À Conseil préfect. Tours, 1820, p. 52).
Droits politiques. Droit de participer à la conduite des affaires de l'État. Déclarer que tels citoyens ne seront point actifs, ou dire qu'ils n'exerceront plus les droits politiques attachés au titre de citoyen, c'est exactement la même chose dans l'idiôme de ces subtils politiques (ROBESP., Discours, Marc d'argent, t. 7, 1791, p. 163) :
• 5. ... il ne peut pas y avoir de citoyenneté véritable s'il n'y a pas la conjonction de ce que nous appelons à la fois les droits civiques, sociaux, c'est-à-dire notre liberté d'agir, et les droits politiques, en dernier lieu, ou le droit d'influer directement sur la direction de la communauté ou des communautés successives auxquelles nous appartenons.
SCELLE, Fédéralisme eur., 1952 p. 16.
b) [Le déterminé évoque un élément de situation, une activité, un comportement]
) Actualité, climat, événement, facteur, vicissitudes politique(s). Chaque science donne à l'esprit de celui qui la cultive, une direction exclusive qui devient dangereuse dans les affaires politiques, à moins qu'elle ne soit contre-balancée (CONSTANT, Princ. pol., 1815, p. 61). Préoccupations visant à pousser aux regroupements nécessaires, à la clarification de la vie politique française (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 263) :
• 6. Ce changement [voter à nouveau pour le parti républicain], s'il se produit, modifiera la situation politique, mais il ne bouleversera aucune « loi » du comportement, puisque faute d'avoir étudié d'assez près les conditions dans lesquelles se produit la liaison appartenance à la race noire-vote démocrate, on n'est pas allé au delà de la simple constatation.
Traité sociol., 1968, p. 72.
SYNT. Agitation, appui, avantage, aventure, bouleversement, changement, circonstance, conditions, conflit, conjoncture, contexte, crise, difficulté, division, entente, équilibre, évolution, fait, intérêt, mœurs, mouvement, obstacle, pression, problème, réalité, révolution, rivalité, transformation politique(s).
Échiquier politique. La notion de classe sociale explique sans doute la sympathie des syndicats ouvriers pour les partis de gauche, la place éventuelle de ces organisations sur l'échiquier politique (REYNAUD, Syndic. en Fr., 1963, p. 27).
) Acte, action, comportement, conduite, intrigue, jeu, lutte, revendication, rôle politique. Honoré (...) avait fini par se résigner à cette plaie d'orgueil, lorsque, par un caprice du hasard, l'activité politique du vétérinaire remit toute l'affaire en question et lui donna un développement nouveau (AYMÉ, Jument, 1933, p. 41).
— Attentat, crime, délit politique. C'est aussi le type qui, à vingt ans, a descendu Hoederer au milieu de ses gardes du corps et s'est arrangé pour camoufler un assassinat politique en crime passionnel (SARTRE, Mains sales, 1948, 1er tabl., 3, p. 28).
♦ P. méton. Détenu, prisonnier politique. De quatorze à dix-huit ans elle a eu pour maîtres une série de réfugiés politiques, qui payaient ainsi en leçons les bienfaits reçus des parents (AMIEL, Journal, 1866, p. 194). La Haute Cour disparut, puis le tribunal du 17 août, en sorte que les procès politiques rentrèrent dans la compétence des tribunaux ordinaires (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p. 415). Police politique. V. police1 D.
Empl. subst., p. ell. Prisonnier politique. Tandis que le gardien refermait rageusement l'énorme verrou, les condamnés qu'il quittait se tordaient. Ils haïssaient les « politiques » (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 391). Je voudrais bien savoir combien il y a de détenus, combien sont des politiques, combien sur le nombre sont condamnés à vie (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 373).
— Ligne, tendance politique. La netteté de son attitude politique me fait sentir mes négligences comme les petites lâchetés supplémentaires dont un poltron prétentieux couvre son recul (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1936, p. 190).
Conservatisme, libéralisme, réalisme, réformisme politique. Ils savaient aussi que ces avantages ils pouvaient, en faisant appel à M. de Norpois, les recueillir sans avoir à craindre de celui-ci un manque de loyalisme politique contre lequel la naissance du marquis devait non pas les mettre en garde, mais les garantir (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 435). Les réactions contre le conformisme politique et social qui s'avérait de plus en plus rigide dans ces formations (Civilis. écr., 1939, p. 36-12).
— Aspiration, but, orientation, programme politique. L'annonce que Maurice Barrès prend la direction de LA COCARDE, qui me fait dire que la littérature n'a été qu'un moyen et qu'il a surtout une ambition politique (GONCOURT, Journal, 1894, p. 632). La sollicitation d'une aide monétaire est souvent le prélude à un engagement politique ou un facteur de son renforcement (MEYNAUD, Groupes pression Fr., 1958, p. 335).
— Jargon, langue politique. La constitution de 1946 a profondément altéré le sens d'un mot fondamental du vocabulaire politique et juridique français, le mot de citoyen (VEDEL, Dr. constit., 1949p. 340).
— [Le déterminé évoque une activité de l'esprit] Qui a pour objet le domaine des affaires de l'État et de leur conduite, qui traite de ce qui a rapport à ce domaine.
♦ Conception, conviction, école, éthique, idéal, idée, idéologie, pensée, théorie politique. Si mes opinions politiques me l'eussent permis, j'aurais accompagné Napoléon à Sainte-Hélène (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 224). Ainsi s'exprime Michelet, penseur politique en même temps qu'historien (LÉVI-STRAUSS, Anthropol. struct., 1958, p. 231) :
• 7. Tous deux, partisans d'un droit naturel individualiste, aboutissaient pourtant, après avoir transformé la société identifiée à l'État en un individu grossi projeté en dehors de la totalité concrète de ses membres, à des doctrines politiques opposées (absolutiste chez Hobbes, démocratico-libérale chez Spinoza), fondées sur leurs métaphysiques dogmatiques.
Traité sociol., 1967, p. 30.
♦ Appréciation, étude politique. L'analyse politique commettrait une grande faute si elle négligeait de tenir compte des différences individuelles (MEYNAUD, Groupes pression Fr., 1958 p. 17). Certains ont pu estimer que lorsque l'Assemblée, dans sa résolution d'Avril 1959 par exemple, ne porte pas seulement un jugement politique, mais suggère certaines mesures, elle interfère dans ce pouvoir réglementaire (GINESTET, Ass. parlem. eur., 1959, p. 46).
Institut d'études politiques. École supérieure où l'on étudie les faits politiques. C'est dans le cadre de l'enseignement public, sous la direction et le contrôle de l'État, que doivent être organisés demain les instituts d'études politiques, l'école nationale d'administration et le centre de hautes études administratives (Encyclop. éduc., 1960, p. 250).
Historien politique; philosophie, psychologie, sociologie politique :
• 8. L'histoire politique est presque suffoquée par le foisonnement des recherches concernant les histoires « spéciales », histoire économique et sociale, histoire des idées, des mentalités (...), histoire des sciences, de la philosophie, de la religion, de l'art...
MARROU, Connaiss. hist., 1954, p. 62.
Science politique. Synon. usuel politologie. Il voyait l'Europe et le monde selon l'histoire et la science politique et économique qu'il avait apprises dans la première moitié du XIXe siècle (VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 201).
Sciences politiques. Sciences qui étudient les faits politiques. P. méton. (abrév. fam. sciences-po). Établissement où s'enseignent ces sciences. Être à sciences po. Hélène Carrère d'Encausse (...) assure à Sciences Po le cours sur l'histoire de l'U.R.S.S. (Télé Poche, 22 janv. 1985, n° 989, p. 113).
Droit politique. Partie du droit qui envisage les institutions gouvernantes sous leur aspect juridique. Il y a le droit politique, plus ordinairement qualifié de constitutionnel, qui envisage sous leur aspect juridique les institutions gouvernantes (M. PRÉLOT, La Sc. pol., 1969 [1961], p. 45).
♦ Éducation politique. Il allait se dresser un plan d'études soigneux et il arriverait peut-être d'ici un an ou deux à avoir au moins un embryon de culture politique (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 226). Au quatrième rang, on devrait placer la connaissance politique, liée de préférence à l'entourage du chef charismatique, ainsi qu'à l'activité de scribes (Traité sociol., 1968, p. 128).
♦ Auteur, discussion, journal, littérature politique. Passons au roman politique. Celui-ci, comme l'épopée, s'attache à de grands intérêts, peint les mœurs des nations, fait agir de grands hommes, et au lieu des vertus privées, enseigne les vertus publiques (MARMONTEL, Essai sur rom., 1799, p. 346). Richelieu (mort en 1642) avait écrit dans son testament politique qu'il fallait... « à un état bien réglé plus de maîtres ès arts mécaniques, que de maîtres ès arts libéraux » (Encyclop. éduc., 1960, p. 160) :
• 9. Chaque fois que nous essayons de dégager les idées encloses dans les mots bourgeoisie, culture, humanités, nation, révolution, paix, guerre, classes ou lutte de classes, nous constatons que ces mots n'adhèrent plus strictement aux faits. Les écrivains et les orateurs politiques le savent bien, qui s'étonnent de ne plus intéresser ni émouvoir avec les formules mêmes qui étaient comprises de tous, il y a quinze ans, et projetaient, alors, dans tous les esprits, des ramifications vivantes.
J.-R. BLOCH, Dest. du S., 1931, p. 190.
SYNT. Article, bulletin, chanson, chansonnier, débat, document, écrit, éloquence, essai, essayiste, hebdomadaire, journalisme, pamphlet, périodique, revue, théâtre politique.
) Adversaire, milieu, opposant politique. Ils ont aussi presque perdu la sympathie de leurs anciens amis politiques, parce que leur politique a dû nécessairement (être) et a été, en effet, autant qu'il a dépendu d'eux, conservatrice (GOBINEAU, Corresp. [avec Tocqueville], 1850, p. 116). Le régime électoral subsistant tel quel, le monde politique attendait avec anxiété le renouvellement qui remettrait en question, à la fin du printemps, les résultats du 18 fructidor (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p. 502).
— Classe politique. Ensemble des personnes qui s'occupent des affaires de l'État. Quand les Assemblées votèrent en faveur de la création d'une armée allemande, intégrée dans l'OTAN, ni dans la classe politique ni dans l'opinion publique le débat [sur la Communauté Européenne de Défense] ne se prolongea (R. ARON, Mém., 1983, p. 276).
— Association, cercle, faction, forces politique(s). Ma décision provoqua des remous au sein des petits groupes français qui, sous prétexte d'être politiques, s'agitaient plus ou moins en Grande-Bretagne et aux États-Unis (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 220). La prolifération des formations politiques entraînerait une sorte d'assimilation entre les plus faibles d'entre elles (MEYNAUD, Groupes pression Fr., 1958, p. 38).
♦ HIST. [Corresp. à infra II A 2 a] L'opinion modérée, celle qui avait en vain conseillé la tolérance et la paix, se souleva et fit sortir du sein de la France catholique, une faction sans esprit de secte, un troisième parti armé qui reçut le nom de politique et s'unit aux protestants pour soutenir, dans leur cause, la cause des droits humains et de la justice (THIERRY, Tiers État, 1853, p. 124). Le duc de Mayenne, encouragé par les ligueurs « politiques » qui, au fond, étaient les plus nombreux dans la population parisienne, brisa la faction des Seize dont quelques-uns furent pendus à leur tour (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 190).
♦ Parti politique. V. parti C 2 b. Sa voix trouvait des accents sublimes pour faire appel à tous les partis politiques : légitimistes, orléanistes, impérialistes, républicains, et à toutes les capacités, savants, ingénieurs, artistes, industriels, banquiers et poètes (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 515).
c) [Le déterminé évoque une faculté, un mode de comportement] Dont une personne fait preuve dans le domaine des affaires de l'État et de leur conduite. Art, audace, bon sens, courage, expérience, habileté, honnêteté, lâcheté, maturité, prudence, vertu politique. Ses talents politiques se firent si bien connaître que tous les partis le tenaient en haute estime (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 28). Comme si la conscience plus aiguë que prenait ainsi Orsenna dans les sommets de ses exigences profondes avait accumulé, avec cette quintessence de haute sagesse politique, une menace latente de dislocation (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 143). V. politicien ex. 2.
Esprit politique. Les artisans principaux sont au XVIe siècle : le génie politique d'Elisabeth, le sens liturgique et littéraire de Cranmer, la pensée théologique de Hooker ont imprimé à l'anglicanisme leur marque indélébile (Philos., Relig., 1957, p. 5-11).
2. [Avec valeur de caractérisation, souvent déterminé par un adv. intensif] Tourné vers les affaires de l'État et leur conduite, essentiellement déterminé par des critères touchant aux affaires de l'État et à leur conduite. J'ai causé une heure avec lui, d'abord de l'élection [à l'Académie], puis du sens général des élections académiques, auxquelles je reprochais d'être trop politiques (VIGNY, Journal poète, 1863, p. 1170) :
• 10. — J'ai cru comprendre que Ricarda était mieux introduit à l'Intérieur qu'à la Guerre. — Oui, c'est ce qu'il m'a dit. — À l'Intérieur, ils sont plus politiques. Ils suivent de plus près les événements.
ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 187.
— Qui est compétent, qui s'y connaît en matière de conduite des affaires de l'État. Encore une fois, la guerre d'Espagne de 1823 m'appartient en grande partie; je ne crains pas d'assurer que les esprits politiques m'en feront un mérite, comme homme d'État, dans l'avenir (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 139) :
• 11. ... le nouveau sultan d'Égypte comptait parmi les esprits les plus politiques et les plus libéraux de cette glorieuse dynastie kurde, politique autant que son père El-Adil qui avait failli devenir le beau-frère de Richard Cœur de Lion, libéral et généreux autant que son oncle, le grand Saladin.
GROUSSET, Croisades, 1939, p. 302.
C.— P. méton. Qui fait preuve d'habileté, qui est avisé dans ses rapports avec autrui, en vue d'atteindre un certain but.
1. [En parlant d'une pers.] Pour un prêtre érudit, courtois, politique, qu'est-ce que le diable, je vous demande? À peine ose-t-on le nommer sans rire (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 257) :
• 12. En ce moment, la ville de Saumur était plus émue du dîner offert par Grandet aux Cruchot qu'elle ne l'avait été la veille par la vente de sa récolte qui constituait un crime de haute trahison envers le vignoble. Si le politique vigneron eût donné son dîner dans la même pensée qui coûta la queue au chien d'Alcibiade, il aurait été peut-être un grand homme; mais trop supérieur à une ville de laquelle il se jouait sans cesse, il ne faisait aucun cas de Saumur.
BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 132.
— Empl. subst. De plus politiques n'auraient point fait à l'avance une pareille condition de nature repoussante au puissant allié qui s'offrait (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 125). Oh! Pardonnez, Elzéar, c'est eux qui parlent de la sorte; des politiques, des calculateurs. Moi, femme, je ne juge pas si vite (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 184).
2. [En parlant d'un comportement] Louise avait présentes à la mémoire les paroles sages et politiques que du Châtelet lui avait dites sur Lucien en revenant du Vaudeville (BALZAC, Illus. perdues, 1839, p. 190).
♦ Il est politique de + inf. Il serait politique d'embellir les grandes familles, en forçant leurs héritiers à n'épouser que de belles femmes (JOUBERT, Pensées, t. 1, 1824, p. 425). Elle crut politique de se tenir à l'écart, ne voulant, disait-elle, feindre d'approuver par sa présence une union monstrueuse (MAURIAC, Baiser Lépreux, 1922, p. 172). Léopold jugeait politique de ménager la Prusse (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p. 224).
II.— Substantif
A.— gén. masc., au sing. ou au plur.
1. Personne qui s'occupe de la conduite des affaires de l'État :
• 13. Combien de politiques, spéculatifs ou pratiques, ont vu les choses humaines comme Machiavel et comme Hobbes, parce qu'ils voyaient l'homme psychologique à travers le même verre qu'eux! Voilà Rousseau à son tour, le politique du sentiment. Il sent dans son cœur que l'homme est né libre ou doit être libre, et il le voit partout dans les fers. Il veut chercher s'il n'y a pas quelque forme d'administration légitime, c'est-à-dire propre à restituer cette liberté naturelle de l'homme.
P. LEROUX, Humanité, 1840, p. 131.
a) Vx. Personne qui possède l'art de conduire les affaires de l'État, la science du gouvernement. Tacite et Machiavel, les plus grands politiques qui aient jamais existé (DESMOULINS ds Vx Cordelier, 1793-94, p. 48).
b) [Souvent avec nuance iron.] Personne qui se prétend compétente en ce qui concerne la conduite des affaires de l'État et tout ce qui s'y rapporte. Ils font la paix! s'écrièrent les politiques du village (MÉRIMÉE, Colomba, 1840, p. 111). [Ma femme de chambre] tenait cette belle nouvelle des politiques de l'auberge (Mme DE CHATEAUBR., Mém. et lettres, 1847, p. 86) :
• 14. ... Plassans demeura tout surpris, le soir de l'élection, d'avoir eu une volonté si unanime (...). Les politiques du cercle du commerce se regardaient d'un air perplexe, en hommes que la victoire confond.
ZOLA, Conquête Plassans, 1874, p. 1153.
c) Usuel. Personne qui joue un rôle actif dans la conduite des affaires de l'État. Faire entendre les protestations généreuses dont les politiques autrefois faisaient leur gloire (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 114). Les politiques savent que leur fonction est de comprendre toutes les sociétés organisées dans un état (Philos., Relig., 1957, p. 44-11) :
• 15. Toute politique tend à traiter les hommes comme des choses (...). Le politique se représente ces unités comme des éléments arithmétiques puisqu'il se propose d'en disposer. Même l'intention sincère de laisser à ces individus le plus de liberté possible et de leur offrir à chacun quelque part du pouvoir, conduit à leur imposer, en quelque manière, ces avantages dont il arrive parfois qu'ils ne veulent guère, et parfois qu'ils pâtissent indirectement.
Arts et litt., 1936, p. 40-2.
[P. oppos. à une autre catégorie] Aussi Goethe dit-il dans sa pièce que les deux personnages qu'il met en contraste, le politique et le poëte, sont les deux moitiés d'un homme (STAËL, Allemagne, t. 3, 1810, p. 59). Comme dans tout dialogue entre le stratège et le politique, le stratège ne peut que faire valoir les limites de ses possibilités et recommander les formules qui lui paraissent les plus favorables, mais c'est le politique qui décide en fonction d'une gamme de données plus étendues (BEAUFRE, Dissuasion et strat., 1964, p. 200). De par la division du travail, les idéologues sont rarement les hommes d'action — les politiques — et d'ailleurs, ils constituent un groupe qui a ses intérêts et ses aspirations dans la classe, ou partiellement hors d'elle (Traité sociol., 1968, p. 367).
— [Avec qualificatif (surtout grand)] Fin, mauvais politique. Bonaparte ne rêva pas un duché du Rhin, comme l'avaient fait quelques politiques médiocres dans la longue lutte de la maison de France contre la maison d'Autriche (HUGO, Rhin, 1842, p. 123). Nous n'avons pas ce qu'ont eu les monarchies absolues, de grands politiques comme Richelieu, même comme Dubois, gouvernant l'État ou par la force ou par la ruse, et maîtres d'agir dans toute l'étendue de leurs desseins (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 381) :
• 16. Je ne dis rien d'un monde où les grands politiques parlent paix quand ils songent guerre; ordre quand ils songent massacre; et noblesse, dévouement ou chevalerie, quand il songent Dieu sait quoi.
PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p. 22.
♦ P. anal., au masc. ou au fém. Personne qui mène ses affaires avec les autres de telle ou telle manière. « Ma voix m'a bien servi, pensa M. Leuwen. Cela est juste de ton et expressif. » Mais M. Leuwen n'était pas fait, après tout, pour être un grand politique, un Talleyrand, un ambassadeur auprès de personnages graves (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 301). Ah! C'est un grand politique! Sa femme l'assure contre Don Camille et Don Camille l'assure contre moi (CLAUDEL, Soulier, 1944, 1re part., 2e journée, 6, p. 1016) :
• 17. Que je puisse agacer maman en me baignant ici... ne me serait jamais venu à l'idée... Et c'est vrai! Tu es comme tante Léo, une grande politique.
COCTEAU, Parents, 1938, II, 1, p. 228.
2. Personne dont l'action se situe essentiellement dans le domaine des affaires de l'État et de tout ce qui s'y rapporte.
a) HIST., gén. au plur. Membre d'un parti qui, à l'époque de la Ligue, prétendait ne s'occuper que des affaires de l'État et non de la question religieuse. La noblesse logée en divers quartiers de la ville étant égorgée avec les politiques et les suspects, on crieroit :vive la messe! tous les bons catholiques prendroient les armes, et le même jour les villes de la Ligue imiteroient Paris (CHATEAUBR., Ét. ou Disc. hist., t. 4, 1831, p. 309). Au dix-septième siècle la tentative de Saint-Cyran et des Arnauld fut un second acte, une reprise à un étage moindre, mais aussi suivie et prononcée, d'organisation religieuse pour la classe moyenne élevée, la classe parlementaire, celle qui, sous la Ligue, était plus ou moins du parti des politiques (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 16). Par Henri IV, l'homme aux deux religions, la France allait retrouver la paix intérieure. Par ce prince politique, l'heure des « politiques », l'heure du tiers parti, approchait (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 186).
b) Personne dont l'action se détermine en fonction de critères touchant à la conduite des affaires de l'État. Enfin, les « politiques », convaincus que notre cause était celle de la France et la servant de leur mieux, ne s'empêchaient pas cependant de penser à leur carrière, de manœuvrer pour se faire valoir suivant les normes de leur profession, de considérer l'avenir sous l'angle de l'élection, des fonctions, du pouvoir, qu'il pourrait un jour leur offrir (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 153) :
• 18. Seul, avec un petit groupe d'amis, Jaurès a fait entendre l'appel de générosité, a formulé l'argument de raison. Comme il est chef, on a haussé les épaules, et les « politiques » ont fait preuve d'indulgence en se bornant à empêcher le parti de se compromettre dans cette « sentimentalité ».
CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p. 261.
c) Partisan de négociations par opposition à une action armée (le plus souvent) ou motivée par des raisons catégorielles. Des chances de pourparlers existaient; pendant un court moment, du côté F.L.N., les « politiques » ont paru avoir le pas sur les militaires, ou du moins ceux-ci laissaient-ils le champ libre à ceux-là (MAURIAC, Nouv. Bloc-Notes, 1961, p. 18).
d) P. ell. Prisonnier politique. V. supra I B 1 b
B.— masc. sing. à valeur de neutre. Tout ce qui a trait à la conduite des affaires de l'État. La civilisation moderne semble bien se caractériser par un régime de séparation du politique et du religieux (Philos., Relig., 1957, p. 46-9). À la naissance des institutions révolutionnaires, le politique commande le technique (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 29). Il faut que l'homme fasse peu à peu le dur effort de comprendre que le social, le juridique et le politique sont dépendants de l'économique, c'est-à-dire des conditions matérielles de la vie en société (FOURASTIÉ, Gd espoir du XXe s., 1969, p. 325).
Prononc. et Orth. :[]. Att. ds Ac. dep. 1718. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. a) 1365 « propre à un bon gouvernement, bon, judicieux » (ORESME, Traictié de la première invention des monnoies, éd. L. Wolowski, p. XIII); b) ca 1485 « sage et adroit dans le gouvernement des hommes » (Viel Testament, XIX, 11543, éd. J. de Rothschild, t. 2, p. 117); 1636 Homme Politique, bien versé au fait de police (MONET); c) 1636 Homme Politique « homme s'accommodant à toutes occasions » (ibid.); 2. ca 1370 « qui concerne le gouvernement des hommes entre eux » (ORESME, Ethique, éd. A. D. Menut, p. 303, note 1); fin XIVe s. droit politique « lois qui règlent les formes du gouvernement » (E. DESCHAMPS, Chançons Royaulx ds Œuvres, éd. De Queux de Saint-Hilaire, t. 3, p. 184); 1615 (A. DE MONTCHRESTIEN, Traité de l'économie politique, v. éd. Th. Funck-Brentano, Paris, 1889); 1721 corps politique (MONTESQUIEU, Lettres persanes, t. 2, p. 107); 1734 chef politique (DUBOS, Hist. crit. monarchie fr., p. 463); 1734 journaux politiques (ID., ibid., p. 401); 1770 science politique (GALIANI, Dialogues, p. 279); 1789 droits politiques « droits du citoyen ou d'un ensemble de citoyens dans le gouvernement de leur pays » (SIEYÈS, Tiers état, p. 31); 1790 opinions politiques (STAËL, Lettres jeun., p. 399); 1815 délits politiques (CONSTANT, Princ. pol., p. 80); 1848 détenus politiques (CHATEAUBR., Mém., t. 3, p. 344). B. Subst. masc. 1. 1559 « sorte d'officier de police » (MARGUERITE DE NAVARRE, Heptameron, 44 ds HUG.), sens encore indiqué par HULSIUS 1602; 2. [vers 1568 d'apr. Trév.] 1589 « membre d'un parti prônant des solutions politiques au problème des conflits de religion » (P. DE L'ESTOILE in Mém. Soc. Hist. Paris, XXVII, 28 ds Fonds BARBIER); cf. 1933 les politiques « ceux qui mettent en avant les critères politiques ou prônent des solutions politiques » (LÉNINE, Que faire? [trad.], p. 510); 3. av. 1621 « homme qui s'occupe du gouvernement civil, qui exerce un pouvoir civil » (E. PASQUIER, Recherches de la France, éd. 1665, p. 872 ds IGLF); 4. 1656 « homme habile, compétent dans les affaires civiles » (PASCAL, Provinciales, XII ds Œuvres, éd. L. Lafuma, Seuil, 1963, p. 425); 5. 1678 « spécialiste de l'étude de la politique » (LA ROCHEFOUCAULD, Maximes, éd. J. Truchet, 7, p. 8); 6. 1858 « détenu politique » (MICHELET, Journal, p. 418); 7. 1927 « ce qui a trait au gouvernement des sociétés » (MARITAIN, Primauté spirit., p. 27). Empr. au lat. politicus, -a, -um « relatif au gouvernement des hommes », du gr. « de citoyen, qui concerne les citoyens, populaire, qui concerne l'État, public ».
II.
⇒POLITIQUE2, subst. fém.
A.— 1. Au sing. [Avec art. déf.] Art de conduire les affaires de l'État, science et pratique du gouvernement de l'État. Pascal (...) serait bien près d'entendre le droit comme Hobbes et la politique comme Machiavel (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 312). Rapprochement de la médecine et de la politique. En politique, il en est de même; les gouvernements systématiques sont renversés par des révolutions. Un gouvernement théorique ou expérimental, qui modifie ses idées à mesure que les faits se présentent, n'aura plus de révolution (Cl. BERNARD, Princ. méd. exp., 1878, p. 116) :
• 1. J'ai assez étudié, dit le seigneur du village, tous les livres qui traitent de la politique; j'ai lu les mémoires de mon bisaïeul, qui était un homme de sens; sans compter tous vos journaux. Je tiens pour le pouvoir absolu, parce que c'est selon moi le plus faible, le plus doux, le plus facile, le moins exigeant des pouvoirs.
ALAIN, Propos, 1924, p. 596.
♦ [Dans ses rapports avec la mor.] Quant à la politique, la vie morale de chaque homme était tellement liée, pour lui [Platon], à la vie civile, qu'il dit que celui qui, à l'aide de la philosophie, s'est maintenu pur de l'injustice et de l'impiété, n'est cependant pas arrivé au plus haut degré, s'il n'a pu vivre dans un État bien constitué (P. LEROUX, Humanité, 1840, p. 63). Les philosophes du XVe siècle sont des moralistes préoccupés de définir les règles individuelles de la conduite humaine dans ses rapports avec la politique (Hist. sc., 1957, p. 1632) :
• 2. Ce qu'ils appellent morale, c'est uniquement, exclusivement, la morale individuelle, celle qui règle les relations privées de personne à personne. Et ils s'imaginent que nous prétendons réduire la politique à la morale ainsi entendue, ce qui serait évidemment vider la politique de son contenu propre. Non, nous ne disons pas, et personne, je crois, n'a jamais eu la naïveté de dire que la politique se réduit à la morale individuelle ou n'est qu'une application de celle-ci...
MARITAIN, Human. intégr., 1936, p. 230.
— Étude, connaissance des phénomènes relatifs à la conduite des affaires de l'État. L'éducation était chez les Grecs une partie importante de la politique (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p. 59) :
• 3. L'ouvrage que M. Littré a publié en 1879 sous ce titre : Conservation, révolution et positivisme est rempli des méprises que la doctrine positiviste lui a fait commettre en politique et en sociologie. Pourquoi en serait-on surpris? La politique et la sociologie sont des sciences où la preuve est trop difficile à donner.
PASTEUR ds Travaux, 1882, p. 430.
— [Avec déterm. (adj. ou de + subst. ou équivalent) désignant une pers.] Conception ou théorie concernant la conduite des affaires de l'État :
• 4. À la différence de Platon qui procède par construction, Aristote base sa politique sur l'expérience. Dans un écrit malheureusement perdu on a vu qu'il avait étudié les constitutions de divers États grecs. Pourtant il partage avec Platon les préjugés communs à toute l'antiquité. Platon et Aristote confondent en effet la politique et la morale. Pour eux d'abord la politique est une science pratique qui consiste à rendre les hommes vertueux et heureux. C'est la science de l'éducation par l'État.
A. BARRE, Aristote, Paris, Méricant, s.d., p. 38.
P. méton. [Avec majuscule] Je pioche le plan de ma Politique (FLAUB., Corresp., 1878, p. 98). La diversité des cités, écrit saint Thomas dans son commentaire sur la Politique [d'Aristote], provient de la diversité des fins, ou de manières différentes de tendre à une même fin (MARITAIN, Human. intégr., 1936 p. 150).
2. Au sing. ou au plur. [Avec art. déf. ou indéf.]
a) Conduite effective des affaires publiques, menée, suivant certains principes, par les gouvernants d'un État. Politique actuelle, à court/long terme; choix, efficacité, principes, responsable d'une/de la politique; adopter, orienter, suivre une/la politique; changer de politique. On peut (...) définir le gouvernement comme l'organe qui est chargé d'appliquer le droit positif en vigueur et d'élaborer et conduire la politique de la nation dans des conditions de relations avec l'organe délibératif et de partage des facultés de décision qui varient selon la nature du régime (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 19).
SYNT. Politique du jour, à suivre; adoption, application, conduite, continuation, définition, élaboration, exécution, lignes, mise en œuvre d'une politique; appliquer, avoir, coordonner, diriger, mener, pratiquer une politique.
— [Avec déterm. évoquant l'agent d'application]
♦ [Déterm. adj. ou de + subst.] Politique alliée, bismarckienne, soviétique; politique de la France, d'un gouvernement. Il est évident que ces trois actes de la politique de Bonaparte, la paix, le concordat, le consulat à vie, sont les trois aspects d'une même pensée, d'une volonté toute personnelle (SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 2). En plein XXe siècle l'Otan est une phase de cette lutte (qui dure depuis la politique de Richelieu contre la maison d'Autriche) pour l'équilibre international (SIBERT, O.T.A.N., 1956, p. 16) :
• 5. La manière dont procédera la politique britannique à propos de la Syrie sera un critérium d'une très grande importance. C'est la première fois que les forces britanniques, unies à celles de la France libre, pénètrent sur un territoire soumis à l'autorité de la France. Il se trouve, en outre, que les tendances de la politique britannique y ont rarement coïncidé avec les tendances de la politique française.
DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 432.
SYNT. Politique allemande, américaine, espagnole, européenne, gouvernementale, occidentale; politique de l'Angleterre, de l'Europe, des grandes puissances, d'un ministre, d'un pays, du président.
♦ [Déterm. subst. en appos.] Quand on la suppose fondée sur le réel, au lieu de poser sur des imaginations, la politique Delcassé réalise le bon sens même (MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p. 218). Mais c'est Paris, quand même, qui a permis au petit mécanicien [René Monory] devenu chef d'entreprise prospère, au maire devenu sénateur, à l'obscur notable devenu ministre de faire mettre en œuvre, grâce au soutien de Barre, la « politique Monory » (L'Express, 16 juill. 1980, p. 44, col. 2).
— [Avec déterm. adj. ou de + subst. évoquant la manière particulière de mener une politique] Politique astucieuse, conventionnelle, évasive, incohérente, inflationniste, opportuniste, pragmatique, réaliste; politique en accordéon, de l'escarpolette. Sa propension [de Spears] à mener une politique personnelle entre celle de son gouvernement et celle de l'autorité auprès de laquelle il se trouve en mission (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954 p. 590). La politique des « petits pas », brillamment mise en œuvre par M. Henry Kissinger au lendemain de la guerre d'octobre 1973, a fait son temps. Elle a permis d'éviter une reprise des hostilités et de rétablir une solide influence américaine sur le monde arabe, mais elle s'est dangereusement enlisée (L'Express, 18 juill. 1977, p. 38, col. 2). Politique de la « chaise vide ». Le Général De Gaulle avait choisi de pratiquer — notamment à Genève — la politique de la « chaise vide ». Son objectif : signifier ainsi bien haut aux deux Grands (le Russe et l'Américain) que la France n'entendait pas (...) se voir imposer une politique de défense contraire à ses intérêts (Le Point, 8 mai 1978, p. 68, col. 2).
♦ [Avec déterm. évoquant ce qui inspire la politique suivie (tendance, principe, idéologie)] Politique belliqueuse, centriste, contractuelle, écologique, idéaliste, libérale, néo-libérale, pacifiste, socialiste; politique proarabe, antinucléaire; politique du bâton, de droite, de gauche, du levier, de la main tendue; politique d'austérité, de grandeur, anti-hausse, extrémiste, jusqu'auboutiste, modérée. En cette année 1903, la politique anticléricale de Combes atteignit un rare degré de violence (BILLY, Introïbo, 1939, p. 104). V. politique1 I B 1 b ex. de Gobineau :
• 6. Il s'agit de se représenter l'homme de notre temps, et cette idée de l'homme dans le milieu probable où il vivra doit être d'abord établie. Elle doit résulter de l'observation précise, et non du sentiment et des préférences des uns et des autres, — de leurs espoirs politiques, notamment. Rien de plus coupable, de plus pernicieux et de plus décevant que la politique de parti en matière d'enseignement.
VALÉRY, Variété III, 1936, p. 275.
— [Avec déterm. évoquant le domaine où s'exerce la politique] Politique agricole, culturelle, générale, internationale, scientifique, touristique; politique de l'éducation, des prix, des transports. Le malheur des pays libres est de ne pouvoir presque jamais faire de la diplomatie au moyen des tarifs, les moindres changements introduits dans ceux-ci ayant immédiatement un contre-coup sur la politique intérieure (TOCQUEVILLE, Corresp. [avec Gobineau], 1850, p. 148). La coordination mondiale des politiques économiques s'est épuisée en rapports, en résolutions vaines, auxquelles aucun gouvernement n'a jamais prêté la moindre attention (Univers écon. et soc., 1960, p. 40-2). Un changement radical des pratiques actuelles de l'urbanisme s'impose, dont les exigences se combinent avec celles de la politique du logement (Univers écon. et soc., 1960 p. 26-1).
SYNT. Politique aéronautique, budgétaire, coloniale, commerciale, commune, douanière, énergétique, étrangère, extérieure, financière, fiscale, foncière, forestière, industrielle, laitière, locale, militaire, monétaire, mondiale, nataliste, nationale, régionale, sociale, tarifaire; politique du crédit, de la fonction publique, du pétrole, des revenus, des salaires, de la santé; politique de l'environnement, des loisirs, du temps libre.
[Déterm. adj. évoquant un pays qui est l'objet de la politique] La politique russe de Poincaré est effarante (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 138). L'armée constituait le fer de lance de la politique algérienne du pouvoir (Serv. milit. et réf. arm., 1963, p. 45).
— [Avec déterm. de + subst. évoquant le but visé, l'orientation] Politique d'aide à la famille, de croissance, de décentralisation, de développement, de désarmement, de dissuasion, d'expansion, de paix, de plein emploi, de reboisement. Du jour où vous êtes entré dans la politique d'action au dehors (CLEMENCEAU, 1884 ds Fondateurs 3e Républ., p. 224). Pour que la politique de réformes soit possible, pour qu'elle soit efficace, pour qu'elle inspire confiance au peuple allemand, il faudra que le parti socialiste contribue à la diriger (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p. 57) :
• 7. La politique des nationalisations aboutit donc à mettre entre les mains des gouvernements un puissant moyen d'agir sur l'ensemble de l'économie. Encore faut-il que ce levier, qui peut soulever un monde, soit manié par un pouvoir habile et ferme en ses desseins.
CHENOT, Entr. national., 1956, p. 31.
b) P. anal. Ligne de conduite raisonnée, en particulier d'une entreprise, d'une institution.
— [Sans qualificatif, mais avec déterm. adj. ou de + subst.]
♦ [Avec déterm. évoquant l'agent] Politique des éditeurs, des employeurs, d'un syndicat. Venons à la politique de la compagnie [l'Académie royale des sciences] (MARAT, Pamphlets, Charlatans mod., 1791, p. 289). La famille Cruchot, dont la politique était sagement dirigée par le vieil abbé (BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 228). La promotion peut être l'objet d'une politique de l'usine (Traité sociol., 1967, p. 457).
[Avec déterm. à valeur de caractérisation] Politique de facilité, du moindre effort. J'écoute leur effet [des objets sonores] au micro. Politique d'autruche, puisque le micro ne donne que le son brut avec quelques effets secondaires, et que, qualitativement, il n'ajoute rien (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p. 14) :
• 8. ÉVA : Quoi! Cela ne vous séduirait pas d'embrouiller si bien les gobelets de ce saltimbanque, qu'il ne se retrouvât plus dans ses muscades? Mais ce serait joli, ça, ce serait piquant, ce serait drôle! LE PRINCE : Très-drôle!... Mais politique de femme. ÉVA : Pas si sotte... Ne jamais aborder l'obstacle, mais le tourner!...
SARDOU, Rabagas, 1872, I, 14, p. 43.
♦ [Avec déterm. définissant le domaine] Si je commençais de jeter les dés sur un papier, je n'amenais que les mots témoins de l'impuissance de la pensée : génie, mystère, profond..., (...). J'avais beau chercher à me leurrer, cette politique mentale était courte (VALÉRY, Variété [I], 1924, p. 188). Chaque tempérament appelle ainsi toute une politique de l'ambiance : alimentation, boisson, vêtement, habitation, hydrothérapie, luminosité, repos, etc. (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 185).
[Avec déterm. subst. en appos., avec ou sans trait d'union] [Le directeur de marketing] devra, en relation avec l'équipe de ventes : déterminer notre politique-clients (L'Express, 20 juin 1977, p. 138, col. 2). [Le Directeur des ventes] animera la force de ventes et il assistera, aux côtés de la Direction Générale, à l'élaboration de la politique commerciale et de la politique produit (L'Express, 11 sept. 1981, p. 165).
♦ [Avec déterm. définissant l'orientation] Politique de financement, d'investissements d'une entreprise; politique du silence. Degas, Gustave Moreau ont chéri la politique du mystère; plus ils se claquemuraient, cachaient leurs toiles, plus s'affermissait leur influence sur disciples et amateurs (BLANCHE, Modèles, 1928, p. 202) :
• 9. Cette vipère, ma vipère, dûment étranglée mais partout renaissante, je la brandis encore et je la brandirai toujours, quel que soit le nom qu'il te plaise de lui donner : haine, politique du pire, désespoir ou goût du malheur!
H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 276.
— [Avec qualificatif] Commencez-vous d'entrevoir qu'un mariage entre le fils Stamply et Mademoiselle de La Seiglière serait, de votre part, un acte de politique haute et profonde? (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 222). La passion était venue ainsi qu'il arrive, à force de la simuler, et l'adroite politique d'Émilia l'avait rapidement portée au comble (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 63).
Il est d'une (vieilli), de bonne/mauvaise politique de + inf. Il serait d'une bonne politique d'exiger d'un botaniste, d'un conchyologiste (...) et de tous les savans, de parcourir au moins une fois dans leur vie, et à un âge raisonnable, ces belles régions (BAUDRY DES LOZ., Voy. Louisiane, 1802, p. 154). Il serait, à mon avis, d'une mauvaise politique pour nous de parler en exterminateurs (PROUDHON, 1846 ds Doc. hist. contemp., p. 237). Il est (...) de bonne politique pour le rédacteur d'une revue technique de ne point mêler la publicité à sa documentation (Civilis. écr., 1939, p. 32-15).
3. Au sing. [Gén. avec art. déf. ou partitif] Ensemble des affaires publiques, domaine d'action relatif à la conduite des affaires de l'État. Être attiré par la politique, s'occuper de politique. La politique est au calme plat (FLAUB., Corresp., 1869, p. 27). La politique, c'est insupportable! À l'heure qu'il est, elle s'est emparée des plus réfractaires et on la sent toute prête à apporter la brouille dans les relations les plus intimes (GONCOURT, Journal, 1877, p. 1202) :
• 10. Lire un article de politique, écouter les informations à la radio, ce n'est pas s'engager dans une activité politique. Ce type de conduite est symbolique et d'une signification incertaine : il peut être le prélude à un engagement réel ou n'en représenter que le substitut, l'intérêt accordé à la politique constituant alors un simple jeu de l'esprit.
DUMAZEDIER, RIPERT, Loisir et cult., 1966, p. 294.
Faire de la politique. Il ne fallait plus faire de politique, mais s'amuser, gaudrioler et jouir (GONCOURT, Journal, 1860, p. 775). Faire de la politique, soit, mais pourquoi en parler à tout bout de champ? (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 252).
Causer, discuter, parler (de) politique. Vous avez raison, il ne faut parler politique qu'avec les gens de son opinion... et encore! Le seul moyen de convertir quelqu'un est de savoir d'avance qu'il est de votre avis (FLAUB., Corresp., 1872, p. 69). S'il parle politique, c'est sans fracas, sans digressions prophétiques (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1936, p. 141). V. formule B 1 b ex. de Martin du Gard.
— P. méton.
♦ Carrière consacrée à tout ce qui concerne les affaires d'un État et leur conduite. Entreras-tu enfin dans la politique? Par le conseil général? C'est la bonne voie (LAMART., Corresp., 1834, p. 64). Quand j'eus huit, neuf, dix ans, mon père songea à la politique (COLETTE, Mais. Cl., 1922, p. 67).
Entrer, entrée en politique. (Fait de) se consacrer à une carrière politique. Au moment où ils sont entrés en politique, 41 pour cent des ministres faisaient carrière dans l'administration (Le Point, 16 août 1976, p. 20, col. 1).
♦ Ensemble des personnes qui s'occupent de tout ce qui concerne les affaires d'un État. Aussi, de phrase en phrase, Dauriat grandissait-il dans l'esprit de Lucien, qui voyait la politique et la littérature convergeant dans cette boutique (BALZAC, Illus. perdues, 1839, p. 301). La politique bien des fois a reculé devant la détestable échéance [un conflit armé], qu'elle sait cependant devoir être la conséquence la plus probable de son activité fatale et de la naïve bestialité de ses mobiles (VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 65).
B.— P. méton., au sing. Habileté manifestée dans les rapports avec les autres et qui consiste essentiellement à amener autrui à faire ce que l'on désire, sans pour autant dévoiler ses propres intentions. Je suis effrayé du peu d'affection qu'on lui porte [à Feydeau] et je passe ma vie à le défendre; or, j'ai fort à faire, car il manque entièrement de politique (FLAUB., Corresp., 1860, p. 369). Charles d'Este (...) avait mis sa politique à entretenir sournoisement les inimitiés de ses familiers (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 70) :
• 11. ISOTTA : Certes, la promptitude de votre volte est une merveille de politique. Mais chacun sait que, pour la souplesse et l'audace, le Saint-Siège et Venise, il n'y a qu'eux. Et comme vous êtes, Très-Saint-Père, à la fois pape et Vénitien... LE PAPE : J'ai agi par politique, mais aussi par générosité, et j'ai poussé à l'extrême cette générosité.
MONTHERL., Malatesta, 1946, III, 5, p. 498.
♦ Par politique. Par calcul intéressé. Mon père a bien raison de dire qu'on est bien peu généreux à leur égard, et que leur fidélité et leur courage devraient leur attirer, ne fût-ce que par politique, les bienfaits, ou du moins la protection des souverains (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1558). V. supra ex. 11 :
• 12. Paul croyait s'être réussi une figure; en réalité, il s'était contenté de ne pas combattre ses défauts. Cette mauvaise herbe l'avait peu à peu envahi et il trouvait plus commode de faire penser qu'il agissait par politique alors que ce n'était que faiblesse. Prudent jusqu'à la lâcheté, il fréquentait divers milieux; il pensait qu'il faut avoir un pied partout.
RADIGUET, Bal, 1923, p. 24.
REM. 1. Politicisme, subst. masc., hapax. Théorie selon laquelle les événements et les transformations historiques sont dus essentiellement à la politique et à ses évolutions. Le politicisme transcendé. L'idée d'une rénovation chrétienne de l'ordre temporel s'oppose aussi à la conception politiciste qui est proprement la corruption de la politique elle-même (MARITAIN, Human. intégr., 1936, p. 228). 2. Politiciste, adj., hapax. Qui relève du politicisme ou lui est propre. V. politicisme ex. 3. Politico-, politiquo-, élém. formant, vieilli, rare. V. politiquomancie (s.v. -mancie B) et aussi : Politicomanie, subst. fém. Manie de la politique. [Je résolus] de ne remettre les pieds à Paris que quand hommes et femmes seront guéris de la politicomanie (PAIN, Nouv. tableaux de Paris, 1828, p. 249 ds QUEM. DDL t. 3). 4. -politique, élém. de compos. entrant dans la constr. de qq. subst. fém. où le 1er élém. est un préf. a) Anti-politique. Politique qui nie les principes reconnus d'une ou de la politique. — Vous arrivez à l'écologie par la politique. — Par l'anti-politique (Le Sauvage, 1er janv. 1978, p. 40, col. 2). b) Contre-politique. Politique dont les principes sont opposés à ceux d'une autre politique. Et voilà que, franchissant la frontière de la loi de 1948 qui bloque les loyers des logements anciens, Nora fait le procès de la politique menée en France depuis trente ans et propose une contre-politique non seulement pour l'habitat ancien mais pour l'ensemble du logement (Le Nouvel Observateur, 19 janv. 1976, p. 22, col. 1).
Prononc. et Orth. :[]. Att. ds Ac. dep. 1718. Étymol. et Hist. 1. Ca 1268 « science et pratique du gouvernement » (BRUNET LATIN, Trésor, éd. F. J. Carmody, I, 4. 5 et III, 1. 1); 2. a) 1640 « manière particulière de gouverner, principes d'action, conduite dans le domaine public » (CORNEILLE, Cinna, V, 1); b) 1651-57 « manière d'agir, conduite dans un domaine privé » (SCARRON, Roman comique, éd. E. Magne, p. 407 ds IGLF); 3. 1656 « habileté, subtilité dans la conduite » (PASCAL, Provinciales, III, éd. L. Lafuma, Seuil, 1963, p. 381b); 4. 1675 « les affaires publiques, activité relative à l'exercice des pouvoirs dans un État » (E. FLECHIER, Oraisons funèbres, t. 1, 1691, Turenne, p. 185); 1817 parler politique (STAËL, Consid. Révol. fr., t. 2, p. 31); 1831 faire de la politique (MUSSET ds Le Temps, p. 22); 5. 1680 « ouvrage, traité de politique » (RICH.), souvent p. réf. aux Politiques d'Aristote trad. par Oresme, 1371. Empr., par l'intermédiaire d'une forme de lat. tardif politice, au gr. « science des affaires de l'État, affaires de l'État », subst. de l'adj. , v. politique1, parallèlement à policie, du lat. politia (v. police) et à politiques, trad. du neutre plur. subst. de politicus, -a, -um, gr. « les affaires publiques, ce qui concerne l'État » dans le titre de l'ouvrage d'Aristote dont la trad. la plus anc. qui ait subsisté du texte lat. en fr. est celle d'Oresme (1372-74, Le Livre de Politiques d'Aristote, éd. A. D. Menut, introd., p. 11).
STAT. — Politique1 et 2. Fréq. abs. littér. :16 066. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 28 883, b) 16 861; XXe s. : a) 16 715, b) 24 594.
DÉR. 1. Politicaille, subst. fém., péj. Politique envisagée sous un angle déprécié ou méprisable. On lui passa bien encore [au comte de Paris] sa visite à Frohodorf; mais, quand il se permit d'ouvrir ses salons, ce fut un tollé général. Dans le monde de la politicaille exclusivement, bien entendu (COPPÉE, Franc-parler II, 1896, p. 75). V. aussi CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 380. — [], [-aj]. — 1res attest. 1884 (Le Matin français, 3 sept. ds Annuaire de l'Univ. de Sofia, Fac. Lettres, 1970, p. 41, Les Néol. ds l'Œuvre de J. Vallès); de politique2, suff. -aille. 2. Politicailler, verbe intrans., péj. a) Tenir des propos sans valeur sur des questions de politique. Ai rencontré Berruy... et suis resté à politicailler jusqu'à cette heure (BARB. D'AUREV., Mémor. 2, 1838-39, p. 289). De tous ceux-là qui écrivent et politicaillent, il n'en est pas un dont le catholicisme ne se manifeste à moi par des effets monstrueux (GIDE, Corresp. [avec Claudel], 1926, p. 189). b) Pratiquer une politique considérée comme dépréciée ou méprisable. Je dirais même que Guy Mollet, qui pourtant savait aussi politicailler, était également un homme d'État (Le Point, 10 janv. 1977, p. 89, col. 3). — [], (il) politicaille []. — 1re attest. 1838-39 « discuter politique » (BARB. D'AUREV., loc. cit.); de politique2, suff. -ailler. 3. Politicaillerie, politiquaillerie, subst. fém., péj. Politique, pratique politique de bas étage. Les masses ne sont menées ni par la faim ni par la soif, ni par la politique ou politiquaillerie courante (L. DAUDET, Astre noir, 1893, p. 139). Beaucoup de leurs soldats [turcs] ont perdu la foi et la plupart de leurs officiers ont négligé le métier des armes pour se plonger dans la plus naïve politicaillerie (LOTI, Turquie agonis., 1913, p. 45). Celles-ci [les méthodes du Rassemblement national-populaire] (...) marqueront une rupture totale avec les politicailleries du passé (L'Œuvre, 16 févr. 1941). — []. — 1res attest. 1877 politiquaillerie (VALLÈS, Le Proscrit, 10 juill., p. 147 ds QUEM. DDL t. 1), 1907 politicaillerie (FRANCE); de politique2, suff. -aille et -erie. 4. Politicailleur, politiquailleur, subst. masc., péj. Celui qui politicaille. Son mari, architecte, « politiquailleur », était la bête noire de la marquise (GYP, Raté, 1891, p. 24). Les fameux condamnés à mort sont des épouvantails et des marionnettes inventés par les pires politicailleurs (DUHAMEL, Maîtres, 1937, p. 154). Empl. adj. À notre époque surencombrée de livres nombrilistes, psychodramatisés, politicailleurs et généralement illisibles, il [Walter Lewino] nous jette en toute simplicité un livre de choc que l'on dévore dans la joie, la curiosité et l'enthousiasme (Le Point, 1er mai 1978, p. 105, col. 2). — [], [-a-]. — 1res attest. 1862 politiquailleur (BAUDEL., Art romant., Une réforme à l'Ac., p. 573), 1937 politicailleur (DUHAMEL, loc. cit.); de politique2, suff. -aille et -eur2. 5. Politicard, politiquard, -arde, adj. péj. a) Qui se mêle de politique, qui pratique une politique dépréciée ou méprisable. Le change de la œ est actuellement 34,50, grâce aux acrobaties des financiers politicards [Philipon] (TOULET, Corresp. avec un ami, 1920, p. 166). Empl. subst. Sur le flanc de ces régiments, je revoyais, ceints d'écharpes en arc-en-ciel, les anciens avocassiers ou politiquards (VALLÈS, Le Réveil, 5 déc. 1881 ds Le Cri du Peuple, p. 228 (Éd. fr. réunis, 1953) ds QUEM. DDL t. 2). b) Qui relève d'une politique dépréciée ou méprisable. Réprouvant fort, dans le Mercure, cette littérature pornographique, politiquarde et suissarde (LÉAUTAUD, Journal littér., 4, 1922, p. 25). — [], fém. [-]. — 1res attest. 1881 les anciens avocassiers ou politiquards (VALLÈS, loc. cit.), 1898 vieille bête politicarde (A. DAUDET, Soutien de famille, Paris, Libr. de France, 1929, p. 242); de politique2, suff. -ard.
COMP. Politique-fiction, subst. fém. Construction intellectuelle, généralement réalisée sous forme d'œuvre littéraire ou cinématographique, visant à une peinture d'événements politiques dans laquelle l'imaginaire a une place prépondérante, ces événements étant situés dans le passé ou dans le présent ou, souvent, considérés comme possibles dans un avenir plus ou moins éloigné. [« Todo Modo », d'Elio Petri.] Dans une Italie sans date ni régime précis (nous sommes dans une politique-fiction « noire »), tous les hommes du pouvoir, politiciens et financiers, se réunissent dans un ermitage, hôtel futuriste truffé de souterrains, pour s'y adonner à des exercices spirituels prônés par saint Ignace de Loyola (Le Point, 31 janv. 1977, p. 81, col. 1). [Trente-six heures avant le débarquement] (...). Une politique-fiction, quelques jours avant le débarquement (Le Nouvel Observateur, 6 juin 1977, p. 26, col. 1). Si, aujourd'hui, l'on ne s'intéresse pas seulement à Commynes comme à un personnage de complément, mais aussi comme à un écrivain de race, c'est parce qu'un journaliste romancier bouillant d'idées s'est abrité derrière le pseudonyme « Philippe de Commines », à l'automne de 1977, pour publier un récit de politique-fiction intitulé « Les 180 jours de Mitterand »! (Le Point, 19 févr. 1979, p. 102, col. 3). — []. Plur. des politiques-fictions. — 1res attest. 1968 (L'Express, 4-10 nov., p. 68, col. 1); de politique2 et de fiction prob. sur le modèle de science-fiction.
BBG. — QUEM. DDL t. 1, 4 (s.v. politicaillerie et politicisme). — RABOTIN (M.). Le Vocab. pol. et socio-ethnique à Montréal de 1829 à 1842. Montréal-Paris-Bruxelles, 1975, p. 43. — SCHALK (F.). Zur Geschichte von politique. In :[Mél. Lommatzsch (E.)]. München, 1975, pp. 333-340. — SICCARDO (F.). Police. Genova, 1979, p. 16, 118. — STEGMANN (A.). Le Mot politique ... Cah. Lexicol. 1968, t. 13, pp. 37-48. — TOURNIER (M.). Un Vocab. ouvrier en 1848 : essai de lexicométrie. Thèse, St-Cloud, 1975, p. 346, 474, 595, 657. — VARDAR Soc. pol. 1973 [1970], pp. 286-289.
1. politique [pɔlitik] adj. et n. m.
ÉTYM. 1361; lat. politicus, adj. (peu usité), du grec politikos « de la cité » (polis).
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I Adj. Relatif à la cité, à la chose publique, au gouvernement de l'État.
1 Vx. Relatif à la société organisée. ⇒ Civil, civique, social (opposé à naturel). || Société politique (→ Dieu, cit. 11, Rousseau). ⇒ Public (opposé à privé). || Économie domestique et économie (cit. 5) générale ou politique. || Arithmétique politique, se disait au XVIIIe siècle des statistiques démographiques, économiques…
1 Le goût de la société, le plaisir et l'intérêt de la conversation ne sont point ce qui forme les esprits en Angleterre : les affaires, le parlement, l'administration remplissent toutes les têtes, et les intérêts politiques sont le principal objet des méditations.
Mme de Staël, De l'Allemagne, II, II.
2 L'homme antique, comme le définit Aristote, apparaît ainsi qu'un être ou un « animal civique ». On diminue grandement la portée de la définition en traduisant zoon politikon par « animal social ». L'animal aussi est social, mais l'homme, seul, est politique.
M. Prélot, la Science politique, p. 6.
2 Mod. Relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir temporel dans une société organisée, au gouvernement d'un État et aux problèmes qui s'y rattachent. ⇒ État, gouvernement (II., 1.), pouvoir. — (En parlant du pouvoir). || Pouvoir politique : pouvoir de gouverner (cit. 37). || Dans la monarchie (cit. 1) le roi est la source de tout pouvoir politique. ⇒ Souveraineté. || Organisation politique et sociale des sociétés primitives (⇒ Clan, tribu), médiévales (⇒ Féodalisme, féodalité, cit. 2). || Centralisation politique. || Distinction des gouvernés et des gouvernants (cit. 11) dans les régimes politiques. || Rapports entre la structure économique, sociale, et le régime politique (→ Capitalisme, socialisme, libéralisme…). || Principaux types de régimes politiques. ⇒ Aristocratie, autocratie, démagogie (ochlocratie), démocratie, dictature, monarchie, oligarchie, ploutocratie, république; et aussi anarchie. || Système politique (→ Obséder, cit. 5) des Césars (césarisme), des Bonaparte (bonapartisme), de Mussolini (fascisme, mussolinisme), de Hitler (hitlérisme, national-socialisme, nazisme), de Lénine (léninisme), Staline (stalinisme), de Gaulle (gaullisme), Mao Tsê-tung (maoïsme), Fidel Castro (castrisme), etc. — Institutions politiques d'une civilisation (→ Assise, cit. 5), d'un État. ⇒ Constitution, institution. || Changer (cit. 26) d'institutions politiques par la révolution, la révision de la constitution. || Lois civiles et lois politiques (→ Livrer, cit. 33). || Le droit politique (vx). ⇒ Constitutionnel (→ Gouvernement, cit. 20). || Réformes politiques et réformes sociales (→ Compression, cit. 2).
3 Le principe de la vie politique est dans l'autorité souveraine. La puissance législative est le cœur de l'État, la puissance exécutive en est le cerveau (…)
Rousseau, Du contrat social, III, XI.
4 Il (Robespierre) fut violemment lancé vers le pouvoir politique, qui n'était alors rien d'autre que celui du glaive.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., XIX, V.
5 L'injustice (…) résulte d'un pouvoir d'une personne sur une personne; pouvoir de contraindre ou pouvoir d'empêcher. Or, ce pouvoir est politique par définition, dès qu'il n'est plus la violence individuelle pure et simple.
Alain, Propos, 19 oct. 1912, « Révolution économique ».
6 L'État moderne est encore caractérisé par la concentration du pouvoir politique entre les mains de l'État et de ses fonctionnaires. L'État a le monopole du pouvoir et, seuls, peuvent en exercer des parcelles les agents désignés et contrôlés par lui et dans la limite des compétences qui leur sont tracées par la loi (…)
A. de Laubadère, in Encycl. politique de la France et du monde, t. I, p. 39.
♦ (En parlant de l'exercice de la souveraineté par le peuple). || Droits civils et droits politiques des personnes. ⇒ 3. Droit (cit. 22 et 49). || Conquête des droits politiques (→ Désabusement, cit. 1). || Jouir de ses droits politiques. ⇒ Électeur (cit. 2). || La liberté politique. ⇒ Liberté; → Libéralisme, cit. 2; 1. masse, cit. 24; nivellement, cit. 1. || Égalité (cit. 11) politique. ⇒ aussi Égalitaire, égalitarisme. || Inégalités (cit. 7) politiques résultant de la différence des fortunes. || Consultation politique. ⇒ Élection, plébiscite, référendum.
♦ (En parlant des personnes qui détiennent ou tentent de détenir le pouvoir, de jouer un rôle dans le gouvernement ou à l'intérieur d'un parti). || Le grand-prêtre de la cité antique était aussi chef politique (→ Autorité, cit. 16) et spirituel. || Les puissances politiques, les autorités (cit. 29) temporelles. || Le corps (cit. 38) politique (→ Exécutif, cit. 1; fédératif, cit. 1). ⇒ État. || Les assemblées (cit. 13) politiques. || Les milieux politiques. — Homme politique (→ ci-dessous, II., A., 1. : un politique). ⇒ Politicien; état (homme d'État), député, ministre (→ Entrer, cit. 32; esprit, cit. 98; 2. frais, cit. 6; ligne, cit. 18; palinodie, cit. 2; patronage, cit. 1). || Femme politique. || Golda Meir, Indira Gandhi, Margaret Thatcher, Simone Weil, Martine Aubry, femmes politiques de premier plan. — Par ext. || La vie politique de Chateaubriand (→ Lier, cit. 8). || La carrière politique (→ Aspirer, cit. 10).
7 Claude Vignon était devenu, comme tant d'autres, un homme politique, nouveau mot pris pour désigner un ambitieux à la première étape de son chemin. L'homme politique de 1840 est en quelque sorte l'abbé du dix-huitième siècle. Aucun salon ne serait complet, sans son homme politique.
Balzac, la Cousine Bette, Pl., t. VI, p. 330.
8 Mais oui, je suis optimiste. Si je n'étais pas optimiste, je ne serais pas un homme politique. Un homme politique, c'est un homme qui est persuadé qu'il va réussir où d'autres ont échoué, un homme qui se croit digne de la tâche qu'il entreprend, qui croit au succès de ses idées (…)
Colette, Belles saisons, p. 179.
3 a Relatif à la conception, à la théorie du gouvernement, du pouvoir; qui s'applique à la politique, à ses problèmes. || La pensée politique de Rousseau, de Constant… || Philosophie politique. || Histoire des idées politiques. || Idéologie politique (→ Humanitarisme, cit. 2). — Vx. || Droit politique. ⇒ 3. Droit (cit. 65, Rousseau). || Conception politique éloignée de la nature (→ Démocratie, cit. 8). — Grandes doctrines politiques. ⇒ Absolutisme, anarchisme, collectivisme, communisme, étatisme, fascisme (par ext.), individualisme, libéralisme, marxisme, monarchisme, royalisme, socialisme, totalitarisme; droit (doctrines du droit divin, naturel…). — Culture politique. || Essai, étude politique.
b Relatif à la connaissance objective, scientifique, des faits politiques (aux sens 1 (vx), 2 et 4). ⇒ Politologie, politologue. || Sciences politiques. || L'École des Sciences politiques de Paris (« Sciences-po ») a fait place à l'Institut d'études politiques. || Académie des sciences morales et politiques.
9 Elles (ces études) ont ce caractère commun d'être des essais, au sens le plus véritable de ce terme. On n'y trouvera que le dessein de préciser quelques idées qu'il faudrait bien nommer politiques, si ce beau mot de politique, très séduisant et excitant pour l'esprit, n'éveillait de grands scrupules et de grandes répugnances dans l'esprit de l'auteur. Il n'a voulu que se rendre un peu plus nettes les notions (…) qui servent à tout le monde à penser aux groupes humains, à leurs relations réciproques et à leurs gênes mutuelles.
Valéry, Regards sur le monde actuel, p. 11.
4 Relatif aux rapports du gouvernement et de son opposition, à la lutte autour du pouvoir. || Action politique. || Affaires politiques. || La vie politique française. || Nouvelles politiques. — Par ext. || La journée, la semaine politique. — Situation politique dans une province. || Conséquences, portée politique d'une entrevue. || Luttes politiques entre classes. || Adversaires politiques. || Troubles politiques, sociaux, économiques; perturbations, convulsions, crise politique. ⇒ Crise (cit. 13). || La bataille politique (→ Déserter, cit. 13; finance, cit. 2). || Intrigue (cit. 8), conspiration, complot, coup de force politique. ⇒ Coup (d'État), insurrection (cit. 6), putsch, révolte. || Bouleversement politique. ⇒ Révolution. || Chaos social et politique (→ Autorité, cit. 18). || Terreur politique. ⇒ Terreur, terrorisme. || Le jeu politique et parlementaire. || Manœuvres politiques de noyautage, d'obstruction. || Corruption, cuisine, marchandages, tripotages politiques. || Mœurs politiques implacables (cit. 10). || La langue, le jargon politique. || Exploitation politique du racisme, de l'antisémitisme, de la xénophobie. || Campagne politique pour l'adoption, l'abolition (⇒ Abolitionnisme) d'une loi, d'une institution. || Revendications politiques et professionnelles des syndicats. || Grève politique. || Rendre politique. ⇒ Politiser.
10 Les faits politiques en particulier, c'est-à-dire ceux qui concernent l'organisation et la vie de la Cité, de l'État, les rapports du pouvoir avec les personnes privées, sont en grande partie commandés (…) par les doctrines politiques.
J.-J. Chevalier, in Encycl. politique de la France et du monde, t. I, p. 81.
♦ Dr. pénal. || Délits, crimes politiques (→ Appréhender, cit. 9). || Attentat politique. || Procès politiques. Par ext. || Détenu, prisonnier politique (opposé à de droit commun) et, n. m., un politique : un prisonnier politique. || Les politiques et les droits communs.
10.1 Des trains de déportés partaient, massivement, vers l'Allemagne; ils étaient remplis de « politiques » et de Juifs que la police raflait à travers toute la France (…)
S. de Beauvoir, la Force de l'âge, p. 540.
♦ Les forces politiques. || Parti politique. ⇒ Parti; leader, militant; bipartisme. || Association (cit. 8), cercle, club, comité, coterie, faction politique. || Formation, groupe, groupement, organisation politique; coalition politique. ⇒ Cartel, front; amalgame (3.). || Groupes, commissions politiques parlementaires (→ Déperdition, cit. 2). || Uniforme de formation politique. → Chemise (noire, brune…). || Rôle politique de l'armée (⇒ Caporalisme, militarisme; antimilitarisme), de l'Église (⇒ Laïcité), du clergé (⇒ Cléricalisme; anticléricalisme; obscurantisme), des syndicats ouvriers (⇒ Syndicalisme, travaillisme), des groupes de pression (⇒ Lobby), des techniciens et organisateurs (⇒ Propagande). || Facteurs politiques et économiques (→ 3. Droit, cit. 57).
11 L'opinion publique (…) est souvent une force politique, et cette force n'est prévue par aucune constitution.
A. Sauvy, l'Opinion publique, p. 6.
12 Un texte ne suffit pas à conférer son autorité à un chef d'État, à donner à une assemblée sa puissance (…) La dynamique politique consiste en de continuels échanges de puissances au sein du pouvoir. Le pouvoir doit garder et renouveler sa puissance. Il lui faut, en conséquence, accueillir toute puissance arrivant à la maturité politique, étant entendu qu'il y a des forces qui ne parviennent jamais à ce point et que d'autres, qui accèdent au pouvoir, ne peuvent s'y maintenir.
M. Prélot, la Science politique, VII, II, « La dialectique de la puissance et du pouvoir », p. 99.
♦ (En parlant des opinions sur le pouvoir actuel et les affaires publiques qui en dépendent). || Opinions (cit. 11; → Immoler, cit. 19), convictions, passions (cit. 29) politiques (→ Homogénéité, cit. 3). || Idées politiques très exaltées (cit. 27). || Chercher sans parti pris politique l'intérêt du pays (→ Français, cit. 10). || Tendances, couleurs (⇒ Couleur; blanc, rouge…), attitudes, positions politiques. ⇒ Anarchisme (-iste), attentisme, autonomisme (-iste), communisme (-iste), conservateur, conservatisme, centrisme (-iste), droite, extrême, extrémisme, extrémiste, gauche, gauchisme (-iste), gouvernemental, gouvernementalisme, jacobin, jacobinisme, léninisme, marxisme, milieu (juste milieu), modérantisme, opportunisme, opposition, (supra cit. 7), oppositionnel, progressisme, progressiste, radical, radicalisme, réaction, réactionnaire, réformisme, réformiste, révolutionnaire, situationnisme, socialisme, trotskisme. — Hist. || Opinions, doctrines politiques des carbonari (⇒ Carbonarisme), des chartistes (⇒ Chartisme), des légitimistes (⇒ Légitimisme), des orléanistes (⇒ Orléanisme), des bolcheviks (⇒ Bolchevisme), etc. || Divergences, sympathies politiques. || Action politique. || Activisme, militantisme politique. || Agitation, propagande politique. ⇒ Agit-prop. — Neutralité (cit. 2) en matière politique et religieuse. || Formation, prise de conscience, maturité politique. || Pensée politique. || Discussions politiques (→ Glisser, cit. 39). || Réunion, débat politique contradictoire (⇒ aussi Meeting). || Libertés politiques (→ Opiniâtrement, cit.). || Congrès politique, ligne politique d'un parti (⇒ Autocritique). — Journal, gazette (cit. 2) politique ou d'opinion. || Chronique politique d'un journal. — Par ext. || Écrivain, journaliste politique (→ Machiavélique, cit. 2). — Testament politique.
13 Le peuple et les parlementaires disent la République, la liberté, la révolution; mais ce n'est ni la même République, ni la même liberté, ni la même révolution. Telle est évidemment la forme la plus grave du mensonge politique (…) La presse politique, si entrée de toutes parts dans la politique parlementaire, a contribué pour beaucoup à l'établissement de cet universel faux entendu (…) Tous les journaux politiques, sans aucune exception, tous les journaux de tous les partis politiques, de la Petite République à l'Autorité, parlent ce langage politique parlementaire, et presque tous les lecteurs entendent ce langage en français.
Ch. Péguy, la République…, p. 82-83.
14 (…) notre temps a introduit dans la théorisation des passions politiques deux nouveautés qui ne laissent pas de singulièrement les aviver. La première, c'est qu'aujourd'hui chacune prétend que son mouvement est conforme au « sens de l'évolution »; au « développement profond de l'histoire » (…) la seconde nouveauté : la prétention qu'ont aujourd'hui toutes les idéologies politiques d'être fondées sur la science, d'être le résultat de la « stricte observation des faits ».
Julien Benda, la Trahison des clercs, p. 116-117.
♦ Par ext. (Personnes). || Les amis politiques de X : les personnes qui ont même opinion politique que lui; les membres de son parti ou ses alliés (emploi critiqué).
5 (1636). Vx ou littér. (En parlant des aptitudes, des qualités nécessaires à l'action politique, qu'il s'agisse de l'exercice du pouvoir ou de l'activité politique au sens large). || Art (→ Équilibre, cit. 22), prudence politique (→ Aveugler, cit. 13). || Réalisme politique (→ Lier, cit. 11). || Habileté, sagesse politique.
15 Rien de plus opposé au génie politique, lequel au contraire, cherche à tirer le meilleur parti des situations les plus compromises, et ne jette jamais, comme on dit, le manche après la cognée.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 30 sept. 1850.
16 Avoir le sens politique, qu'est-ce que c'est, Mithoerg ? (…) C'est savoir consentir à employer, dans la lutte sociale, des procédés qui, dans la vie privée, répugneraient à chacun de nous comme autant de malhonnêtetés, — ou de crimes (…) N'est-ce pas ?
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 103.
♦ Par ext. Qui témoigne de ces qualités, en parlant d'un acte de nature politique ou concernant la direction d'affaires privées. ⇒ Habile. || Une démarche politique. || Ce n'est pas très politique.
17 (…) je (…) le rabattrai sur vos gages. — Châtiment politique.
Molière, l'Avare, III, 1.
18 Il jugeait (…) politique de manifester son admiration pour l'antiquité grecque dans une ville où les Grecs modernes tiennent encore le haut du pavé (…)
A. Hermant, les Épaves, II, II.
♦ (Personnes). Qui a les qualités nécessaires à l'action politique (→ ci-dessous, II., A., 1. : un politique). || Des hommes actifs, ardents, politiques (→ Organiser, cit. 4). || Fin et politique (→ Gouvernement, cit. 11). || Animal politique. ⇒ 1. Animal (I., B., 3., et cit. 14.2). — Fig., vx. « Adroit et fin, qui sait arriver à son but et s'accommoder au temps » (Académie, 1694).
19 (les hypocrites) sont trop politiques pour cela (…)
Molière, Tartuffe, Préface.
6 (XVIIe; in Furetière, 1690). Relatif à un État, aux États et à leurs rapports. ⇒ État. || Unité politique (→ Limitrophe, cit. 2). || Le Canada est une unité politique (→ Canadien, cit. 1). || Autonomie économique et politique (→ Langue, cit. 31). ⇒ Souveraineté. || Communauté politique. ⇒ Nation. || Dépendance, indépendance, personnalité politique. || Relations politiques mondiales, internationales, locales… ⇒ Autonomie, autonomisme, fédéralisme (cit. 1), intégrationnisme, irrédentisme, isolationnisme, mondialisme, nationalisme, particularisme, régionalisation, régionalisme, scissionnisme, sécessionnisme, séparatisme, unitarisme. || Centralisation politique (→ État, cit. 108). || Apogée politique de l'Islam (cit. 3). || Frontières politiques et frontières naturelles. || Changer (cit. 24) la face politique de l'Europe. || Histoire politique de l'Orient (→ Fabuleux, cit. 5). || Géographie (cit. 1) politique, partie de la géographie humaine. || Cartes de l'Europe politique, représentant les États d'Europe, leurs frontières, leurs capitales. || Équilibre (cit. 20) politique. || Le pangermanisme, le panafricanisme, le panarabisme, le panislamisme, systèmes politiques (⇒ Pan-). — La guerre politique implique la guerre des cultures (cit. 19). || Migrations, déplacements politiques dans les guerres mondiales (→ 1. Exode, cit. 4).
20 (…) l'univers politique a bien changé; et la froide raison qui, dans le passé, pouvait spéculer sur les bénéfices d'une sanglante entreprise, doit admettre aujourd'hui qu'elle ne peut que s'égarer dans ses prévisions.
Valéry, Variété, Pl., t. I, p. 1126.
21 Toutes les relations internationales sont donc politiques par nature, parce que même lorsqu'il s'agit de rapports privés, elles se rattachent au phénomène de l'existence d'États.
M. Prélot, la Science politique, p. 116.
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II N. m. (1568).
A (Personnes). || Un politique.
1 Littér. Homme de gouvernement, homme politique en vue. ⇒ État (homme d'État). || Le guerrier et le politique (→ Déterminer, cit. 11). || Chateaubriand, poète, moraliste, publiciste et politique (→ Compendium, cit. 1). || Cromwell, habile politique (→ Entreprendre, cit. 3). || « Le vrai politique est celui qui joue bien et qui gagne à la longue… » (Voltaire; → Filer, cit. 11). || Un fin politique. || Les politiques médiocres parlent et ne gouvernent (cit. 40) pas. ⇒ Politicien. || Les grands politiques (→ Changeant, cit. 3). || Bévues (cit. 1), formules sonores et creuses des politiques (→ Bout, cit. 39). || Les politiques représentent leurs actions (cit. 14) comme les effets de grands desseins.
22 Les politiques font sur l'amour de la liberté les mêmes sophismes que les philosophes ont fait sur l'état de nature (…)
Rousseau, De l'inégalité parmi les hommes, II.
23 Les forts veulent faire la force, la créer d'eux-mêmes. Les politiques vont la chercher où elle est.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., IV, V.
24 Juste (…) était, à vingt-cinq ans, un profond politique, un homme d'une aptitude merveilleuse à saisir les rapports lointains entre les faits présents et les faits à venir.
Balzac, Z. Marcas, Pl., t. VII, p. 741.
25 Dans ce domaine, pourtant, il y avait, entre les « politiques » et moi, des différences d'état d'esprit. Ce n'est point que ces parlementaires d'hier ou de demain fissent des réserves sur les buts concrets que je leur avais montrés. Mais ils les saluaient de loin et, au fond, ne s'y attachaient guère.
Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre, t. III, p. 56.
REM. Cet emploi est redevenu fréquent v. 1965, surtout dans l'usage journalistique; le fém. est inusité.
2 (Mil. XXe). Personne qui tend à faire prévaloir l'action politique sur une autre forme de lutte (militaire, professionnelle, etc.).
25.1 (…) pendant un court moment, du côté F. L. N., les « politiques » ont paru avoir le pas sur les militaires (…)
F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes 1958-1960, p. 18.
3 Fig. Personne qui sait gouverner autrui, l'amener à penser, agir dans son intérêt.
26 Il était trop franc et trop mauvais politique pour déguiser ce qu'il pensait.
R. Rolland, Jean-Christophe, La révolte, II, p. 487.
REM. Le fém., une politique, est virtuel et normal.
B Didact. || Le politique, n. m. Ce qui est politique (aux sens I, 2 et I, 4). || Le politique et le social.
27 (…) les passions politiques atteignent aujourd'hui à un point de perfection que l'histoire n'avait pas connu. L'âge actuel est proprement l'âge du politique.
Julien Benda, la Trahison des clercs, p. 117 (1927).
28 (…) un État toujours plus fort, étendant sans cesse ses attributions, versant du politique dans l'économique au mépris de la séparation, considérée longtemps comme tutélaire, des deux domaines.
J.-J. Chevalier, in Encycl. politique de la France et du monde, t. I, p. 98.
29 (…) le Politique est du textuel pur : une forme exorbitante, exaspérée, du Texte, une forme inouïe qui, par ses débordements et ses masques, dépasse peut-être notre entendement actuel du Texte. Et Sade ayant produit le plus pur des textes, je crois comprendre que le Politique me plaît comme texte sadien et me déplaît comme texte sadique.
R. Barthes, Roland Barthes, p. 150.
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DÉR. Politiquement, politiser, politisme.
COMP. Antipolitique, apolitique, extrapolitique, géopolitique, impolitique, sociopolitique, technopolitique. — V. aussi Politologie.
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2. politique [pɔlitik] n. f.
ÉTYM. 1265, Brunetto Latini; rare av. le XVIIe; même étym. que le précéd.; var. policie, politie, encore dans Rousseau.
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REM. Dès les premiers emplois, la politique est entendue à la fois comme une technique, un art, une théorie et comme une pratique (« la plus noble et haute science et le plus noble office qui soit en terre » [Brunetto Latini]). Aux XVIIe et XVIIIe s., la politique fait partie de la morale (cf. Furetière, Trévoux). Dans les emplois modernes, au contraire, l'accent est mis sur la pratique et on oppose souvent morale et politique.
♦ La politique, manière de gouverner (cit. 32) l'humanité. || La politique est par essence le domaine (cit. 6) des choses concrètes. || L'art de la politique. || « La politique, art de tromper les hommes » (d'Alembert; → Guerre, cit. 19), art « d'empêcher les gens de se mêler (cit. 27) de ce qui les regarde » (Valéry). || Les dessous de la politique. || Impuissance (cit. 7) de la politique en matière sociale. || La politique et l'intrigue (cit. 7). || « En politique, il faut toute la liberté qui est conciliable avec l'ordre » (cit. 26, Necker). || Rôle de l'opinion publique en politique (→ Doctrine, cit. 5). || Politique et morale (→ Distinct, cit. 1), et religion. || Idéologie, mystique et politique. || Rapports de l'économie et de la politique. || Ouvrages de politique (→ Autoriser, cit. 22). — Par ext. (vx). Traité de politique. || La Politique, d'Aristote.
1 (…) quand ils (Platon et Aristote) se sont divertis à faire leurs Lois et leur Politique, ils l'ont fait en se jouant (…) S'ils ont écrit de politique, c'était comme pour régler un hôpital de fous; et s'ils ont fait semblant d'en parler comme d'une grande chose, c'est qu'ils savaient que les fous à qui ils parlaient pensaient être rois et empereurs.
Pascal, Pensées, V, 331.
2 Dieu (…) par qui les rois règnent, n'oublie rien pour leur apprendre à bien régner. Les ministres des principes, et ceux qui ont part sous leur autorité au gouvernement des États et à l'administration de la justice, trouveront dans sa parole des leçons (…) Ceux qui croient que la piété est un affaiblissement de la politique, seront confondus (…)
Bossuet, Politique tirée de l'Écriture sainte, À Mgr le Dauphin.
3 (…) de telles tempêtes (…) font voir sous quel malheureux gouvernement on vivait alors (sous Richard II, en Angleterre). On était encore loin du véritable but de la politique, qui consiste à enchaîner au bien commun tous les ordres de l'État.
Voltaire, Essai sur les mœurs, LXXVIII.
4 J'avais vu que tout tenait radicalement à la politique, et que, de quelque façon qu'on s'y prît, aucun peuple ne serait jamais que ce que la nature de son gouvernement le ferait être (…)
Rousseau, les Confessions, IX.
5 Mais feindre d'ignorer ce qu'on sait, de savoir tout ce qu'on ignore; d'entendre ce qu'on ne comprend pas, de ne pas ouïr ce qu'on entend; surtout de pouvoir au-delà de ses forces; avoir souvent pour grand secret de cacher qu'il n'y en a point; s'enfermer pour tailler des plumes, et paraître profond quand on n'est, comme on dit, que vide et creux; jouer bien ou mal un personnage, répandre des espions et pensionner des traîtres; amollir des cachets, intercepter des lettres, et tâcher d'ennoblir la pauvreté des moyens par l'importance des objets : voilà toute la politique (…)
Beaumarchais, le Mariage de Figaro, III, 5.
6 Quant à la politique ? (…) — Ah ! c'est l'art de créer des faits, de dominer, en se jouant, les événements et les hommes; l'intérêt est son but, l'intrigue son moyen : toujours sobre de vérités, ses vastes et riches conceptions sont un prisme qui éblouit.
Beaumarchais, la Mère coupable, IV, 4.
7 La politique n'est pas la morale. La science et l'art de la conduite de l'État n'est pas la science et l'art de la conduite de l'homme. Où l'homme général peut être satisfait, l'État particulier peut être déconfit.
Ch. Maurras, Mes idées politiques, p. 125.
8 La politique, est-ce une science mathématique, abstraite, absolue ? Non, c'est « la conciliation des intérêts », c'est « le calcul des combinaisons », et il (Napoléon) conclut : « La haute politique n'est que le bon sens appliqué aux grandes choses ».
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, De Brumaire à Marengo, VI.
9 La politique consiste dans la volonté de conquête et de conservation du pouvoir; elle exige, par conséquent, une action de contrainte ou d'illusion sur les esprits, qui sont la matière de tout pouvoir (…) L'esprit politique finit toujours par être contraint de falsifier. Il introduit dans la circulation, dans le commerce, de la fausse monnaie intellectuelle; il introduit des notions historiques falsifiées; il construit des raisonnements spécieux; en somme, il se permet tout ce qu'il faut pour conserver son autorité, qu'on appelle, je ne sais pourquoi, morale.
Valéry, Regards sur le monde actuel, p. 246.
9.1 Qu'est-ce que la politique ? On répond : l'art de gouverner, et c'est faux. C'est avant tout le jeu du pouvoir, ou plutôt de la puissance. La politique n'est pas une question de technique mais de tempérament, on y cherche moins à gouverner un pays ou un peuple qu'à y déployer son propre destin. Elle est même le moyen primaire le plus commun offert à l'homme pour explorer une verticalité qui le hante et, l'élevant au-dessus des « masses », lui faire croire qu'il s'élève en outre au-dessus de soi.
Raymond Abellio, les Militants, p. 42.
♦ Spécialt. Rare. Les sciences politiques : l'étude, la connaissance des phénomènes concernant l'État, le pouvoir, le gouvernement. ⇒ Politologie. || Système de politique positive, d'Auguste Comte (Sociologie, étude des religions et sciences politiques).
10 Il faut étudier la société par les hommes, et les hommes par la société : ceux qui voudront traiter séparément la politique et la morale n'entendront jamais rien à aucune des deux.
Rousseau, Émile, IV.
11 « La politique » concerne aussi bien les hommes et les faits que la connaissance que l'on a de ceux-ci (…) Pour le commun, la politique est essentiellement la vie politique, la lutte autour du pouvoir; c'est le phénomène en lui-même. Pour la langue savante, la politique est la connaissance du phénomène.
M. Prélot, la Science politique, p. 10.
2 (XVIIe). Sorte de gouvernement, manière de gouverner un État, de diriger les affaires nationales et les relations internationales d'un État. || Toute politique suppose une idée de l'homme (→ Grossier, cit. 3). || Une politique vertueuse et rare (→ Base, cit. 13). || Politique en harmonie (cit. 38) avec le monde moderne. || Inaugurer une politique nouvelle (→ Immoler, cit. 5). || Prêter son nom (cit. 10) à une politique qu'on réprouve. || Politique conservatrice, libérale, de droite, de gauche (→ Gauche, cit. 18). || Politique de paix, de concorde (→ Longévité, cit. 4), de coexistence pacifique. ⇒ Pacifisme. || Politique de neutralité, de non-alignement, de non-intervention (⇒ Neutralisme). || Politique d'intervention (⇒ Interventionnisme), d'agression (→ Bloc, cit. 10), de guerre. || Politique de revanche. ⇒ Revanchisme. || Politique des agrandissements de territoire (→ Achever, cit. 13), des frontières naturelles; politique expansionniste (⇒ Expansionnisme), colonialiste (⇒ Colonialisme), impérialiste (⇒ Impérialisme). || Politique d'isolement. ⇒ Isolationnisme. || Politique fondée sur la primauté de la nation (⇒ Nationalisme). || Politique atlantique. ⇒ Atlantisme. || Politique de grandeur. || Politique d'austérité. || Politique d'abandon. ⇒ Défaitisme. ☑ Politique du pire, qui tend à aggraver une situation pour tirer parti d'une crise. — Politique suivie; incohérente (→ Lièvre, cit. 6); opportuniste (⇒ Opportunisme, cit. 1), machiavélienne (⇒ Machiavélisme). || Politique à long, à court terme. || Politique modérée; extrémiste, jusqu'au-boutiste… — Allus. hist. || Faites-nous de bonne politique… (→ Finance, infra cit. 3). — La politique de (qqn). || Politique d'un monarque, d'un président, d'un ministre. || La politique suivie par le roi (→ Hérisser, cit. 16). || Politique de Richelieu (→ Paix, cit. 24). || Sa politique est bonne, dangereuse, inacceptable. — Politique gouvernementale, des gouvernements (→ Opposer, cit. 7). || Défenseurs et opposants d'une politique (⇒ Anti-, pro-; -isme et -iste). || « Tout parti (cit. 32) vit de sa mystique et meurt de sa politique » (Péguy). || Politique française (→ Hâter, cit. 16), anglaise (→ Mainmise, cit. 1). || Politique européenne, des États d'Europe.
12 (…) le peuple ne les suivra jamais plus (le roi et le gouvernement) dans une politique de bellicisme !
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 38.
13 (…) il convient de réviser un mot qui a fait fortune, en raison de son simplisme, selon quoi toutes les doctrines sont belles dans leur mystique et laides dans leur politique. J'accorde que la doctrine démocratique, hautement morale dans sa mystique, l'est le plus souvent fort peu dans sa politique; mais je tiens que la doctrine de l'ordre, qui ne l'est pas dans sa politique, ne l'est pas davantage dans sa mystique.
Julien Benda, la Trahison des clercs, p. 16.
14 Marx a seulement compris qu'une religion sans transcendance s'appelait proprement politique.
Camus, l'Homme révolté, p. 243.
♦ Domaine d'une politique. — Politique intérieure (→ Fulminer, cit. 2; guerre, cit. 32), extérieure ou étrangère (⇒ Diplomatie; pacte, traité). — REM. Ces syntagmes peuvent aussi correspondre au sens 3. || Politique coloniale. || Politique sociale, concernant les problèmes sociaux qui sont du ressort du gouvernement. || Politique économique (→ Économiste, cit. 4), financière (→ Front, cit. 34), fiscale, douanière (→ 2. Douanier, cit.), commerciale, agricole, religieuse… || Politique nataliste. || Politique de l'environnement, visant à la protection et à l'amélioration de l'environnement (⇒ Écologie). || Politique axée sur l'économie : économisme. || Politique monétariste.
15 Quelqu'un écrivait récemment : « qu'il fallait une Politique de l'Esprit, comme il fallait une Politique de l'or, du blé ou du pétrole » et que la nation, qui la première concevrait cette Politique et lui donnerait l'attention, les soins et l'ampleur qu'elle mérite, s'assurerait une gloire et une influence singulière dans le monde.
Valéry, Regards sur le monde actuel, p. 324.
16 Les députés français, appelés à se prononcer sur une politique algérienne, ont mis cinq séances à ne pas se prononcer sur trois ordres du jour.
Camus, Actuelles III, p. 133.
3 (1652). Ensemble des affaires publiques concernant le pouvoir et son opposition. || Rubrique de politique intérieure, de politique étrangère d'un journal. || Les choses de la politique (→ 3. Affecter, cit. 1; meilleur, cit. 16). || La politique influe (cit. 8) sur le cours de la Bourse. || S'occuper, se mêler de politique, en prenant parti, en exprimant ses opinions, ou par une action militante (→ Écarquiller, cit. 5). || Faire de la politique (→ Non, cit. 10). — La politique nous guette et nous presse de toutes parts (→ Incolore, cit. 4). || Se chamailler sur la politique (→ Fouetter, cit. 15). || Discussion sur la politique (→ 1. Parler, cit. 40). || Parler, causer (→ 2. Causer, cit. 5 et 8) politique (→ Franc-parler, cit. 3; 1. goutte, cit. 51). ⇒ Politicailler (→ Discussions de café du commerce). || Politique politicienne.
17 La tolérance est aussi nécessaire en politique qu'en religion (…) La politesse, la circonspection, l'indulgence, affermissent l'union entre les amis et dans les familles; elles feront le même effet dans un petit État, qui est une grande famille.
Voltaire, Politique et Législation, « Idées républicaines », LI.
18 Vous avez beau ne pas vous occuper de politique, la politique s'occupe de vous tout de même.
19 (…) comme la discussion tournait au vilain, Coupeau dut intervenir. — Ah bien ! vous êtes encore innocents de vous attraper pour la politique (…) En voilà une blague, la politique !
Zola, l'Assommoir, III, t. I, p. 109.
19.1 La politique intérieure est un service qui comprend des secrétaires de rédaction, des rédacteurs parlementaires, des journalistes accrédités auprès des différents services publics, des commentateurs. Elle traite non seulement les informations politiques proprement dites, mais aussi — sauf s'il existe des services distincts — les informations économiques et sociales.
Philippe Gaillard, Technique du journalisme, p. 19.
♦ Par ext. La carrière politique; les politiciens. || Se destiner (cit. 9) à la politique. || Il ne ferait jamais rien de bon dans la politique (→ 1. Lancer, cit. 39). || Les surenchères de la politique et de la presse (→ Hyperbole, cit. 2).
4 (XVIIe). Manière concertée de conduire une affaire. ⇒ Économie (I., 1.), gouvernement (I., 1.), ménage (I., 1.; vx). || Une bonne, une mauvaise politique. ⇒ Tactique. || Politique d'un patron, d'un directeur commercial… || Dans cette affaire, sa politique a été prudente. ☑ Politique de l'autruche. || Politique du moindre effort; des menus soins (→ Chausson, cit. 3). — Absolt. || C'est une politique; ce n'est pas une politique, une bonne politique.
20 Dire également du bien de tout le monde est une petite et mauvaise politique.
Vauvenargues, Réflexions et maximes, 573.
21 (…) je me sens d'une incapacité mirobolante en fait de politique domestique (…)
Balzac, la Rabouilleuse, Pl., t. III, p. 1006.
♦ Littér. Calcul intéressé. ⇒ Calcul. || Par caprice (cit. 1) ou par politique. || Plus par conscience que par politique (→ Intimement, cit. 1). || Clémence (cit. 1) qui n'est qu'une politique. ⇒ Adresse. || Mensonge et politique (→ Désordre, cit. 10). || La damnable politique de l'hypocrite (cit. 3). || Monde de la ruse, de la politique et des perfidies (cit. 2).
22 (…) elle passait pour sotte aux yeux de leurs dames, parce que sans nulle politique à l'égard de son mari, elle laissait échapper les plus belles occasions de se faire acheter de beaux chapeaux de Paris ou de Besançon.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, III.
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DÉR. et COMP. Politicard, politiquer, politiste. Politique-fiction.
Encyclopédie Universelle. 2012.