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MAL
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Le propre du mal tient en ceci qu’il ne peut être nommé, pensé, vécu qu’en relation avec une certaine idée du bien. Qu’il n’y ait pas de bien en soi, que ce que les hommes appellent le bien soit relatif aux situations et aux cultures, et le mal se trouve radicalement relativisé, lui qui du coup peut être le bien d’hier, de demain ou d’ailleurs. Qu’il y ait un absolu du bien, un «souverain bien» comme l’affirmaient les sages antiques, ou un «unique nécessaire» comme disent les religions du salut, et le mal, sous la forme de la folie ou de la perdition, se trouve ici encore cerné et délimité, au moins sur l’une de ses frontières, comme le contraire de ce bien, tout en gardant quelque chose d’obscur et d’indéfini, semblable – la métaphore est classique – à la part d’ombre dans un monde que la lumière ne saurait visiter. Le mal, contraire du bien, cette apparente lapalissade a donné d’autant plus à penser aux philosophes que la relation du mal au bien est à sens unique, car si le mal n’est jamais tel que par rapport à un bien au moins possible et représentable, le bien paraît avoir une positivité propre qui lui permettrait, quelle que soit sa figure, de se poser dans toute l’innocence de son ignorance du mal. L’idée du mal, qui doit avoir quelque réalité, puisque abondent et surabondent de tout temps et en tout lieu les discours sur le mal, est donc dialectique et interrogative: dialectique , puisqu’elle n’est pensable que par un entrecroisement de négations, c’est-à-dire par référence à la norme ou à la valeur que le mal nie existentiellement, lesquelles à leur tour le nient rationnellement ou idéalement; interrogative, car le mal, ne pouvant être appréhendé que comme contestation scandaleusement heureuse du bien, pose par l’équivoque même de sa nature le problème de son origine et de sa signification. Le mal, en effet, ne saurait se montrer sans être aussitôt dialectiquement mis en question, et, de plus, il n’y a du mal dans le monde et dans l’histoire que parce qu’il existe pour l’homme un problème du mal.

Deux assurances, qui font antinomie, commandent et animent toute réflexion sur le mal: d’une part, si le mal ne suscitait la question: pourquoi le mal? il ne serait pas le mal; d’autre part, si la réponse à la question: pourquoi? allait de soi dans une évidence naturelle, le mal disparaîtrait en même temps que serait effacée l’angoisse de la question. Si l’on appelle idéologie toute retombée, utilisable sociologiquement ou psychologiquement, de la pensée philosophique, la réflexion sur le mal aura pour premier devoir de récuser un certain nombre de fatalités idéologiques, telles les rhétoriques, conjoncturellement et culturellement nécessaires, de l’optimisme ou du pessimisme. Ce décapage effectué, il s’agira en fin de compte non pas de comparer les unes aux autres, en faisant le bilan de leurs inconvénients ou de leurs avantages, telles et telles solutions du problème, mais plus radicalement de se demander si la problématique du mal, engendrée par une dialectique destructrice d’elle-même, ne serait pas un faux problème, contraint ainsi à avouer son caractère idéologique. Mais l’interrogation sur le problème laisse intacte l’alternative; il se pourrait que, même si toute solution au problème du mal relevait d’une idéologie, le problème lui-même doive se formuler avec une rigueur universelle, invincible à toute réduction idéologique. Ce problème du mal – obsession à psychanalyser ou interrogation authentique –, l’homme se l’est posé à travers tous ses modes de pensée, mythiques, philosophiques, religieux, dont il conviendra d’examiner quelques exemples particulièrement représentatifs.

Les mythes

On doit à Freud l’idée selon laquelle ce que le rêve est au dormeur singulier les mythes pourraient l’être à l’humanité globalement considérée, c’est-à-dire l’expression travestie d’une inquiétude qu’il est impossible de démasquer si l’on néglige, au profit exclusif de leurs structures, le contenu concret du mythe comme du rêve. Découvrir la finalité de cette inquiétude, ce serait comprendre le sens des mythes. Or, de même que le rêve, interprété par Freud, est un exorcisme joué qui conjure, en lui inventant une satisfaction imaginaire et symbolique, une frustration d’origine sexuelle, de même l’angoisse devant le mal, refoulée parce que censurée, et travaillant à se donner un apaisement irréel par l’invention d’images belles et équivoques, pourrait bien rendre raison de l’origine et du contenu des récits mythologiques. L’angoisse est la peur de l’esprit devant le non-sens, et elle est plus ancienne et plus profonde que tout savoir organisé, philosophique ou scientifique; le mal, pour la sensibilité qu’il blesse d’une blessure qui est aussi d’esprit – d’où la vanité de la distinction scolaire entre les diverses sortes de mal: physique, moral, métaphysique –, c’est le malheur irréparable ou le crime inexpiable qui amènent à se demander si, du mal dans l’existence, on ne devrait pas conclure au mal de l’existence; celle-ci serait alors totalement absurde et injustifiable; cette angoisse insupportable dans la lucidité du jour, le rêve éveillé des mythes la trompe et la rend tolérable par l’aveu et le désaveu mêlés que fait de sa cruauté l’idéalité bien composée de la fable surnaturelle. Et parce que l’esprit réagit partout à sa propre angoisse en usant des mêmes subterfuges à la fois complaisants et répressifs, on ne s’étonnera pas que, dans les cultures les plus différentes dans l’espace et dans le temps, il y ait, en dépit d’un foisonnement en apparence gratuit, de si nombreuses et saisissantes analogies entre les mythes.

La faute originelle

Le mythe pose, en un premier moment, un monde en dehors du monde et un temps avant le temps dans lequel se déroulent des existences bienheureuses à l’abri de la douleur, de la faute et de la mort, c’est-à-dire de toutes les formes du mal. Tout se passe comme si le refoulement du mal avait fait surgir un imaginaire espace divin; puis, en un deuxième moment, se produit l’inévitable retour du refoulé; le mal envahit cette sphère supérieure et antérieure de l’existence qu’avait suscitée le refus du mal; les dieux se font la guerre; quelques anges se changent en démons et les êtres surnaturels se mêlent des passions et des affaires des hommes, donnant au mal des profondeurs d’abîme. Ces deux temps qui composent en antithèse le récit mythologique se retrouvent notamment dans les mythes du paradis perdu.

Il suffit de rappeler les premiers chapitres de la Bible, qui font se succéder le récit d’une Création dans laquelle toutes choses s’ordonnent, sans le moindre défaut, selon l’ordre et la clarté de la puissance divine, et un deuxième récit des origines, d’une lourdeur naturaliste très appuyée, dans lequel Dieu, plus fabricateur que créateur, fait figure de Dieu manqué, jaloux de sa créature, où le Paradis, gâté d’interdictions provocatrices, contaminé par la présence d’une bête infernale, est, avant même la faute et le châtiment, un paradis perdu, cependant que l’homme et la femme, désaccordés, exilés de l’unité humaine avant d’être chassés de l’Éden, ne sont capables de désobéir, d’être séduits, de se séduire l’un l’autre que parce que le mal est déjà là, énigmatiquement antérieur à son propre commencement, irréparablement mêlé aux choses telles qu’elles sont, au point que l’humanité ne peut acquérir la connaissance, travailler, se multiplier, c’est-à-dire devenir ce qu’elle est appelée à être, qu’après avoir rompu avec l’innocence et l’inconscience et commis une faute, qui parle d’autant plus violemment à l’imagination qu’elle est, en elle-même, irreprésentable, inconceptualisable, et qu’elle cumule les contradictions: libre et fatale, temporelle et intemporelle, inventant le mal et consentant à un mal préexistant. Le mythe biblique est d’autant plus significatif que les Écritures juives, appelées par les chrétiens Ancien Testament, représentent dans l’histoire de l’esprit l’effort le plus rigoureux pour exclure toute mythologie de la religion, c’est-à-dire du rapport de l’homme à l’Absolu. Et, cependant, lorsqu’elle se heurte aux problèmes jumeaux de l’origine des choses et de l’origine du mal, la plus authentique des pensées religieuses, la plus vigilante à ne pas sacraliser les phantasmes de l’homme se réfugie, comme Adam se cache après la faute, dans l’ombre du mythe, mais d’un mythe qui, avouant comme cyniquement sa nature de mythe, pourrait bien sonner le glas de la mythologie.

Le mythe ne saurait en effet proposer, sous le revêtement du symbole, une solution philosophique ou ésotérique au problème du mal, c’est-à-dire de sa nature et de son origine. Ce que la fonction fabulatrice projette dans le récit mythique, ce n’est ni un savoir sécurisant, ni un tourment fruste, sauvage, informel, mais une interrogation structurée, une angoisse qui est problème, un problème qui est angoisse: le mal dans le mythe de la Genèse est agressivement réel et conceptuellement insaisissable; il est partout et nulle part, ou, s’il est quelque part, c’est dans le vide qui sépare le premier récit – triomphaliste – de la Création et le second récit, laborieux et éprouvant, de cette Création qui, dans un intervalle nul, est devenue, on ne saura jamais pourquoi, autre qu’elle-même, lorsqu’on passe de l’ordre des essences à l’ordre des existences. Le mal est là, dévisagé sournoisement à l’ombre des images, dans cette incompréhensible inégalité, qui vaut pour Dieu comme pour l’homme, de l’essence et de l’existence, et ce passage de l’une à l’autre qui devrait être une promotion se révèle comme dégradation. Dans le mythe, une pensée interrogative se donne une réponse fallacieuse dont elle joue à être complice sans en être véritablement dupe. Le mythe est le gardien du sommeil de l’esprit que son inquiétude a failli éveiller, mais il est aussi le témoin d’une inquiétude qui, elle, ne dort jamais. La beauté étrange et triste du mythe de la Genèse vient de ce que l’équilibre y est rompu, que l’amertume du «questionnement» sur le mal rend les apparences de la fable plus troublantes que rassurantes, que le dormeur est en train de s’éveiller à la peine de vivre, et qu’il s’apprête, au lieu de chercher la raison du mal dans le double lointain d’une poétique des origines, à en demander raison au Principe des choses dans un affrontement direct, toute mythologie congédiée, comme le fera plus tard dans les mêmes Écritures l’auteur du Livre de Job.

La tragédie et le destin

La même créativité qui révèle et trompe l’angoisse de vivre s’exerce dans le mythe et dans l’art. N’interrogeons ici que les littératures, notamment dramatiques et romanesques, qui s’apparentent aux mythes dans la mesure où elles inventent des personnages en conflit les uns avec les autres dans des situations imaginaires. Elles n’ont d’autre matière, à moins de se détruire en un vain formalisme, que l’existence humaine vulnérable et coupable, vouée à la monotone répétition du malheur, du crime, de la mort, mais traduite dans le déroulement rythmé d’une représentation ou d’un récit qui prend les orages de la passion dans les pièges et les sortilèges d’une beauté apaisante et irréelle. L’art dramatique de tous les temps, et d’abord dans ses modèles originels de la Grèce antique, vise à ce paradoxe, passablement scandaleux en son fond, de faire supporter à l’homme, dans une sorte de joie que les puritains et les jansénistes de toutes obédiences n’ont pas eu tort de juger suspecte, ce qu’il y a de plus insupportable dans la condition humaine: ainsi, la tragédie grecque porte le mal à son comble, faisant les dieux criminels et appelant sur l’héroïsme humain l’injustice de châtiments démesurés, montrant aussi – selon la célèbre interprétation hégélienne – le droit opposé au droit, et, par exemple, dévoilant l’incompatibilité entre le droit de la cité et le droit de la famille, partage indépassable des valeurs qui voue Antigone à la mort et Créon au déshonneur; comme si le mal s’introduisait au cœur même du bien pour l’opposer contradictoirement à lui-même ou encore, autre langage, mais qui désigne la même extrémité de mal, comme si le sublime humain se retournait contre l’homme pour le défaire et le déshumaniser. Poussant le mal à l’absolu d’une manière exactement spectaculaire, le tragique poétiquement représenté en propose aussi une sorte d’absolution par recours au destin qui enveloppe les dieux et les héros, les crimes et les malheurs, dans une totalité nécessaire et belle au sein de laquelle les antagonismes se compensent et s’annulent de façon qu’au terme l’injustifiable apparaisse – mais ce n’est qu’une apparence – comme absolument justifié. D’où une sérénité qui est mystification. La pensée à l’œuvre dans la représentation tragique, en donnant à la question du mal la réponse du destin, brouille l’une avec l’autre les deux réponses contradictoires du sens total et de l’absolu non-sens. Ainsi, l’interrogation reste béante et la possibilité est maintenue que le destin, c’est-à-dire l’infigurable, l’inéluctable, l’inscrutable, soit la parabole de la mort qui rend tout tumulte humain «au silence pareil».

Le mal comme défi à la raison

Mythologies et poétiques ne sauraient donc être rejetées hors de la pensée, puisque le langage de l’imaginaire cache et révèle un métalangage, qui vient d’être sommairement déchiffré et qui formule le problème dans sa rigueur abstraite; le mal sous toutes ses formes, malheur irréparable, crime inexpiable, contradiction des valeurs, fatalité de la mort qui – summum jus et summa injuria – égalise toutes les inégalités, ce mal ne devrait pas être, et cependant il ravage l’existence. La philosophie, dont la fonction est d’assumer puis de dissoudre, si elles sont de faux problèmes, ou de résoudre, si elles sont de vraies questions, les antinomies de l’existence humaine, et de remplir cette tâche par les seules ressources de la raison humaine, n’a pas manqué de s’éprouver elle-même en affrontant les antinomies que soulève la réalité du mal. Les doctrines sont multiples selon les âges et les cultures, mais les techniques de solution – du stoïcisme à l’hégélianisme en passant par le rationalisme des théologies classiques – relèvent partout des mêmes démarches fondamentales et du même type de discours: à partir d’une proposition majeure, considérée comme évidence première et qui identifie l’être et le bien, ce discours situe le mal par rapport au bien, en fait un moyen ou un moment dans le déploiement d’un être qui en lui-même est valeur, et, à force de relativiser et d’exténuer le mal, tend à le confondre avec un manque et une absence; et, en effet, si le bien est l’être, en quoi le contraire de l’être pourrait-il se distinguer du néant? Mais alors la solution du problème et sa dissolution risquent d’apparaître comme une seule et même chose.

Les formes classiques du discours rationaliste

La sagesse antique, en proposant des figures de sagesse, pensables et praticables, a donné les premiers modèles, achevés dès l’origine, de mises en forme d’un discours réduisant l’angoisse devant le mal comme la clarté du jour efface un mauvais rêve: on avance que faire le mal pour le mal étant une impossibilité logique, la volonté ne pouvant se définir que comme volonté de bien, la faute et même le crime ne sauraient être que des erreurs, explicables par un manque de savoir; que les calamités naturelles ou les catastrophes historiques, qui leur sont si semblables, ne dépendent pas de nous et, puisque, relevant des lois de l’univers et inscrites dans l’ordre du monde, elles ne sont nullement des explosions d’irrationalité et n’expriment aucune sorte d’agressivité démoniaque à l’égard de l’homme, elles doivent être, une fois comprises, supportées avec la sérénité qui convient; que la souffrance et la mort, étant le lot nécessaire d’un être fini qui ne saurait, sauf démesure déraisonnable, avoir la prétention de se confondre avec le tout, possèdent ce qu’il faut d’intelligibilité pour perdre un pathétique imaginaire et se révéler acceptables dans la paix de l’esprit; qu’enfin le monde tel qu’il est, et qui ne serait pas s’il ne méritait pas d’étre, fait une totalité au sein de laquelle toutes choses, et parmi elles les actions et les passions des hommes, s’équilibrent et se compensent pour contribuer à l’harmonie universelle, ou plutôt pour la constituer, si bien que l’illusion d’un absolu du mal provient ici encore d’une ignorance qui tend à considérer une partie ou un épisode en eux-mêmes, au lieu de les rattacher à l’unité du Tout, incassable, illuminante, justifiante.

La théologie chrétienne n’a cessé dans son histoire d’être confrontée au problème du mal, dont elle a dit et redit, à travers la variété de ses langages, qu’il ne se pose que par rapport à Dieu, lequel, en tant que créateur et responsable du tout de l’existence, ne semble pas pouvoir être tenu pour innocent du mal qui est dans le monde, mais que ce problème est résolu par un recours à ce même Dieu, qui, comme parlent saint Augustin et saint Thomas, est capable dans son infinie puissance de tirer toujours du mal un imprévisible bien. En se faisant l’apologiste de Dieu, le théologien traditionnel demande l’armature intellectuelle de son propos au discours rationaliste de la sagesse antique, changeant aisément en théodicée ce qu’on pourrait appeler la «cosmodicée» stoïcienne: explication ou justification du mal dans la mesure où, condition d’un bien sans lui impossible – ainsi sans la malice du persécuteur, le témoin d’une foi n’atteindrait pas à la sublimité du martyre –, il rend le tout meilleur et plus parfait; affirmation que le mal en lui-même n’est que manque et privation, donc absence d’être, d’où il suit que Dieu qui est l’Être et le créateur des êtres ne saurait être appelé à répondre de ce non-être qu’est le mal; responsabilité du mal inscrite au débit d’une liberté – celle de l’ange ou celle de l’homme – qui, participant du néant par sa finitude, se trouve ainsi exposée à faillir par une déficience proprement ontologique. Le discours théologique (et, de l’Hymne à Zeus de Cléanthe à la Théodicée de Leibniz, il a manifesté une vitalité qui est celle du Logos hellénique) contraint le mal à avouer que, si terrifiant soit-il, il n’a d’autre réalité que celle du vide ou du défaut; ce rien, l’ange de lumière qu’il a refusé d’être, fait toute la noirceur de Satan, et, pour passer à la limite, l’enfer n’est infernal que par une absence, il est vrai éternelle, celle de l’amour.

La récupération esthétique de la dialectique

Par un paradoxe qui n’est qu’apparent, c’est pourtant avec les philosophies les plus délibérément agressives contre les valeurs chrétiennes d’intériorité et de transcendance, comme celles de Spinoza et de Hegel, que le discours théologico-rationaliste prouve avec le plus d’éclat sa vigueur totalisante, en désamorçant radicalement le problème du mal. Ainsi, chez Hegel, l’Esprit qui se réalise à travers le monde et l’histoire intègre, justifie et absout dans et par son devenir toutes les figures du malheur et toutes les formes du mal: les héros souffrent mort et passion, sacrifiés au grand dessein dont ils sont les instruments; l’esclave subira l’extrême de la servitude afin d’être, un inéluctable jour, le maître de son maître selon une justice infaillible, expression vulgaire pour dire la nécessité rationnelle qui fait l’intelligibilité de l’histoire; la mort même de Dieu, scandale des scandales que le christianisme, avant d’être intégralement rationalisé par Hegel, cachait, avec crainte et tremblement, dans la nuit du mystère, apparaîtra comme le clair destin de l’Absolu qui doit se perdre en se niant, c’est-à-dire exactement s’aliéner dans son contraire pour vivre d’une vie d’autant plus divine qu’elle aura traversé la douleur et le labeur du négatif. Tel que le propose la raison dialectique, le discours théologico-rationaliste atteint une perfection indépassable, mais du même coup rétrograde, par-delà même le Logos hellénique dont il est une réitération créatrice, vers les origines mythiques de la problématique du mal. D’où une récupération esthétique de la dialectique.

Les catégories dites rationnelles, qui permettent de donner une solution définitivement apaisante au problème du mal et se trouvent pleinement accusées dans le régime dialectique de la raison, sont celles d’unité, de nécessité et de totalité; c’est parce que le monde n’est pas rhapsodie plurielle que tout mal n’est que partiel et provisoire et peut trouver ailleurs ou en avant sa compensation justificatrice; ainsi, selon les marxistes, la victoire d’octobre 1917 donne son sens à l’échec, inéluctable en son temps, de la Commune de Paris; mais il faut alors que l’histoire des hommes possède continuité et unité, et que les forces antagonistes qui la travaillent composent ensemble un vaste propos en train de se réaliser à l’irrésistible appel d’une finalité immanente. Le tout, qu’il soit achevé ou en instance d’achèvement, étant à lui-même sa fin, devient cette chose de beauté qui doit son rayonnement à une heureuse répartition au-dedans d’elle-même des ombres et des lumières, et la dissonance rend plus subtile l’harmonie; la musique des sphères, la gloire de Dieu célébrée par les cieux, la terre et les enfers, les lendemains qui chantent relèvent du même exorcisme par le jeu et par l’art. Répondant au défi du mal en allant jusqu’au bout de ses propres ressources, la raison se répond à elle-même par l’idéalisme ou l’irréalisme de la beauté – mais comment alors distinguer cette raison métaphysique de la fonction fabulatrice qui trompait ou apaisait l’anxiété de l’esprit par ces apparences esthétiques, les mythes et le destin?

Une source commune de la religion et de l’athéisme

Si le discours de la rationalité intégrale et la mythologie de la beauté se correspondent en fin de compte terme à terme, toute solution au problème du mal – ou toute résolution de ce problème – se trouve vouée à l’échec. L’optimisme, qu’il fasse du diable le valet mystifié de Dieu, ou de l’escalade de l’exploitation la condition de la victoire des exploités, ne rature pas le scandale de l’injustifiable, car, dès lors que l’homme possède en tant que personne une réalité et une dignité propres, il est une fin en soi et ne saurait se considérer comme une partie dont l’écrasement pourrait être un moyen indispensable à la splendeur du tout. Aussi le supplice des innocents, la terrifiante inégalité des destins, l’aliénation sans remède des esclaves qui ont eu le tort de naître trop tôt, en avance sur les maturations de l’histoire, sont-ils une réfutation existentielle de toute systématisation optimiste. Il est pareillement impossible de transformer l’échec en solution pessimiste, d’avancer que le tourment de penser et la peine de vivre ont rompu, pour rien et dans le non-sens, la paix de la matière et l’insignifiance des choses, car cette prétendue réponse refoule et ne résout pas la question, seulement transposée et camouflée sous un mode affirmatif: comment est-il possible, en effet, que de l’être sans conscience, qui était le meilleur, soit sortie la conscience de l’être, qui est mal et principe du mal? On retrouve la formulation du problème, qui demeure inévitable, rigoureuse, en dépit de l’effondrement des solutions et de la déroute des réponses. La problématique du mal, telle que la révèlent les phantasmes et les systèmes, est donc le contraire d’un artifice et d’une apparence: quelles que soient les figures que l’esprit humain donne à l’être et à la valeur dans la contingence des situations et des cultures, il ne peut jamais déposer cette double exigence qui le constitue comme esprit, qui lui fait attendre que l’être soit valeur et qui l’oblige inconditionnellement à tout faire pour que la valeur soit être – exigence qu’atteste le suicide nihiliste lui-même qui peut vouloir que le non-être soit parce qu’il lui reconnaît valeur par rapport au mal de l’être. La longue coutume des hommes appelle Dieu, divin ou sacré cette rencontre postulée de l’être et de la valeur capable de donner sens à l’existence et de justifier, fût-ce fugitivement en des moments de grâce, une adhésion honorable à ce monde. Or c’est l’expérience du mal commis ou du mal subi, pensée et vécue dans l’angoisse, comme sacrilège, profanation du divin qui, à la fois – et là se trouve l’antinomie –, suppose et conteste Dieu. Comment se scandaliserait-on de cette rupture entre l’être et la valeur, qui est le mal en son essence, si on ne savait d’un savoir antérieur à l’expérience que cette irruption du mal bouleverse ou empêche un ordre qui mériterait d’être? Et alors, on postule comme étant de droit l’identité de l’être et de la valeur, c’est-à-dire Dieu ou le divin. Mais le mal est aussi une raison de douter de Dieu ou du divin. Car si Dieu est la puissance suprême, il cesse, en tolérant le mal, ou en usant du mal comme moyen à la manière d’un artiste, d’être Dieu, c’est-à-dire la bonté suprême; ou si, comme dans les dualismes de type manichéen, le principe du mal est extérieur à Dieu et lui résiste, cette cassure dans l’être rompt l’unité de Dieu et le rejette dans l’imaginaire. Le doute que suscite la problématique du mal porte aussi bien, pour les briser, contre l’unité panthéistique de la nature ou l’unité d’une histoire dialectisée et finalisée en marche vers son accomplissement et la constitution d’une humanité réconciliée avec elle-même, ainsi que le proposent des systèmes dits agnostiques ou athées, mais théologiques en leur fond.

La problématique du mal a ceci de singulier qu’elle pousse à l’extrême les puissances d’affirmation de l’homme aussi bien que son pouvoir de négation; elle est la source commune de la religion et de l’athéisme. La sorte d’émotion sacrée ou de vertige qui saisit l’esprit aux prises avec l’interpellation du mal est une passion authentique qui cherche d’abord à se déguiser ou à s’apaiser à travers les mythologies et les métaphysiques, mais qui atteint, si elle a le courage d’aller au bout d’elle-même, la suprême alternative: se changer en conscience religieuse ou tenir, dans un athéisme intégral, le refus de toute religion. Ou bien ne pas séparer, selon l’exemple originel des prophètes d’Israël, la dénonciation du mal et la lutte contre le mal de la foi en une absolution, inimaginable et irreprésentable, qui par-delà les compensations et les réparations conventionnelles serait restauratrice ou instauratrice de ce sens de l’existence personnelle et collective que brouille ou rature le mal à l’œuvre dans le monde; ou bien refuser toute promotion religieuse de la conscience morale, dans laquelle on ne verrait que régression mythologique, considérer le mal, c’est-à-dire la rupture entre l’être et la valeur, comme le signe irrécusable d’un monde irréparablement cassé, et conclure que l’existence de Dieu est moralement impossible. Ainsi la problématique du mal nourrit, entretient, approfondit le plus haut débat dont l’esprit humain soit capable.

Débat ouvert s’il en fut, et qu’il n’est possible de supprimer ou de dépasser qu’en s’engageant dans l’une ou l’autre de deux directions qu’on indiquera sommairement sans les explorer.

Le supprimer, si la problématique du mal était de part en part idéologique: thèse d’autant plus difficile à établir que la problématique du mal exerce une implacable fonction critique et met l’esprit en état de vigilance vis-à-vis des institutions et des dogmatiques établies qui proposent ou imposent des idéologies bien-pensantes comme solutions au problème du mal; si bien que la problématique du mal pourrait être anti-idéologique. Pour la dire idéologique, c’est la réflexion philosophique elle-même qu’il faudrait congédier. Et tels courants de la pensée contemporaine seraient assez portés à cette disqualification dont il faudrait alors payer le prix; il n’y aurait pas le mal, mais des maux ou plutôt des malfaçons posant des problèmes de thérapeutique et de réparation; pas d’exigence absolue de la conscience, mais un propos d’ajustement et d’intégration de l’espèce humaine à son milieu social et naturel. Telle serait la philosophie ou plutôt l’antiphilosophie d’un âge technocratique.

Le dépasser, à condition de reconnaître un Dieu qui ne serait pas celui pour lequel plaident les amis de Job, mais le Dieu annoncé par les Écritures judéo-chrétiennes et qui, par son incarnation dans l’humanité, se fait victime du mal et agent du salut pour tous les hommes. Mystère qui ne serait qu’un mythe de plus si, avant de le confesser, la conscience religieuse, prenant le risque de se mettre en question, ne s’était purifiée des idoles et des illusions consolantes en vivant dans la probité et la rigueur l’humainement insoluble problématique du mal.

1. mal, male [ mal ] adj.
IXe; lat. malus « mauvais »
1Vx Mauvais, funeste, mortel. Loc. anc. À la male heure : à l'heure de la mort. « Il suffit que la male fortune regarde ailleurs » (Suarès). Mourir de male mort, de mort violente.
2Mod. (dans quelques expr., au masc.) Bon gré, mal gré. Bon an, mal an.
3(En attribut) Contraire à un principe moral, à une obligation. Faire, dire qqch. de mal. C'est mal de dire, de faire cela. « L'aimerais-tu donc déjà ? Ce serait mal. — Mal, reprit Eugénie, pourquoi ? » (Balzac).
4Pas mal (adj.). 2. mal (V).
⊗ HOM. Malle; poss. mâle. mal 2. mal [ mal ] adv.
XIe; lat. male
ID'une manière contraire à l'intérêt ou aux vœux de qqn. malencontreusement. Ça commence mal ! Affaire qui va mal, qui périclite. — Fam. Ça va mal pour lui. Ça va aujourd'hui ? — Mal, très mal. Ça va moins mal, plus mal, aussi mal que possible. Tourner mal : se gâter. « Qu'on me montre ici-bas une seule chose qui a commencé bien et qui n'a pas fini mal » (Cioran). Cela lui a mal réussi. Le moment est mal choisi. Ça tombe mal : cela arrive à un moment inopportun. Mal lui en prit, les conséquences furent fâcheuses pour lui. « Mal en prit à Louis Bonaparte » (Hugo).
Avec malaise, douleur, désagrément. Se sentir, se trouver mal : éprouver un malaise. ⇒ défaillir, s'évanouir (cf. Tourner de l'œil, tomber dans les pommes). Être mal portant, mal se porter, se porter mal. Fam. Être, se sentir mal fichu ( 2. fichu) , mal foutu. Être mal en point. 1. point (II). Il est, va mal, très mal. Elle est au plus mal, à la dernière extrémité. — (Sens atténué) Vous êtes mal sur ce banc, prenez un fauteuil. Être mal dans sa peau.
IIEn termes défavorables ou d'une façon défavorable, avec malveillance, en mauvaise part. défavorablement. Traiter mal qqn. Mal parler de qqn, le calomnier (cf. Dire pis que pendre de qqn). Avoir l'esprit mal tourné. Prendre mal une remarque, une plaisanterie, la croire désobligeante (cf. Trouver mauvais, prendre la mouche). Être, se mettre mal avec qqn, avec sa famille, se brouiller. Être mal vu de qqn. 1. vu. IIIAutrement qu'il ne convient.
1De façon contraire à un modèle idéal. Travail mal fait (cf. fam. En dépit du bon sens; n'importe comment; ni fait ni à faire). Vous vous y prenez mal. maladroitement. Il parle assez mal le français. incorrectement (cf. Comme une vache espagnole). Écrivain qui écrit mal. Par ext. En se méprenant; de travers. Mal interpréter un texte. Mal connaître une personne ( mé-) .
2D'une façon anormale, éloignée de la normale. Être mal fait, mal foutu. Grande femme mal bâtie.
D'une manière défectueuse, imparfaite. Écrou mal serré. Lettres mal formées. Vous êtes mal renseigné. Cote mal taillée.
3D'une façon qui choque le goût, les convenances (au physique ou au moral). Individu mal habillé. Enfant mal élevé; qui se tient mal; parle mal, répond mal à ses parents, sans respect. — Ça marque mal. Pop. Ça la fout mal. 1. foutre.
4Insuffisamment (en qualité ou quantité). médiocrement. Enfant qui réussit mal en classe. Mal dormir : dormir peu ou d'un sommeil agité. Travailleur, emploi mal payé ( sous-) . Ils sont mal installés, logés. Il est mal remis de sa maladie. incomplètement. (En composition, pour former des adj. et des subst.) Enfant mal aimé. mal-aimé. Mal-baisé. 1. baiser. Mal pensant. Les mal-nourris, les mal-logés.
♢ MAL, équivalant à une négation légèrement affaiblie.Peu, pas. Être mal à l'aise. « Le caractère variable, non pas mécontent, mais mal content du comte » (Balzac). Mal à propos.
5Difficilement; avec peine, effort. malaisément, péniblement. Asthmatique qui respire mal. Je comprends mal comment il a pu en arriver là.
IVContrairement à une loi supérieure (morale ou religieuse). Il s'est mal conduit, il a mal agi. « Mon frère tourna si mal, qu'il s'enfuit et disparut » (Rousseau). PROV. Bien mal acquis ne profite jamais. V
1 ♦ PAS MAL (avec négation). Loc. adv.Assez bien, bien. Ce tableau ne fera pas mal sur ce mur. Cela ne t'irait pas mal du tout. Vous ne feriez pas mal de les avertir : vous devriez les avertir. Il ne s'en est pas mal tiré. Comment allez-vous ? — Pas mal, et vous ? Adj. (attribut) Ce tableau n'est pas mal, pas mauvais, assez bon. « Électre est la plus belle fille d'Argos. — Enfin, elle n'est pas mal » (Giraudoux). Cela ne sera pas plus mal : ce sera mieux.
2 ♦ PAS MAL (sans négation). Loc. adv.Assez, beaucoup (opposé à peu). Il est pas mal froussard. Il a pas mal voyagé. passablement. Elle se fichait pas mal de lui. Elle s'en fichait pas mal ! « Puisqu'il la mettait à la porte c'est qu'il se foutait pas mal d'elle » (Guilloux).
3 ♦ PAS MAL DE (sans négation) :un assez grand nombre de, bon nombre de, beaucoup. Il y aura pas mal de monde. J'avais appris pas mal de choses (cf. Un tas de). « Ils devaient mettre de côté pas mal d'argent » (Zola).
4 TANT BIEN QUE MAL.
5DE MAL EN PIS( 2. pis).
⊗ CONTR. 1. Bien. mal 3. mal , plur. maux [ mal, mo ] n. m.
• 980; lat. malum
I
1Ce qui cause de la douleur, de la peine, du malheur; ce qui est mauvais, nuisible, pénible (pour qqn). dommage, perte, préjudice, tort. Faire du mal à qqn. nuire. Mettre à mal qqn, le maltraiter physiquement ou moralement. « Personne n'est méchant et que de mal on fait ! » (Hugo). Il ne ferait pas de mal à une mouche. Vouloir du mal à un ennemi. Rendre le mal pour le mal (cf. Œil pour œil, dent pour dent). Le mal est fait. Couper le mal à la racine.
♢ UN MAL, DES MAUX. affliction, désolation, épreuve, malheur, peine. C'est un mal nécessaire. Accuser qqn de tous les maux. « La vie sans les maux est un hochet d'enfant » (Chateaubriand). Les maux qui frappent l'humanité. calamité, fléau, plaie. Loc. prov. De deux maux, il faut choisir le moindre (dans une alternative où rien n'est bon).
2(XIIe) Souffrance, malaise physique. douleur. Mal insupportable, intolérable. supplice. Souffrir d'un mal de gorge, de violents maux de tête ( céphalée, migraine) , d'un mal de dents ( rage) , d'oreilles, de ventre. Se tirer sans mal d'un accident. blessure, indemne. Il n'y a pas eu de mal. Il a eu plus de peur que de mal. — AVOIR MAL : souffrir. Avoir mal partout. Où as-tu mal ? — J'ai mal à la tête. Avoir mal au cœur : avoir des nausées. Fam. Avoir mal aux cheveux. — FAIRE MAL : faire souffrir. Cette brûlure me fait mal. Tu m'as fait très mal. Loc. Cela me fait mal (au cœur, au ventre, fam. aux seins) d'entendre, de voir cela : cela m'inspire de la pitié, du regret, du dégoût. Ellipt Cela me ferait mal ! je ne le supporterai pas, jamais de la vie. — Loc. fam. (sujet chose) Être efficace. Ce nouveau produit, ça va faire mal ! SE FAIRE MAL. Il est tombé et il s'est fait mal. Tu ne t'es pas fait mal, au moins ? Mal de mer ( naupathie; antinaupathique) , mal de l'air, mal des transports : malaises dus au mouvement d'un véhicule (nausées, vomissements). Mal des montagnes, des hauteurs : malaises dus à une oxygénation insuffisante (bourdonnements d'oreilles, vomissements, torpeur). ⇒aussi dysbarisme.
3Maladie. Prendre mal, du mal : tomber malade, prendre froid. Un mal sans gravité. Être atteint, frappé d'un mal incurable. « Un mal qui répand la terreur » (La Fontaine). Le mal s'aggrave, empire. Enrayer la progression du mal. Fig. Trouver la cause, le siège du mal (cf. Mettre le doigt sur la plaie). Loc. prov. Aux grands maux les grands remèdes. Le remède est pire que le mal. Vx Le haut mal : l'épilepsie. Mal de Naples, mal napolitain, mal français : la syphilis. Mod. Mal de Pott ou mal vertébral : tuberculose vertébrale. — Mal des rayons : troubles consécutifs à une exposition intensive aux rayons ionisants. Mal blanc : panaris superficiel.
4Souffrance, douleur morale. Des mots qui font du mal. blesser. Loc. Le mal du siècle : mélancolie profonde, dégoût de vivre de la jeunesse romantique. Le mal du pays . nostalgie. Loc. Être en mal de : souffrir de l'absence, du défaut (de qqch). Journaliste en mal de copie, écrivain en mal de sujet, d'imagination.
5Difficulté, peine. Avoir du mal à faire qqch. Se donner du mal, un mal de chien, un mal fou, pour faire qqch., pour qqn : se dépenser, se démener. ⇒fam. tintouin; galérer (cf. Se mettre en quatre). On n'a rien sans mal.
IIChoses mauvaises, défauts, imperfections qu'on voit en qqn, à qqch.; jugement qui en découle.
1Prendre, tourner en mal qqch. : voir le mauvais côté, ce qu'il y a de mauvais. Il tourne tout en mal.
2Dire, penser du mal de qqn. calomnier, médire (cf. fam. Habiller qqn pour l'hiver, tailler un costard à qqn). « On aime mieux dire du mal de soi-même que de n'en point parler » (La Rochefoucauld).
III ♦ LE M AL.
1Ce qui est contraire à la loi morale, à la vertu, au bien. Faire le mal. Distinguer le bien du mal. L'arbre de la science du Bien et du Mal. « Par-delà le Bien et le Mal », de Nietzsche. Il voit le mal partout. Je n'y vois aucun mal. Honni soit qui mal y pense. Quel mal y a-t-il à cela ? crime. Sans penser, songer à mal : sans avoir d'intentions mauvaises. Il a fait cela sans penser à mal.
2Absolt LE MAL : tout ce qui, opposé au Bien, est l'objet de désapprobation ou de blâme. Le problème philosophique du Mal, de l'existence du Mal. Le monde partagé entre le Bien et le Mal ( dualisme, manichéisme) . Le Démon, l'Esprit du mal. Satan, incarnation du mal. « Les Fleurs du mal », poèmes de Baudelaire. « Il m'a paru plaisant [...] d'extraire la beauté du Mal » (Baudelaire). Relig. Le péché, la concupiscence. « Nous sommes pleins de mal » (Pascal). « Notre Père qui es aux cieux [...] , délivre-nous du mal » (prière du Notre Père).
⊗ CONTR. 2. Bien. ⊗ HOM. Malle ; mot; poss. mâle.

mal adverbe (latin male) D'une manière mauvaise, qui n'est pas satisfaisante : Vous m'avez mal compris. Être mal payé. D'une façon contraire à la morale, aux usages, à l'honnêteté : Il a mal agi. Forme avec un participe des adjectifs ou noms composés (le nom peut avoir un trait d'union) : Les mal(-)aimés de la population. Mal logés.mal (expressions) adverbe (latin male) Aller mal, être dans une mauvaise situation, dans un état fâcheux et, en particulier, être en mauvaise santé. Être, se sentir mal, ne pas être à son aise psychologiquement ou physiquement. Être mal avec quelqu'un, en mauvais termes avec lui. Être mal, très mal, au plus mal, être (très) malade. Mal à propos, à contretemps, de façon importune : Arriver mal à propos chez quelqu'un. Familier. Pas mal (du tout), assez bien ; indique une quantité relativement importante, beaucoup : J'ai pas mal d'ennuis en ce moment. Se sentir, se trouver mal, avoir un malaise, s'évanouir. ● mal (homonymes) adverbe (latin male) mâle adjectif mâle nom masculin malle nom fémininmal (synonymes) adverbe (latin male) D'une manière mauvaise, qui n'est pas satisfaisante
Synonymes :
- incomplètement
- peu
Contraires :
- complètement
- grassement (familier)
D'une façon contraire à la morale, aux usages, à l'honnêteté
Synonymes :
- fâcheusement
Contraires :
- pour le mieux
mal adjectif invariable Mauvais, funeste (seulement dans quelques expressions) : Bon gré mal gré. Bon an mal an. (→ gré, an.) ● mal (expressions) adjectif invariable C'est mal (de), ce n'est pas satisfaisant (moralement surtout). Ne pas être mal ou, familièrement, (être) pas mal (du tout), être assez beau, assez agréable, assez satisfaisant. ● mal (homonymes) adjectif invariable mâle nom masculin malle nom fémininmal, maux nom masculin (latin malum) Ce qui est contraire au bon, à la vertu ; ce qui est condamné par la morale (seulement singulier, avec article défini) : Faire le mal pour le mal. Ce qui est susceptible de nuire, de faire souffrir, ce qui n'est pas adapté : Le mal est fait. Inconvénient, difficulté, problème, tout ce qui perturbe quelque chose : Entre deux maux, il faut choisir le moindre. Maladie ou phénomène qui détériore quelque chose, une situation : Le mal a progressé. Souffrance physique affectant une partie du corps : Mal de dent. Maux d'estomac.mal, maux (citations) nom masculin (latin malum) Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Nous n'avons pas toujours assez de force pour supporter les maux d'autrui. Propos sur le bonheur Gallimard Alexandre Arnoux Digne 1884-Paris 1973 Il existe une euphorie du mal, aussi ouatée, aussi paisible, aussi délicate que celle de la vertu et de la charité, mais moins fade sans doute et relevée d'un certain piment. Les Crimes innocents Albin Michel Antonin Artaud Marseille 1896-Ivry-sur-Seine 1948 Le bien est voulu, il est le résultat d'un acte, le mal est permanent. Lettre à Jean Paulhan, 12 septembre 1932 Gallimard Théodore Agrippa d'Aubigné près de Pons, Saintonge, 1552-Genève 1630 Combien des maux passés douce est la souvenance. Stances Claude Aveline Paris 1901-Paris 1992 Le pire est l'ennemi du mal. Avec toi-même, etc. Mercure de France Henri Barbusse Asnières 1873-Moscou 1935 Si on nous enlevait tout ce qui nous fait mal, que resterait-il ? L'Enfer Librairie Mondiale Georges Bataille Billom 1897-Paris 1962 Dieu est pire ou plus loin que le mal, [c']est l'innocence du mal. Le Petit Pauvert Charles Baudelaire Paris 1821-Paris 1867 Le mal se fait sans effort, naturellement, par fatalité ; le bien est toujours le produit d'un art. Curiosités esthétiques Charles Baudelaire Paris 1821-Paris 1867 La volupté unique et suprême de l'amour gît dans la certitude de faire le mal. — Et l'homme et la femme savent de naissance que dans le mal se trouve toute volupté. Fusées Simone de Beauvoir Paris 1908-Paris 1986 L'art est une tentative pour intégrer le mal. Les Mandarins Gallimard Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux Paris 1636-Paris 1711 Souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire : Un vers était trop faible, et vous le rendez dur ; J'évite d'être long, et je deviens obscur. L'Art poétique Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux Paris 1636-Paris 1711 Le mal qu'on dit d'autrui ne produit que du mal. Satires Sébastien Roch Nicolas, dit Nicolas de Chamfort près de Clermont-Ferrand 1740-Paris 1794 Académie française, 1781 Quelque mal qu'un homme puisse penser des femmes, il n'y a pas de femme qui n'en pense encore plus mal que lui. Maximes et pensées Jacques Boutelleau, dit Jacques Chardonne Barbezieux 1884-La Frette-sur-Seine 1968 Les maux réels affectent moins les hommes que l'idée qu'ils se font de leur condition. L'Amour, c'est beaucoup plus que l'amour Albin Michel Sidonie Gabrielle Colette Saint-Sauveur-en-Puisaye, Yonne, 1873-Paris 1954 Que le mal nous façonne, il faut bien l'accepter. Mieux est de façonner le mal à notre usage, et même à notre commodité. L'Étoile Vesper Le Milieu du Monde Philippe de Commynes, sire d'Argenton Renescure, près d'Hazebrouck ?, 1447-Argenton 1511 Tous les maux viennent de faute de foi. Mémoires Pierre Corneille Rouen 1606-Paris 1684 Hélas ! je sors d'un mal pour tomber dans un pire. Le Menteur, III, 2, Alcippe Pierre Corneille Rouen 1606-Paris 1684 À raconter ses maux, souvent on les soulage. Polyeucte, I, 3, Stratonice Fernand Crommelynck Paris 1886-Saint-Germain-en-Laye 1970 La pensée est dans le mal et le mal est dans la pensée, sans qu'on sache qui a commencé. Tripes d'or Gallimard Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 S'il importe d'être sublime en quelque genre, c'est surtout en mal. Le Neveu de Rameau Eugène Grindel, dit Paul Eluard Saint-Denis 1895-Charenton-le-Pont 1952 « Le bien et le mal doivent leur origine à l'abus de quelques erreurs. » Capitale de la douleur, Joan Miró Gallimard François de Salignac de La Mothe-Fénelon château de Fénelon, Périgord, 1651-Cambrai 1715 Antisthène disait que la science la plus difficile était de désapprendre le mal. Antisthène François de Salignac de La Mothe-Fénelon château de Fénelon, Périgord, 1651-Cambrai 1715 Presque tous les hommes sont médiocres et superficiels pour le mal comme pour le bien. Lettre à l'Académie Bernard Le Bovier de Fontenelle Rouen 1657-Paris 1757 Nous ne sommes parfaits sur rien, non pas même sur le mal. Réflexions sur la poétique Jean Genet Paris 1910-Paris 1986 S'ils ne sont pas toujours beaux, les hommes voués au mal possèdent les vertus viriles. Journal du voleur Gallimard André Gide Paris 1869-Paris 1951 Le mal n'est jamais dans l'amour. La Symphonie pastorale Gallimard Jean Grenier Paris 1898-Dreux 1971 La méchanceté ne consiste pas à faire le mal mais à mal faire. L'Existence malheureuse Gallimard Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Par le mal qu'ils ont fait les hommes sont vaincus. La Fin de Satan Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Le mal est un mulet ; il est opiniâtre et stérile. Fragments Jean de Meung Meung-sur-Loire vers 1240-Paris 1305 Jadis il en allait autrement ; maintenant tout va en empirant. Jadis soloit estre autrement, Or va tout par enpirement. Roman de la Rose Étienne Jodelle Paris 1532-Paris 1573 Un mal passe le mal. Didon se sacrifiant Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Nous n'écoutons d'instincts que ceux qui sont les nôtres, Et ne croyons le mal que quand il est venu. Fables, l'Hirondelle et les Petits Oiseaux Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Le bien, nous le faisons ; le mal, c'est la Fortune ; On a toujours raison, le Destin toujours tort. Fables, l'Ingratitude et l'Injustice des hommes envers la Fortune Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 L'univers leur sait gré du mal qu'ils ne font pas. Fables, le Milan, le Roi et le Chasseur Jules Laforgue Montevideo 1860-Paris 1887 Mon corps, ô ma sœur, a bien mal à sa belle âme […]. Derniers Vers, Dimanches François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 Il n'est pas si dangereux de faire du mal à la plupart des hommes que de leur faire trop de bien. Maximes François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 Il n'y a guère d'homme assez habile pour connaître tout le mal qu'il fait. Maximes François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 Il y a des héros en mal comme en bien. Maximes François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 Le mal que nous faisons ne nous attire pas tant de persécution et de haine que nos bonnes qualités. Maximes François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 On aime mieux dire du mal de soi-même que de n'en point parler. Maximes François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 On fait souvent du bien pour pouvoir impunément faire du mal. Maximes Isidore Ducasse, dit le comte de Lautréamont Montevideo 1846-Paris 1870 À quoi bon regarder le mal ? […] Pourquoi pencher la tête d'un lycéen sur des questions qui, faute de n'avoir pas été comprises, ont fait perdre la leur à des hommes tels que Pascal et Byron ? Poésies, I Isidore Ducasse, dit le comte de Lautréamont Montevideo 1846-Paris 1870 Nous sommes libres de faire le bien […] Nous ne sommes pas libres de faire le mal. Poésies, II Roger Martin du Gard Neuilly-sur-Seine, 1881-Sérigny, Orne, 1958 Si l'on ne fait pas le bien par goût naturel, que ce soit par désespoir ; ou du moins pour ne pas faire le mal. Les Thibault, la Mort du père Gallimard André Maurois Elbeuf 1885-Neuilly 1967 Académie française, 1938 Ce que les hommes vous pardonnent le moins, c'est le mal qu'ils ont dit de vous. De la conversation Hachette Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu château de La Brède, près de Bordeaux, 1689-Paris 1755 Il y a une infinité de choses où le moins mal est le meilleur. Mes pensées Marie Rouget, dite Marie Noël Auxerre 1883-Auxerre 1967 Père, ô Sagesse profonde Et noire, Vous savez bien À quoi sert le mal du monde, Mais le monde n'en sait rien. Chants de la merci, Chant de la divine merci Stock Henri Petit 1900-1978 Croire au mal c'est croire. Les Justes Solitudes Grasset Henri Petit 1900-1978 On dit du mal des femmes pour se venger de n'en rien savoir. Les Justes Solitudes Grasset Georges Poulet Chênée 1902-Bruxelles 1991 Le temps est le lieu de l'insuffisance et, par conséquent, du mal et du malheur. Études sur le temps humain, Rousseau Plon Jean-François Paul de Gondi, cardinal de Retz Montmirail 1613-Paris 1679 […] Auprès des princes il est aussi dangereux et presque aussi criminel de pouvoir le bien que de vouloir le mal. Mémoires Jean Rostand Paris 1894-Ville-d'Avray 1977 Académie française, 1959 Ce que tu redoutes n'arrivera pas, il arrivera pire. Pensées d'un biologiste Stock Jean-Paul Sartre Paris 1905-Paris 1980 On ne peut vaincre le mal que par un autre mal. Les Mouches Gallimard Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues Aix-en-Provence 1715-Paris 1747 Nous n'avons ni la force ni les occasions d'exécuter tout le bien et tout le mal que nous projetons. Réflexions et Maximes François Marie Arouet, dit Voltaire Paris 1694-Paris 1778 Tout mal arrive avec des ailes et s'en retourne en boitant. Correspondance, à Mme de Lutzelbourg, 14 octobre 1754 Simone Weil Paris 1909-Londres 1943 Toutes les fois qu'on fait vraiment attention, on détruit du mal en soi. Attente de Dieu Fayard Cicéron, en latin Marcus Tullius Cicero Arpinum 106-Formies 43 avant J.-C. Tu perds ta peine, douleur ; si importune que tu sois, je n'avouerai jamais que tu sois un mal. Nihil agis, dolor ! quamvis sis molestus, nunquam te esse confitebor malum. Tusculanes, II, 25 Commentaire Cicéron prête ces mots au philosophe Posidonius. Ovide, en latin Publius Ovidius Naso Sulmona, Abruzzes, 43 avant J.-C.-Tomes, aujourd'hui Constanţa, Roumanie, 17 ou 18 après J.-C. Je vois le bien, je l'approuve et je fais le mal. Video meliora proboque, Deteriora sequor. Les Métamorphoses, VII, 20 Hérodote Halicarnasse vers 484-Thourioi vers 420 avant J.-C. N'essaie pas de guérir le mal par le mal. Histoires, III, 53 (traduction Legrand) Isocrate Athènes 436-Athènes 338 avant J.-C. Souvent déjà de faibles causes ont produit de grands maux. Contre Lokhitès, 7 (traduction G. Mathieu) Platon Athènes vers 427-Athènes vers 348 ou 347 avant J.-C. Il n'y a rien de bon ni de mauvais sauf ces deux choses : la sagesse qui est un bien et l'ignorance qui est un mal. Euthydème, 281e (traduction Méridier) Bible Vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal. Ancien Testament, Genèse III, 5 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible [Puisque] je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne veux pas. Saint Paul, Épître aux Romains, VII, 19 Coran L'homme prie pour obtenir le mal, comme il prie pour le bien. L'homme est prompt de nature. Coran, XVII, 12 Théodore Aubanel Avignon 1829-Avignon 1886 Qui chante son mal enchante. Quau canto Soun mau encanto. Commentaire Devise d'Aubanel. Franz Kafka Prague 1883-sanatorium de Kierling, près de Vienne, 1924 Une fois qu'on a accueilli le Mal chez soi, il n'exige plus qu'on le croie. Wenn man einmal das Böse bei sich aufgenommen hat, verlangt es nicht mehr, daß man ihm glaube. Préparatifs de noce à la campagne Mao Zedong, Mao Tsö-tong ou Mao Tsé-toung Shaoshan, Hunan, 1893-Pékin 1976 Il n'est pas difficile à un homme de faire quelques bonnes actions ; ce qui est difficile, c'est d'agir bien toute sa vie, sans jamais rien faire de mal. Citations du président Mao Tsé-Toung, XXIV Henry Louis Mencken Baltimore, Maryland, 1880-Baltimore, Maryland, 1956 C'est un péché de penser du mal d'autrui, mais c'est rarement une erreur. It is a sin to believe evil of others, but it is seldom a mistake. A Book of Burlesques Poul Martin Møller Uldum, près de Vejle, 1794-Copenhague1838 Un diable est impensable ; car il répugne au bon sens d'admettre un diable qui sache pertinemment ce qu'est le mal et qui veuille néanmoins le mal. Pensées détachées William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 Le mal que fait un homme vit après lui ; souvent ses bonnes actions vont dans la terre avec ses os. The evil that men do lives after them, The good is oft interred with their bones. Jules César, III, 2, Antoine John Steinbeck Salinas, Californie, 1902-New York 1968 Les gens font toujours le mal quand ils sont trop heureux. People always do bad things when they are too happy. À un Dieu inconnu, 3 mal, maux (difficultés) nom masculin (latin malum) Construction Mal de / mal à. Mal, employé substantivement avec un article ou un mot qui en détermine le sens, se construit avec de : elle a un mal de dos épouvantable ; je vous passerais bien mon mal de dents ; des calculs compliqués, qui donnent le mal de tête. Avec avoir mal, sans article, on emploie à : elle a terriblement mal au dos ; j'ai mal aux dents ; des calculs compliqués qui donnent mal à la tête. Emploi 1. Avoir très mal. L'emploi de avoir mal avec un adverbe est aujourd'hui passé dans l'usage : j'ai très mal à la tête ; elle a tellement mal à la gorge qu'elle peut à peine parler. → envie. 2. Pas mal (de) loc. adv. et prép. = assez de, une bonne quantité de ; assez, plutôt. J'ai pas mal de travail à faire. Il a gagné pas mal d'argent avec des placements. Je m'en moque pas mal. Il est pas mal arriviste. Registre familier. 3. Pas mal loc. adj. inv. = plaisant, joli, agréable, bien fait. Il est pas mal, ce film (on dit aussi, avec ne : il n'est pas mal, ce film). En ce moment, il sort avec une fille pas mal. Cet emploi très courant appartient à l'expression orale relâchée. Recommandation Dans l'expression soignée, préférer agréable, beau, convenable, correct, plaisant, joli, bien fait, de qualité, etc. ● mal, maux (expressions) nom masculin (latin malum) Avoir mal, éprouver une souffrance physique : Avoir mal à l'estomac. Familier. Ça me fait mal (au ventre, au cœur), ça m'inspire de la peine, du regret ou du dégoût. Familier. Ça me ferait mal !, jamais de la vie. Populaire. Ça va faire mal, il va y avoir de graves conséquences. Donner du mal à quelqu'un, lui créer des difficultés, exiger de lui de grands efforts. Être en mal de quelque chose, souffrir de l'absence de : Être en mal d'inspiration. Faire (du) mal, faire souffrir ; nuire à quelqu'un ; endommager. Grand mal, forme principale d'épilepsie généralisée. Haut mal, mal caduc, mal comitial, mal sacré, anciens noms de l'épilepsie. Il n'y a pas de mal, ce n'est pas grave. Mal blanc, nom courant du panaris. Mal français, mal napolitain, mal espagnol, mal des Allemands, noms donnés autrefois à la syphilis. Mal du pays, nostalgie éprouvée par quelqu'un qui est éloigné de son pays d'origine. Mal du siècle, à l'époque romantique, mélancolie vague et désenchantement qui tourmentaient les jeunes générations. (A. de Musset a analysé cet état d'âme, ressenti par le René de Chateaubriand, dans la Confession d'un enfant du siècle [1836].) Mettre à mal, abîmer, détériorer, battre, malmener. Penser à mal, avoir de mauvaises pensées, des intentions méchantes. Petit mal, forme d'épilepsie généralisée, qui groupe en particulier les absences, les crises myocloniques et les crises akinétiques. Prendre mal, attraper une maladie, attraper froid. Sans mal, sans trop de mal, facilement, sans trop de difficultés ou sans être (trop) atteint, blessé, etc. Se donner du mal, un mal de chien, se donner de la peine, faire des efforts. Vouloir du mal, chercher à nuire. ● mal, maux (homonymes) nom masculin (latin malum) mâle nom masculin malle nom féminin maux mot nom masculinmal, maux (synonymes) nom masculin (latin malum) Ce qui est contraire au bon, à la vertu ; ce...
Contraires :
Ce qui est susceptible de nuire, de faire souffrir, ce...
Synonymes :
- préjudice
Inconvénient, difficulté, problème, tout ce qui perturbe quelque chose
Synonymes :
- calamité
- épreuve
Contraires :
- bénéfice
Souffrance physique affectant une partie du corps
Synonymes :

mal, male
adj.
d1./d Mauvais, dans les loc. bon an, mal an; bon gré, mal gré.
d2./d (En fonction d'attribut.) Contraire à la morale ou aux bienséances. C'est mal de mentir.
|| Pas mal: V. mal 2, sens 5.
————————
mal plur. maux
n. m.
rI./r
d1./d Douleur, souffrance physique. Avoir mal aux dents.
d2./d Maladie. La tuberculose n'est plus un mal incurable.
Mal de Pott: tuberculose de la colonne vertébrale.
Mal blanc: panaris.
|| Indisposition, malaise.
Avoir mal au coeur: avoir la nausée.
Mal de mer, mal de l'air, mal des transports: malaise que l'on ressent à bord d'un bateau, d'un avion, d'un véhicule en mouvement.
|| Loc. prov. Aux grands maux les grands remèdes, se dit lorsque la gravité de la situation impose que l'on intervienne avec énergie et décision.
rII./r Peine, souffrance morale.
Le mal du pays: la nostalgie.
Le mal du siècle: les tourments propres à une génération (partic. la mélancolie des romantiques).
|| Fig. être en mal de: manquer cruellement de.
rIII/r
d1./d Difficulté, peine. Se donner beaucoup de mal (Fam., un mal de chien) pour faire une chose, pour aider qqn, etc.
d2./d Calamité, tourment. Les maux de la guerre.
|| Dommage, dégât. Il n'y a que demi-mal.
d3./d Inconvénient. La discipline est un mal nécessaire.
rIV./r (Ne s'emploie qu'au Sing.) Parole, opinion défavorable (dans les expressions dire, penser du mal).
|| En mal: en mauvaise part. Prendre tout en mal.
rV./r (Ne s'emploie qu'au Sing.) Ce qui est contraire aux règles que la morale impose. Je le faisais sans songer à mal, sans intention maligne ou mauvaise.
|| Le mal: le principe que les différents systèmes philosophiques et religieux opposent au bien, à ce qui est considéré comme désirable, souhaitable, au regard de la morale naturelle. Les forces du mal.
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mal
adv.
d1./d D'une manière défavorable, fâcheuse. Les affaires vont mal.
|| Aller mal, être au plus mal: être malade, très malade.
Se sentir mal: éprouver un malaise.
Se trouver mal: défaillir, tomber en syncope.
d2./d D'une manière blâmable. Se conduire mal.
d3./d D'une manière défavorable. Parler mal de qqn.
|| Prendre mal une réponse, une réflexion, etc., s'en offenser.
|| être mal avec qqn, être brouillé avec lui.
d4./d D'une manière incorrecte ou défectueuse. Travail mal fini.
|| D'une façon qui ne convient pas, ne sied pas. S'habiller mal.
Venir mal à propos, à contretemps.
d5./d Loc. adv. Pas mal: assez bien, plutôt bien.
|| (Avec valeur d'adj. en attribut.) Ce garçon n'est pas mal, il a des qualités (morales ou physiques).
|| (Sans négation.) Fam. En assez grand nombre; beaucoup. Il y avait pas mal de monde.
d6./d De mal en pis: en s'aggravant.

I.
⇒MAL1, MALE, adj.
A.Vieilli. [Dans des loc., au fém. et antéposé] Synon. de mauvais. Souffrir de male faim. Le marchand voyageur qui craint de rencontrer Sur les chemins déserts quelque male aventure, Et qui, la nuit venue, excite sa monture (COPPÉE, Théâtre, t. 1, Guerre Cent ans, 1878, p. 265). Amour occit mon coeur de male lance (MORÉAS, Cantil., 1886, p. 218).
Male heure. Heure de la mort. Tu finiras par trouver la male heure! (LA VARENDE, Nez-de-cuir, 1936, p. 106). À la male heure (cf. malheure (à la)). À la male heure pour toi, mais à l'heure désirée de ma vengeance (CHATEAUBR., Paradis perdu, 1836, p. 15).
Male mort. Mort violente. Mourir de male mort. Une pierre de la muraille va frapper Salisbury et lui emporte un œil avec la moitié du visage (...). Un clerc normand fit de cette male mort deux chansons (A. FRANCE, J.d'Arc, t. 1, 1908, p. 147). Expr. Garde-nous de male mort (p. oppos. à mourir de sa bonne mort); mourir, périr de male mort; livrer qqn à la male mort. Garde-nous, etc... S'il faut faire naufrage, Surtout de male mort (NOUVEAU, Valentines, 1886, p. 246).
De male rage. D'une humeur mauvaise et violente. Que le gros Hermelingue en crève de male rage (A. DAUDET, Nabab, 1877, p. 209). Notre vieil aventurier et médecin (...) ayant eu vent de ce qui se publiait à Paris (...) se mourait de male rage, maudissant le Père Catrou qui l'avait dépouillé (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 16).
Rare. [Le subst. désigne une pers.] Jeanne la Boiteuse était détestée des serviteurs (...) qu'elle dénonçait pour le moindre manquement, et qui l'appelaient entre eux «la male reine» (DRUON, Lis et lion, 1960, p. 241).
B. — [Dans certaines loc., au masc.] Mauvais.
Bon gré mal gré.
Bon an mal an.
C. — Qui n'est pas conforme au bien, à un principe moral, une convenance.
Il est mal de. Il est mal et lâche de chercher à se distraire d'une noble douleur pour ne pas souffrir autant (VIGNY, Journal poète, 1835, p. 1035).
C'est mal, c'est bien mal, c'est très mal. C'est bien mal à vous, M. Va-de-l'Avant, d'avoir été si long-tems sans nous donner de vos nouvelles (JOUY, Hermite, t. 4, 1813, p. 84). Mon père et ma mère trouvaient très mal qu'on mariât une jeune fille à un vieillard (DURANTY, Malh. H.Gérard, 1860, p. 210).
Fam., rare. [P. oppos. à trouver qqn bien] Trouver, juger qqn mal. Il était des gens que ma grand'mère eût trouvés tout de suite «très mal» (...), elle eût sans doute été stupéfaite qu'il eût réussi à être épousé par Mlle Legrandin (...), elle dont le frère était «si bien» (PROUST, Sodome, 1922, p. 913).
Loc. Plutôt bien que mal. Sanseverina est un personnage, plutôt bien que mal (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p. 103).
REM. 1. Mal-, élém. de compos. (auj. non productif) représentant l'adj. mauvais dans un certain nombre de subst.: a) Malchance; b) Maldonne; c) Malfaçon; d) Malheur; e) Malposition, subst. fém. Toute situation anormale d'un organe, et notamment la situation anormale d'une ou de plusieurs dents sur l'arcade alvéolaire. Dent en malposition. 2. Malement, adv. Assez mal, difficilement. Comme mes deux fermes m'en rapportent malement cinq mille [francs], mes revenus croissent (GENEVOIX, Mains vides, 1928, p. 110).
Prononc. et Orth.:[mal]. Homon. malle. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 881 «mauvais, funeste» mals conselliers (Ste Eulalie, 5 ds HENRY Chrestomathie t. 1, 1970, p. 3); 2. 1330 «mauvais» (dans des loc. au masc.) bon gré mau gré (Hugues Capet, 28 ds T.-L., s.v. gré); 3. 1649 «qui n'est pas conforme au bien» il est mal de (BALZ., Disc. à la régente ds LITTRÉ). Du lat. malus «mauvais, funeste, méchant»; mal adj. ne survit que dans qq. loc. et dans des composés malheur, malchance, etc., v. ces mots. Fréq. abs. littér.:402. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 498, b) 539; XXe s.: a) 593, b) 646. Bbg. HEISIG (K.). Warum heisst es nfz. bon und mal und nicht buen und mel? Rom. Forsch. 1964, t. 76, pp. 312-333.
II.
⇒MAL2, adv.
I.Mal + verbe ou part. passé
A. — 1. D'une manière fâcheuse, contraire à l'intérêt ou aux désirs de quelqu'un. Tout va mal; ça va mal (fam.); aller au plus mal, de plus en plus mal. Il était une fois un pauvre chemisier dont les chemises allaient bien, mais les affaires mal (LARBAUD, Barnabooth, 1913, p. 11):
1. Tout allait mal pour les Anglais en ce moment. Le prince de Galles était à Londres, bien près de mourir; le valeureux Jean Chandos avait été tué l'année d'avant auprès de Poitiers; Jean de Grailly, captal de Buch, était prisonnier...
BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 1, 1821-24, p. 141.
Vieilli. Aller à mal. Gérard (...) se retira le coeur navré, avec la ferme croyance que tout iroit à mal aux droits réunis (BALZAC, Annette, t. 1, 1824, p. 30).
Mal finir. Finir d'une manière désastreuse. [En parlant de qqn] Pauvre Justin! j'avais toujours pensé que ce garçon-là finirait mal (LABICHE, Affaire rue Lourcine, 1857, XVIII, 1, p. 478). [En parlant de qqc.] Ah! vraiment c'est triste, ah! vraiment ça finit trop mal, non vraiment cela finit trop mal, vraiment c'est triste (VERLAINE, Jadis, 1884, p. 203).
Mal marcher (fam.). Rencontrer des difficultés. Journée de travail. Ça n'a pas trop mal marché; j'ai écrit six pages, avec un certain entrain (SARTRE, Nausée, 1938, p. 80).
Être mal parti (fam.). Être sur une mauvaise route. (Il les regarde.) Mes enfants, vous êtes mal partis. (À Hugo.). Toi, tu fais l'insolent parce que tu es le plus faible. (À Slick et à Georges.) Vous, vous avez vos gueules des mauvais jours (SARTRE, Mains sales, 3e tabl., 3, p. 94).
S'y prendre mal. Agir maladroitement, se tromper. Il me semble qu'on s'y est mal pris, et qu'on a choisi une route opposée à celle qu'il falloit suivre (LAMARCK, Philos. zool., t. 1, 1809, p. 4).
Mal lui en prit. Les conséquences furent fâcheuses pour lui. Les calomniateurs n'étaient pas d'accord sur la somme. Mal leur en a pris, en vérité, de chercher querelle à M. Barthélemy (MUSSET ds R. des Deux Mondes, 1833, p. 108).
Mal tomber.
Mal tourner.
Se trouver mal de qqc. Être indisposé par quelque chose. Les princes d'Allemagne se trouveront mal de l'alliance du roi de Prusse et de l'empereur (STAËL, Lettres, 1791, p. 492). Fam. Ça se trouve mal. Ça tombe de façon inopportune. — C'est une invitation à dîner, fit la jeune femme. Hein! comme ça se trouve? — Ça se trouve mal, dit le jeune homme (MURGER, Scènes vie bohème, 1851, p. 232).
Loc. De mal en pis. De plus en plus mal. Sa santé, ses affaires vont de mal en pis. Le commerce des estampes allait de mal en pis, disait Blaise, qui depuis quelque temps ne voulait plus rien acheter (A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 16).
2. a) En partic.
Être bien mal, fort mal, très mal; être mal en point; être, se sentir mal fichu (fam.), mal foutu (vulg.). Être très malade. Depuis quinze jours il est très-mal, a-t-il répondu; et, dans ce moment, le délire est revenu comme tous les soirs (KRÜDENER, Valérie, 1803, p. 234).
Être au plus mal. Être à la dernière extrémité. Le facteur (...) avertit la servante que François Baillard venait de passer une nuit très mauvaise et qu'il était au plus mal (BARRÈS, Colline insp., 1913, p. 273).
Se trouver mal. Défaillir, avoir un malaise. Au surplus fatigué par un catarrhe infect, et le coeur flanchard... depuis que (c'était avant-hier) j'ai couru après l'omnibus qui devait me mener chez les M. du Gard; couru comme un gosse, que je ne suis plus; ce dont j'ai bien dû me convaincre sitôt ensuite: sur la plate-forme atteinte péniblement et de justesse, j'ai cru que j'allais me trouver mal (GIDE, Journal, 1946, p. 301).
b) D'une manière inconfortable. Être mal dans un fauteuil, dans un lit. Quand on prétend nous traiter avec magnificence et nous persuader que nous sommes très bien, on nous amène à nous récrier sur ce que nous sommes très mal et sur ce que nous manquons de tout (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 366). On grelotte, on est mal; on change de place sur place, comme un bétail parqué (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 32). Au fig. Me voilà comme à ces dix-neuf ans sur lesquels je me lamente avec sottise, car j'y étais toujours mal dans mon âme et mal dans ma peau (COCTEAU, Maalesh, 1949, p. 136).
B. — D'une manière défavorable, désobligeante, blessante. Recevoir, traiter mal qqn; être mal vu de qqn. Il ne savait «sur quel pied danser», se voyant tantôt bien, tantôt mal accueilli (DURANTY, Malh. H. Gérard, 1860, p. 262).
Mal parler de qqn (cf. dire du mal de qqn, s.v. mal3). Parler mal de qqn. Médire, calomnier. Telles étaient les lois sévères de la galanterie, que tout chevalier convaincu d'avoir mal parlé des dames était exclu des assemblées et des tournois (JOUY, Hermite, t. 3, 1813, p. 4).
Être mal avec qqn. Être en mauvais termes. Être mal avec sa famille. — Vous êtes mal avec cet Anglais? — J'aime Zaccone et lui le déteste; nous sommes en froid à cause de cela (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 136). Être au plus mal avec qqn. Être brouillé avec lui. Jules: Il n'y a qu'un mois que tu étais au mieux avec elle. Alfred: Il y a une heure que j'y suis au plus mal (DUMAS père Angèle, 1834, I, 4, p. 111).
Se mettre mal avec qqn. Se brouiller avec lui. Ce n'est pas le moment de se mettre mal avec eux, continuait Mme Loiseau, on était vaincu, on n'avait qu'à se tenir tranquille (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 219).
Être mal pour qqn (vieilli). Être désagréable, méchant. Je sais que son mari est très mal pour elle, — c'est un animal qui la rend malheureuse (MÉRIMÉE, Double mépr., 1833, p. 23).
Être mal en cour (vieilli ou p. plaisant.). Être en défaveur. Il a contremandé un ballet dans lequel il devait danser à Saint-Germain. Ceci pourrait bien mettre notre poète assez mal en cour (JOUY, Hermite, t. 2, 1812, p. 9).
Prendre mal qqc. Interpréter quelque chose de façon blessante pour soi-même. Prendre mal un conseil, une plaisanterie, un propos, une remarque; le prendre mal.
C. — Autrement qu'il convient.
1. De façon imparfaite, défectueuse, insatisfaisante. L'habillement des femmes est un manteau de peau de cerf mal tannée (Voy. La Pérouse, t. 2, 1797, p. 271). Un tailleur qui vous explique pourquoi un vêtement qui vous va très mal vous va très bien (RENARD, Journal, 1906, p. 1045). Je vis que le ménage était mal fait. Je touchai, par caprice, un des balustres: le doigt laissa une marque dans la poussière (G. BATAILLE, Exp. int., 1943, p. 69).
SYNT. Travail mal fait; maison mal construite; place mal pavée; route mal empierrée; paroles mal comprises, mal rapportées; mal comprendre des propos, un texte; mal connaître qqn; raisonner mal; dormir mal; jouer mal la comédie, du violon; parler mal français; mal dire, mal exprimer qqc.
Locutions
Tant bien que mal ou, vieilli, que bien que mal. Ni bien ni mal. Vous autres, vous chanterez le refrain avec moi, tant bien que mal, comme vous pourrez (GUILBERT DE PIXÉR., Coelina, 1801, II, 4, p. 31).
Plutôt mal que bien. L'acrobate arrive à continuer son impossible vie et, vaille que vaille, à en atteindre le bout qui est la mort. Tant bien que mal (plutôt mal que bien), le vivant finit par accomplir son destin (JANKÉL., Le Mal, Grenoble-Paris, Arthaud, 1943, p. 17).
Cote mal taillée.
2. D'une façon anormale, éloignée du modèle, de la norme. Arbre mal venu; être mal balancé(e), mal bâti(e) (fam.), mal fichu(e) (fam.), mal foutu(e) (vulg.). Si décharné et voûté qu'il fût, il ne me paraissait point trop mal fait de sa personne (MILOSZ, Amour. initiation, 1910, p. 13). La petite prend ses dix-sept ans, elle n'est pas mal tournée, tant s'en faut! (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 13).
3. D'une façon qui choque les convenances ou le goût. Être mal fagoté(e), mal habillé(e), mal mis(e), mal tenu(e), mal élevé, mal poli ; répondre mal ; se tenir mal. — Rien ne vous va plus mal que de trop crêper vos cheveux, reprit Justine. Les grosses boucles bien lisses vous sont plus avantageuses. — Vraiment? — Mais oui, madame, les cheveux crêpés clair ne vont bien qu'aux blondes (BALZAC, Peau chagr., 1831, p. 161). J'étais mal vêtu, mal coiffé, mal rasé; je n'avais aucun souci de plaire (GIDE, Journal, 1905, p. 164).
Fam. Marquer mal. Faire mauvaise impression par sa tenue. Un homme (...) de vingt à vingt cinq ans (...) chapeau melon, cravate claire, veston court, marquant mal (GYP, Gde vie, 1891, p. 98). Emploi subst., rare. Un marque-mal. Dès que j'étais pour une heure à mon hôtel du Corso Vittorio-Emanuele, quelque marque-mal se disant proche parent de la mamma venait me demander un secours (LARBAUD, Barnabooth, 1913, p.211).
Vulg. Ça la fout mal (v. foutre1), la fiche mal. Cela fait mauvais effet.
D. — D'une manière contraire à la loi morale, à la vertu, au bien. Agir, se comporter mal; distinguer entre ce qui est bien et ce qui est mal; mal famé, mal fréquenté. Tout homme qui jouit d'une prospérité mal acquise a fait un pacte avec l'Esprit de Ténèbres, et légué son ame aux enfers (CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 169):
2. C'est un fait incontestable que, quand nous avons bien ou mal fait, quand nous avons accompli la loi du juste et de l'injuste ou que nous l'avons enfreinte, nous jugeons que nous méritons une récompense ou une punition...
COUSIN, Hist. philos. XVIIIe s., t. 2, 1829, p. 261.
Mal se conduire avec qqn. Se conduire d'une façon malhonnête ou incorrecte. Le plus important dans les visites immédiates c'est d'aller chez Herr — avec qui je me suis si mal conduit (DU BOS, Journal, 1923, p. 379).
Il sied mal de + inf. Ce n'est pas bien de. Ah! prince, qu'il vous sied mal de nous tromper ainsi! (MUSSET, Fantasio, 1834, II, 7, p. 232).
E. — [Avec le sens d'une négation affaiblie] Une fausse démarche, une parole gauche prononcée mal à propos, pouvaient détruire à jamais tout le prestige (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 12). La salle du théâtre des Carmes était rectangle et mal commode (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 26).
Être mal à l'aise. Entre ces murs épais je suis mal à mon aise; Cet air, qui vous suffit, à ma poitrine pèse (DUMAS père, Charles VII, 1831, I, 4, p. 243).
II.Loc. adv. Pas mal
A. — [En alliance avec ne, avec le sens d'un adv. de qualité] Pas mal du tout. Assez bien, bien. — Qu'en dis-tu? ajouta-t-il quand elles furent passées. L'as-tu bien vue? — Oui... — Eh bien? — Elle n'est pas mal (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p. 106). Il n'est pas mal. Il est même bien. C'est un 25 paysage. Cela vaut vingt-cinq mille francs (DUHAMEL, Passion J. Pasquier, 1945, p. 77).
[Avec ell. du verbe et donc de ne] Brotonneau: Et votre femme va bien? Lardier: Pas mal (FLERS, CAILLAVET, M. Brotonneau, 1923, III, 4, p. 20).
B. — [En dehors de ne, avec le sens d'un adv. de quantité compris entre assez et beaucoup] Se ficher, se moquer pas mal de qqn. Nous étions pas mal en Europe à vouloir cogner (GIRAUDOUX, Siegfried et Lim., 1922, p. 24).
Pas mal de + qqc. Beaucoup de. Avoir pas mal d'argent à la banque. Elle a lu d'excellents livres, elle a dû entendre pas mal de sermons, et il se pourrait que sa mémoire fût tout son génie (BREMOND, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 572).
Rem. Emploi considéré comme fam., quoique très répandu. LITTRÉ enregistre uniquement, en le déclarant également ,,fam.``, l'emploi quantitatif en alliance avec ne: Il n'y avait pas mal de curieux à ce spectacle. Cf. Il n'est pas mal effronté (DG).
Rem. gén. 1. [Précède, pour en inverser le sens ou pour ajouter une idée négative, un assez grand nombre d'adj. ou de part. employés adj.: maladroit, malaisé, malappris, malgracieux, malhabile, malintentionné, malpropre, malvenu, etc. En a. fr. mal adv. pouvait s'utiliser avec un adj. (infra étymol. 2 a); auj. non productif. Sur la forme mau- devant consonne, plus arch., v. maudit, maussade, mauvais] Malcomplaisant, -ante, adj. Non complaisant (néol. ds DG). Mal croyant, -ante, adj. Qui est hors de la foi reconnue par l'Église, une Église. On craignit que vraiment Jeanne, comme tant de savants docteurs le soutenaient, ne fût hérétique, mal croyante, séduite par le prince des ténèbres (FRANCE, J. d'Arc, t. 1, 1908, p. LVI). Mal né, -ée, adj. Qui n'est pas de famille noble. Monsieur de Restaud a une mère qui mangerait des millions, une femme mal née, une demoiselle Goriot (BALZAC, Gobseck, 1830, p. 380). Mal pensant, -ante, adj. Dont la pensée n'est pas conforme à l'idéologie religieuse, politique ou sociale en cours. À qui la faute si cet argent tombe dans les mains de gens mal pensants, c'est-à-dire dans les mains de ton neveu, un impie qui, en 1815, a fait partie de ce régiment de brigands appelés corps franc levé contre les Prussiens? (STENDHAL, Lamiel, 1842, p. 38). Mal portant, -ante, adj. Qui n'a pas une bonne santé. Femme mal portante. Elle a été indisposée et nous mal portants, ces derniers jours. Nous allons mieux les uns et les autres (TOCQUEVILLE, Corresp. [avec Reeve], 1851, p. 118). Mal rasé, -ée, adj. Qui ne prend pas soin de se raser, ou qui le fait mal. J'achève de vivre, en robe de chambre, (...) près d'une table couverte de potions, mal rasé, malodorant (MAURIAC, Noeuds vip., 1932, p. 21). 2. [En partic. précède un part. passé ou prés. employé subst.: malentendant] Mal-aimé, -ée, subst. ,,Personne ou groupe qui est ou se sent impopulaire ou tenu à l'écart: Ce mal-aimé du cinéma...`` (GILB. 1971). Et je demeure persuadé que la province recèle, encore maintenant, dans le secret de ses maisons, plus de «mal-aimés» que nous n'en imaginerons jamais (MAURIAC, Nouv. Bloc-notes, 1961, p. 210). Mal(-)blanchi, subst. masc. Nègre. Sur des tambours de bois, (...) des mal-blanchis, à cheval, battirent aussitôt le rappel (MORAND, Magie noire, 1930, p. 59). Mal-disant, -ante, subst. Personne qui dit ou aime à dire du mal des autres. C'est un mal disant, voyez-vous, mais sans plus de méchanceté qu'un enfant (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 279). Mal embouché, -ée, subst., fam. Personne qui parle grossièrement. En voilà un mal embouché!... A-t-on jamais vu! (FEYDEAU, Dame Maxim's, 1914, I, 21, p. 24). Mal-fondé (p. oppos. à bien-fondé), subst. masc. Ce qui est mal établi. On discutait du bien ou mal-fondé des croyances (G. BATAILLE, Exp. int., 1943, p. 40). Mal-foutu, -ue, subst. Personne qui est en mauvaise forme physique. Nous avons établi entre le corps médical, que la guerre pouvait être faite avec des mal foutus (BERNANOS, Enf. humil., 1948, p. 24). Mal-logé, -ée, subst. Personne dont le logement est de dimension ou de confort insuffisants. Les représentants des locataires réclamaient une politique du logement répondant aux besoins des mal-logés (Le Monde, 10 juill. 1965 ds GILB. Mots contemp. 1980). Mal-marié, -ée, subst. Personne qui a fait un mauvais mariage. Au XIIe s., toutes les hautes dames se considèrent comme des «mal-mariées» (R. NELLI, L'Amour en question ds Planète, n° 30, sept.-oct. 1966, p. 107). Mal-né, -ée, subst., rare. Personne qui est de mauvaise constitution. Ce sentiment, quel est donc celui, sinon un infirme, un mal-né, qui ne le retrouve dans son âme? (BARRÈS, Cahiers, t.8, 1910, p.185). Mal-peigné, -ée, subst. ,,Homme malpropre et mal vêtu`` (Ac.). Je m'en allai au clos Saint-Laze, avec quelques mal-peignés de mon âge (ARÈNE, Contes Paris, 1887, p.209). Mal-pensant, -ante (p. oppos. à bien-pensant A 1), subst. Par les temps où nous vivons on ne peut savoir, ajouta-t-il en jetant un regard circulaire et circonspect comme pour voir s'il ne se trouvait aucun «mal pensant» dans le salon (PROUST, Guermantes 1, 1920, p.215). Mal-voyant, -ante, subst. Personne qui voit mal. L'association des donneurs de voix offre aux aveugles et aux mal-voyants la possibilité d'écouter gratuitement les livres de leur choix (La Vie du rail, 31 mars 1974 ds GILB. Mots contemp. 1980). 3. [Dans des subst. dérivés d'adj. et de part.: malchance, maldonne, malfaisance, malhonnêteté, malpropreté, malformation]. 4. [Devant un inf., le groupe mal + inf. étant employé subst.] Mal(-)être (p. oppos. à bien-être), subst. Sensation de malaise. Ces dispositions vagues de bien être ou de mal être, que chacun éprouve journellement (CABANIS, Rapp. phys. et mor., t.1, 1808, p.95). Au fig. 24% des femmes avouent encore qu'elles auraient préféré être un homme (...) ce qui en dit long sur leur mal-être dans la société (L'Express, 18 déc. 1967 ds GILB. Mots contemp. 1980). Mal-vivre, subst. Pays du mal-vivre. Pays où l'on vit mal. Pays du mal-vivre, du mal-loger, du mal-manger, du mal-s'asseoir et du mal-dormir (MORAND, Londres, 1933, p.110).
Prononc. et Orth.:[mal]. Homon. malle. Att. ds Ac. dep. 1694. Les mots constr. sont gén. soudés: maladroit, malaisé, malcommode, malhabile, malchance, malentendu, malfaçon, malheur, malnutrition, malmener, etc. Certains sont séparés (il y a ou non trait d'union): mal pensant, mal disant, mal(-)blanchi, mal-aimé, mal-logé (où la présence des 2 l empêche peut-être la soudure) mal-marié, etc. (supra rem. gén.). Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 «d'une manière fâcheuse ou défavorable» (Roland, éd. J. Bédier, 216: Ne ben ne mal ne respunt); ca 1155 malvenue (WACE, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 1270); fin XIIe s. aller de mal en pis (Raoul de Cambrai, éd. P. Meyer et A. Longnon, 7951); 1536 mal en point (ROGER DE COLLERYE, Oeuvres, éd. Ch. D'Héricault, 151); 2. a) ca 1155 devant un adj., équivaut à une négation totale (WACE, op. cit., 520); ca 1200 id. devant un verbe (Aiol, éd. J. Normand et G. Raynaud, 1979); b) 1273 avec valeur de négation affaiblie (ADENET LE ROI, Berte, éd. A. Henry, 730); 3. ca 1245 «de façon incomplète, imparfaite» mal ... empli (PH. MOUSKET, Chron., éd. de Reiffenberg, 19950); av. 1654 personne ... mal faite (BALZ., I, 340 ds LITTRÉ); 4. 1361 «d'une manière contraire à la morale» faire mal (ORESME, Ethiques, éd. A. D. Menut, X, chap. I, p. 496, note 3); 5. pas mal loc. adv. a) 1661 «en assez grande quantité» (MOLIÈRE, École des maris, II, 8); b) 1764 «assez bien» (VOLTAIRE, Dict. philos. Dieu ds Œuvres complètes, éd. L. Moland, t. 18, p. 381). Du lat. male «mal, autrement qu'il ne faut; de façon fâcheuse» lui-même de malus, v. mal1. Fréq. abs. littér.:18 111. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 22370, b) 24125; XXe s.: a) 26596, b) 29006. Bbg. BASTIN (J.). Adv. de manière. In: Nouv. glanures gramm. Riga, 1907, p. 29. — DARM. 1877, p. 140. — GOOSSE 1975, p. 25. — LEW. 1968, p. 147.
III.
⇒MAL3, MAUX, subst. masc.
I. — Tout ce qui fait souffrir, physiquement ou moralement.
A. —Souffrance qui affecte le corps.
1. [De manière temporaire] Douleur passagère. Mal, maux de gorge, de tête; maux d'estomac, de reins; avoir mal aux pieds, à la poitrine, au ventre. «Eh bien! c'est donc le mal de dents, m'a-t-il dit.» En effet, il avait une violente fluxion; sa joue droite était enflée et fort rouge (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 223).
Mal blanc. Infection localisée de la pulpe des doigts. Synon. panaris. (Ds DURANTEAU 1971).
Mal perforant. Lésion ulcéreuse. Maux perforants plantaires. Le mal perforant est une ulcération arrondie ou ovalaire présentant des bords saillants et taillés à pic avec un fond atone (QUILLET Méd. 1965, p. 354).
Avoir mal au coeur. Nausée d'origine gastrique, sans rapport avec le coeur. Oh! dit-elle, j'ai un peu mal au coeur... (...) et puis j'ai la tête qui me tourne (RAMUZ, Derborence, 1934, p. 61). Au fig. Tu dégoûtes ma famille, maman surtout, et dès qu'elle pense à toi, elle a mal au coeur (RENARD, Poil Carotte, 1894, p. 203).
Avoir mal aux cheveux (au fig., fam.). Avoir la tête lourde un lendemain de fête (d'apr. CARABELLI, [Lang. fam.], s.d.).
Être dans les mals (vx). ,,Être dans les douleurs de l'enfantement`` (CARABELLI, [Lang. pop.], s.d.).
Prendre mal, du mal. Tomber malade. Comment donc avait-elle pris mal? Ne la laissez pas courir à volonté, quelque temps qu'il fasse (E. DE GUÉRIN, Lettres, 1840, p. 347). Tu es mouillé, trempé. De quoi prendre du mal. Viens, j'ai du lait chaud sur le feu, avec une goutte de café (DUHAMEL, Terre promise, 1934, p. 66).
Faire mal à qqn
Fam. et pop. Cela/ça me fait mal au coeur, au ventre, au(x) sein(s). Cela me degoûte, me donne envie de vomir. On rit. L'homme noir s'en offusqua. Il se leva. — Vous m'faites mal au ventre, articula-t-il avec mépris (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 15). [Au cond. et sans compl.] Ça me ferait mal! Il n'en est pas question. [À la forme pronom.] Tous les élèves l'applaudissent à se faire mal aux mains (LARBAUD, F. Marquez, 1911, p. 47).
Gêner, incommoder. Elle se fardait, mettait son corsage neuf et ses beaux souliers qui lui faisaient mal (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 138).
Expressions
Être dur au mal. Être capable de supporter la souffrance, la fatigue, l'inconfort. Il est dur au mal, insoucieux du confortable (...), enchanté d'être au milieu de soldats de seconde classe et non d'officiers (MONTHERL., Songe, 1922, p. 40).
(Femme) en mal d'enfant (vx). En train d'accoucher. En se trouvant placé par le comte devant une femme en mal d'enfant, le rebouteur recouvra toute sa présence d'esprit (BALZAC, Enf. maudit, 1831-36, p. 358).
En partic.
Mal de l'air, du rail, de la route. Malaises ressentis au cours d'un voyage en avion, en train, en voiture. Mal des transports. ,,Ensemble des troubles observés chez certains passagers d'un véhicule en mouvement`` (Méd. Flamm. 1976). Un nouveau médicament destiné à prévenir les inconvénients causés par le mal des transports (...) vient d'être lancé sur le marché américain par une société pharmaceutique suisse (L'Est Républicain, 11 juill. 1981, p. 1).
Mal de mer. Malaise provoqué par les mouvements du bateau et donnant des maux de tête, des nausées, des vomissements. Le mal de mer le prit. Chacun connaît les effets de cette maladie: la plus horrible de ses souffrances sans danger est une dissolution complète de la volonté (BALZAC, Contrat mar., 1835, p. 326). P. métaph. Je vous avoue que les disputes littéraires me donnent le mal de mer. Cela manque de grâce et de résultats (VALÉRY, Entret. [avec F. Lefèvre], 1926, p. 25).
Mal des montagnes. ,,Malaises causés par la raréfaction de l'oxygène en altitude`` (VILLEN. 1974). Les plus vaillants défaillirent, et le vertige, ce terrible mal des montagnes, détruisit non seulement leurs forces physiques, mais aussi leur énergie morale (VERNE, Enf. cap. Grant, t. 1, 1868, p. 107).
2. [De manière chronique ou répétitive] Douleur continue ou récurrente manifestant une maladie souvent grave, parfois mortelle. Affreux mal; mal cruel, implacable, irrémédiable; endurer, enrayer le mal. Cet enfant si beau, si sage et déjà si cultivé était secrètement atteint du mal horrible qui lui valut son surnom de Baudouin le Lépreux (GROUSSET, Croisades, 1939, p. 210):
1. À la suite de crises répétées, son corps entier se prenait, le mal montait des pieds aux genoux, puis aux coudes et aux mains. (...) C'était maintenant la goutte chronique, inguérissable, la goutte qui ankylose et qui déforme.
ZOLA,Joie de vivre, 1884, p. 938.
Mal de mort. Vouloir mal de mort à qqn. Désirer sa mort. Il avait beaucoup tardé à publier les oeuvres de son oncle, et il voulait mal de mort à ceux qui l'avaient devancé dans cette tâche (A. FRANCE, Vie littér., t. 1, 1888, p. 306).
Mauvais mal (vx). Maladie mortelle considérée comme un fléau à une époque donnée. Chaque époque a connu son «mauvais mal» auquel s'accrochait une effrayante mythologie (...). Ce fut, au Moyen Âge, la peste noire, détrônée par le choléra, puis par la tuberculose (...) le cancer a pris sa succession et assumé son héritage d'épouvantement (L'Est Républicain, 15 oct. 1980, p. 1). Pop. Maladie quelconque. Tu vas te faire venir du mauvais mal, la Torine... Tu seras bien avancée? (MARTIN DU G.., Testament P. Leleu, 1920, II, p. 1153).
Mourir du mal. Mourir d'une certaine maladie. Elle est morte du mal. On appelle ça: «le mal», mais c'est une vapeur; ça prend les gens d'âges. Ils ont les «trois sueurs», le «point de côté» puis, ça s'arrache tout, là-dedans et ils meurent (GIONO, Regain, 1930, p. 25).
Aller à mal (vx). Être atteint d'une mauvaise maladie. C'est là que nous avons mangé notre pain blanc en premier, car il me semble que je vais à mal. Je suis bien malade, Jacques (BALZAC, Pierrette, 1840, p. 124).
Mal caduc, comitial, sacré ou haut mal. Épilepsie. Ce pauvre petit corps de fillette poitrinaire et peut-être atteinte du mal sacré (SUARÈS, Voy. Condottière, t. 3, 1932, p. 255). Tomber du haut mal. P. métaph. Je ne veux pas être une sotte grue et tomber du haut mal d'admiration. Je m'attache à peindre les personnages en conscience (CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 649).
Mal divin. Peste. Synon. vieilli de grand mal. (Ds Méd. Biol. t. 2 1971). Hippocrate l'appela [la peste] le mal divin, et Thucydide le feu sacré; ils la regardèrent tous deux comme le feu de la colère céleste (CHATEAUBR., Mém., t. 4, 1848, p. 59).
Mal noir. ,,Charbon`` (Méd. Biol. t.2 1971). Les camarades lui conseillèrent de mouiller sans cesse la blessure pour empêcher le mal noir (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, En mer, 1883, p. 97).
Mal de (+ nom propre, subst. ou adj.). Maladie de. Mal des ardents (v. ardent II B). Mal de Bright. Néphrite. Il lui trouva de l'asthme, une bronchite, et le mal de Bright (MAUROIS, Disraëli, 1927, p. 294). Mal de Pott. Tuberculose vertébrale. Un enfant a le mal de Pott. Il va à Berck (BARRÈS, Cahiers, t. 9, 1911, p. 178).
Mal + déterminants variés (vieilli). Mal espagnol, français, italien, de Sicile. Syphilis. J'ai guéri la fièvre pestilente, la podagre, l'hydropisie et le mal français (ARNOUX, Seigneur, 1955, p. 111).
Mal (de) (+ nom de saint). Affections diverses, le saint en question étant censé guérir l'affection qu'il servait à nommer. Il était mort en effet de la dyssenterie et des hémorrhoïdes, qu'on nommait alors le mal saint Fiacre (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 371). Nicolas Remy atteste que le mal St. Jean était l'épilepsie, le mal St. Antoine le «feu sacré» ou érysipèle, le mal St. Manne l'impétigo, et le mal St. Anastase la folie (E. DELCAMBRE, Le Concept de sorcellerie dans les duchés de Lorraine au XVIe et au XVIIe s., Nancy, Soc. d'archéol. lorr., 1949, p. 50).
Expressions
Prendre son mal en patience. Supporter son mal avec courage. Au fig. Je prends mon mal en patience, je me livre avec courage à des travaux qui finiront par me rendre indépendant (HUGO, Lettres fiancée, 1820, p. 15).
Plus de bruit que de mal. Plus de bruit et d'agitation que de dégâts réels. Comme il arrive dans ces échauffourées, il y eut plus de bruit que de mal. Une dizaine de juifs environ demeuraient sur le carreau (THARAUD, Fête arabe, 1912, p. 193).
Rendre le remède pire que le mal. Utiliser des produits aux effets plus nocifs que la maladie qu'on cherche à combattre. Bergotte (...) essaya avec succès, mais avec excès, de différents narcotiques, (...) tous les produits (...) étaient toxiques et par là rendaient le remède pire que le mal (PROUST, Prisonn., 1922, p. 186).
Tomber de fièvre en chaud mal (vx). Aggraver son cas. Au fig. Aujourd'hui un très grand nombre de propriétaires, pour ne pas dire presque tous, honteux de leur oisiveté, travaillent, épargnent, capitalisent. C'est tomber de fièvre en chaud mal (PROUDHON, Propriété, 1840, p. 288).
B.—Souffrance vécue sur les plans affectif, psychique, moral. Synon. chagrin, déception, désillusion, peine, tourment. Mal de l'absence, de l'exil; mal d'amour, de langueur; avoir mal à l'âme. L'idée que cet homme est son amant me fait un mal affreux (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p. 136). Connais-tu point quelque remède spécifique, ou quelque corps exactement antidote, pour ce mal d'entre les maux, ce poison des poisons (...) l'ennui de vivre? (VALÉRY, Eupalinos, 1923, p. 34).
Doux mal, mal délicieux. Tourment d'amour. Des romans de coeur pleins d'amoureuses peines, Où l'art sait retracer, sous l'éclat de nos moeurs, Ce mal délicieux dont je sens que je meurs (SAINTE-BEUVE, Poés., 1829, p. 113). Sa chanson (...) témoignant sincèrement (...) du doux mal qu'on souffre en aimant (VERLAINE, Œuvres compl., t. 1, Bonne chans., 1870, p. 103).
En partic.
Mal du pays. Regret profond du pays natal qu'on a quitté, de la patrie. Synon. nostalgie. Cette langueur d'ame qu'on éprouve hors de sa patrie; (...) le mal du pays. C'est véritablement un mal, et qui ne se peut guérir que par le retour (CHATEAUBR., Génie, t. 1, 1803, p. 228).
Mal du siècle. État de malaise, de tristesse, de dégoût de vivre manifesté par la jeunesse romantique, et que Chateaubriand a peint dans le personnage de René; p. anal., malaise particulier qui atteint plus ou moins les jeunes générations. Désormais, le nouveau «mal du siècle» avait un nom; il était fait de la nostalgie d'un âge d'or, celui de l'enfance (BENDA, Fr. byz., 1945, p. 56).
Mal de vivre. Difficulté d'être. Sentir le mal de vivre. Le présent volume qui n'est lui-même qu'une longue digression sur le mal de vivre, sur l'infernale disgrâce de subsister (BLOY, Femme pauvre, 1897, p. 111). P. ext. Mal de l'été. Mal de l'été et du «beau fixe», (...) mélancolie des jours fériés (JANKÉL., L'Aventure, l'ennui, le sérieux, Paris, éd. Montaigne, 1963, p. 99).
[P. anal. avec (avoir) mal à la gorge, à la tête, etc.] Mal à la France. Le mal à la France atteint à l'aigu quand le Canard enchaîné (...) orchestre depuis son officine le débat public (Le Figaro Magazine, 26 avr. 1980, p. 21).
Avoir mal de + inf. J'ai mal de tenir tant à vous (MONTHERL., Encore inst. bonh., 1934, p. 698).
Être en mal de qqn, de qqc. Souffrir de l'absence de quelqu'un, de quelque chose; p. ext., désirer, avoir besoin de. Être en mal d'amour, d'enfant, de guerres, de poésie, de promenade, de publicité, de renseignements. Des groupes en mal d'espace, en quête de territoires (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 46). Ce grand flot parfumé, satiné, voluptueux, des femmes de Lima en mal de frivolités, de liberté, de plaisirs défendus (MORAND, Dern. jour Inquis., 1947, p. 247).
Faire mal (fam.). Faire pitié, agacer, ennuyer. Tu me fais mal! Tu me fais mal à + inf. Ah! (...) tu nous fais mal à rabâcher trente-six fois la même chose (Le Petit Parisien ds BRUANT 1901).
II.P. ext. [Fréq. avec le partitif] Tout ce qui est contraire au bien-être, à l'épanouissement; tout ce qui est mauvais, dommageable, néfaste (aux êtres ou aux choses).
A. —[Dommageable aux êtres]
1. Ce qui est mauvais dans les êtres ou les choses. Les maux du despotisme, de l'intolérance. Tout ce qui diminue l'indépendance du clergé est un mal, et un très grand mal (LAMENNAIS, Religion, 1826, p. 235). Voltaire avait bien vu. C'est le fanatisme qui est le mal humain; et ce n'est que l'esprit qui pense convulsivement par une ambition trop prompte et aussitôt déçue (ALAIN, Propos, 1931, p. 993).
Le mal, le grand mal, le plus grand mal, le plus grand des maux. Le mal, le grand mal, c'est que nous ne sommes point de notre siècle (CHATEAUBR., Essai Révol., t. 1, 1797, p. 11). Le nonce Bargellini (...) disait: «Le mal en France, c'est qu'on n'étudie pas assez la scolastique (...)» (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 314). Le plus grand des maux, cause de tous, c'était encore l'anarchie (BAINVILLE, Hist. France, t. 1, 1924, p. 187).
Fam., exclam. Le grand mal! Quel dommage à cela? Bon! Quand vous lui auriez dit quelques paroles en l'air, le grand mal! (NERVAL, Filles feu, Corilla, 1854, p. 672).
Il n'y a pas de mal (à ça). [Formule de politesse (en réponse à qqn qui demande qu'on l'excuse)]
Au plur. [À propos de méfaits qui entraînent la ruine matérielle et la misère morale] L'auteur, la cause de tous nos maux; souffrir, supporter de grands maux; vivre avec ses maux. Chacun jeûnait et se mortifiait afin d'obtenir du ciel la fin de tant de maux; la France était, depuis deux ans, ravagée et mise à feu et à sang (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 3, 1821-24, p. 278):
2. L'affaire Pyrot (...) doit rester secrète. Si elle était divulguée, les maux les plus cruels, guerres, pillages, ravages, incendies, massacres, épidémies, fondraient immédiatement sur la Pingouinie.
A. FRANCE, Île ping., 1908, p. 299.
Proverbes. De, entre deux maux il faut choisir le moindre. Je lui ai dit qu'il n'y avait qu'un héroïsme, celui de faire souffrir (...), que, comme entre deux maux il faut choisir le moindre, il valait mieux être bandit qu'honnête homme (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p. 313).
Aux grands maux les grands remèdes. Les grandes difficultés appellent des solutions radicales. Quand nous nous récriions contre une telle perfidie et une telle ingratitude, ils nous répondaient:Aux grands maux, les grands remèdes (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 949).
C'est le plus grand des maux que + inf. C'est le plus grand des maux qu'être sans caractère (LAYA, Ami loix, 1793, II, 4, p. 42).
2. a) Faire du mal à qqn. Lui nuire. Au commencement de l'action, la cavalerie turque de Damas leur fit beaucoup de mal en les criblant de flèches, selon sa coutume (GROUSSET, Croisades, 1939, p. 68).
Faire moins de mal que de peur. Causer de la frayeur plutôt que des maux réels. Un tribunal frappe avec lenteur et fait moins de mal que de peur (A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 118).
[À la forme négative] Ne faire aucun mal. Ne pas molester. Le chef de la bande rassura les voyageurs en leur disant qu'il ne leur seroit fait aucun mal (BALZAC, Annette, t. 1, 1824, p. 111). Ne jamais faire/vouloir de mal à qqn. Le duc répondit qu'il le ferait très volontiers [entretenir bonne paix dans le royaume], qu'il ne voulait de mal à personne, et désirait la paix avec les grands et les petits (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 109). Cela ne fait de mal à personne (fam.). Un petit coup de vin, un petit air de danse, ça ne fait de mal à personne (CLAUDEL, J. d'Arc, 1939, 8, p. 1216). Ne pas faire de mal à une mouche (fam., gén. au cond.). Être tout à fait pacifique ou inoffensif. Je me sens trop doux. Je ne ferais pas de mal à une mouche (SARTRE, Mains sales, 1948, 2e tabl., 1, p. 39).
b) Mettre à mal qqn, qqc.
Vx, p. plaisant. [L'obj. désigne qqn, en partic. une femme] Violer; p. ext., séduire. Le baron Vauveron (...) s'accusa brusquement d'avoir mis à mal une fille de ferme dont il avait eu un enfant (L. DAUDET, Bacchantes, 1931, p. 120).
[L'obj. désigne qqc.] Maltraiter. Sous le tapotage et les placages de ses terribles grands doigts, le piano était si souvent mis à mal, qu'elle avait pris le parti d'attacher à sa personne (...) un vieil accordeur auquel elle donnait de l'ouvrage, tous les jours (E. DE GONCOURT, Faustin, 1882, p. 303). Au fig. Quand, par fait de guerre, des intérêts français sont mis à mal dans le monde, que se passe-t-il? Qui paie la facture? (L'Est Républicain, 11 juin 1981, p. 20).
3. a)Dire du mal de qqn. Médire, calomnier. On demanda à Madame Dubarry si Louis XV ne disait pas beaucoup de mal d'elle [Madame de Beauvau] (...). «Oh! beaucoup. — Eh bien! Quel mal, de moi, par exemple? — De vous, madame, que vous étiez hautaine, intrigante; que vous meniez votre mari par le nez.» (CHAMFORT, Caract. et anecd., 1794, p. 105).
b) Parler en mal de qqn (vieilli). Dire du mal de quelqu'un. Ne parlez jamais en mal des employés, vous autres! (BALZAC, Employés, 1837, p. 92). Prendre qqc. à/en mal (vieilli); tourner en mal qqc. Voir le mauvais côté de quelque chose. Si tu tiens à la lettre que je t'avais écrite sur elle, demande-la à Chopin (...) Il l'a prise en mal, et je ne voulais pourtant pas le chagriner (SAND, Corresp., 1843, p. 283). Les choses les plus innocentes peuvent être interprétées à mal (DUMAS père, Chev. Maison-Rouge, 1847, I, tabl. 3, 4, p. 48). Écoute, et ne prends point à mal ce que je vais te dire, et songe que cela m'est bien dur (CLAUDEL, Échange, 1894, II, p. 689).
4. [Avec un sens affaibli] Tout ce qui demande effort, exige de la peine. Avoir du mal, beaucoup de mal; se donner du mal pour qqn, pour qqc.; se donner le mal de + inf., un mal infini à + inf. Cette enfant me donnait bien du mal; cependant j'en prenais volontiers la peine; elle m'était si chère! (NERVAL, Faust, 1840, p. 129). On avait tant tardé à partir, qu'à peine s'il y avait de l'eau dans le port, et nous eûmes grand mal à y entrer (FLAUB., Champs et grèves, 1848, p. 248):
3. ...ces enfants de paysans et ces enfants d'ouvriers (...) se donnaient beaucoup plus de mal, ils fournissaient beaucoup plus de travail pour passer le brevet simple que nous pour passer l'examen de fin de quatrième...
PÉGUY, Argent, 1913, p. 1139.
Avoir le plus grand mal à faire qqc., à vivre. Avoir la plus grande difficulté à. Nous aurons, dès la fin du mois, le plus grand mal à joindre les deux bouts (DUHAMEL, Notaire Havre, 1933, p. 106).
Se donner un mal de chien, du diable, de cinq cents diables, de tous les diables, d'enfer, de galérien. Se donner beaucoup de mal. La «conférence» que je viens de me donner un mal d'enfer à écrire (GIDE, Corresp. [avec Valéry], 1901, p. 384). Je ne vois pas pourquoi tu m'insultes quand je me donne un mal de chien pour te faire plaisir (PAGNOL, Fanny, 1932, I, 1er tabl., 1, p. 11).
[Avec un sens encore plus affaibli] Inconvénient, ennui. Je compte dans un an aller faire un grand voyage en Allemagne. Le mal est que je n'en sais pas la langue (TOCQUEVILLE, Corresp. [avec Reeve], 1836, p. 36).
B.Rare. [Dommageable aux choses] Dommage. La gelée a tout perdu, il y a encore plus de mal qu'on ne croit (Ac.). Comment pouvais-je réparer le mal fait au manuscrit, si ce n'est en donnant au public le texte imprimé d'après une copie authentique? (COURIER, Lettre à M. Renouard, 1810, p. 260). Le mal ne se borna pas là; le feu qu'ils avaient mis à leurs tentes gagna le reste du camp et en consuma une partie (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 3, 1821-24, p.232). Il vint aussi un grand lion qui faisait beaucoup de mal dans le pays, mangeant les vaches et les moutons (CLAUDEL, Violaine, 1892, I, p.506).
Demi-mal. Dégâts limités. Comme cela, dit-il en revenant, il n'y a que demi-mal, la lettre paraîtra demain (ROLLAND, J.-Chr., Amies, 1910, p. 1095).
III. Au sing. Tout ce qui est contraire au bien.
A. —Ce qui est contraire à la loi morale, à la vertu.
1. [À propos d'un mal commis ou d'un mal d'intention] Faire tout le mal possible; se plaire au mal. Le duc Raukhing, (...) qui faisait le mal par goût (...) On racontait de lui des traits d'une cruauté vraiment fabuleuse (THIERRY, Récits mérov., t. 1, 1840, p. 118):
4. ...le mal que je fais, c'est d'abord une souffrance que j'impose à autrui; aussi ne me donne-t-il jamais à moi-même qu'une amère satisfaction. Car le mal dont la souffrance est la trace, c'est la vie qui retourne contre soi la puissance même dont elle dispose, c'est la vie qui se blesse et qui se mutile.
L. LAVELLE, Le Mal et la souffrance, Paris, Plon, 1941, p. 5.
Locutions
Faire, vouloir le mal pour le mal. Faire, vouloir le mal pour lui-même. En voulant le Mal pour le Mal, je tente de contempler la transcendance divine - dont le Bien est la possibilité propre -, comme transcendance purement donnée et que je transcende vers le Mal (SARTRE, Être et Néant, 1943, p. 350).
♦[P. réf. à la loi du talion œil pour œil, dent pour dent] Rendre le mal pour le mal. Rendre méfait pour méfait. Je ne fais pas le mal pour le bien; mais, par le ciel, je sais rendre le mal pour le mal (MUSSET, Nuit vénit., 1834, 1, p.16). Répondre au mal par le mal. À la fin, il avait fallu donner l'ordre de répondre au mal par le mal; nous étions malheureusement forcés de massacrer et d'incendier aussi (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t.2, 1870, p.182).
Sans songer à mal. Sans avoir d'intentions mauvaises. J'arrosais mes pétunias sans songer à mal, quand je vis entrer un grand jeune homme blond (ABOUT, Roi mont., 1857, p.12).
Expressions
Honni soit qui mal y pense.
À qui mal veut mal arrive. Je te revaudrai ça: à qui mal veut, mal arrive (VIDOCQ, Mém., t. 4, 1828-29, p. 250).
2. [À propos d'un mal subi] Souffrir, subir, supporter le mal. Le mal et la méchanceté (...) collaborent à nous rendre la vie intenable, sulfureuse, frénétique, comme se relayent les guerres qui viennent de la méchanceté des hommes (JANKÉL., Traité des vertus, Paris, Bordas/La Haye, Mouton, t. 3, 1972, p. 1102):
5. «Ni les parfums de l'Arabie... ni l'Océan du Grand Neptune...» Il y a en effet de l'éternellement ineffaçable dans le mal. Que la persécution triomphe à grand éclat de l'innocence et des causes justes, ou que la bonne volonté privée ou publique finisse par s'enliser ou succomber, cédant à la malchance des circonstances et à la perversité des exemples, le mal fait alors au réel une blessure que seule une pensée étourdie dirait cicatrisable.
E. BORNE, Le Problème du mal, Paris, P.U.F., 1960, p. 18.
3. [P. oppos. au bien] Avoir la connaissance du bien et du mal. Il est certain qu'au centre de nos pensées sur le bien et sur le mal, on retrouve l'opposition de ce qui doit être et de ce qui ne doit pas être, selon la liberté et l'obligation morale (J. NABERT, Essai sur le mal, Paris, éd. Montaigne, 1970, p. 150):
6. Dans la représentation poétique du mal, il en est comme dans l'ordinaire de la vie réelle: le mal existe par référence au bien et veut en prendre les apparences. Étant ce qui ne doit pas être, il soulève la question: d'où vient-il? Il est la justification négative du bien.
FRIES t. 3 1966, p. 22.
[P. anal. avec ce qui est obscur, nocturne] La nuit, l'opacité du mal. Avec quoi un roman est-il fait, sinon avec du mal? Ôté le mal, que reste-t-il? Du bien, c'est-à-dire du blanc. Il faut aussi du noir (GREEN, Journal, 1957, p. 308):
7. ...le mal, sous la forme de la folie ou de la perdition, (...) comme le contraire de ce bien, tout en gardant quelque chose d'obscur et d'indéfini, semblable - la métaphore est classique - à la part d'ombre dans un monde que la lumière ne saurait visiter.
Encyclop. univ. t. 10 1972, p. 345.
B.RELIG. Faute, péché, concupiscence. Tentation du mal; condamner, reconnaître le mal; demander à être délivré, protégé, sauvé du mal. Si l'âme (...) s'est fréquemment adonnée au mal et rarement au bien, elle prend un autre corps (...) qui est destiné aux tortures de l'enfer (OZANAM, Philos. Dante, 1838, p. 212):
8. Dans le domaine de la transgression morale, il est une dépréciation que nous connaissons bien, que nous comprenons facilement et clairement, c'est celle que nous opérons lorsque après avoir commis une mauvaise action nous reconnaissons que nous sommes coupables et que l'action est mauvaise. Le mal que nous avons commis nous oppresse, nous fait perdre l'estime de nous-mêmes.
R. OTTO, Le Sacré, Paris, Payot, 1969, p. 88.
En partic., vieilli. Commerce charnel. Le flottement triste qui est l'apanage (...) des femmes dites indépendantes qui ne font pas le mal, si l'on donne au commerce charnel son ancien nom de «mal» (COLETTE, Naiss. jour, 1928, p. 25).
C.Absol. [Avec l'art. le, inv.: faire le mal]
1. PHILOS. Le mal absolu, métaphysique; absurdité, dialectique, énigme, injustice, interrogation, mystère, nécessité, origine, principe, problématique du mal. Si le mal, au lieu d'être privation, était une force positive, sa causalité s'expliquerait peut-être; mais il n'est que vide et zéro hypostasié, laideur-en-soi qui est amorphie et amétrie, absence de forme et de mesure (JANKÉL., Traité des vertus, Paris, Bordas/La Haye, Mouton, t. 3, 1972, p. 1073):
9. Le mal est l'objet de toutes les protestations de la conscience (...) le mal est le scandale du monde. Il est pour nous le problème majeur; c'est lui qui fait du monde un problème (...). Dirons-nous que le bien lui aussi est un problème? (...) le bien, dès qu'on l'a reconnu, dès qu'on l'a accompli, est au contraire une solution (...). Par une sorte de renversement, il n'est un problème que pour celui qui le cherche, au lieu que le mal est un problème pour celui qui le trouve.
L. LAVELLE, op cit., p. 31.
2. THÉOL. Le Démon, l'Esprit du Mal; Belzébuth ou Satan, incarnation du mal:
10. Le discours théologique (...) contraint le mal à avouer que, si terrifiant soit-il, il n'a d'autre réalité que celle du vide ou du défaut ; ce rien, l'ange de lumière qu'il a refusé d'être, fait toute la noirceur de Satan, et, pour passer à la limite, l'enfer n'est infernal que par une absence, il est vrai éternelle, celle de l'amour.
Encyclop. univ. t. 10 1972, p. 346.
[P. réf. à la Bible] L'arbre de la science du bien et du mal. Arbre dont le fruit, défendu à l'homme, conférait la science du bien et du mal. C'est une belle allégorie, dans la Bible, que cet arbre de la science du bien et du mal qui produit la mort (CHAMFORT, Max. et pens., 1794, p. 18). L'esprit du mal. Satan. L'Esprit du Mal, l'Esprit des Ténèbres, s'était installé au coeur de son enfant! (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 663). Les puissances du mal. Les puissances sataniques. Je n'étais plus un de ces ministres de la morale chrétienne mais un homme inspiré, un de ces exorcistes légendaires, prêts à arracher aux puissances du mal les brebis de leur troupeau (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 259).
REM. 1. Mali, subst. masc., région. (Belgique), fin. publ. Déficit. Anton. boni. Grâce à la loi sur les fusions [de communes], le mali du budget 1982 d'Anvers ne sera que de 2,14 milliards (Le Soir, 4 janv. 1982, p. 7). 2. Malicide, adj., vieilli. Qui tue le mal. Quand il ôte la vie d'un méchant, il n'est pas homicide, mais «malicide» (M.-M. DAVY, Initiation à la symbolique romane, Paris, Flammarion, 1977, p. 25). 3. Malus, subst. masc., assur. (Bonus-)malus. Estimation de la prime des véhicules, en raison directe des dégâts matériels (ou de leur absence) occasionnés au cours de l'année d'assurance. Régularisation bonus-malus. Le système de bonus-malus en matière d'assurance est très simple: après le premier accident, un malus de 10% est appliqué; après le second accident, ce malus est de 40%, et après le troisième, il est de 100%, voire plus, ce qui se traduit au minimum par un doublement de la prime (Femmes d'aujourd'hui: Écho de la mode, 1982, n° 7, p. 20).
Prononc. et Orth.:[mal], [mo]. Homon. malle. Att. ds Ac. dep. 1694. Être dans les mals à la place du plur. maux (supra I A 1, d'apr. CARABELLI, [Lang. pop.], s.d.). Étymol. et Hist. 1. a) Ca 980 «ce qui est contraire au bien, à la loi morale» (JONAS, éd. G. de Poerck, 195: e sis penteiet de cel mel qe fait [de uia sua mala]); fin Xe s. [rendre] ben... per mal (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 161); b) 2e moitié Xe s. «ce qui est néfaste, ce qui nuit» vouloir du mal à (St Léger, éd. J.Linskill, 101: molt li vol miel); ca 1100 mult grant mal funt (Roland, éd. J. Bédier, 378); 2. 1050 «maladie» (Alexis, éd. Chr. Storey, 153); joint à une autre qualification, sert à dénommer diverses maladies: fin XIIe s. mal d'Acre «épidémie que durent affronter les Croisés en 1190 et 1191 durant le siège d'Acre» (BÉROUL, Tristan, éd. E. Muret et L. M. Defourques, 3849); ca 1220 grant mal «épilepsie» (Amadas et Ydoine, éd. J. R. Reinhard, 859); 3. a) ca 1100 «souffrance physique» (Roland, 2101: En la teste ad e dulor e grant mal); 1174-76 mal del flanc (GUERNES DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, 1508 ds T.-L.); 1174-76 faire... mal (ID., ibid., 4354, ibid.); 1225-30 avoir mal en «souffrir de» (GUILLAUME DE LORRIS, Rose, éd. F. Lecoy, 2420: home qui a mal es denz); b) 1223-27 mal d'enfant (GAUTIER DE COINCI, Miracles, éd. V. F. Koenig, II Chast. 10, 963); 4. a) ca 1100 «tort» (Roland, 578: Mult grant mal funt... a lur seignur, ki tel cunseil li dunent); b) 2e moitié XIIIe s. [ms] «dégâts matériels» ([GUÉRIN], De Beranger au long cul [ms. A], 195 ds J. RYCHNER, Contribution à l'étude des Fabliaux, p. 107: N'a mon escu ne ferai mal [ms. D, fin XIIIe s., 147: Ne ses heaumes n'a point de mal]); 5. 1155 «souffrance morale» (WACE, Brut, 8690 ds T.-L.); cf. ca 1165 (Troie, 17742, ibid.: ço no fait al cuer grant mal); 1803 mal du pays (CHATEAUBR., Génie, t. 1, p. 228); 6. ca 1170 «le mauvais côté, le mauvais sens» (CHRÉTIEN DE TROYES, Erec et Enide, éd. M. Roques, 2467: que ses sire an mal nel preist); 1690 tourner en mal (FUR.); 7. a) 1567 aller à mal «(d'une chose) empirer» (AMYOT, Demosth., 5 ds IGLF); b) 1635 «inconvénient» il n'y a point de mal à ce que (GUEZ DE BALZAC, Lettres, livre VII, 47 ds Œuvres, Paris, 1665, t. 1, p. 317); 8. 1690 «effort, peine» avoir du mal à (FUR.). Substantivation de mal2 plutôt que de l'adj. lat. substantivé malum dont l'évolution phonét. se confond avec celle de l'adv. male, mais qui n'a pas été maintenu dans les autres lang. rom. et a été remplacé par l'adv. substantivé; cf. ital. sarde male, esp. cat. port. mal. FEW t. 6, 1, p.128a. Fréq. abs. littér.: 17802. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a)26885, b) 22783; XXe s.: a) 24172, b) 26023. Bbg. LEW. 1968, p.69. — QUEM. DDL t. 8, 13, 15, 17, 19, 20. — ROTHWELL (W.). Medical and botanical terminology from Anglo-Norman sources. Z. fr. Spr. Lit. 1976, t. 86, p. 247.

1. mal, e [mal] adj.
ÉTYM. IXe; du lat. malus « mauvais ».
1 (Vx et dans quelques loc. où l'adj. est antéposé). Mauvais, funeste, mortel. || Souffrir de male faim (→ Aboyer, cit. 3, Rabelais). — ☑ (1523). À la male heure : à l'heure de la mort. || « Va-t-en à la malheure (ou male heure), excrément de la terre… » (Malherbe, Prophétie du Dieu de Seine). || Mourir de male mort, de mort violente ( Malemort).Vx. || Male rage, ancien juron ( Malepeste).Vx. || Male rage : désir violent. || Crever de male rage de faim.Sens atténué : || « Il est venu à la male heure nous troubler » (Furetière), à l'heure inopportune. Malheure.REM. Depuis le XVIIe s. l'emploi de cet adjectif est archaïque ou littéraire.
1 Et bien à la male-heure est-il venu d'Espagne,
Ce courrier que la foudre ou la grêle accompagne (…)
Molière, l'Étourdi, II, 10.
2 Persuadé que le gain est toujours possible, pourvu que le destin y consente (…) il suffit que la male fortune regarde ailleurs, un clin d'œil, et l'on gagne.
André Suarès, Trois hommes, « Dostoïevski », V.
3 Rien n'est changé ni nos cœurs ne le sont
C'est toujours l'ombre et toujours la mal'heure
Sur les chemins déserts où nous passons
France et l'Amour les mêmes larmes pleurent
Rien ne finit jamais par des chansons.
Aragon, les Yeux d'Elsa, p. 32.
2 (V. 1560). Mod. (Dans certaines expressions, au masc. et antéposé). Bon gré mal gré (cit. 14 et 15).Bon an, mal an (cit. 8).
(Premier élément de n. comp.). || Mal(-)connaissance : connaissance insuffisante. || « La (…) mal-connaissance des matières que les hommes entendent traiter et dominer est la caractéristique de cette période des grandes erreurs » (l'Express, 18 déc. 1967). || Mal-information ou malinformation : information incomplète.
3.1 C'est le moyen qui, souvent, convient le mieux au tempérament français, mais bien souvent par ignorance et mal information.
A. Sauvy, Croissance zéro ?, p. 284.
3 (Av. 1654). En attribut. Contraire à un principe moral, une obligation, une convenance. || Faire, dire qqch. de mal. || Qu'ai-je fait de mal ?C'est mal, il est mal de fuir (cit. 29) ce que suit tout le monde. || Il n'est pas mal de… (→ Assurer, cit. 44). || Il n'est pas mal que les amants s'instruisent (cit. 23). Mauvais.
4 Croyez-vous que je ne sache pas que ce que vous voulez est bien mal ?
Laclos, les Liaisons dangereuses, CXVII.
5 — L'aimerais-tu donc déjà ? Ce serait mal. — Mal, reprit Eugénie, pourquoi ? Il te plaît, il plaît à Nanon, pourquoi ne me plairait-il pas ?
Balzac, Eugénie Grandet, Pl., t. III, p. 537.
6 — Mais laisse-la donc, cette enfant ! elle est gentille, elle ne fait rien de mal.
Zola, l'Assommoir, t. II, X, p. 115.
4 (1867). || Pas mal (adj.). 2. Mal (V.).
COMP. Malbouffe, malchance, maldonne, malefaim, malemort, malencontre, malepeste, malfaçon, malformation, malherbe, malheur, maltôte.
HOM. 2. Mal, 3. mal, malle.
————————
2. mal [mal] adv.
ÉTYM. 1080; du lat. male.
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I
1 D'une manière contraire à l'intérêt ou aux vœux de qqn. Malencontreusement. || Ça commence mal ! || Affaire qui va mal, qui périclite (→ Battre de l'aile). || Mal gérer sa fortune. || Les choses vont mal, très mal, de plus en plus mal.Fam. || Ça va mal pour lui.« Ça va aujourd'hui ? — Mal, très mal ». || Cela faillit (cit. 17) finir mal pour moi. || Tourner mal (→ Casser, cit. 2). Gâter (se). || Augurer (cit. 9) mal d'un projet, d'une aventure : prévoir une issue fâcheuse.Se trouver mal de qqch. (→ Étourdi, cit. 4). || Cela lui a mal réussi. || Il est mal dans ses affaires (vieilli). || Le moment est mal choisi.Tomber mal, d'une façon inopportune. || Ça tombe mal. || Il a été mal inspiré de se fier à ce filou.Maison mal située, au bord d'une route bruyante. || Blessure mal placée.
1 Il était dit que tout serait fatal
À notre époux; ainsi tout alla mal (…)
La Fontaine, Contes, V, « Belphégor ».
2 (…) j'ai à vous entretenir de ceux qui sont mal dans leurs affaires (…) s'ils n'ont pas assez de bien pour subsister honnêtement, et tout ensemble pour payer leurs dettes, on leur permet d'en mettre une partie à couvert en faisant banqueroute à leurs créanciers.
Pascal, les Provinciales, VIII.
3 « Aïe ! » se dit Maykosen, « cela commence mal ». Il ne voyait plus guère comment amener l'entretien dans les voies qu'il avait préparées.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XIV, XXV, p. 264.
Mal lui en prit : les conséquences furent fâcheuses pour lui.
REM. Littré et Hatzfeld considèrent ici mal comme un subst., alors qu'en traitant de l'expression similaire bien lui en prit, ils considèrent bien comme un adverbe. En fait, même si mal est dans cette expression aujourd'hui senti comme un substantif, il s'agit, dans les deux cas, d'un adverbe employé avec l'impersonnel il lui prend, comme le prouve cette phrase de Commynes (citée par Damourette et Pichon à propos d'être employé comme auxiliaire de certains verbes, V, 45) : « Il lui en estait bien mal prins ». Précédé de bien qui le renforce, mal est ici évidemment adverbe.
4 (…) il (Brévan) se jeta sur son épée. Mal lui en prit, car mon valet de chambre, brave et vigoureux, le saisit au corps et le terrassa.
Laclos, les Liaisons dangereuses, LXXXV.
5 Mal en prit à Louis Bonaparte.
Hugo, Histoire d'un crime, III, XIII.
2 Avec malaise, douleur, désagrément.Se sentir, se trouver mal : éprouver un malaise. Défaillir, évanouir (s'); → Tourner de l'œil; et aussi faillir, cit. 6; gagner, cit. 55; haleter, cit. 1. || Être mal portant, se mal porter (littér.), mal se porter (cour.). — ☑ Fam. Être, se sentir mal fichu.Être mal en point (→ Avoir du plomb dans l'aile). || Il est, va mal (→ 1. Garde, cit. 17), très mal : son état est grave, très grave.Elle est au plus mal, à la dernière extrémité.(Sens atténué). || Être, se trouver mal dans un lit, dans un fauteuil inconfortable. — ☑ Être mal dans sa peau.
6 — Comment vous portez-vous ? ajouta-t-il. — Mal, répondit Emma. Je souffre.
Flaubert, Mme Bovary, II, VI.
———
II En termes ou d'une façon défavorable, avec malveillance, en mauvaise part. → Défavorablement. || Traiter mal qqn. || Recevoir très mal qqn (→ Comme un chien dans un jeu de quilles). || Mal parler de qqn. Calomnier. || Juger mal de qqn (→ Autrui, cit. 10), de qqch. (→ Bon, cit. 83).Lieu mal famé.Mal interpréter (cit. 5) la conduite de qqn.Avoir l'esprit mal tourné.Prendre mal un propos, une remarque, un conseil, une plaisanterie, l'interpréter de façon désobligeante pour soi-même (→ Trouver mauvais; se fâcher; prendre la mouche). || Il l'a mal pris.Être, se mettre mal avec qqn, avec sa famille, en mauvais termes (→ Chemin, cit. 45; homme, cit. 78).Être mal en cour (→ Boutique, cit. 5), en défaveur.Être mal vu de qqn.
7 (…) il pourrait se trouver des gens qui prendraient mal vos discours, et qui vous reprocheraient de tourner les choses de la Religion en raillerie.
Pascal, les Provinciales, VIII.
8 (Le Roi)… me dit : « Mais aussi, Monsieur, c'est que vous parlez et que vous blâmez; voilà ce qui fait qu'on parle contre vous ». Je répondis que j'avais grand soin de ne parler mal de personne (…)
Saint-Simon, Mémoires, III, XXV.
9 C'était un garnement de dieu fort mal famé.
Hugo, la Légende des siècles, XXII, « Le satyre », Prologue.
10 Pour ne pas se mettre mal avec Romuald, ils diront peut-être, tu sais, ni oui, ni non… D'un autre côté, ils tiennent à ne pas se mettre mal avec la police (…) Ça se comprend.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IX, X, p. 92.
———
III Autrement qu'il ne convient.REM. Dans cet emploi, l'adverbe n'a qu'un sens très indéterminé et reçoit sa valeur du mot auquel il est appliqué.
1 De façon contraire à un modèle idéal. || Travail mal fait. Mauvais (→ fam. En dépit du bon sens; n'importe comment…). || C'est du boulot mal fait, saboté, salopé. || Vous vous y prenez mal. Maladroitement.Pianiste amateur qui joue mal, exécute mal un morceau. || Acteur qui joue mal (→ Galerie, cit. 9). || Instruments mal accordés (cit. 9). || Mots mal choisis. || La musique de cet opéra s'accorde mal avec le sujet. || Notions qui s'accordent mal à une société, lui sont inassimilables (cit. 2). || Ils vont mal ensemble, forment un couple mal assorti. || Mariage mal assorti (cit. 18).
11 Tes trente-deux dents
De jeune animal
Ne vont point trop mal
À tes yeux ardents.
Verlaine, Parallèlement, « Filles », V.
Incorrectement. || Mal arranger (cit. 2) ses mots. || Idée mal exprimée. || Mal parler (parler mal) une langue étrangère (→ Baragouiner). || Il s'exprime très mal.Écrivain qui écrit mal. Cacographe. || Devoir mal rédigé. || Raisonner mal (→ Fort, cit. 69; intelligent, cit. 1). || Langage (cit. 19) mal fait.
12 Pourquoi aussi ces intonations toujours traînantes, ou gouailleuses, comme s'il y avait plaisir à parler mal (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, XIX, p. 212.
Par ext. En se méprenant (→ la rac. Mé-); de travers. || Mal comprendre un philosophe, mal interpréter un texte. || Opinion mal fondée. || Lire (cit. 17) vite et mal un auteur.Mal connaître une personne. || Mal comprendre ses proches.
13 Il nous semble volontiers, parce que ce sentiment s'est trouvé mal fondé, qu'il nous paraissait tel dès l'origine — et qu'un certain doute, une nuance d'indécision, ne pouvait manquer d'annoncer en lui l'erreur à venir.
J. Paulhan, Entretien sur des faits divers, p. 52.
2 D'une façon anormale, éloignée de la normale. || Être mal fait, mal foutu (cit. 16), mal fichu (→ Boiteux, difforme, laid). || Grande femme mal bâtie.Arbre mal venu. || Aliments mal digérés, mal assimilés.
14 (…) Jeanet le sauteriot, qui la suivait en clopant, vu qu'il était ébiganché et mal jambé de naissance.
G. Sand, la Petite Fadette, IX.
D'une manière défectueuse, imparfaite. || Appareil mal monté. || Écrou mal serré. || Moteur, machine qui tourne mal, fonctionne (cit. 5, fig.) mal. || Porte qui ferme mal. || Gerbes mal liées (cit. 2).Vêtements qui s'ajustent mal (→ Fort, cit. 5). || Lettres mal formées. || Enfant qui écrit mal. || Timide qui articule (cit. 6) mal.Fig. || Esprit mal équilibré (→ Gourmander, cit. 6).Cote mal taillée. || Tout est mal arrangé, va mal dans le monde. Guingois (de, cit. 4).REM. Certains emplois semblent vieillis, notamment avec des participes passés n'appartenant pas au premier groupe.
15 (…) un enfant mal instruit est plus loin de la sagesse que celui qu'on n'a point instruit du tout.
Rousseau, Émile, II.
3 D'une façon qui choque le goût, les convenances (au physique ou au moral). || Individu mal habillé, mal fagoté (cit. 3), mal peigné. || Troupes mal tenues (→ Autant, cit. 42).Il est toujours sale et mal tenu.Vêtement mal nettoyé, sans soin. || Braies (cit. 2) mal nouées.Personne mal élevée (cit. 74), mal polie (→ Grossier, cit. 4). || Enfant qui se tient mal, qui parle mal, répond mal à ses parents, sans respect. — ☑ Il marque mal : il a vilaine allure. — ☑ Fam. Ça la fout mal.
15.1 Ainsi cet homme plus que mal habillé c'est-à-dire médiocrement habillé, qui ne savait ni saluer, ni entrer dans un salon, donnait à toutes ses manières quelque chose de saisissant et de doux que n'auraient pas eu les manières d'un prince.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 269.
Spécialt, vx. || Personne mal née (→ Affront, cit. 12), mal apparentée (cit. 2).
4 Insuffisamment (en qualité ou en quantité). Médiocrement. || Enfant qui réussit mal en classe. || Enfant mal doué pour les études. Peu. || Leçon mal apprise, mal sue. || Gargote où l'on mange mal. || Mal dormir, peu, ou d'un sommeil agité. || Travailleur, emploi mal payé, mal rétribué (→ Atmosphère, cit. 20).Employer mal son temps, de façon peu profitable. Incomplètement. || L'homme est mal sorti du chaos (cit. 1, Gide). || Il est mal remis de sa maladie.
16 — Voici, reprit l'Évêque, une lampe qui éclaire bien mal.
Hugo, les Misérables, I, II, III.
En comp. (adj. et n.). || Mal(-)aimé : qui n'est pas aimé, apprécié. || La Chanson du Mal Aimé, d'Apollinaire (1909).Fig. Impopulaire. || « Les fonctionnaires du Marché commun sont des mal-aimés. Mal-aimés des Européens, mal aimés des six gouvernements, qui les considèreraient, pour un peu, comme des parasites; mal aimés même de l'administration interne de la commission » (le Monde, 18 janv. 1968). || « Une sorte de disgrâce fait de l'agrégation la mal-aimée de l'Université » (le Monde, 4 nov. 1966).Vulg. || Mal-baisée. 1. Baiser, II.Mal-pensant.Mal-logé.Mal-nourri. || « Les besoins des mal-nourris du “Tiers-monde” » (le Monde, 23 juin 1966).
|| Les mal-voyants : les personnes atteintes de graves troubles de la vue. || Les aveugles et les mal-voyants.
Mal-entendant. Malentendant.
Mal, équivalant à une négation légèrement affaiblie (cf. le lat. male, par ex. dans l'expr. male sanus, c.-à-d. insanus, et aussi les comp. maladroit, malsain, etc.). Peu, pas.Littér. || Être mal content (→ Mécontent), mal satisfait de son sort (→ Agir, cit. 21).Cour.Être mal à l'aise, mal à son aise (cit. 8) en ce lieu, en cette compagnie (→ Atrocité, cit. 5; copain, cit. 4; dépaysé, cit. 5; imprimerie, cit. 6).Mal à propos.
17 Et nous aurions le ciel à nos vœux mal propice (…)
Corneille, Horace, V, 3.
18 (…) ils sortent mal satisfaits d'ici.
Molière, les Précieuses ridicules, II.
19 Le caractère variable, non pas mécontent, mais mal content du comte, rencontra donc chez sa femme une terre douce et facile (…)
Balzac, le Lys dans la vallée, Pl., t. VIII, p. 813.
5 Difficilement; avec peine, effort. Malaisément, péniblement. || Rhumatisant qui marche mal. || Asthmatique, personne angoissée qui respire mal (→ Angoisse, cit. 5). || Lire (cit. 2) mal le petit caractère.Phénomène qu'on s'explique mal (→ Iris, cit. 2). || Je comprends mal comment il a pu en arriver là.
———
IV Contrairement à une loi supérieure (morale ou religieuse). || Vivre mal (→ Amender, cit. 4). Littér. || Se mal conduire. Cour. || Mal se conduire. || Agir mal (→ Excès, cit. 10). || Mal faire (→ Incliner, cit. 10). || Faire mal (→ Immonde, cit. 5; langueur, cit. 16).REM. Ne pas confondre cette expression avec faire mal au sens de provoquer de la douleur (→ 3. Mal). — Littér. || En user mal avec qqn (→ Cadet, cit. 2).Cour. || Finir mal. || Tourner mal. || Ça a commencé mal, mais ça s'est arrangé.Fortune (→ Gérer, cit. 5), richesse mal acquise (cit. 6).
Prov. Bien mal acquis ne profite jamais (→ 2. Bien, cit. 56, Léautaud).
Adj. (→ 1. Mal). || Distinguer entre ce qui est bien et ce qui est mal.
20 Si vous faites bien, n'en serez-vous pas récompensés ? et si vous faites mal, ne porterez-vous pas aussitôt la peine de votre péché ?
Bible (Sacy), Genèse, IV, 7.
21 Il (mon frère) prit le train du libertinage, même avant l'âge d'être un vrai libertin… Enfin mon frère tourna si mal, qu'il s'enfuit et disparut tout à fait.
Rousseau, les Confessions, I.
22 Comme je ne me soucie d'être aimée que de vous, et que vous verrez bien si je fais mal, il n'y aura pas de ma faute, le reste me sera bien égal (…)
Laclos, les Liaisons dangereuses, CXVII.
———
V
1 Loc. adv. (avec négation). Pas mal : assez bien, bien. || Ce tableau ne fera pas mal sur ce mur. || Vous ne ferez (cit. 71) pas mal de les avertir. || Cela ne vous irait pas mal. || Ça va, aujourd'hui ? — Pas mal, et vous ? || Pas mal répondu ! || Pas mal, continuez. || Pas mal pour un début ! || Il ne s'en est pas mal tiré.
23 Le Père Adam les montrait comme un chef-d'œuvre à Voltaire, qui disait, en souriant, que ce n'était pas mal pour un enfant de cet âge.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 30 déc. 1850.
23.1 Si blasé que dût être un journaliste parisien sur ces effets que la mise en scène moderne a portés loin, Alcide Jolivet ne put retenir un léger mouvement de tête qui, entre le boulevard Montmartre et la Madeleine, eût voulu dire : « Pas mal ! pas mal ! »
J. Verne, Michel Strogoff, p. 340.
Adj. (employé comme attribut). || Ce tableau n'est pas mal, n'est pas mauvais, est assez bon.Cette jeune fille n'est pas mal, elle est jolie, bien faite. || Elle n'est pas mal du tout !
24 — Électre est la plus belle fille d'Argos. — Enfin, elle n'est pas mal.
Giraudoux, Électre, I, 2.
25 Il la déshabillait à contre-cœur. Elle n'était pourtant pas mal, qu'est-ce qu'il avait à faire le difficile ?
Aragon, les Beaux Quartiers, II, V.
25.1 On part de l'idée que les gens sont restés les mêmes et on les trouve vieux. Mais une fois que l'idée dont on part est qu'ils sont vieux, on les retrouve, on ne les trouve pas si mal.
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 948.
2 Loc. adv. (sans négation). Pas mal : assez, beaucoup. || « Ainsi employé, pas mal forme une expression positive, et marque un degré qui se place sensiblement entre assez et beaucoup » (Le Bidois). || Il a pas mal voyagé. Passablement. || Vous vous fichez (cit. 13) pas mal de lui !(Avant un adj.). || Il est pas mal froussard.
26 Ah ! je m'en moque pas mal ! dit Charles en faisant une pirouette.
Flaubert, Mme Bovary, II, IX.
27 (…) son Herbert avait toujours été pas mal reître (…)
Alphonse Daudet, l'Immortel, II.
28 Elle se fiche pas mal de lui.
Guy Mazeline, les Loups, II, I.
REM. L'emploi postposé paraît vieux ou régional :
28.1 Le ciel est sombre pas mal; mais dans les voitures tout est joie et beau temps.
Rodolphe Töpffer, Voyages en zigzag, p. 204.
3 (Sans négation). Pas mal de… : un assez grand nombre de, bon nombre de, beaucoup. || J'avais appris pas mal de choses (→ Bribe, cit. 6). || Il y avait pas mal de monde dans la salle. || J'en aurais pas mal à dire sur son compte.
REM. La langue classique employait ordinairement la négation ne (→ cit. 29), aujourd'hui supprimée.
29 Pour une jeune fille, elle n'en sait pas mal !
Molière, l'École des maris, II, 5.
30 (…) comme ils gagnaient à eux deux près de neuf francs par jour, on calculait qu'ils devaient mettre de côté pas mal d'argent.
Zola, l'Assommoir, t. I, IV, p. 120.
31 (…) une ville du Languedoc, où l'on trouve comme dans toutes les villes du Midi, beaucoup de soleil, pas mal de poussière (…)
Alphonse Daudet, le Petit Chose, I, I.
32 Nous avons à penser à pas mal d'autres choses, n'est-ce pas ?
Pierre Benoit, Axelle, XV.
4 Tant bien que mal (vx) que bien, que mal. Bien, tant.
5 De mal en pis : de plus en plus mal. || Les choses vont de mal en pis.
CONTR. 1. Bien. — Divinement, élégamment, joliment. — Juste (II.).
COMP. Maladresse, maladroit, malaise, malappris, malavisé, malbâti, malcontent, maldisant, mal-en-point, malentendu, mal-être, malévole, malfaire, malfaisance, malfaisant, malfaiteur, malgracieux, malhabile, malheureux, malhonnête, malintentionné, mal-jugé, malmener, malodorant, malplaisant, malpropre, malsain, malséant, malsonnant, maltraiter, malveillant, malvenant, malvenu, malversation, malverser. — Maudire, maupiteux, maussade. — V. aussi le préf. Mé-, més-.
HOM. 1. Mal, 3. mal, malle.
————————
3. mal [mal] n. m.
ÉTYM. 980; du lat. malum. REM. Le pluriel maux [mo] n'est usité qu'aux sens I et II.
———
I
1 Ce qui cause de la douleur, de la peine, du malheur; ce qui est mauvais, nuisible, pénible (pour qqn). Dommage, perte, préjudice, tort. || Faire du mal à qqn (→ 2. Bien, cit. 8 et 15; impunément, cit. 2). || Prendre plaisir à faire du mal ( Cruauté, méchanceté, perversité). || Quel mal ai-je causé, quel mal vous ai-je fait ? — ☑ (Fin Xe). Loc. Vouloir mal à qqn (vx). || Vouloir du mal à un ennemi, à une personne que l'on déteste, que l'on hait. || Ne vouloir, ne faire, ne causer de mal à personne.Il ne ferait pas de mal à une mouche (fam.) : c'est un homme doux. — ☑ Rendre le mal pour le mal (→ Œil pour œil, dent pour dent). || Rendre le bien pour le mal. — ☑ Le mal est fait (→ Calomnie, cit. 5). || Les faibles (cit. 19) font souvent plus de mal que les méchants. || Cela lui a fait du mal. || L'ignorance (cit. 13) n'a jamais fait de mal. Nuire. || Craindre un mal (→ Crier, cit. 27). || Tomber d'un mal en un mal plus grand (cf. De Charybde en Scylla).
1 Voyez-vous comment ils ont soin de défendre d'avoir l'intention de rendre le mal pour le mal, parce que l'Écriture le condamne ?
Pascal, les Provinciales, VII.
2 (…) c'est merveille
Qu'il n'ait eu seulement que la peur pour tout mal.
La Fontaine, Fables, V, 20.
3 Souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire.
Boileau, l'Art poétique, I.
4 Il vaut encor mieux
Souffrir le mal que de le faire.
Florian, Fables, II, 3.
5 Désirer du bien à une femme, est-ce vouloir du mal à son mari ?
Beaumarchais, le Mariage de Figaro, I, 9.
6 Peyrade, de qui la Flamande avait dit à la cuisinière de l'épicier : — Il ne ferait pas de mal à une mouche ! passait pour le meilleur des hommes.
Balzac, Splendeurs et Misères des courtisanes, Pl., t. V, p. 760.
7 Personne n'est méchant, et que de mal on fait !
Hugo, l'Année terrible, Juin 1871, XIII.
8 On fait toujours du mal à quelqu'un. Les uns me font du mal, je fais du mal à d'autres. C'est dans l'ordre.
R. Rolland, Jean-Christophe, Buisson ardent, p. 1372.
9 — Moi, j'aime bien la guerre. Je ne suis pas méchant. Je ne veux de mal à personne. Mais j'aime bien la guerre.
Giraudoux, Ondine, I, 2.
Un mal, des maux. Affliction, désolation, épreuve, malheur, peine. || « La vie sans les maux est un hochet (cit. 4) d'enfant » (Chateaubriand). || Souffrir avec constance les maux qu'on ne peut éviter (cit. 26). || Les maux journaliers (cit. 1), quotidiens. || Les maux de la guerre. Violence. || Les maux réels et les maux imaginaires. || De deux maux choisir le moindre. || Les maux qui frappent l'humanité. Calamité, plaie. || Supporter un mal, des maux (→ Force, cit. 20). || Les maux qui affligent (cit. 6) la terre, les hommes. || La guerre (cit. 4), mal qui déshonore le genre humain.L'absence (cit. 3) est le plus grand des maux. || L'argent (cit. 47), cause de tous les maux.Les maux de qqn, ceux qu'il subit.Collectivt. || Tout le mal répandu sur la terre (→ Essentiel, cit. 2).Le mal est que… Inconvénient (→ Cachette, cit. 2; indispensable, cit. 6). || Quel mal y a-t-il à manquer du superflu ?
10 La santé et les richesses, ôtant aux hommes l'expérience du mal, leur inspirent la dureté pour leurs semblables (…)
La Bruyère, les Caractères, XI, 79.
11 Le Danube, en perdant sa solitude, a vu se reproduire sur ses bords les maux inséparables de la société : pestes, famines, incendies, saccagements de villes, guerres, et ces divisions sans cesse renaissantes des passions ou des erreurs humaines.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p. 24.
11.1 C'était cette tristesse que les maux seuls des autres leur inspirent et qui, tendresse impuissante et blessée, jaillit, s'élance vers ceux qu'elle ne peut rejoindre, sur qui elle voudrait se répandre en bien-être, en soulagement, en consolation.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 658.
Loc. fam. (1784). Il n'y a (y a) pas de mal : ce n'est pas grave, ne vous excusez pas. || Pardon ! — Y a pas de mal.
Allus. myth. Les maux de la boîte (cit. 12) de Pandore.
12 Pandore portait avec elle une boîte, et Prométhée, se méfiant, refusa de la recevoir. Pandore se tourna vers le frère du Titan, Épiméthée, qui, moins prudent, accueillit la jeune femme et l'épousa. Il voulut savoir ce que la boîte contenait; il l'ouvrit; les maux qui y étaient contenus s'envolèrent et se répandirent par le monde. C'était le beau cadeau que Jupiter voulait faire à Prométhée et aux hommes, pour se venger du feu volé.
Émile Henriot, Mythologie légère, p. 117.
(1080). Par ext. (surtout au sing. collectif : le mal). Dommage causé aux choses. || La grêle a fait du mal aux récoltes. || Réparer le mal causé par un incendie (→ Dégât, cit. 2). || Il n'y a pas grand mal. || Ce n'est que demi-mal.
13 — Et puis, il y a eu le gros orage (…) — Et il en a fait du mal ! — Oui, il en a fait du mal, reprend le père Valigrane qui a bien regardé au-dedans de lui des souvenirs de champs de blé (…)
J. Giono, Regain, II, II.
2 (XIIe). Souffrance, malaise physique. Douleur, supplice. || Un mal, des maux physiques. || Mal insupportable, intolérable. Souffrir (souffrir mille morts, etc.). || Les maux du corps épuisent (cit. 22) l'âme. || Souffrir d'un mal de gorge, de violents maux de tête ( Migraine, et, méd., céphalalgie, céphalée; → Charivari, cit. 4; importun, cit. 6; indisposer, cit. 7). || Maux de dents ( Odontalgie), d'oreilles ( Otite). || Maux de reins (→ État, cit. 6). || Mal de ventre ( Colique).
14 (…) mon père a été pris, à peine parti de Rouen, d'un mal d'yeux opiniâtre qui le forçait, dans les villes, à garder sa chambre (…)
Flaubert, Correspondance, 97, 15 juin 1845.
(Dans des loc. de sens négatif; collectivt : le mal, du mal). || Sans mal. Douleur. || Se tirer sans mal d'un accident. || Il n'y a pas eu de mal. — ☑ Fam. Il n'y a pas de mal (cf. Pas de bobo).
15 (…) toutes furent culbutées dans la litière, au milieu de cris et de jurons. — Ça ne fait rien, il n'y a pas de mal ! déclara Lise, qui avait roulé jusqu'au mur et qu'on se hâtait de relever !
Zola, la Terre, III, V.
Faire du mal à qqn.Il a eu plus de peur que de mal. — ☑ (1538). Loc. (compl. de avoir, faire, donner [plus rare], sans art.). Avoir mal : souffrir, éprouver de la douleur. || Où as-tu mal ? || Avoir mal à la tête, à la poitrine (→ Avaler, cit. 17). — ☑ (1538). Avoir mal au cœur (cit. 11, 12) : éprouver des nausées. — ☑ Fam. Avoir mal aux cheveux.REM. Ces expressions coexistent avec les syntagmes nominaux : le, un mal à… Un mal de cœur tenace.
Faire mal : faire souffrir (le sujet peut être externe : il m'a fait mal, ou interne, désignant une partie du corps). || Vous me faites mal. → Frapper, cit. 20. || Les jambes lui font mal (→ Fatiguer, cit. 18). — ☑ Fig., fam. Cela me fait mal, mal au ventre, au cœur (cit. 13) de voir, d'entendre cela : cela me donne du chagrin, m'inspire de la pitié, du regret, du dépit, du dégoût… (→ aussi Honte, cit. 33; horreur, cit. 11). — ☑ Ellipt. Cela me ferait mal : je ne supporterais pas cela, c'est impossible, jamais de la vie.Se faire mal. || Il est tombé et s'est fait mal. || Tu ne t'es pas fait mal, au moins ?
16 — Je n'ai pas mal, je me plains parce que je suis mal couchée, je me sens les cheveux en désordre, j'ai mal au cœur, je me suis cognée contre le mur.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. VII, p. 180.
17 (…) de les entendre discuter comme ça là-dessus pendant des heures ça me donnait mal au ventre !
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 408.
18 (…) quand on a une affection du cœur, on n'a jamais mal au cœur. On a mal à l'estomac, à la rate, ou au pied au besoin, pas au cœur.
J. Anouilh, Ornifle, II, p. 77.
Loc. fam. (Avec un sujet n. de chose). Faire mal : être efficace contre qqn ou qqch. || Une nouveauté technique comme celle-là, ça va faire mal (à la concurrence).
Loc. (1532). Vx. Femme en mal d'enfant, sur le point d'accoucher (cit. 2, par métaphore), dans les douleurs de l'enfantement (→ aussi Clinique, cit. 2).
Loc. En mal de (seulement avec quelques compléments) : qui a de la difficulté à obtenir (telle chose). || Journaliste en mal de copie, qui n'a pas de sujet sur lequel écrire. || Écrivain en mal d'inspiration, qui a de la difficulté à trouver l'inspiration.
Loc. || Mal de…(XVIe). || Mal de mer : malaise dû au mouvement d'un bateau, caractérisé notamment par des nausées, des vomissements. Naupathie.
Sur le modèle de mal de mer.(1912). || Mal de l'air, causé par l'avion.Rare. || Mal du rail, de la route (on dit couramment : il a le mal de mer en voiture).(1867). || Mal des montagnes, des hauteurs, qui se manifeste au cours d'ascensions, par suite de l'oxygénation insuffisante (bourdonnements d'oreilles, vomissements, torpeur ou syncope). || Mal des Andes. Puna.
3 (XIIe). Maladie.(1669). || Un mal. || Être accablé de maux. || Mal inconnu, curieux (→ Épidémie, cit. 3), incurable. || « Un mal qui répand la terreur » (→ Fureur, cit. 17). || Être atteint, frappé d'un mal subit qui force à garder la chambre (cit. 8). || Le mal s'aggrave, empire (cit. 4). || Attouchement (cit. 2) qui écarte le mal. || Enrayer (cit. 2) la progression du mal. || Un mal sans gravité. Bobo. — ☑ Fig. Trouver la cause, le siège du mal (cf. Mettre le doigt sur la plaie).Attaquer (cit. 40) le mal dans ses racines.Couper le mal à la racine.
Prov. Aux grands maux les grands remèdes. — ☑ Le remède est pire que le mal.
19 La reine était attaquée des écrouelles (…) Son mal l'empêchait de suivre le roi aux chasses continuelles et aux promenades… (Noailles et Aguilar) prirent le roi par le faible qu'ils lui connaissaient sur sa santé, et lui firent peur (…) de gagner le mal de la reine en continuant de coucher avec elle (…)
Saint-Simon, Mémoires, III, LXII.
20 — Ça va, Boudou ? Et ce pied ? — Comme ça… S'il n'y a pas du mieux jeudi, je le laverai, et après j'y mettrai une chaussette de coton et une chaussette de laine. — Aux grands maux les grands remèdes, Boudou !
Colette, Mitsou, I.
Loc. Prendre du mal.(Sans art.). || Prendre mal. || Attraper mal.
21 Tu es mouillé, trempé. De quoi prendre du mal.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, III, V.
(XIVe). Méd. Vx. Mal caduc, comitial, sacré; haut mal. Épilepsie.Grand mal : attaque majeure d'épilepsie, caractérisée par des convulsions.Petit mal : forme mineure d'épilepsie, de courte durée, sans perte de connaissance. Absence.Mal de Bright. Néphrite. || Mal de Pott, ou mal vertébral : tuberculose vertébrale.(XVIe). Vx. || Mal de Naples, mal napolitain, mal français, mal de Vénus… Syphilis. || Mal des Ardents.Mal perforant buccal, plantaire : ulcération profonde causée par une névrite.(1893). Mod., cour. || Mal blanc : panaris superficiel.Mal des rayons : troubles consécutifs à une exposition intensive aux rayons ionisants.
Vétér. || Mal de brout.
4 (Fin XIIe). Souffrance, douleur morale. Douleur, martyre, torture. || Les maux de l'âme, de l'esprit (→ Imprimer, cit. 4). || Le mal, un mal d'amour. || Soulager les maux de deux amants (cit. 11). || Être sensible aux maux d'autrui (→ Aimer, cit. 4). || L'amour, mal étrange (→ Farcin, cit. 2). || Phèdre, atteinte (cit. 6) d'un mal qu'elle s'obstine à taire. || Mon mal, c'est de n'être pas aimé (→ Haïr, cit. 10, Sainte-Beuve).
(1833). Loc. Le mal du siècle (→ Inquiétude, cit. 6), le mal de René (→ Dégoût, cit. 11) : ennui, mélancolie profonde, dégoût de vivre dont la jeunesse romantique avait trouvé la peinture dans René, de Chateaubriand.
(1810). Le mal du pays. Nostalgie.
22 (…) ce qu'on appelle le mal du pays, ce regret indéfinissable de la patrie, qui est indépendant des amis mêmes qu'on y a laissés, s'applique particulièrement à ce plaisir de causer, que les Français ne retrouvent nulle part au même degré que chez eux.
Mme de Staël, De l'Allemagne, I, XI.
23 La nostalgie est le regret du pays natal; aux rives du Tibre on a aussi le mal du pays, mais il produit un effet opposé à son effet accoutumé : on est saisi de l'amour des solitudes et du dégoût de la patrie.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. V, p. 3.
24 Ce mot d'ennui, pris dans son acception la plus générale et la plus philosophique, est le trait distinctif du mal d'Oberman; ç'a été en partie le mal du siècle (…)
Sainte-Beuve, Article sur « Oberman », 15 mai 1833, in Chateaubriand…, note à XIVe leçon.
25 Nous disions, en faisant allusion à ce sentiment de nostalgie qu'on appelle le mal du pays, qu'il avait le mal du ciel !
Lamartine, Raphaël, Prologue.
26 Le mal dont j'ai souffert s'est enfui comme un rêve.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « La nuit d'octobre ».
REM. Les syntagmes avoir, faire mal, du mal (ci-dessus) s'emploient aussi dans ce sens. || Trouver les mots qui font le plus de mal Blesser (→ Bouche, cit. 20).
(Déb. XXe). Être en mal de : souffrir de l'absence, du défaut de (quelque chose).
27 (…) la plus étonnante aventure qu'aucune châtelaine de loisir et en mal d'amour ait pu rencontrer dans les romans les plus pathétiques.
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 344.
5 (1690). || Du mal, un mal (qualifié) : difficulté, effort, peine. || Avoir du mal à faire qqch., à joindre les deux bouts. || Quitter un emploi qui donne trop de mal. Tintouin. || Donner du mal à qqn, du fil à retordre.Se donner du mal, un mal du diable (→ Enclencher, cit. 1), un mal de chien, un mal fou pour faire qqch., pour qqn. Dépenser (se); → Se décarcasser, peiner. || Cela lui a coûté bien du mal (→ Des larmes de sang).Ce n'est pas sans mal que j'ai obtenu ce résultat. || On n'a rien sans mal.
28 Je me suis laissé conter qu'il y a des pays où la terre donne un mal de chien. Ainsi, dans le Perche, il n'ont que des cailloux (…)
Zola, la Terre, I, V.
29 Les petits voulaient toujours être portés, ils n'en étaient jamais las; et quand Christophe ne pouvait plus, c'étaient des pleurs sans fin. Ils lui donnaient bien du mal, et il était souvent fort embarrassé d'eux.
R. Rolland, Jean-Christophe, L'aube, p. 32.
———
II Choses mauvaises, défauts, imperfections qu'on voit en qqn, à qqch.; jugement qui en découle.Vx. || Un mal, des maux (cit. 30); mod. du mal. || En lui le bien l'emporte sur le mal, le bon l'emporte sur le mauvais. || Penser du mal des femmes, des hommes.Dire, penser (cit. 45) du mal. Calomnier, médire (→ Chacun, cit. 13; imputer, cit. 21; ironie, cit. 9). || Le mal qu'on dit de nous (→ Avertir, cit. 19), d'une œuvre (→ Calculer, cit. 5). || Dire beaucoup de mal, pis que pendre de qqn.
En mal : en envisageant les mauvais aspects. || Prendre qqch. en mal. || Il tourne tout en mal. || Il lui ressemble, mais en mal.
30 Mais quand on considère les biens et les maux qui peuvent être en une même chose, pour savoir l'estime qu'on en doit faire (…) on prend le bien pour tout ce qui s'y trouve dont on peut avoir quelque commodité, et on ne nomme mal que ce dont on peut recevoir de l'incommodité (…)
Descartes, Lettre à Élisabeth, XXVII, janv. 1646.
31 On aime mieux dire du mal de soi-même que de n'en point parler.
La Rochefoucauld, Maximes, 138.
32 Ce qu'elle ne voyait pas en mal, elle le voyait en ridicule (…)
Rousseau, les Confessions, X.
33 Pour dire du mal d'un homme illustre, il faut attendre qu'il en ait fait.
Joseph Joubert, Pensées, VIII, 86.
34 Les hommes, ma chère, m'ont paru généralement très laids. Ceux qui sont beaux nous ressemblent en mal.
Balzac, Mémoires de deux jeunes mariées, Pl., t. I, p. 148.
35 Mais si, pour quelques-uns, et non des moindres (esprits), le mal leur est toujours plus clair que le bien, et si c'est une nécessité ou une tentation de leur esprit que de déprécier pour croire comprendre, nous ne les suivrons pas dans cet abus. L'homme n'est pas si simple qu'il suffise de le rabaisser pour le connaître.
Valéry, Variété IV, p. 161-162.
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III
1 (1080). || Le mal, du mal : ce qui est contraire à la loi morale, à la vertu, au bien. || Le bien (cit. 70) et le mal (→ aussi Bonté, cit. 4; innocence, cit. 4). || Le mal et le faux (cit. 44). || Faire le mal. || Enclin (cit. 2) au mal. || Être innocent, exempt du mal, qui n'est pas souillé par le mal. Faute, péché. || Cet enfant a le génie, le démon du mal. || Faire le mal pour le mal. || Je veux le bien (cit. 60), c'est le mal que je fais. || L'arbre (cit. 48 et 49) de la science du Bien (cit. 59) et du Mal. || Discerner le mal et le bien (→ L'ivraie et le bon grain). || La conscience (cit. 14), juge du bien et du mal. || Par delà le Bien et le Mal, ouvrage de Nietzsche (1883). || La conscience du mal (→ Honte, cit. 20). || Qu'y trouvez-vous de mal ? || Ne pas croire au mal (→ Innocence, cit. 3). || Il voit le mal partout. — ☑ Loc. prov. Honni (cit. 10) soit qui mal y pense.Quel mal y a-t-il à cela ? Crime. || Il n'y a pas de mal, pas grand mal à cela (→ Jurer, cit. 9).Vx. || Je n'y entends (cit. 26) point de mal.
À mal, au mal. || Penser, songer à mal : avoir des intentions mauvaises. || Sans songer à mal (→ 1. Garde, cit. 35). || Induire (cit. 3), inciter, encourager, porter qqn au mal, à mal. Pervertir; perversion, perversité. — ☑ Vx. Mettre à mal : mettre dans le mal, pousser au mal.(1648). Spécialt, vx. || Mettre une fille, une femme à mal, la séduire.Fig. Corrompre.
36 (…) quel mal y a-t-il d'aller dans un champ (écrit Mendoça), de s'y promener en attendant un homme, et de se défendre si on l'y vient attaquer ?
Pascal, les Provinciales, VII.
37 Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout (…)
Molière, Dom Juan, V, 6.
38 Messieurs, vous vous damnez, si vous croyez qu'il y ait du mal entre nous; je vous assure que nous sommes comme frère et sœur.
Mme de Sévigné, 162, 27 avr. 1671.
38.1 Mais, vous disent les sots, le mal ne rend point heureux; non, quand on est convenu d'encenser le bien; mais déprisez, avilissez ce que vous appelez le bien, vous ne révérez plus que ce que vous aviez la sottise d'appeler le mal; et tous les hommes auront du plaisir à le commettre (…)
Sade, Justine…., t. I, p. 119.
39 On n'est jamais excusable d'être méchant, mais il y a quelque mérite à savoir qu'on l'est; et le plus irréparable des vices est de faire le mal par bêtise.
Baudelaire, le Spleen de Paris, XXVIII.
40 Beautés mises à mal et bourgeois déconfits
Eussent bondé ma vie et soûlé mon cœur d'homme.
Verlaine, Jadis et Naguère, « Dizain mil huit cent trente ».
41 (…) personne n'osait penser à mal, le lieu étant si impropre à toute entreprise coupable (…)
Loti, les Désenchantées, IV, XXVI.
41.1 Il faut tout faire bien même le mal.
Claudel, Journal, janvier-février 1934, Pl., p. 50.
REM. Un mal, des maux, est rare dans ce sens. — Je n'y vois qu'un mal insignifiant. || Je n'y vois aucun mal.
2 (1080). Absolt. || Le mal : ce qui « est l'objet de désapprobation ou de blâme, tout ce qui est tel que la volonté a le droit de s'y opposer légitimement et de le modifier si possible » (Lalande).Le Mal, incarnation de cette idée. || Le bien et le mal (→ Hiérarchie, cit. 15). || Le problème philosophique du Mal (→ Esquisser, cit. 2), de l'existence du Mal. || Le mal conçu comme une réalité, comme une absence (cit. 14) de bien, comme nécessaire au bien (→ Effort, cit. 14). || Pourquoi Dieu a-t-il créé le mal si grand ? (→ Épouvanter, cit. 9, Musset). || Mal métaphysique, imperfection propre aux créatures. || Systèmes philosophiques et religieux qui voient le monde partagé entre le Bien et le Mal ( Dualisme, manichéisme).Le mal et l'enfer. || Le Démon, l'Esprit (cit. 32) du Mal (→ aussi Génie, cit. 1). || Belzébuth ou Satan, incarnation du Mal.Les Fleurs du Mal, poèmes de Baudelaire (1857).
42 Pourquoi existe-t-il tant de mal, tout étant formé par un Dieu que tous les théistes se sont accordés à nommer bon ?
Voltaire, Dict. philosophique, Pourquoi (les).
43 Le mal moral est incontestablement notre ouvrage, et le mal physique ne serait rien sans nos vices, qui nous l'ont rendu sensible… Homme, ne cherche plus l'auteur du mal; cet auteur, c'est toi-même. Il n'existe point d'autre mal que celui que tu fais ou que tu souffres, et l'un et l'autre te vient de toi. Le mal général ne peut être que dans le désordre, et je vois dans le système du monde un ordre qui ne se dément point. Le mal particulier n'est que dans le sentiment de l'être qui souffre; et ce sentiment, l'homme ne l'a pas reçu de la nature, il se l'est donné.
Rousseau, Émile, IV.
44 Mal et Doute ! En un mot je puis les mettre en poudre;
Vous les aviez prévus, laissez-moi vous absoudre
De les avoir permis. — C'est l'accusation
Qui pèse de partout sur la Création !
A. de Vigny, Poèmes philosophiques, « Mont des Oliviers », II.
45 Des poètes illustres s'étaient partagé depuis longtemps les provinces les plus fleuries du domaine poétique. Il m'a paru plaisant, et d'autant plus agréable que la tâche était plus difficile, d'extraire la beauté du Mal.
Baudelaire, Projet de préface aux Fleurs du mal, I.
46 (…) le mal n'est pas une réalité extérieure à l'homme, le résultat d'une volonté étrangère, d'un Ahriman aussi fort que le dieu du Bien, Ormuzd, ainsi qu'on le voit dans le mazdéisme. Le mal n'est rien, rien qu'une absence, la démission de l'homme, la sanction de ses trahisons; il n'est que l'absence du bien.
Daniel-Rops, Ce qui meurt…, p. 238-239.
Spécialt. Le mal physique. || « Le mal et la douleur, farces (2. Farce, cit. 8), sinistres » (A. France). || Protester contre le mal et la mort (→ Illogique, cit. 2).
47 Il entendait monter les hosannas serviles,
Les cris des égorgeurs, les Te Deum des rois,
L'appel désespéré des nations en croix
Et des justes râlant sur le fumier des villes.
Ce lugubre concert du mal universel (…)
Leconte de Lisle, Poèmes barbares, « Tristesse du diable ».
Relig. Le péché, la concupiscence. || « Nous sommes pleins de mal » (→ Exciter, cit. 23, Pascal). || La haine (cit. 34) du mal. || Un monde sans le mal et sans le péché (→ Harmonie, cit. 5). || « Notre Père qui êtes aux cieux (…) délivrez-nous du mal » (Bible [Sacy], Évangile selon saint Matthieu, VI, 9).REM. On trouve aussi les traductions : le Malin, le Mauvais, qui désignent le Tentateur.
(1657). || Faire le mal : pécher (→ Janséniste, cit. 2).
48 (…) nous pouvons sans beaucoup de peine empêcher le mal par la mortification de nos sens (…) Heureux, trop heureux, si, sages à nos dépens, nous empêchons qu'il n'augmente et ne nous précipite dans les enfers.
Malebranche, Traité de morale, I, XI.
49 (…) une situation qui soit elle-même faite de mal et de péché, façonnée au moule diabolique du mal et du péché.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXVI, p. 269.
50 À notre âge que hante le problème du mal et qui en a perdu le sens; qui oppose toujours à Dieu l'existence du désordre dans le monde (…) qui se rue au péché, qui en subit l'attrait, et qui pourtant le nie avec passion; qui oublie la loi du bien et du mal (…) rien n'est plus opportun que de redire le mot de saint Augustin (…) Tout ce que nous nommons mal n'est autre chose que le péché ou la peine du péché.
J. Chevalier, le Sens du péché, in l'Homme et le Péché, p. 107.
CONTR. Bien.
HOM. 1. Mal, 2. mal, malle.

Encyclopédie Universelle. 2012.