œil [ ɶj ], plur. yeux [ jø ] n. m.
• 1380; ol, oilXe et XIe; lat. oculus, à l'accus. oculum, oculos REM. Dans certains emplois, plur. œils.
I ♦
1 ♦ Organe de la vue (globe oculaire et ses annexes). ⇒ vision; voir, vue. Le globe de l'œil est logé dans la cavité orbitaire. Tunique externe, moyenne, interne de l'œil : choroïde, procès ciliaire, cornée, iris, rétine, sclérotique, uvée. Milieux transparents et réfringents de l'œil : chambre, cristallin; corps, humeur vitrée. Annexes de l'œil : capsule de Tenon, cil, conjonctive, glande lacrymale, muscle droit, oblique, orbiculaire, paupière, sourcil. Angle externe, interne de l'œil. ⇒ commissure. Médecine des yeux. ⇒ ophtalmologie. Examen du fond de l'œil. ⇒ ophtalmoscopie. Troubles fonctionnels des yeux : achromatopsie, amaurose, amétropie, daltonisme, hypermétropie, myopie, presbytie, strabisme. Maladies des yeux : albugo, cataracte, conjonctivite, exophtalmie, glaucome, kératite, staphylome, taie, trachome, uvéite, xérophtalmie.
♢ Avoir de bons, de mauvais yeux, une bonne, une mauvaise vue. Se faire examiner les yeux par un oculiste, un ophtalmologue. S'user les yeux à lire. Des yeux chassieux, larmoyants, qui louchent. Loc. Fam. Avoir un œil qui dit merde à l'autre, un œil qui joue au billard et l'autre qui compte les points, les yeux qui se croisent les bras : loucher. Avoir une coquetterie dans l'œil. Perdre un œil, les deux yeux : devenir borgne, aveugle. Avoir un œil au beurre noir. Fam. Avoir bon pied, bon œil : avoir une allure vive et alerte (en parlant d'une personne d'un certain âge). « J'ai bon pied, bon œil, bonne santé » (Balzac). — De grands, de petits yeux. ⇒fam. carreau, châsse, mirette. Yeux globuleux, en boules de loto, enfoncés, bridés, en amande. Une brune aux yeux bleus, aux yeux noirs. Avoir les yeux vairons. Se maquiller les yeux, les paupières et les cils. Ses yeux brillent, pétillent. Œil terne, fixe. Des yeux injectés de sang. Des yeux durs, froids. « Vos beaux yeux me font mourir d'amour » (Molière). « T'as de beaux yeux, tu sais » (Prévert, « Quai des Brumes », film). Loc. Pour les beaux yeux de qqn, uniquement pour lui faire plaisir, sans y avoir d'intérêt. — Lever, baisser les yeux. Lever les yeux au ciel. Rouler des yeux furibonds. Les yeux lui sortaient de la tête. Loc. fam. Faire des yeux de merlan frit. Faire les yeux doux à qqn. Faire les gros yeux à qqn, le regarder d'un air mécontent, sévère.
♢ (Mouvement des paupières) Ouvrir, fermer les yeux. Avoir, tenir les yeux grand ouverts. Ouvrir de grands yeux, des yeux ronds : ouvrir des yeux agrandis, arrondis par la surprise, l'étonnement. ⇒ écarquiller. — Loc. fig. Ouvrir l'œil, (fam.) ouvrir l'œil, et le bon : être très attentif, vigilant. Ouvrir les yeux à qqn (sur qqch.), lui montrer ce qu'il se refusait à voir, lui révéler quelque chose. — Fermer un œil pour viser. Sentir ses yeux se fermer, sous l'effet du sommeil. Loc. Ne dormir que d'un œil, en conservant son attention éveillée. Ne pas fermer l'œil de la nuit : ne pas dormir. « Bientôt mes yeux se fermeront pour l'éternité » (France),je mourrai bientôt. Fermer les yeux de qqn (qui vient de mourir). — Loc. fig. Fermer les yeux sur qqch. : se refuser à voir; faire, par tolérance, connivence, lâcheté, etc., comme si on n'avait pas vu. « Elle ferma les yeux sur mes sorties du soir » (F. Mauriac). J'irais là-bas les yeux fermés, sans avoir besoin de la vue (tant le chemin m'est familier). Accepter qqch. les yeux fermés, en toute confiance, sans examen, sans vérification. — Ciller les yeux. Cligner l'œil, les yeux, de l'œil, des yeux. Clin d'œil (voir ce mot) .
♢ (Dans l'action de la vue) Voir une chose de ses yeux, de ses propres yeux. Objet visible à l'œil nu, sans l'aide d'aucun instrument d'optique. À vue d'œil, cette table ne passe pas par la porte. ⇒ approximativement (cf. À vue de nez). Elle grandit à vue d'œil, d'une manière visible. Regarder qqn dans les yeux, dans le blanc des yeux. Ils se regardaient les yeux dans les yeux. Lorgner, surveiller du coin de l'œil, d'un regard en coin. Fam. N'avoir pas les yeux en face des trous. — Je n'en crois pas mes yeux. — Attention les yeux.
2 ♦ Par ext. Regard. Chercher, suivre qqn des yeux. Jetez un peu les yeux de ce côté. « Elle l'interrogeait, les yeux fixés sur lui » (Maupassant). Ne pas quitter une chose des yeux. « Je ne pouvais détacher mes yeux de son visage » (Proust). Manger, couver qqn des yeux. « Je dévorais d'un œil ardent les belles personnes » (Rousseau). Fam. On touche avec les yeux ! Détourner les yeux. Ses yeux se détachèrent d'elle. PROV. Loin des yeux, loin du cœur. « Brusquement ses yeux tombèrent sur la lettre » (Green) . Avoir une chose devant les yeux, sous son regard. Paysages qui défilent devant les yeux. Sous mes yeux, devant moi. Ça s'est passé sous mes yeux. Aux yeux de tous, devant tout le monde. Je lui ai mis sous les yeux tous les documents, je les lui ai montrés. Obéir au doigt et à l'œil.
♢ MAUVAIS ŒIL : regard auquel on attribue la propriété de porter malheur; faculté de porter malheur par ce regard. Jeter le mauvais œil. « La croyance au mauvais œil » (Maupassant).
3 ♦ COUP D'ŒIL : regard rapide, prompt. « Sans jeter un coup d'œil par la vitre » (Romains). « Elle jeta un coup d'œil sur la façade » (Green). Découvrir, remarquer une chose du premier coup d'œil, au premier coup d'œil. Jeter un coup d'œil sur le journal, le parcourir rapidement, en lire quelques lignes. Des coups d'œil. — Loc. fig. Avoir le coup d'œil, l'art d'observer rapidement et exactement. « Les dames ont le coup d'œil juste » (Brillat-Savarin). La justesse et la sûreté du coup d'œil. Coup d'œil professionnel. — Par ext. Vue qu'on a d'un point sur un paysage. « Le coup d'œil sur la ville est merveilleux » (Maupassant). ⇒ point de vue.
4 ♦ Fig. (dans des expr.) Attention portée par le regard. « Une ville qui par sa situation attire l'œil du voyageur » (Balzac). « Ce qui frappe et tire l'œil » (Valéry). Cela saute aux yeux, crève les yeux. — Loc. Être tout yeux, tout oreilles : regarder, écouter très attentivement. N'avoir pas les yeux dans sa poche : ne pas manquer d'observer ce qui pourrait échapper à qqn de moins attentif. Avoir l'œil américain, remarquer du premier coup d'œil. Avoir le compas dans l'œil. Avoir de la merde dans les yeux. — N'avoir d'yeux que pour qqn : ne voir que lui; fig. ne s'intéresser qu'à lui. Avoir l'œil (sur qqn, sur qqch.) : surveiller avec attention (le plus souvent pour empêcher de mal faire). « Depuis longtemps Colbert avait l'œil sur les procédés de Fouquet » (Sainte-Beuve). — Fam. Avoir, tenir qqn à l'œil, sous une surveillance qui ne se relâche pas. — Avoir l'œil à tout : veiller à tout. L'œil du maître. L'œil de Moscou : la surveillance occulte. L'œil de Dieu, de la conscience. « L'œil était dans la tombe et regardait Caïn » (Hugo).
5 ♦ (Abstrait) Disposition, état d'esprit, jugement. Voir qqch. d'un bon œil, d'un mauvais œil, d'une manière favorable ou défavorable, avec satisfaction ou avec déplaisir. Considérer une chose d'un œil critique, d'un œil torve. « On se voit d'un autre œil qu'on ne voit son prochain » (La Fontaine). — Aux yeux de qqn, selon son appréciation, sa manière de voir. ⇒ pour, selon. « Elle devint un monstre à ses yeux » (Aymé). — Par méton. Personne qui observe, est dans une certaine disposition. Des yeux étrangers. Pour un œil averti.
6 ♦ Loc. fig. Tenir à une chose comme à la prunelle de ses yeux. Coûter les yeux de la tête. — Fam. « Oui ! Enceinte ! Jusque-là ! Jusqu'aux yeux » (Fallet). — N'avoir plus que ses yeux pour pleurer, avoir tout perdu. Je m'en bats l'œil. Taper dans l'œil de qqn. — Faire de l'œil : faire des clins d'œil, des œillades. « On fait de l'œil aux modistes » (Maupassant). Se rincer l'œil. N'avoir pas froid aux yeux. S'arracher les yeux. — Tourner de l'œil : vx mourir; mod. s'évanouir. — Avoir les yeux plus grands que le ventre. Se mettre, se fourrer le doigt dans l'œil. Frais comme l'œil, dispos, en excellente condition physique. Fam. Il, elle, ça me sort par les yeux, je l'ai assez vu, je ne peux plus le supporter. Fam. Entre quat'z'yeux. ⇒ quatre. Allus. bibl. Œil pour œil, dent pour dent, expression de la loi du talion.
♢ Loc. adv. (1827) À L'ŒIL : vx à crédit, sans payer (proprt sur la vue, la bonne mine); mod. gratuitement. « Tu as payé demi-tarif ? — Non [...] je suis entré à l'œil » (Queneau). — Loc. exclam. (Fam.) MON ŒIL ! se dit pour marquer l'incrédulité, le refus.
II ♦ Par ext.
1 ♦ Œil de verre : œil artificiel en verre ou en émail qu'on met à la place d'un œil énucléé.
2 ♦ Vieilli Œil électrique : cellule photoélectrique. — Œil magique : petit tube à rayons cathodiques permettant d'effectuer le contrôle visuel du réglage d'un récepteur de radio.
3 ♦ Petit dispositif de visée, judas optique placé dans une porte.
III ♦ Par anal.
1 ♦ Se dit d'ouvertures, trous, bagues, ornements ronds (plur.ŒILS). Œil d'une aiguille. ⇒ chas. Œil d'une meule, trou par lequel elle est fixée sur l'axe. ⇒ œillard. — Techn. Trou ménagé dans un outil pour introduire le manche. — Trou dans le rideau d'un théâtre pour observer. — (Plur.YEUX) Yeux du fromage de gruyère : trous qui se forment dans la pâte. « La soupe était froide, couverte d'yeux de graisse » (Zola),de petits ronds de graisse.
2 ♦ Arbor. Bourgeon naissant. ⇒ œilleton. Greffe, écussonnage à œil dormant (utilisant des bourgeons à feuilles), à œil poussant. Tailler une vigne à deux yeux, à trois yeux, en laissant sur la branche deux, trois boutons à fruit. — Cour. Les yeux des pommes de terre.
3 ♦ Imprim. (plur.ŒILS) Partie du caractère comprenant le dessin de la lettre formant relief, et qui s'imprime sur le papier. L'œil de la lettre. Gros œil, petit œil.
4 ♦ Météor. Centre d'une dépression. L'œil du cyclone.
IV ♦ Fig. Rare Apparence, aspect. Ces perles ont un bel œil ( ACADÉMIE ). Absolt, vieilli. « Le plat avait de l'œil » (Duhamel),avait belle apparence.
● œil, yeux nom masculin (latin oculus) Organe pair de la vue, formé, chez les mammifères, du globe oculaire et de ses annexes (paupières, cils, glandes lacrymales, etc.) : La prunelle de l'œil. Cet organe considéré du point de vue de son aspect, de sa forme et en particulier l'iris pour sa couleur : Avoir les yeux bleus. Cet organe considéré comme l'expression du caractère, du sentiment ; regard : Il a l'œil vif. Regard attentif, surveillance, vigilance : Rien n'échappe à l'œil de la mère. Manière de voir, de comprendre, d'interpréter, etc. : Regarder les événements d'un œil froid. Agroalimentaire Synonyme de ouverture. Armement (pluriel œils) Ouverture ménagée dans un obus pour y introduire la charge d'éclatement et visser la fusée. Horticulture Point végétatif situé à l'aisselle d'une feuille et pouvant évoluer l'année même en rameau ou en bouton à fleur. Dépression en couronne laissée par les traces du calice au sommet des fruits des pomacées (pommes, poires). Petite cavité sur le tubercule de pomme de terre, d'où sortira un bourgeon. Imprimerie (pluriel œils) Partie du caractère représentant le dessin de la lettre reproduit à l'impression sur le papier pendant le tirage. Marine (pluriel œils) Boucle formée à l'extrémité d'un filin. Outillage (pluriel œils) Trou pratiqué dans la tête d'un marteau pour y fixer le manche. Technique (pluriel œils) Judas optique. Théâtre Trou pratiqué dans le rideau d'un théâtre et permettant de regarder la salle depuis la scène. Viticulture Bourgeon de vigne laissé lors de la taille. ● œil, yeux (citations) nom masculin (latin oculus) Auguste Angellier 1848-1911 Les caresses des yeux sont les plus adorables. À l'amie perdue Chailley Jean Anouilh Bordeaux 1910-Lausanne 1987 […] J'aurai beau tricher et fermer les yeux de toutes mes forces… Il y aura toujours un chien perdu quelque part qui m'empêchera d'être heureuse… La Sauvage, III, Thérèse La Table Ronde Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire Rome 1880-Paris 1918 Le pré est vénéneux mais joli en automne Les vaches y paissant Lentement s'empoisonnent Le colchique couleur de cerne et de lilas Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là Violâtres comme leur cerne et comme cet automne Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne. Alcools, les Colchiques Gallimard Hans Arp ou Jean Arp Strasbourg 1887-Bâle 1966 Si quelqu'un a des oreilles, qu'il voie, si quelqu'un a des yeux, qu'il entende. Jours effeuillés Gallimard Samuel Beckett Foxrock, près de Dublin, 1906-Paris 1989 N'importe quel imbécile peut fermer l'œil, mais qui sait ce que voit l'autruche dans le sable. Murphy Éditions de Minuit Yves Bonnefoy Tours 1923 Il y a des yeux grands ouverts au secret des yeux fermés. L'Improbable Mercure de France André Breton Tinchebray, Orne, 1896-Paris 1966 L'œil existe à l'état sauvage. Le Surréalisme et la Peinture Gallimard Frédéric Sauser, dit Blaise Cendrars La Chaux-de-Fonds 1887-Paris 1961 Si l'on a baptisé Jules Renard « l'œil », j'appellerai Picasso le « regard ». Aujourd'hui Grasset Pierre Corneille Rouen 1606-Paris 1684 Sur mes pareils, Néarque, un bel œil est bien fort. Polyeucte, I, 1, Polyeucte Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 Je suis plus sûr de mon jugement que de mes yeux. Pensées philosophiques Jean-Baptiste Louis Gresset Amiens 1709-Amiens 1777 […] Elle a d'assez beaux yeux… Pour des yeux de province. Le Méchant Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 L'œil était dans la tombe et regardait Caïn. La Légende des siècles, la Conscience Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Mais enfin je l'ai vu, vu de mes yeux, vous dis-je ! Fables, le Dépositaire infidèle Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Il n'est, pour voir, que l'œil du maître. Fables, l'Œil du maître Maurice Maeterlinck Gand 1862-Nice 1949 Allez où vos yeux vous mènent, Dieu les fermera demain. Treize Chansons de l'âge mûr Fasquelle Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière Paris 1622-Paris 1673 Je l'ai vu, dis-je, vu, de mes propres yeux vu, Ce qu'on appelle vu […]. Le Tartuffe, V, 3, Orgon Germain Nouveau Pourrières 1851-Pourrières 1920 Le jour est moins charmant que les yeux de la nuit. La Doctrine de l'amour Gallimard Pablo Ruiz Picasso Málaga 1881-Mougins 1973 On devrait crever les yeux aux peintres comme l'on fait aux chardonnerets pour qu'ils chantent mieux. Conversations avec Christian Zervos, 1935 in Cahiers d'art Jean Racine La Ferté-Milon 1639-Paris 1699 Seigneur, l'amour toujours n'attend pas la raison. N'en doutez point, il l'aime. Instruits par tant de charmes, Ses yeux sont déjà faits à l'usage des larmes. Britannicus, II, 2, Narcisse René François Armand Prudhomme, dit Sully Prudhomme Paris 1839-Châtenay-Malabry 1907 Académie française, 1881 Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux, Des yeux sans nombre ont vu l'aurore. Stances et poèmes, le Vase brisé Lemerre Bible Tu donneras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, meurtrissure pour meurtrissure, plaie pour plaie. Ancien Testament, Exode XXI, 23-25 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible Écoutez donc ceci, peuple stupide et irréfléchi : avec leurs yeux, ils ne voient rien, avec leurs oreilles, ils n'entendent rien ! Ancien Testament, Jérémie V, 21 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible Si un homme blesse un compatriote, comme il a fait on lui fera : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent. Tel le dommage que l'on inflige à un homme, tel celui que l'on subit. Ancien Testament, Lévitique XXIV, 19-20 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible Elles ont une bouche et ne parlent pas, elles ont des yeux et ne voient pas, elles ont des oreilles et n'entendent pas. Ancien Testament, Psaumes CXV, 5-6 les idoles Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». ● œil, yeux (difficultés) nom masculin (latin oculus) Orthographe Le pluriel normal de œil est yeux , sauf dans quelques cas. 1. Dans les mots composés : des œils-de-bœuf, des œils-de-chat, des œils-de-perdrix, des œils-de-pie, des œils-de-tigre, etc. 2. Employé comme terme technique, au sens de « trou, ouverture » : des œils épissés ; les œils des meules, des caractères d'imprimerie. 3. Clin d'œil → clin. 4. L'expression familière entre quat'z-yeux est en général orthographiée ainsi, telle qu'elle est prononcée. Emploi Avoir l'œil sur qqn = le surveiller. Avoir les yeux sur qqn = avoir les yeux fixés sur lui, le regarder attentivement. ● œil, yeux (expressions) nom masculin (latin oculus) Familier. À l'œil, gratuitement, pour rien : J'ai eu trois places de théâtre à l'œil. À l'œil nu, par la vue seule, sans l'aide d'un instrument d'optique. À vue d'œil, autant qu'on en peut juger par la vue seule : À vue d'œil, la maison est à trois cents mètres ; très rapidement et d'une façon très sensible : Un enfant qui grandit à vue d'œil. Avoir le coup d'œil, avoir le jugement sûr et rapide, l'évaluation exacte. Avoir l'œil (à tout), être attentif, tout remarquer. Avoir l'œil sur quelqu'un, avoir quelqu'un à l'œil, le surveiller étroitement. Familier. Avoir un œil à Paris et l'autre à Pontoise, avoir un œil qui dit zut, qui dit merde à l'autre (dans la langue populaire), loucher fortement. Coup d'œil, regard, examen rapide : Jeter un coup d'œil sur un livre ; aspect, vue, spectacle : De la terrasse, le coup d'œil était magnifique. Familier. Faire de l'œil à quelqu'un, cligner de l'œil dans sa direction en signe de connivence ou pour l'aguicher. Familier. Jeter un œil sur quelque chose, y jeter un regard rapide. Mauvais œil, influence maléfique. Familier. Mon œil !, marque le doute, le refus. Ne pas (pouvoir) fermer l'œil (de la nuit), ne pas (pouvoir) dormir. Ne voir que d'un œil, voir superficiellement ou d'un point de vue particulier. Familier. Ouvrir l'œil, ouvrir l'œil et le bon, surveiller ce qui se passe ; se montrer vigilant, prêt à toute éventualité. Sous l'œil de, sous la surveillance de. Voir quelque chose d'un bon œil, d'un mauvais œil, de façon favorable, défavorable. L'œil du maître, vigilance de celui à qui rien n'échappe. Œil dormant, œil qui ne se développe qu'au printemps suivant la greffe. Œil poussant, œil qui se développe immédiatement après la greffe estivale en écusson. Taille à deux, à trois yeux, taille d'un arbre fruitier dans laquelle on conserve deux, trois bourgeons sur le rameau coupé. Œil de verre ou œil artificiel, imitation de l'œil, en verre ou en émail, qu'on met à la place d'un œil énucléé. Œil d'un cyclone, partie centrale d'un cyclone tropical, constituant une zone (temporaire) de calme. Œil électrique, cellule photoélectrique servant à la commande de dispositifs automatiques. Œil latent, bourgeon du vieux bois qui donne naissance à un gourmand. Œil pinéal, chez certains agnathes, poissons (chondrostéens) et reptiles (hattéria, lézards), organe photosensible impair issu d'une évagination de l'épiphyse. ● œil, yeux (synonymes) nom masculin (latin oculus) Médecine. Œil de verre ou œil artificiel
Synonymes :
- prothèse oculaire
Synonymes :
- Agroalimentaire. ouverture
ÉTYM. 1380; oil, v. 1050; ol, v. 980; au plur. uels, XIe; ieus, yeus, XIIe; du lat. oculus, à l'accus. oculum, au plur. oculos. → Oculaire.
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1 Organe de la vue (globe oculaire et ses annexes). ⇒ Vision; visuel (appareil), voir, vue (→ Expansion, cit. 1, Buffon). || Œil rudimentaire des crustacés inférieurs; yeux lentifères des arachnides, des insectes. ⇒ Ocelle, stemmate. || Yeux composés, à facettes. — (Chez l'homme). || L'œil de l'homme, instrument d'optique précis. || Les deux yeux, les yeux de qqn., ses yeux (⇒ fam. Châsse, coquillard, mirette, quinquet et, enfantin, neuneuil). || L'œil droit (cit. 2), l'œil gauche. || Paire d'yeux. || Ne voir que d'un œil. ⇒ Borgne. || Monstre à œil unique. ⇒ Cyclope. || L'œil éteint des aveugles (cit. 39). || Blesser quelqu'un à l'œil. ⇒ Éborgner. || Perdre un œil (→ Bouillie, cit. 3), les yeux : devenir borgne, aveugle. || Œil crevé. || Il lui manque un œil (→ Dessert, cit. 1, Brillat-Savarin). || Arracher (cit. 3) les yeux à quelqu'un. — Myth. || L'homme, le géant aux cent yeux. ⇒ Argus.
1 Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler.
Racine, Phèdre, I, 3.
♦ ☑ Allus. bibl. Avoir des yeux pour voir et des oreilles pour entendre (cit. 55 et 57).
2 Elles (les idoles) ont des yeux et ne voient point, elles ont des oreilles et n'entendent point.
Bible (Segond), Psaumes, CXV, 5-6.
3 Auras-tu donc toujours des yeux pour ne point voir ? (…)
Racine, Athalie, I, 1.
♦ Étude médicale des yeux. ⇒ Oculistique, ophtalmologie. — Anat. || Le globe de l'œil (⇒ Oculaire) est logé dans la cavité orbitaire (⇒ Orbite). || Axes des yeux. || Membranes ou tuniques de l'œil. || Tunique externe (fibreuse) de l'œil; (cour.) le blanc de l'œil. ⇒ Sclérotique; cornée (cit.). || Tunique moyenne (vasculaire) de l'œil. ⇒ Uvée; choroïde, ciliaire (zone ou corps), iris (cit. 1, 2 et 3), prunelle, pupille. || Tunique interne (nerveuse) de l'œil. ⇒ Rétine (→ Image, cit. 12). || Le nerf optique pénètre dans l'œil par une papille. || Milieux transparents et réfringents de l'œil. ⇒ Cristallin (cit. 4); vitré (corps vitré : membrane hyaloïde, humeur vitrée); chambre (chambres [cit. 15] remplies par l'humeur aqueuse). || Annexes de l'œil. ⇒ Capsule (de Tenon); muscle (muscles droits et obliques; orbiculaire des paupières); sourcil (→ Cacher, cit. 52); paupière; cil (→ Abaisser, cit. 2); conjonctive; lacrymal (glande, voies lacrymales). || Angle externe ou petit angle de l'œil. ⇒ Commissure. || Angle interne ou grand angle de l'œil. ⇒ Larmier.
♦ Cour. || Écartement (cit. 2) des yeux. || Yeux rapprochés. || Bords, tour des yeux. || Rides au coin de l'œil. ⇒ Patte-d'oie (→ Carrefour, cit. 5). || Poches sous les yeux (→ Fanon, cit. 4; gonfler, cit. 15). || Humeur qui s'amasse au bord des yeux. ⇒ Chassie.
4 L'appareil périphérique de la vision est essentiellement composé par le globe de l'œil et le nerf optique. Il est contenu en entier dans une vaste cavité appelée orbite, située entre la partie antérieure de la base du crâne et le massif facial.
L. Testut, Traité d'anatomie, t. III, p. 541.
♦ Lumière qui éblouit les yeux. ⇒ Éblouir (cit. 21 et 22). || Avoir le soleil dans les yeux. || Le soleil me tire les yeux, me fait mal aux yeux, me fatigue les yeux… || Mettre la main sur ses yeux pour s'abriter (cit. 4) du soleil, sur le visage au niveau des yeux. || Se protéger les yeux par des lunettes de soleil, la visière d'une casquette, d'un casque. || Yeux qui s'habituent, se font (cit. 239) à l'obscurité (cit. 3).
♦ ☑ Loc. Avoir de bons yeux, une bonne vue. || Elle a de très mauvais yeux. — ☑ Fam. (1685). Avoir bon pied bon œil : être vigoureux, très valide (par rapport à l'âge). || Alors, père Jules, toujours bon pied bon œil ?
5 J'ai bon pied, bon œil, bonne santé. J'espère vivre encore assez pour savoir dans quel chemin vous mettrez les pieds.
Balzac, la Rabouilleuse, Pl., t. III, p. 1060.
♦ Œil bien conformé, dont l'accommodation est normale. ⇒ Emmétrope, emmétropie. || Convergence des yeux (→ Dimension, cit. 2).
♦ Vices de conformation (⇒ Lagophtalmie), anomalies, lésions, inflammations des yeux. || Troubles fonctionnels des yeux : achromatopsie, amaurose, amétropie, astigmatisme, cécité, daltonisme, hypermétropie, myopie, nyctalopie, presbytie, strabisme. || Maladies des yeux : albugo, cataracte, conjonctivite, exophtalmie, glaucome, kératite, kératocèle, staphylome, taie, trachome, uvéite. || Yeux déficients corrigés par des lunettes, des verres de contact (ou lentilles cornéennes), et, anciennt, par un monocle, un binocle, un face à main. || Mal (3. Mal, cit. 14) d'yeux. || Yeux faibles, fatigués, lourds, abîmés (cit. 4), usés par les veilles, l'insomnie. ☑ Se casser, se crever les yeux (fam.) : se fatiguer la vue (en lisant sans lumière, etc.). || Yeux qui pleurent continuellement. ⇒ Larme, larmoyer (cit. 1), pleur, pleurer. || S'essuyer les yeux. || Yeux rouges, éraillés (cit. 3 et 4). || Yeux révulsés (→ Méningite, cit.). || Ses yeux lui piquaient, lui picotaient, lui (cit. 12) cuisaient, lui brûlaient. || Yeux qui louchent. ⇒ Bigle (cit.), louche (cit. 3 et 4); loucher (cit. 2 et 3). ☑ Coquetterie (cit. 10) dans l'œil. — Phosphènes produits par un coup sur l'œil. || Escarbille (cit. 1) dans l'œil. — Appliquer (cit. 3) des compresses sur un œil malade, mettre un collyre, une œillère. || Se bander les yeux, avoir un bandeau sur les yeux. || S'inquiéter de ses yeux (→ Iris, cit. 2). || Se faire examiner, soigner les yeux par un oculiste, un ophtalmologiste, un opticien. || Ne voir que d'un œil à travers un monocle (cit. 1). — Chir. || Extirpation de l'œil. ⇒ Énucléation.
6 Une vue, dite tendre, force le digne notaire à porter des lunettes vertes pour conserver ses yeux, constamment rouges.
Balzac, Modeste Mignon, t. I, p. 360.
7 (…) son regard trahissait, sous les lunettes, cette douceur des yeux usés dans la science et dans la volupté.
France, le Lys rouge, X.
8 Les yeux lui faisaient mal : c'étaient, par instants, des pointes d'aiguille qui s'enfonçaient dans l'orbite; il avait des éblouissements et ne pouvait plus lire, il devait s'arrêter pendant quelques minutes.
R. Rolland, Jean-Christophe, Le matin, I, p. 145.
9 (…) nous ne regardons jamais un œil pour lui-même; chacun de nous ignore la couleur de l'iris de presque tous ses amis. L'œil est regard : il n'est œil que pour l'oculiste et pour le peintre.
Malraux, les Voix du silence, p. 277.
♦ ☑ (1878). Fam. Avoir un œil qui dit merde à l'autre, un œil qui joue au billard et l'autre qui compte les points; les yeux qui se croisent les bras : loucher.
♦ ☑ (1925). Fam. N'avoir pas les yeux en face (cit. 60) des trous : ne pas voir ce qui est pourtant bien visible, être mal réveillé.
9.1 (…) extrême fatigue et insatiable besoin de sommeil — les yeux, comme on dit, pas en face des trous —, impression presque physique d'œillères coupant toute attention à ce qui ne concerne pas l'idée fixe (…)
Michel Leiris, Frêle bruit, p. 135.
♦ Partie visible de l'œil et les paupières.
REM. Dans les exemples qui suivent, œil peut dénoter « paupière » (yeux bridés, yeux bouffis), « iris » (œil bleu), « partie visible de l'œil » (grands yeux), « ensemble œil + paupière » (yeux enfoncés). On ne peut cependant distinguer ces valeurs, car il se produit souvent des interférences. Ex. : de grands yeux bleus. L'œil couramment observable est conçu comme une unité, qui ne s'oppose guère qu'à l'œil de l'anatomiste, au globe oculaire.
♦ Forme des yeux. || De grands yeux (→ Eau, cit. 19). || De petits yeux (→ Enfouir, cit. 6; faner, cit. 63). ☑ Des yeux en vrille, percés comme avec une vrille. || Gros (cit. 5) yeux (→ Fixité, cit. 3). — ☑ Yeux globuleux (cit. 2), ronds (→ Épater, cit. 10), en boules de loto (cit. 2), à fleur de tête, qui sortent de la tête (⇒ Exorbité). || Yeux caves (2. Cave, cit. 1), creusés, enfoncés. || Yeux admirablement fendus (cit. 16), coupés en amande (cit. 2). || Yeux bridés. || Yeux cerclés (cit.), cernés de noir. ⇒ Cerne (→ Assombrir, cit. 7). || Yeux dilatés (cit. 1 et 7), écarquillés (→ Dévisager, cit. 2).
♦ Couleur, nuances des yeux, de l'iris (→ 1. Franc, cit. 3). || Yeux clairs, pâles et yeux foncés, bruns (→ Gène, cit. 2). || De grands yeux bleus (→ Avaler, cit. 36). || Brune aux yeux bleus (cit. 4). || Des yeux d'un bleu de faïence (→ Blond, cit. 6). || Yeux bleu pâle (→ Allumer, cit. 16). || Le bleu, l'azur (cit. 4 et 5) de tes yeux. || Yeux de pervenche, de violette (→ Arc, cit. 13). || Yeux verts (→ Envers, cit. 14). || Yeux pers; glauques (cit. 1). || Yeux gris (→ Malhabile, cit. 3). || Yeux noirs (→ Brillant, cit. 7), très noirs (→ Funèbre, cit. 15), de jais (→ Éclat, cit. 22). || Des yeux roux, couleur de braise (cit. 3), de charbon en feu (→ Hérisser, cit. 34). || Yeux marrons. || De grands yeux noisette (→ Incroyable, cit. 11). || Yeux vairons (→ Bossuer, cit. 3).
10 Topinard admet cinq tons fondamentaux pour désigner la coloration des yeux : noir, foncé, marron, gris et bleu (…) les nuances foncées augmentent en passant des latitudes septentrionales aux latitudes méridionales (…) au contraire, les nuances claires, relativement rares chez les peuples méridionaux, atteignent leur maximum chez les peuples du Nord. En France, les yeux bleus se présentent avec une proportion de 44,5 p. 100; les yeux franchement noirs, avec une proportion de 4,5 p. 100 seulement.
L. Testut, Traité d'anatomie, t. III, p. 578.
♦ Éclat (cit. 22, 23 et 26), fraîcheur (cit. 12), limpidité (cit. 5), pureté de l'œil. || Yeux ardents, brillants (⇒ Braise, escarboucle). || Des yeux étincelants (cit. 4), flamboyants (cit. 2), luisants (cit. 2), perçants (→ Cupidon, cit.), pétillants, vifs (→ 1. Barbe, cit. 16). || Yeux fiévreux (→ Convenir, cit. 19). || Feu, flamme des yeux (→ Autorité, cit. 43). || « Des éclairs (cit. 12) de ses yeux l'œil était ébloui » (Racine). — Œil terne (→ Maladif, cit. 4), trouble (→ Gorge, cit. 16). || Yeux injectés (cit. 4) de sang. || Yeux endormis, mornes, atones (cit. 1), morts. — Des yeux d'une mobilité surprenante (→ Humide, cit. 12), d'une fixité (cit. 4) étrange.
11 Savez-vous que ses yeux ont des regards de flamme ?
Hugo, Odes et ballades, IV, I, III.
12 Ses yeux brillaient d'une fièvre un peu hagarde; un cerne les creusait, brun sombre, accentuant leur fixité.
M. Genevoix, Raboliot, IV, II.
♦ Expression (cit. 12 et 40) des yeux, du regard. || Les yeux sont appelés le miroir de l'âme. || Avoir l'œil bon, mauvais, méchant… || Yeux durs (→ Fuyant, cit. 6), d'une fixité gênante (cit. 2), froids (cit. 6) comme l'acier (→ Brillant, cit. 7), secs, cruels (cit. 8). || Œil candide, ingénu, pur (→ Candide, cit. 3). || Yeux rieurs, narquois, coquins, fripons (cit. 11), éveillés… || Des yeux, pleins de douceur, de bonté (→ Foudroyer, cit. 17). || Yeux tendres, veloutés, de velours. — Yeux intelligents (cit. 8), fins, finauds. || Des yeux profonds.
♦ Le mouvement des yeux (→ Artificiel, cit. 8). || Façon de remuer les yeux (→ Implicite, cit. 1). || Rouler les yeux. ⇒ Rouler. ☑ Lever (cit. 10 et supra), baisser (cit. 13 à 18) les yeux.
♦ De beaux, de jolis yeux (→ Eau, cit. 19; malicieux, cit. 5). || Des yeux splendides (→ Éclairer, cit. 25). — Spécialt. || Les (beaux) yeux d'une femme, le charme de son regard. — Allus. littér. || « Belle marquise, vos beaux yeux me font (cit. 179) mourir d'amour » (Molière). || « Votre œil en tapinois me dérobe mon cœur » (→ Garde, cit. 35, Molière). — || « Un regard indulgent (cit. 11) de ces yeux… » (Musset). — Son œil fascine et attire (cit. 28). || Les conquêtes que font ses yeux (→ Applaudir, cit. 18). || « Les larcins (cit. 5) de vos yeux ». || Yeux assassins (cit. 15). || Ces yeux où l'âme se désaltère (cit. 6).
13 Elle a d'assez beaux yeux
Pour des yeux de province (…)
14 Un jeune homme
Croit toujours de beaux yeux garants d'une belle âme.
André Chénier, Notes et vers épars, in Œ., t. II, p. 129.
15 Jamais deux yeux plus doux n'ont du ciel le plus pur
Sondé la profondeur et réfléchi l'azur.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Lucie ».
16 Tes yeux, où rien ne se révèle
De doux ni d'amer,
Sont deux bijoux froids où se mêle
L'or avec le fer.
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Spleen et idéal », XXVIII.
17 (…) son grand œil bleu, levé vers les nuages, parut à Emma plus limpide et plus beau que ces lacs des montagnes où le ciel se mire.
Flaubert, Mme Bovary, II, V.
18 Quant aux yeux, il n'en exista jamais de pareils. Ils avaient une vie, une lumière, un magnétisme inconcevables. Malgré les veilles de chaque nuit, la sclérotique en était pure, limpide, bleuâtre, comme celle d'un enfant ou d'une vierge, et enchâssait deux diamants noirs qu'éclairaient par instants de riches reflets d'or : c'étaient des yeux à faire baisser la prunelle aux aigles, à lire à travers les murs et les poitrines, à foudroyer une bête fauve furieuse, des yeux de souverain, de voyant, de dompteur.
Th. Gautier, Portraits contemporains, « Balzac ».
19 (…) ses yeux bleus, ses yeux de pervenche me parurent une chose surnaturelle, et encore aujourd'hui je ne peux m'imaginer que ces deux joyaux animés aient subi les fatigues de la vie et la corruption de la mort.
France, le Crime de S. Bonnard, IV, in Œ., t. II, p. 391.
20 Tes yeux sont comme des lys d'eau bleus sans tiges, immobiles sur des étangs.
Pierre Louÿs, Aphrodite, I, I.
21 Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire.
Aragon, les Yeux d'Elsa, p. 1.
♦ ☑ (1633). Fig. Pour les beaux yeux de quelqu'un, par amour pour lui, dans le seul dessein de lui plaire, gratuitement.
22 Qu'aucun pour nos beaux yeux n'est notre soupirant,
Et qu'il faut acheter tous les soins qu'on nous rend.
Molière, le Misanthrope, III, 4.
23 — Depuis des années que je m'esquinte à l'amuser, conclut-elle, tu comprends que ce n'est pas pour ses beaux yeux.
Zola, la Terre, V, III.
♦ Par compar. (avec les animaux). ☑ Yeux d'aigle, de lynx (cit. 2), une vue perçante; de hibou (cit. 6), gros et fixes; de chat, qui voient clair la nuit; de biche, de gazelle (cit.), doux; de carpe, de merlan, de veau, ternes, morts. || Yeux bovins, chevalins (cit. 2). — Au sing. (dénotant la vision). || Avoir un œil de lynx, d'aigle…
♦ Fig. || Il, elle a les yeux de son père, de sa mère, semblables à ceux du père, de la mère (→ Issu, cit. 2).
♦ Le tour des yeux (paupières, etc.). || Avoir les yeux battus, boursouflés, bouffis, meurtris. || Se frotter les yeux. ☑ Œil poché, au beurre (cit. 4) noir. ⇒ Pochon (et fam. coquard). || Yeux collés (cit. 2) de sommeil. — Se farder (cit. 9) les yeux, les paupières. || Fards, crayons pour les yeux. || Yeux peints de kohol (cit. 2).
24 (…) l'œil noir, allongé, souligné par le crayon, encadré sous des sourcils énormes et factices.
Maupassant, Bel-Ami, I, I.
♦ Ouvrir les yeux : disjoindre les paupières en découvrant la partie normalement visible de l'œil. || Fermer les yeux : joindre les paupières.
a (Avec le v. ouvrir). || Rouvrir (→ Lèvre, cit. 23), refermer (→ Inconsciemment, cit. 1) les yeux. || L'aigle (cit. 4) ouvrit son œil fauve. || « J'ouvris les yeux, je vis l'étoile du matin » (→ Endormir, cit. 17). ⇒ Éveiller (s'). || On ne peut s'empêcher de voir quand on a les yeux ouverts (→ Attention, cit. 14). || Somnambule qui dort les yeux ouverts (→ Extatique, cit. 4). || Avoir, tenir les yeux grands (cit. 20) ouverts. || Elle ne pouvait tenir les yeux ouverts tant elle était lasse (1. Las, cit. 5). — ☑ Loc. Ouvrir de grands yeux, des yeux ronds, des yeux agrandis, arrondis par la surprise, l'étonnement. ⇒ Écarquiller (→ Lanterne, cit. 11). — Ouvrir les yeux au jour, à la lumière. ⇒ Naître (→ Instant, cit. 2). — ☑ Fig. Ouvrir l'œil (fam. Ouvrir l'œil et le bon) : être très attentif, vigilant. — ☑ Ouvrir les yeux de quelqu'un, lui découvrir ce qu'on lui tenait caché, faire cesser son aveuglement (cit. 6 et 15). ⇒ Dessiller (cit. 1 et 2). || Ouvrir les yeux des maris (→ Aviser, cit. 19).
b (Avec le v. fermer). || Fermer les yeux comme au soleil de midi (→ Blanc, cit. 3). || Il fermait à demi (cit. 22) les yeux. || Yeux mi-clos, presque clos (→ Furtif, cit. 10). || Fermer un œil pour viser. ⇒ Bornoyer, viser. || Il était somnolent, ses yeux se fermaient (→ Incliner, cit. 19). || Sentir ses yeux se fermer. ⇒ Dormir (cit. 7); endormir (s'). || Les yeux clos comme s'il dormait. ☑ Loc. Ne pas fermer l'œil de la nuit : ne pas dormir (→ Depuis, cit. 10). — Fig. || Fermer les yeux pour ne pas voir le danger (→ Bravoure, cit. 2). — Fermer les yeux à la lumière. ⇒ Mourir. || Bientôt (cit. 4) mes yeux se fermeront pour l'éternité. — ☑ Fermer les yeux de qqn, à qqn qui vient de mourir. — ☑ Fig. Fermer les yeux à qqch., sur qqch., ne pas le voir (⇒ Aveuglement) ou se refuser à le voir, faire, par tolérance, connivence, complaisance, lâcheté, etc. comme si on ne l'avait pas vu, feindre de l'oublier. || Fermer ses yeux à la vérité (→ Arracher, cit. 16). || « Sur tout ce que j'ai vu fermons plutôt les yeux » (→ Mieux, cit. 34). — ☑ Loc. J'irais là-bas les yeux fermés, sans avoir besoin de la vue (tant le chemin m'est familier). — Accepter quelque chose les yeux fermés, en toute confiance, sans examen, sans vérification.
25 Il voulait bien tolérer certains vices du régime, passer l'éponge sur certains scandales parlementaires, de même qu'il fermait les yeux sur les gaspillages de Léon et les petits profits de Clotilde.
Martin du Gard, les Thibault, VI, p. 124.
26 Quand elle se fut assurée que je n'abusais pas du plaisir, elle ferma les yeux sur mes sorties du soir, pourvu que je fusse rentré à minuit.
F. Mauriac, le Nœud de vipères, II.
♦ Ciller les yeux. ⇒ Ciller. || Cligner l'œil, les yeux, de l'œil, des yeux. ⇒ Clignement, cligner, clin (d'œil). || Clignoter des yeux. || Yeux clignotants, papillotants. ⇒ Papilloter. — Plisser les yeux. ⇒ Plisser.
c (Avec voir, vue et les mots exprimant la vision). — ☑ Loc. Voir une chose de ses yeux, de ses propres yeux (→ Affirmer, cit. 3; appeler, cit. 40). — ☑ (1567, in D. D. L.). Du coin de l'œil. || Voir, regarder du coin de l'œil (→ Carrément, cit. 3). || Ce que mes yeux ont vu (→ Bouillon, cit. 3). || À l'œil nu. ☑ Objet, corps visible à l'œil nu, sans l'aide d'aucun instrument d'optique (→ Étoile, cit. 19; imperceptible, cit. 3; microscope, cit. 1). — ☑ À vue d'œil. ⇒ Vue. — Objet que l'œil distingue à peine. || Des yeux vous observent par l'entrebâillement (cit. 1) d'une porte. || Coller son œil au trou de la serrure. || Ses yeux regardent bien en face (→ 2. Air, cit. 10). ☑ Regarder quelqu'un dans les yeux, dans le blanc (cit. 24) des yeux, entre deux yeux, en face, avec insistance. — ☑ (1656). Du coin de l'œil : par un regard dérobé. || Lorgner un rôti du coin de l'œil (→ Bon, cit. 124). ⇒ Coin (cit. 9. → aussi Guigner, cit. 3). || Surveiller du coin de l'œil les gestes de son voisin (→ Expédier, cit. 7). — Se mesurer des yeux. || L'œil qui contemple (→ Harmonie, cit. 29). ⇒ Contempler (→ aussi Inanimé, cit. 3). || Avoir les yeux dans le vague.
2 L'œil, les yeux : le regard. ⇒ Regard, vision, vue. || Chercher, suivre (→ Broncher, cit. 8) quelqu'un des yeux. || L'œil ne peut embrasser tout le champ de bataille (→ Carnage, cit. 4). || L'œil s'égare au loin (→ Bâtir, cit. 45).
♦ Jeter les yeux sur qqch. (Littér.). || Jetez les yeux sur cette maison magnifique (→ Billet, cit. 5). || Diriger, tourner ses yeux vers quelqu'un (→ Avocat, cit. 20). || Porter, braquer (cit. 4), arrêter, fixer (cit. 9) ses yeux sur quelqu'un. || Elle l'interrogeait, les yeux fixés sur lui (→ Avide, cit. 18). || Il planta dans mes yeux deux yeux froids et brillants (→ Flamber, cit. 15). || Les yeux à terre, fixés, fichés (cit. 4) en terre : les yeux baissés, le regard dirigé vers le sol. || Leurs yeux se rencontraient sans cesse (→ Mêler, cit. 4). || Éviter (cit. 18) les yeux de quelqu'un. || Tous les yeux s'attachèrent (cit. 69 et 106) sur lui, sur eux. ☑ Ne pas quitter une chose des yeux (→ Dévidage, cit. 1). || Je ne pouvais détacher (1. Détacher, cit. 7) mes yeux de son visage. || Choisir une chose de l'œil avant de l'acheter. ☑ Fig. Avaler (cit. 14) une chose, boire des yeux. ☑ Couver, manger, dévorer (cit. 10 à 13) quelqu'un des yeux, convoiter. || Caresser (cit. 9) de l'œil la courbe d'un beau corps. — Détourner les yeux (→ Désir, cit. 17). || Ses yeux se détachèrent d'elle (→ Flamboyer, cit. 4). || Discourir (cit. 5), les yeux au plafond. || Cacher, dissimuler (cit. 8), découvrir, étaler, exhiber, exposer une chose aux yeux de quelqu'un. || « L'onde approche (cit. 33), se brise et vomit à nos yeux… » (Racine). || Brusquement ses yeux tombèrent sur la lettre (→ Lucidité, cit. 6).
27 (…) les yeux, qui avaient tant convoité toutes les somptuosités terrestres (…)
Flaubert, Mme Bovary, III, VIII (→ Convoiter, cit. 3).
♦ ☑ Avoir une chose devant les yeux, sous les yeux, sous son regard, devant soi. || Ôte-toi de mes yeux (→ Aller, cit. 80). || Ôtez-vous de devant (cit. 15) mes yeux. || Voir passer qqch., qqn devant ses yeux (→ Hydre, cit. 3). || Défiler devant les yeux comme un film (cit. 2). || Les documents (cit. 4) que j'ai sous les yeux. || Les enfants jouent sous l'œil indolent (cit. 8) des nourrices. || Mettre une chose devant les yeux, sous les yeux de quelqu'un, lui montrer, exposer à sa vue, poser devant lui.
♦ ☑ (Mil. XVIIe). Coup d'œil : regard rapide, prompt. || Un coup d'œil, des coups d'œil. || Coup d'œil furtivement (cit. 2) jeté. || Lancer un coup d'œil. || Jeter un coup d'œil au-dehors, par la fenêtre (→ Compulser, cit. 1) sur quelqu'un, sur quelque chose (→ Hôtel, cit. 7; manomètre, cit.). || Découvrir, voir, remarquer une chose d'un seul coup d'œil, du premier coup d'œil, dès le premier coup d'œil (→ Inimaginable, cit. 2; jauger, cit. 3). — Fig. || Saisir quelque chose d'un coup d'œil (→ Digression, cit. 1), du premier coup d'œil. ⇒ Examen (→ Aérolithe, cit. 1). — Jeter un coup d'œil sur le journal, sur un ouvrage, le parcourir rapidement, en lire quelques lignes (→ Mince, cit. 10). — Avoir (cit. 25) le coup d'œil juste, sûr, pénétrant, intuitif… (→ Intuition, cit. 4), l'art d'observer promptement, exactement les choses, de bien discerner. ⇒ Discernement, perspicacité. || Justesse et profondeur du coup d'œil (→ Hors, cit. 10 et 18). || Coup d'œil professionnel (→ Examiner, cit. 2). — Absolt. ☑ Avoir du coup d'œil, la faculté de voir vite et bien. || Le coup d'œil du « connaisseur » (cit. 3).
♦ (Fin XVIIe, Mme de Sévigné). Par ext. Vue que l'on a (d'un endroit, sur un paysage). || De la pointe de la jetée (cit. 2), le coup d'œil sur la ville est merveilleux. ⇒ Vue. || Coup d'œil féerique des jardins du Casino (→ Hôtel, cit. 7).
3 Fig. (Dans des expressions). Attention portée par le regard. || Objet qui attire, retient l'œil, les yeux (→ Infailliblement, cit. 3). || Ce qui frappe (cit. 35) l'œil. || Beautés, attraits (cit. 22) qui captivent les yeux, les fascinent (→ Bagatelle, cit. 17). — ☑ Sauter aux yeux : être évident, très visible. || Faute d'impression (cit. 5) qui saute aux yeux. — ☑ Cela crève les yeux à tout le monde. ⇒ Crever (cit. 33 à 35). — Où avez-vous les yeux ? comment n'avez-vous pas vu ça ? — ☑ Regarder de tous ses yeux, très attentivement.
♦ ☑ Loc. (où yeux au plur. correspond à l'attention). Être tout yeux, tout oreilles : regarder, écouter très attentivement (→ Loup, cit. 8).
27.1 (…) un physionomiste, en regardant d'un peu près ces deux étrangers, aurait nettement déterminé le contraste physiologique qui les caractérisait, en disant que si le Français était « tout yeux », l'Anglais était « tout oreilles ».
J. Verne, Michel Strogoff, p. 8.
♦ ☑ (1893). N'avoir pas les yeux dans sa poche : ne pas manquer d'observer ce qui pourrait échapper à quelqu'un de moins attentif; être très observateur. — ☑ Fam. Avoir de la merde dans les yeux : ne rien remarquer.
♦ (Avec le v. avoir). Attention exclusive. ☑ Avoir les yeux sur qqn, le regarder avec grande attention. || N'avoir les yeux que sur une même personne. ☑ Loc. N'avoir d'yeux que pour quelqu'un, ne voir que lui, et, au fig., lui porter une affection exclusive, ne s'intéresser qu'à lui (→ Lettre, cit. 15). || « Elle n'a d'yeux que pour son fils aîné, ses autres enfants lui sont presque indifférents » (Académie).
28 Il n'a d'yeux que pour toi (…)
Corneille, Clitandre, I, 4.
29 Quoi ? tu veux (…) qu'on n'ait plus d'yeux pour personne ? (…) je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes (…)
Molière, Dom Juan, I, 2.
♦ ☑ Avoir l'œil… : exercer une attention constante, vigilante, une surveillance active. || Avoir l'œil aux aguets, au guet (cit. 3). || Avoir l'œil sur quelqu'un (→ Aller, cit. 91), sur quelque chose. || La police a constamment l'œil dessus (→ Gros, cit. 31). — Avoir l'œil à tout, les yeux partout, des yeux d'Argus. ⇒ Veiller.
30 Valère, aie un peu l'œil à tout cela (…)
Molière, l'Avare, III, 9.
31 Depuis longtemps Colbert avait l'œil sur les procédés de Fouquet, sur ses irrégularités et ses dilapidations; il avait adressé à Mazarin des mémoires détaillés à ce sujet (…)
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 12 janv. 1852.
♦ ☑ Loc. fam. Avoir quelqu'un à l'œil, le surveiller. || Tenir à l'œil. || Voir tout par ses yeux. || L'œil du maître auquel rien n'échappe. — ☑ Prov. L'œil du maître engraisse le cheval.
♦ ☑ Loc. Ouvrir les yeux sur… ☑ Ouvrir l'œil : être attentif. ☑ Ouvrir les yeux de qqn sur… — ☑ Fermer les yeux sur…, refuser de voir.
♦ ☑ Loc. Avoir de l'œil : attirer le regard.
31.1 Il aimait qu'en argot de théâtre on dise d'un acteur que ses partenaires ne « rencontrent » pas, dont ils ne sentent pas la présence, qu'il « n'a pas d'œil ». Il admirait la sagesse concrète des superstitions italiennes sur le « bon œil » et le « mauvais œil ». Roger était un amateur d'yeux : l'œil tendre, l'œil qui foudroie, l'œil meurtrier, l'œil amical, l'œil fascinant.
Claude Roy, Nous, p. 222.
4 Fig. Disposition, état d'esprit, jugement, imagination, raison (d'une personne, d'un groupe).
♦ (Au plur. : les yeux). ⇒ Esprit. || Connaître de ses yeux. || Voir la vérité par ses propres yeux, par soi-même (→ Environner, cit. 4). || Les yeux d'autrui. || Ne rien voir que par les yeux de quelqu'un. || « Le bandeau (cit. 6) de l'erreur aveugle tous les yeux ». — ☑ Loc. métaphorique ou fig. (où yeux peut avoir un sens dénotatif concret, cf. ci-dessus 1., 2.). Se boucher les yeux pour ne pas, pour ne rien voir. — ☑ Avoir les yeux plus grands, plus gros que le ventre : préjuger de son appétit, s'imaginer que l'on mangera la totalité de ce dont on se sert trop copieusement, et que l'on ne pourra finir. Fig. (Attesté dès 1604, in D. D. L.). Entreprendre plus que l'on n'est capable de réaliser, avoir des ambitions au-dessus de ses ressources, de ses forces, etc. — ☑ Jeter de la poudre aux yeux. ⇒ Éblouir. — Plaire aux yeux de qqn (→ Imiter, cit. 13). || Aveugler, éblouir (cit. 7), dessiller (cit. 1) les yeux du peuple. || Vos yeux auront tout le temps de se satisfaire (→ Aise, cit. 11). || Le plaisir des yeux. || Une ivresse (cit. 20) pour les yeux. || Les écailles (cit. 8) tombèrent de ses yeux. ☑ Avoir des yeux, de bons yeux pour voir, pour n'être pas abusé, pour n'être pas dupe, mais pour connaître exactement les choses. || Nos yeux furent témoins de cette aventure. — Évidence (cit. 5) qui saute aux yeux. — Sans cesse l'antithèse (cit. 7) se dresse devant mes yeux. || Passé qui défile devant les yeux comme un film (cit. 2). || Images qui mettent les choses sous les yeux, devant les yeux du lecteur, de l'auditeur. ⇒ Représenter. || Ces documents (cit. 5) parlent aux yeux. ⇒ Parler.
32 C'est avoir de bons yeux que de voir tout cela.
Molière, les Femmes savantes, I, 3.
33 (…) je ne conseille de lire celle-ci (cette comédie) qu'aux personnes qui ont des yeux pour découvrir dans la lecture tout le jeu du théâtre.
Molière, l'Amour médecin, « Au lecteur ».
34 La raison décide en maîtresse.
Mes yeux, moyennant ce secours,
Ne me trompent jamais en me mentant toujours.
La Fontaine, Fables, VII, 18.
♦ (Au sing.). || Un œil exercé, expérimenté (cit. 5), fureteur (cit. 2), lucide, sagace. || Son œil semblait aller au fond (cit. 23) de toutes les questions.
♦ ☑ Voir quelque chose d'un bon œil, d'un œil content, satisfait, d'un mauvais œil : d'une manière favorable ou défavorable, avec satisfaction ou avec déplaisir. || Considérer une chose d'un œil critique (cit. 38). — (Dans le même sens, au plur.). → Avouer, cit. 12. || Les yeux d'une amante (→ Forme, cit. 22). || Avoir les yeux de qqn pour…
35 (…) si tout le monde vous voyait des yeux dont je vous vois (…)
Molière, l'Avare, I, 1.
36 Verrez-vous d'un même œil le crime et l'innocence ?
Racine, Mithridate, I, 2.
36.1 On se voit d'un autre œil qu'on ne voit son prochain.
La Fontaine, Fables, I, 7.
37 En vain contre le Cid un ministre se ligue :
Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue.
Boileau, Satires, IX.
38 (…) personne ne voit des mêmes yeux ce qui le touche et ce qui ne le touche pas (…)
La Rochefoucauld, Réflexions diverses, 10.
39 La Reine les reçut fort mal; outre leur mission, qui les rendait peu agréables, elle avait d'autres motifs, et très différents, de les voir de mauvais œil.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., V, II.
♦ Au plur. (avec à, aux). ☑ Aux yeux de qqn, à son jugement, selon son appréciation, sa manière de voir. ⇒ Pour, selon. || Il s'auréolait (cit. 3) de prestige à mes yeux. || Elle devint un monstre à ses yeux (→ Faire, cit. 101). ☑ Trouver grâce aux yeux de quelqu'un. || À ses propres yeux et aux yeux d'autrui (cit. 6). — Fig. || Aux yeux de l'avenir (cit. 34). || Aux yeux de tout Paris (→ Maître, cit. 64).
♦ ☑ Voir avec les yeux de la foi. — Les yeux de l'esprit (cit. 67). || Yeux intérieurs (→ Génie, cit. 40).
♦ (Au plur.). Personne qui observe, est dans une certaine disposition. || Des yeux étrangers. || Pour des yeux avertis, prévenus… — (Au sing.). || Pour un œil averti…
5 Les yeux, considérés dans leur expression passagère comme le reflet d'un état d'âme, d'une émotion, les interprètes d'un sentiment. || « Les yeux sont les interprètes (cit. 11) du cœur » (Pascal). || Le langage (cit. 10) des yeux. || Deux yeux bavards (cit. 5). || Se parler des yeux; ses yeux me disaient tout bas (cit. 82 et 86). || Lire une pensée dans les yeux de quelqu'un. || « Ce que dit votre bouche étincelle (cit. 6) en vos yeux ». || L'allégresse (cit. 5) brille dans leurs yeux. || Pleurer avec des yeux éperdus (cit. 7). || Yeux furibonds (cit. 1), enflammés de colère, inquiets, pleins d'effroi (cit. 4), hagards (cit. 2), suppliants (→ Face, cit. 50). — (Sing. collectif). || L'œil moitié égrillard (cit. 3), moitié attendri. || Œil étincelant (cit. 4) de luxure. || Regarder d'un œil jaloux (→ Entreprendre, cit. 14), d'un œil langoureux, languissant, mourant, provocant, d'un œil ironique, malicieux, malin. || Considérer d'un œil froid, dédaigneux, curieux, indifférent, d'un œil d'envie (cit. 15). || Jeter un œil d'envie (cit. 14), un œil de pitié, de mépris, de défi.
40 Je n'en suis point jaloux, et ma triste amitié
Ne le verra jamais que d'un œil de pitié.
Corneille, Rodogune, III, 5.
41 (…) nous nous sommes parlé des yeux (…)
Molière, le Sicilien, 2.
♦ ☑ (1611). Loc. Faire les doux yeux (vx; → Agencer, cit. 2), les yeux doux, les yeux en coulisse (cit. 2) [à qqn], le regarder tendrement.
42 M. de Sorgues était un jeune homme à la mode, grand amateur de chasse et de chevaux, qui venait souvent au Moulin de May, plutôt pour le comte que pour sa femme. Il était cependant assez vrai qu'il avait fait les yeux doux à la comtesse; car quel homme désœuvré, à douze lieues de Paris, ne regarde une jolie femme quand il la rencontre ?
A. de Musset, Nouvelles, « Emmeline », II.
♦ ☑ (XVIIIe, Diderot). Faire les gros yeux à quelqu'un, le regarder d'un œil sévère, d'un air de reproche, de mécontentement. — ☑ Faire des yeux de basilic.
6 ☑ Loc. (Où la valeur initiale de œil est souvent ambiguë et où le sens global échappe aux classements des valeurs décrites ci-dessus). Aimer quelqu'un comme ses yeux, mieux que ses yeux (→ Jupe, cit. 7). ☑ Tenir à une chose comme à la prunelle de ses yeux. — ☑ Coûter les yeux de la tête. ⇒ Coûter (cit. 2 et 3.1). — ☑ N'avoir plus que les yeux pour pleurer : être dénué de tout, après avoir éprouvé des pertes, des malheurs [cit. 10]. (1740, in D. D. L.). || Ne laisser à qqn que les yeux pour pleurer. — Allus. littér. || « Pleurez, pleurez mes yeux, et fondez-vous en eau » (→ Fondre, cit. 25, Corneille). — || Il pleure d'un œil, et il rit de l'autre (La Bruyère, VIII, 62).
♦ ☑ Fam. ou pop. Se battre l'œil de quelque chose. ⇒ Battre (cit. 74 à 76).
♦ ☑ (1734). Fam. Donner, (1867) taper dans l'œil à qqn, faire sur lui une vive impression.
♦ ☑ (1671). Fam. Faire de l'œil à quelqu'un, cligner un œil pour attirer son attention, le provoquer (⇒ Œillade) ou pour marquer qu'on est de connivence avec lui.
43 On fait de l'œil aux modistes, de l'œil à l'œil, histoire de rire, car on n'a pas le temps de descendre.
Maupassant, Toine, « Le père Mongilet ».
♦ ☑ Loc. adv. À l'œil. a (1827, aussi œil, n. m. « crédit, ardoise », 1843, in D. D. L.). Vx. À crédit, sans payer (proprt sur la vue, la bonne mine); mod. gratuitement.
44 (…) nous vous avons instruit et sauvé de la misère, régalé, et (…) amusé, dit Bixiou. — Et à l'œil ! ajouta Léon en faisant le geste des gamins quand ils veulent exprimer l'action de chipper (sic).
Balzac, les Comédiens sans le savoir, Pl., t. VII, p. 67.
45 À quelques mètres de moi passe un camion. Un gosse d'une douzaine d'années, a trouvé le moyen de se faire trimbaler à l'œil en se juchant à l'arrière du véhicule (…)
Gide, Ainsi soit-il, p. 12.
♦ ☑ Loc. fam. Se rincer l'œil. ⇒ Rincer.
♦ ☑ (1826, in D. D. L.). N'avoir pas froid aux yeux : ne pas avoir peur (à la différence de celui qui baisse les yeux par lâcheté, timidité, honte…), être hardi, décidé, et, parfois, effronté.
46 (…) tu ne peux t'imaginer comme elle était vive et moqueuse. Et elle n'avait pas froid aux yeux, comme vous dites.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, VII, XIX.
♦ ☑ S'arracher les yeux, se manger les yeux, le blanc des yeux : se disputer, se quereller violemment. — ☑ Faire les yeux blancs, comme quelqu'un qui va s'évanouir. — ☑ Tourner de l'œil : s'évanouir, ou, aussi, mourir.
47 (…) j'ai amassé une bonne pacotille de contrebande assez honnête, dont nous vivrions, et que je vous laisserais lorsque je viendrais à tourner de l'œil, comme on dit poliment.
A. de Vigny, Servitude et Grandeur militaires, I, V.
♦ ☑ Loc. exclam. Mon œil ! Se dit pour exprimer l'incrédulité, le défi, etc.
48 Si les sentiments de fierté qui sont au cœur de tout prolétaire … — Mon œil, coupa brutalement M. Lepage. Les prolétaires se souciaient de manger.
M. Aymé, le Confort intellectuel, VI.
➪ tableau Principales interjections.
♦ ☑ Fam. Se mettre, se fourrer le doigt dans l'œil. ☑ Avoir des yeux au bout des doigts. ⇒ Doigt. — ☑ Fam. Pas plus que dans mon œil : point du tout. — ☑ Frais comme l'œil. ⇒ Frais.
♦ ☑ (1832, in D. D. L.). Fam. Il, elle, ça me sort par les yeux : je l'ai assez vu, je ne peux plus le supporter.
♦ ☑ Loc. adv. (1631, in D. D. L.). Fam. Jusqu'aux yeux, par-dessus les yeux : à satiété, trop. || S'en mettre jusqu'aux yeux. || J'en ai par-dessus les yeux, de ce type. ⇒ Tête.
♦ ☑ (1740, in D. D. L.). Entre quatre yeux, et, fam., entre quatre-z-yeux : en tête à tête, seul à seul. || On va en discuter entre quatre yeux.
♦ ☑ Allus. bibl. Œil pour œil, dent pour dent, expression de la loi du talion.
49 Si quelqu'un fait une blessure à son prochain, on lui fera comme il a fait : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent; on lui fera la même blessure qu'il a faite à son prochain.
Bible (Crampon), Lévitique, XXIV, 19-20.
50 Vous avez appris qu'il a été dit : œil pour œil et dent pour dent. Et moi je vous dis de ne point résister à celui qui vous traite mal; au contraire, si quelqu'un vous frappe sur la joue droite, présentez-lui encore l'autre.
Bible (Sacy), Évangile selon saint Matthieu, V, 38-39.
♦ ☑ Voir une paille dans l'œil de son prochain (la paille et la poutre).
7 ☑ (1611; regarder qqn de mauvais œil, 1558). Le mauvais œil : faculté attribuée à certains individus de porter malheur à ceux qu'ils regardent; regard qui porte malheur. ⇒ Jettatura. || Porter une amulette pour conjurer le mauvais œil.
51 Même à la cour, on attribuait à Cornélius cette fatale influence que les superstitions italienne, espagnole et asiatique, ont nommée le mauvais œil.
Balzac, Maître Cornélius, Pl., t. IX, p. 914.
52 La vue d'un prêtre le jetait en des fureurs inconcevables; il lui montrait le poing, lui faisait des cornes, et touchait du fer derrière son dos, ce qui indique déjà une croyance, la croyance au mauvais œil.
Maupassant, les Sœurs Rondoli, « Mon oncle Sosthène ».
8 ☑ L'œil de Dieu : un regard, qui voit tout, pénètre tout (Académie; → Frontière, cit. 1, Lamartine). || L'Éternel (cit. 11), qui voit d'un œil profond. || Sous l'œil éternel (cit. 5). — L'œil de la conscience.
53 L'œil était dans la tombe et regardait Caïn.
Hugo, la Légende des siècles, II, « La conscience ».
9 (XIIe, œl del jor « le point du jour »). Par métaphore, vx. a Littér. Ce qui éclaire, permet de voir. || L'œil du ciel, de la nature, du monde : le soleil. — L'œil de la nuit : la lune (l'expression est chez Chateaubriand).
b (Abstrait). Ce qui éclaire, conduit. || « Antioche (…) qu'on appelait l'œil de l'Orient » (Bossuet).
———
II Par anal.
1 Œil de verre : œil artificiel en verre ou en émail qu'on met à la place d'un œil énucléé. || Des yeux de verre.
♦ ☑ Loc. fig. Faire l'œil de verre à qqn, faire semblant de ne pas le reconnaître.
53.1 Ce jour-là, un que tu connais t'a fait l'œil de verre. Tu t'en fous.
Edmonde Charles-Roux, Elle, Adrienne, p. 334.
3 Vx. || Œil électrique : cellule photo-électrique. — (Mil. XXe). Vx. || Œil cathodique, œil magique : petit tube à rayons cathodiques permettant d'effectuer le contrôle visuel du réglage d'un récepteur de radio.
4 Œil d'une porte : petit dispositif de visée. ⇒ Espion, judas.
REM. Aux sens 3 et 4, le plur., rare, serait plutôt des œils.
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III Fig. (1611). Apparence, aspect extérieur. || Ces perles ont un bel œil. — Absolt. (1681, in D. D. L.). Fam. et vieilli. || Avoir de l'œil, un bel aspect.
54 Il disait volontiers : « Donnez-moi n'importe quoi, pourvu que ce soit cuit à point et que ça ait de l'œil ». Alors, maman mettait du persil sur les lentilles, et le plat avait de l'œil.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, I, I.
♦ (1798). || Un œil de poudre : une légère couche, un « soupçon » de poudre. — REM. Le plur. ne semble pas usité.
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IV (1676).
1 Ouverture, trou, ornement rond (cf. les composés ci-dessous). Plur. Des œils. || L'œil d'une aiguille (⇒ Chas). || Œil d'un battant de cloche. || Œil d'une meule, trou par lequel elle est fixée sur l'axe. ⇒ Œillard. — Techn. Trou ménagé dans un outil pour introduire le manche. || Œil d'un marteau.
♦ (1694). Archit. Ouverture ronde en haut d'une coupole. — Œil de pont : ouverture circulaire dans les piles et les culées, pour l'écoulement des eaux.
♦ Œil d'un obus, ouverture pour introduire la charge.
♦ (1874). Trou dans le rideau d'un théâtre, pour observer.
♦ Techn. Trou par lequel le montant de bride passe dans la branche du mors. Trou oblong (d'un étrier) par où passe l'étrivière. — Trou à l'extrémité du grand ressort d'une montre. — (1690). Mar. Trou, boucle ou ganse. || Faire des œils épissés.
55 C'était à cela que le maître d'équipage devrait accrocher l'œil de la remorque, un anneau d'acier ovale, entouré d'un bourrelet de chanvre.
Roger Vercel, Remorques, p. 75.
♦ Tissu à œil, où une armure en losange forme de petits dessins, dits œils de mouche, de fauvette, etc.
♦ (1660). Plur. || Yeux. || Yeux du fromage de gruyère, du pain, les trous qui se forment dans la pâte.
2 (1812). || Yeux de graisse d'un bouillon (→ Figer, cit. 4) : les ronds qui apparaissent à la surface du bouillon. — Rare au sing. || Il y a un œil.
3 (1690). Imprim. « Partie du caractère comprenant le dessin de la lettre formant relief, et qui s'imprime sur le papier » (H. Leduc, Composition. typogr., « Œil »). || L'œil de la lettre. || Gros œil, petit œil. || Lettre d'un autre œil… Plur. Des œils.
4 (Fin XIVe, euil). Arbor. Bourgeon naissant (⇒ 2. Œillet, 1. œilleton). || Greffe, écussonnage à œil dormant (utilisant des bourgeons à feuilles), à œil poussant. Plur. Des yeux. || Tailler une vigne à deux yeux, à trois yeux, en laissant sur la branche deux, trois boutons à fruit.
♦ ☑ Loc. Œil à bois, à fruit, à fleur. || Œil simple (à bois ou à fruit), double, triple (deux yeux à fruits encadrant un œil à bois, ou trois yeux à fleurs).
5 (1868). Arts. Point d'où partent plusieurs plans de cassure (d'une draperie).
b Œil d'un typhon : centre d'un typhon, zone de calme au maximum de la dépression.
7 ☑ Loc. argotique. L'œil de bronze, l'œil de Gabès… : l'anus (dans un contexte de sodomie).
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DÉR. Œillade, œillard, œillé, œillère, œillet.
COMP. Œil-de-bœuf.
Encyclopédie Universelle. 2012.