peuple [ pɶpl ] n. m. I ♦
1 ♦ Ensemble d'êtres humains vivant en société, habitant un territoire défini et ayant en commun un certain nombre de coutumes, d'institutions. ⇒ ethnie, nation, 1. pays, population, société. Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. — Les coutumes, les mœurs d'un peuple. Peuple primitif, civilisé. Peuple commerçant, guerrier, marin, pasteur. Peuple nomade, sédentaire. La langue, la littérature, l'art d'un peuple. Le peuple français, américain, espagnol. Le peuple breton, basque, palestinien. — Un peuple libre, opprimé, soumis. « un homme passe, mais un peuple se renouvelle » (Vigny). « Les plus machiavéliques desseins se briseront vite contre la volonté pacifique des peuples » (Martin du Gard).
♢ Communauté. Le peuple élu : le peuple juif. Le peuple chrétien : la chrétienté.
2 ♦ Vx Population. Le peuple d'un bourg, d'un village.
II ♦
1 ♦ LE PEUPLE, UN PEUPLE : corps de la nation, ensemble des personnes soumises aux mêmes lois. Relatif au peuple. ⇒ populaire. « Le mot peuple [...] désigne tantôt la totalité indistincte et jamais présente nulle part; tantôt le plus grand nombre, opposé au nombre restreint des individus plus fortunés ou plus cultivés » (Valéry).
♢ Le peuple, sujet de droits politiques. Souveraineté du peuple. « Allez dire à votre maître que nous sommes ici par la puissance du peuple et qu'on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes » (Mirabeau). « Jamais on ne corrompt le peuple, mais souvent on le trompe » (Rousseau). « Les peuples, c'est rien et ça devrait être tout » (Barbusse). « Son principe [de la République française] est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » ( CONSTITUTION de 1958). ⇒ démocratie. — Les députés, les élus du peuple. Spécialt (Anciennt) Commissaire du peuple : ministre, en Union soviétique.
♢ Ensemble des personnes, des citoyens qui constituent une communauté. Gagner la faveur du peuple. ⇒ popularité. La voix du peuple. « La religion est l'opium du peuple » (trad. de K. Marx). Flatter le peuple (⇒ démagogie) . Le peuple (la nation) en armes. « Ce sont les peuples qui font les rois, et les rois sont faits pour les peuples, et les peuples ne sont pas faits pour les rois » (Lamennais). « Le peuple donne son sang et son argent, moyennant quoi on le mène » (Hugo).
♢ Spécialt Le prince, le roi et son peuple, ses sujets.
2 ♦ ( pople XIIIe) LE PEUPLE : le plus grand nombre (opposé aux classes supérieures, dirigeantes [sur le plan social] ou aux éléments les plus cultivés de la société). ⇒ foule, 1. masse, multitude; péj. et vx canaille, plèbe, populace, populo. « J'entends par peuple, la populace, qui n'a que ses bras pour vivre » (Voltaire). Le peuple et la bourgeoisie. ⇒ prolétariat. Le peuple des villes et le peuple des campagnes. ⇒ ouvrier, paysan. Le peuple de Paris. — Être, sortir du peuple. Fils du peuple. Homme, femme, gens du peuple, de modeste condition. Mettre à la portée du peuple. ⇒ populariser, vulgariser. Qui plaît (⇒ populaire) , déplaît (⇒ impopulaire) au peuple.
♢ Péj. Ceux qui, à quelque classe qu'ils appartiennent, ont des goûts vulgaires. « J'appelle peuple, ajoute-t-elle, tout ce qui pense bassement et communément : la Cour en est remplie » (Sainte-Beuve).
♢ Loc. Le petit peuple : les couches les plus modestes de la société. — « Nos prêtres ne sont pas ce qu'un vain peuple pense » (Voltaire). Loc. fam. Ce qu'un vain peuple pense : l'opinion courante et fausse.
3 ♦ Adj. inv. (XVIIe) Qui révèle des origines populaires. « Saint Pierre, le plus rude, le plus peuple et aussi le plus fin des apôtres » (Balzac). « Tout était peuple en elle » (Renan). Ça fait peuple.
III ♦
1 ♦ ( pueple XIIe) Vieilli Foule, multitude de personnes assemblées. « À la nuit, tout un peuple se massait devant la pagode » (Céline).
♢ Fam. Il y a du peuple, du monde.
2 ♦ Vx Le public. « Il s'endort à un spectacle, et il ne se réveille que longtemps après qu'il est fini et que le peuple s'est retiré » (La Bruyère).
3 ♦ Fig. et fam. Se moquer, se ficher, se foutre du peuple, du monde, des gens. « Est-ce que tu te fous du peuple ? Nous t'attendons » (Zola).
4 ♦ (XVIIe) Littér. Un peuple de... : un grand nombre de... Madame de Guiche « suivie d'un peuple d'adorateurs » (Chateaubriand). — Fig. Un peuple d'oiseaux. « Tout le peuple gothique des sommets d'églises que dominait la flèche aiguë de la cathédrale » (Maupassant).
● peuple nom masculin (latin populus) Ensemble de personnes vivant en société sur un même territoire et unies par des liens culturels, des institutions politiques : Le peuple français. (Le peuple est, avec le territoire et l'organisation politique, l'un des trois éléments constitutifs de l'État.) Communauté de gens unis par leur origine, leur mode de vie, leur langue ou leur culture : La dispersion du peuple juif. Ensemble de personnes définies par la région qu'elles habitent : Le peuple des campagnes. Familier. Grand nombre de personnes dans un endroit : Il y a du peuple sur la place. Ensemble des citoyens d'un pays par rapport aux gouvernants (au singulier) : Être élu du peuple. Le plus grand nombre, la masse des gens, par opposition à ceux qui s'en distinguent par leur niveau social, culturel ou par opposition aux classes possédantes, à la bourgeoisie : Un homme issu du peuple. Familier. Tout le monde : Il ne faudrait pas se moquer du peuple ! ● peuple (citations) nom masculin (latin populus) Jean-Baptiste de Beauvais Cherbourg 1731-Paris 1790 Le silence des peuples est la leçon des rois. Oraison funèbre de Louis XV Georges Duhamel Paris 1884-Valmondois, Val-d'Oise, 1966 Académie française, 1935 Les plus grands tyrans du peuple sont presque toujours sortis du peuple. Le Combat contre les ombres Mercure de France Gaston Arman de Caillavet Paris 1869-Essendiéras, Dordogne, 1915 et Robert Pellevé de La Motte-Ango, marquis de Flers Pont-l'Évêque 1872-Vittel 1927 Académie française, 1920 Démocratie est le nom que nous donnons au peuple chaque fois que nous avons besoin de lui. L'Habit vert, I, 11, Durand Librairie théâtrale Charles de Gaulle Lille 1890-Colombey-les-Deux-Églises 1970 Les exigences d'un grand peuple sont à l'échelle de ses malheurs. Mémoires de guerre, l'Unité Plon Jean Giraudoux Bellac 1882-Paris 1944 Il est des vérités qui peuvent tuer un peuple. Électre, II, 8, Égisthe Grasset Jean Giraudoux Bellac 1882-Paris 1944 Les nations, comme les hommes, meurent d'imperceptibles impolitesses. C'est à leur façon d'éternuer ou d'éculer leurs talons que se reconnaissent les peuples condamnés. La guerre de Troie n'aura pas lieu, II, 13, Ulysse Grasset Joseph Arthur, comte de Gobineau Ville-d'Avray 1816-Turin 1882 Un peuple a toujours besoin d'un homme qui comprenne sa volonté, la résume, l'explique et le mène où il doit aller. Essai sur l'inégalité des races humaines Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Quant à flatter la foule, ô mon esprit non pas ! Ah ! le peuple est en haut, mais la foule est en bas. L'Année terrible Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 La populace ne peut faire que des émeutes. Pour faire une révolution, il faut le peuple. Tas de pierres Éditions Milieu du monde Jean de La Bruyère Paris 1645-Versailles 1696 L'esprit de parti abaisse les plus grands hommes jusques aux petitesses du peuple. Les Caractères, De l'homme Jean de La Bruyère Paris 1645-Versailles 1696 Le peuple n'a guère d'esprit et les grands n'ont point d'âme : celui-là a un bon fond et n'a point de dehors ; ceux-ci n'ont que des dehors et qu'une simple superficie. Faut-il opter ? Je ne balance pas, je veux être peuple. Les Caractères, Des grands Jean de La Bruyère Paris 1645-Versailles 1696 Quand le peuple est en mouvement, on ne comprend pas par où le calme peut y rentrer ; et quand il est paisible, on ne voit pas par où le calme peut en sortir. Les Caractères, Du souverain ou de la république Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Peuple caméléon, peuple singe du maître. Fables, les Obsèques de la Lionne Alphonse de Prât de Lamartine Mâcon 1790-Paris 1869 Le temps seul peut rendre les peuples capables de se gouverner eux-mêmes. Leur éducation se fait par leurs révolutions. Cours familier de littérature, in Méditations poétiques Alphonse de Prât de Lamartine Mâcon 1790-Paris 1869 Un grand peuple sans âme est une vaste foule ! Premières Méditations poétiques, Ressouvenir du lac Léman Félicité de La Mennais Saint-Malo 1782-Paris 1854 Ce sont les peuples qui font les rois et les rois sont faits pour les peuples et les peuples ne sont pas faits pour les rois. Paroles d'un croyant François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 La clémence des princes n'est souvent qu'une politique pour gagner l'affection des peuples. Maximes Jean-Paul Marat Boudry, canton de Neuchâtel, 1743-Paris 1793 Pour enchaîner les peuples, on commence par les endormir. Les Chaînes de l'esclavage Louis Massignon Nogent-sur-Marne 1883-Paris 1962 La vraie, la seule histoire d'un peuple, c'est la montée folklorique de ses réactions collectives, thèmes archétypiques lui servant à classer et à juger les témoins « engendrés » par sa masse. Un vœu et un destin : Marie-Antoinette, reine de France, in Lettres nouvelles n° 30-31 André Maurois Elbeuf 1885-Neuilly 1967 Académie française, 1938 Les amours et les haines des peuples sont fondées, non sur des jugements, mais sur des souvenirs, des craintes et des fantômes. Mes songes que voici Grasset Napoléon III, empereur des Français Paris 1808-Chislehurst, Kent, 1873 Surtout n'ayez pas peur du peuple, il est plus conservateur que vous ! Mélanges, Du système électoral Pierre Nicole Chartres 1625-Paris 1695 Souvent il est plus facile de vivre avec tout le monde extérieur qu'avec ce peuple intérieur que nous portons en nous-mêmes. Essais de morale, Des moyens de conserver la paix avec les hommes Charles Péguy Orléans 1873-Villeroy, Seine-et-Marne, 1914 L'honneur d'un peuple est d'un seul tenant. Notre jeunesse Gallimard Pierre Joseph Proudhon Besançon 1809-Paris 1865 Le peuple voudrait en finir ; or il n'y a pas de fin. Correspondance, décembre 1851 Marcel Proust Paris 1871-Paris 1922 Il est aussi vain d'écrire spécialement pour le peuple que pour les enfants. Ce qui féconde un enfant, ce n'est pas un livre d'enfantillages. Contre Sainte-Beuve Gallimard Edgar Quinet Bourg-en-Bresse 1803-Paris 1875 La bourgeoisie sans le peuple, c'est la tête sans le bras. Le peuple sans la bourgeoisie, c'est la force sans la lumière. Avertissement au pays Edgar Quinet Bourg-en-Bresse 1803-Paris 1875 S'il est difficile d'empêcher de penser les peuples qui y sont accoutumés, il est cent fois plus difficile de forcer à penser ceux qui l'ont oublié ou désappris. La Révolution, XXIV, 3 Ernest Renan Tréguier 1823-Paris 1892 Le peuple doit s'amuser, c'est là sa grande compensation. Un peuple gai est le meilleur des peuples. Ce qu'un peuple donne à la gaieté, il le prend toujours sur la méchanceté. Dialogues et fragments philosophiques, III, Rêves Lévy Jean-François Paul de Gondi, cardinal de Retz Montmirail 1613-Paris 1679 Les peuples sont las quelque temps devant que de s'apercevoir qu'ils le sont. Mémoires Jean-Jacques Rousseau Genève 1712-Ermenonville, 1778 Les peuples ainsi que les hommes ne sont dociles que dans leur jeunesse, ils deviennent incorrigibles en vieillissant. Du contrat social André Siegfried Le Havre 1875-Paris 1959 Académie française, 1944 Les peuples bien gouvernés sont en général des peuples qui pensent peu. Inédit Grasset Henri Beyle, dit Stendhal Grenoble 1783-Paris 1842 […] Il s'agit de ne flatter personne, pas même le peuple. Promenades dans Rome, Marginalia Paul Valéry Sète 1871-Paris 1945 Une somme d'époux prévoyants de l'avenir constitue un peuple insoucieux de l'avenir. Il faut perdre la tête ou perdre sa race. Rhumbs Gallimard François Marie Arouet, dit Voltaire Paris 1694-Paris 1778 Il est à propos que le peuple soit guidé et non pas qu'il soit instruit. Correspondance, à M. Damilaville, 19 mars 1766 Euripide Salamine 480-Pella, Macédoine, 406 avant J.-C. Le peuple au plus ardent de sa colère est pareil à un feu trop vif pour être éteint. Oreste, 696-697 (traduction Méridier) Honoré Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau Le Bignon, aujourd'hui Le Bignon-Mirabeau, Loiret, 1749-Paris 1791 Le silence des peuples est la leçon des rois. Commentaire Prononcée en 1774 par Mgr de Beauvais évêque de Senez, dans son oraison funèbre de Louis XV, la phrase fut reprise par Mirabeau, le 15 juillet 1789, au moment de l'arrivée de Louis XVI à l'Assemblée constituante. Comme des applaudissements s'élevaient, il s'écria : « Attendez que le roi nous ait fait connaître ses bonnes dispositions. Qu'un morne respect soit le premier accueil fait au monarque dans ce moment de douleur. Le silence des peuples est la leçon des rois. » Abraham Lincoln près de Hodgenville, Kentucky, 1809-Washington 1865 On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps. You can fool some of the people all the time and all the people some of the time, but you cannot fool all the people all the time. Edmondo De Amicis Oneglia 1846-Bordighera 1908 L'éducation d'un peuple se juge avant tout d'après son comportement dans la rue. Là où tu rencontreras la grossièreté dans les rues, tu la rencontreras aussi dans les maisons. L'educazione d'un popolo si giudica innanzi tutto dal contegno ch'egli tien per la strada. Dove troverai la villania per le strade, troverai la villania nelle case. Cuore Vissarion Grigorievitch Belinski Sveaborg, près d'Helinski, aujourd'hui Suomenlinna, 1811-Saint-Pétersbourg 1848 Ce qui dans le peuple vit inconsciemment et à l'état virtuel, se trouve révélé et réalisé dans le génie. Œuvres complètes, tome X Edmund Burke Dublin vers 1729-Beaconsfield 1797 Dans toutes les formes de gouvernement, c'est le peuple qui est le véritable législateur. In all forms of Government the people is the true legislator. Tracts of the Popery Laws, III Luís Vaz de Camões Lisbonne 1524 ?-Lisbonne 1580 Un roi faible affaiblit le peuple le plus fort. Um fraco rei faz fraca a forte gente. Les Lusiades, III, 138 Ferenc Kölcsey Sződemeter 1790-Cseke 1838 Donne à qui fut longtemps broyé Des jours paisibles et sans peines ; Ce peuple a largement payé Pour les temps passés ou qui viennent. Hymne, 1823, traduction Jean Rousselot Commentaire Ce poème, mis en musique par Erkel en 1845, devint l'hymne national hongrois. Alessandro Manzoni Milan 1785-Milan 1873 Les peuples apprennent plus d'une défaite que les rois de la victoire. I popoli imparano più da una sconfitta, che non i re dal trionfo. Lettre à Charles-Albert Mao Zedong, Mao Tsö-tong ou Mao Tsé-toung Shaoshan, Hunan, 1893-Pékin 1976 Lutte, échec, nouvelle lutte, nouvel échec, nouvelle lutte encore, et cela jusqu'à la victoire — telle est la logique du peuple. Citations du président Mao Tsé-Toung, V Friedrich Nietzsche Röcken, près de Lützen, 1844-Weimar 1900 Un peuple est un détour que prend la nature pour parvenir à six ou sept grands hommes — et pour les éviter ensuite. Ein Volk ist der Umschweif der Natur, um zu sechs, sieben großen Männern zu kommen. — Ja : und um dann um sie herum zu kommen. Le Gai Savoir William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 Un roi soupire-t-il, c'est tout un peuple aussitôt qui gémit. Never alone Did the King sigh, but with a general groan. Hamlet, III, 3, Rosencrantz ● peuple (expressions) nom masculin (latin populus) Le petit peuple, les couches les plus modestes de la population. Le peuple de Dieu, dans l'Ancien Testament, le peuple hébreu ; dans le Nouveau Testament, l'ensemble des chrétiens. ● peuple (synonymes) nom masculin (latin populus) Ensemble de personnes vivant en société sur un même territoire...
Synonymes :
- nation
- pays
Ensemble de personnes définies par la région qu'elles habitent
Synonymes :
Familier. Grand nombre de personnes dans un endroit
Synonymes :
- flopée (populaire)
- nombre
- quantité
- tas (familier)
Le plus grand nombre, la masse des gens, par opposition à...
Synonymes :
- classe ouvrière
- commun
- masses laborieuses
- plèbe
- roture
● peuple
adjectif invariable
Qui est populaire, commun, vulgaire : Ça fait peuple.
● peuple (citations)
adjectif invariable
Alphonse de Prât de Lamartine
Mâcon 1790-Paris 1869
[La Poésie] doit se faire peuple.
Les Méditations, préface
peuple
n. m.
d1./d Ensemble d'êtres humains vivant sur le même territoire ou ayant en commun une culture, des moeurs, un système de gouvernement. Les peuples du Sud-Est asiatique. Le peuple juif.
d2./d Ensemble des citoyens d'un état. Lancer un appel au peuple.
d3./d Le peuple: l'ensemble des citoyens de condition modeste, par oppos. aux catégories privilégiées par la naissance, la culture ou la fortune. Un homme, une femme, des gens du peuple.
⇒PEUPLE, subst. masc.
A. —1. Ensemble des humains vivant en société sur un territoire déterminé et qui, ayant parfois une communauté d'origine, présentent une homogénéité relative de civilisation et sont liés par un certain nombre de coutumes et d'institutions communes. Tant que les hommes ne sont pas liés entre eux par une croyance commune, ils ne forment pas encore un peuple, car l'intérêt, qui a pu les rassembler hier, demain peut-être les divisera (Ch. BLANC, Gramm. arts dessin, 1876, p.54). Sous ces emprunts, le Japon a jalousement conservé son originalité de peuple insulaire dans son cadre de montagnes et de découpures littorales (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p.209):
• 1. ... pour les barbares grossiers, l'idée que nous attachons au mot peuple, en tant qu'une réunion d'hommes ayant un même langage, des moeurs et des institutions communes, est une idée pour laquelle ils n'ont souvent point de mots. Au lieu de tel peuple, ils diront telle famille; plus souvent encore tel homme, tel héros, d'autant plus grand que le peuple sera plus nombreux.
MÉRIMÉE, Mél. hist. et littér., 1855, p.116.
Rem. 1. Sur l'empl. de peuple et nation, v. nation B 1 a rem. 2. 2. La notion de peuple est très vague et peut correspondre à une ethnie: Un peuple peut se confondre avec une ethnie ou rassembler plusieurs ethnies (GEORGE 1970), à une communauté politique, linguistique ou culturelle: Mais ici les échafauds et les batailles, ayant coupé la nation en deux, firent deux peuples, l'un catholique et légitimiste, la Belgique; l'autre protestant et républicain, la Hollande (TAINE, Philos. art, t.2, 1865, p.39).
— Au plur. Ensemble des communautés humaines constituant la population du globe. Fils de Francklin, béni par Voltaire, il aurait chanté l'alliance de tous les peuples (P. LEROUX, Humanité, 1840, p.IV).
— En partic.
♦[Dans l'Ancien Testament] Le peuple choisi, de Dieu, élu. Le peuple juif (en tant que choisi par Dieu qui lui révéla la vraie religion). L'espèce humaine pour les Juifs, ce n'était (...) que le peuple choisi de Dieu et distingué du reste des nations (P. LEROUX, Humanité, 1840, p.739). Un désespoir si obstiné, n'est-ce pas, à tout prendre, le plus beau cri d'espérance? Au fond, ces plaintes sont remplies d'allégresse et de cette confiance en lui-même, qui est le signe du peuple élu (THARAUD, An prochain, 1924, p.64).
♦[Dans le Nouveau Testament] Peuple de Dieu. L'ensemble des chrétiens. Par définition le peuple de Dieu en Christ comprend des hommes de toute race et de toute langue. Il est une réalité essentiellement religieuse et, partant, universelle (ALLMEN 1956).
2. P. ext. Ensemble de personnes qui, n'habitant pas un même territoire mais ayant une même origine ethnique ou une même religion, ont le sentiment d'appartenir à une même communauté. Peuple basque, chrétien, palestinien, tzigane. Pour sentir la situation habituelle du peuple juif, il faut se rappeler ce que c'est pour l'homme pauvre et déshérité d'être chez lui l'été un jour de fête, de voir tout le monde courir au plaisir (MICHELET, Journal, 1842, p.389).
SYNT. [Corresp. à 1 et 2 supra] Peuple arriéré, avancé, barbare, civilisé, cultivé, évolué, primitif, sauvage; peuple autochtone, indigène; peuple agriculteur, chasseur, commerçant, guerrier, marin, pasteur, pêcheur; peuple nomade, sédentaire; peuple libre, opprimé, soumis; art, coutumes, langue, littérature, moeurs, morale, religion d'un peuple.
3. Vx. Ensemble des personnes qui constituent la population d'une agglomération. Peuple d'un bourg, d'un village. Le clergé favorisoit encore la population (...) en dirigeant toutes les foudres de l'église, contre le systême du petit nombre d'enfans, adopté par le peuple des villes (CHATEAUBR., Génie, t.1, 1803, p.62).
B. —1. HISTOIRE
a) ) [Sous la République romaine, p. oppos. au Sénat] Ensemble des citoyens de tout ordre, plèbe exclue. Demandez à l'histoire romaine quel était précisément le pouvoir du sénat; elle demeurera muette (...). On voit bien, en général, que celui du peuple et celui du sénat se balançaient mutuellement, et ne cessaient de se combattre (J. DE MAISTRE, Constit. pol., 1810, p.20).
) [À l'époque impériale] Synon. de plèbe. (Ds MORF. Philos. 1980).
b) Peuples de la mer. ,,Peuples, qui en 1200 avant notre ère, envahirent l'Égypte en venant des Balkans`` (VILLE 1967).
2. a) Ensemble des individus constituant une nation (v. ce mot B 2), vivant sur un même territoire et soumis aux mêmes lois, aux mêmes institutions politiques. Bonaparte (...) lorsqu'il voulut les asservir, salua les Français du nom de grand peuple; lui-même se glorifie de ce tour d'adresse (STENDHAL, Rome, Naples et Flor., t.1, 1817, p.204). On a prétendu qu'Offenbach avait été envoyé par la Prusse pour déviriliser la France (...), cela exprime bien qu'avant d'attaquer un peuple, il faut le syphilitiser, sinon au propre, du moins au figuré (PÉLADAN, Vice supr., 1884, p.182):
• 2. J'ai honte (...) pour ces hommes jeunes tout prêts à se précipiter dans leur trou au moindre bruit. Comment croire que c'est ce même peuple qui a fait 93, 48 et la Commune, qui s'est accroché dans les tranchées de 14 à 18...
VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p.50.
Rem. 1. Peuple peut désigner soit la totalité de la nation, soit la partie de la nation qui est dominée économiquement et politiquement comme l'atteste l'ex. de VALÉRY, Regards sur monde act., 1931, p.19: Le mot peuple, par exemple, avait un sens précis quand on pouvait rassembler tous les citoyens d'une cité autour d'un tertre, dans un Champ de Mars. Mais l'accroissement du nombre, le passage de l'ordre des mille à celui des millions, a fait de ce mot un terme monstrueux dont le sens dépend de la phrase où il entre; il désigne tantôt la totalité indistincte et jamais présente nulle part; tantôt le plus grand nombre, opposé au nombre restreint des individus plus fortunés ou plus cultivés. 2. À partir de la Révolution française et pendant une partie du XIXes. a eu un contour flou; durant cette période a) il désigne l'ensemble de la nation française, sans distinction de classe: On entend par démocratie et par peuple la famille française tout entière, la nation dans sa génération la plus complète dans toutes les classes, dans tous les modes d'existence, de situation, de professions qui la composent (LAMART., Le Conseiller du Peuple, le passé, le présent, l'avenir de la République, 1850, p.20 ds M. TOURNIER, Le Mot «Peuple» en 1848 ds Romantisme, 1975, n°9, p.11); b) il exclut l'aristocratie: Autrefois, le Tiers était serf, l'ordre noble était tout. Aujourd'hui le Tiers est tout, la noblesse est un mot. Mais sous ce mot s'est glissée une nouvelle et intolérable aristocratie; et le peuple a toute raison de ne point vouloir d'aristocrates (SIEYÈS, Tiers état, 1789, p.79); c) il ne désigne plus que le prolétariat, la classe ouvrière: Tocqueville (...) définit par «peuple proprement dit», «les classes qui travaillent de leurs mains» (TOCQUEVILLE, Souvenirs, 1848 ds M. TOURNIER, op. cit., p.14). La notion même du peuple, dans les écrits comme dans la pratique, se focalise sur le petit peuple, les plus démunis, la partie que Marat avait très précocement définie comme la plus digne d'intérêt, la plus «intéressante», quoique longtemps négligée (M. VOVELLE, La Mentalité révolutionnaire, Paris, Éd. soc., 1985, p.102).
b) [P. oppos. aux gouvernants] Partie de la nation soumise à une autorité ayant le pouvoir politique. Toutes les fois que la tyrannie s'efforce de soumettre la masse d'un peuple à la volonté d'une de ses portions, elle compte parmi ses moyens les préjugés et l'ignorance de ses victimes (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p.96). Je vous demande ce que nous devons faire, alors que le gouvernement se permet des actes arbitraires, si vous ôtez à tout un peuple la faculté d'élever sa voix contre l'oppression ou les abus? Quel frein imposerez-vous donc à l'ambition du chef et aux malversations de ses ministres? (CRÈVECOEUR, Voyage, t.2, 1801, p.336).
♦La religion est l'opium du peuple.
— En partic., au plur. ou précédé d'un poss. Les sujets en tant que dépendant du souverain. Lui seul [Louis XVI] a le droit de tyranniser les peuples? (MARAT, Pamphlets, Offrande à la Patrie, 1789, p.32). Un prince qui gouverne sagement et fait le bonheur de son peuple peut bien dire avec vérité, «la nation a besoin de moi» (MAINE DE BIRAN, Journal, 1814, p.5).
— Père du peuple. Titre donné à certains rois. Louis XII a obtenu le plus beau surnom des rois de France: il fut tout d'une voix appelé le Père du Peuple (CHATEAUBR., Ét. ou Disc. hist., t.4, 1831, p.235).
— Le Petit père des peuples. V. petit I B 2 a.
3. [Le peuple institutionalisé et doté d'une physionomie juridique] Ensemble des citoyens d'un pays qui exercent le droit de vote pour désigner leurs gouvernants. Gouvernement du peuple; député, élu, représentant du peuple; consultation, la voix du peuple. Nous avons vu la souveraineté passer du peuple dans un homme; c'est l'histoire de Napoléon. (...) il le disait sans cesse; il disait: «Qui a été élu comme moi par dix-huit millions d'hommes? Qui est comme moi le représentant du peuple?» (GUIZOT, Hist. civilis., leçon 9, 1828, p.21):
• 3. Son principe [de la République française] est: gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice.
Constitution de 1958, art. 2 et 3.
♦HIST. DE LA RUSSIE SOVIÉTIQUE. Commissaire du peuple. [Titre correspondant à celui de ministre]
♦Souveraineté du peuple. Peuple souverain. V. souverain1.
♦Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. ,,Droit inhérent de tous les peuples à profiter et à user pleinement et librement de leurs richesses et ressources naturelles`` (MARIE 1981). Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes se réduit-il à une souveraineté territoriale ou se transforme-t-il nécessairement en droit des peuples à disposer des pôles de développement? (PERROUX, Écon. XXes., 1964, p.176).
C. —1. Le peuple. L'ensemble des personnes qui n'appartiennent pas aux classes dominantes socialement, économiquement et culturellement de la société. Synon. masse, plèbe (vieilli). Je trouvai horriblement vulgaires ces gens que j'aurais voulu aimer (...). En un mot (...) j'aime le peuple, je déteste ses oppresseurs, mais ce serait pour moi un supplice de tous les instants que de vivre avec le peuple (STENDHAL, H. Brulard, t.1, 1836, p.183). Quelques hommes privilégiés veillent qui pensent que la misère du peuple est la condition de leur aisance. 500.000 parasites maintiennent dans une affreuse pauvreté plus de 24 millions de pauvres (GUÉHENNO, Journal «Révol.», 1937, p.54):
• 4. ... il y a aussi le peuple, qui fait si grossièrement fi de l'humanisme (...). Le peuple, à qui fut accordé par les radicaux le privilège exorbitant d'avoir par tête de pipe autant de droits civils et politiques qu'un Rezeau, le peuple, non pas populus mais plebs, ce magma grouillant d'existences obscures et désagréablement suantes... Le peuple (à prononcer du bout des lèvres comme «peu» ou même comme «peuh!»)...
H. BAZIN, Vipère, 1948, p.113.
— [En mettant l'accent sur la hiérarchie sociale; p.oppos. à la bourgeoisie, à la noblesse] Ah! le frisson d'amour d'une femme, qu'elle ait quinze ou cinquante ans, qu'elle soit du peuple ou du monde, me va si droit au coeur que je n'hésite jamais à le comprendre (MAUPASS., Contes et nouv., t.2, Miss Harriet, 1883, p.874):
• 5. Le bourgeois feint de traiter le peuple comme l'ensemble de ses enfants; il le reprend, l'avertit, le secourt, car il est assez clair que ce peuple ne saurait prendre lui-même en main ses destinées. Quand il punit le peuple, il le punit comme son propre enfant, pour son bien.
NIZAN, Chiens garde, 1932, p.95.
— [En mettant l'accent sur l'aspect culturel] Depuis le peuple jusqu'au petit nombre des esprits les plus cultivés, chacun demande à être ému (MARMONTEL, Essai sur rom., 1799, p.317). Les revenants et les sorciers plaisent au peuple comme aux hommes éclairés (STAËL, Allemagne, t.2, 1810, p.193).
♦Péj. Ensemble de personnes caractérisées par la vulgarité, le manque de distinction des manières quelle que soit la classe sociale à laquelle elles appartiennent. Elle veut qu'elle aussi [sa fille] (...) apprenne à penser sainement, à penser différemment du peuple (...): «J'appelle peuple, ajoute-t-elle, tout ce qui pense bassement et communément:la Cour en est remplie» (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t.4, 1851, p.230).
— Locutions
♦Homme, femme, enfant, gens du peuple. Personne(s) issue(s) de la couche la plus démunie socialement et culturellement de la société. Elle insistait sur la déchéance physique du vieux, soulignait les tares de la sénilité, avec une crudité de termes, comme font les gens du peuple, pour qui la délicatesse des sentiments est un luxe inutile (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p.251).
♦Le petit, le menu peuple. Les couches les plus modestes de la société. Synon. petites gens (v. gens1). Déjà on était à table quand parut Choulette (...) il ne vivait plus qu'avec des gens du menu peuple, buvait toute la journée du vin de Chianti avec des filles et des artisans (A. FRANCE, Lys rouge, 1894, p.252).
♦Péj. Le bas peuple. Synon. canaille, populace, vulgaire. Une poussée rompit la ligne des soldats, et tout ce qui se pressait dans les allées, de bas peuple et de canaille, se rua au rocher de vin (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p.9).
♦Péj. La lie du peuple. La partie la plus marginalisée de la société, la plus rejetée. On voit un jeune homme de la lie du peuple, un simple pêcheur, acquérir en quelques heures le plus grand ascendant sur la multitude (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p.1731).
— [P. allus. à Voltaire, OEdipe, IV, 1; pour caractériser la crédulité du vulgaire] Un vain peuple. Bien que la sentimentalité ne soit pas ce qu'un vain peuple pense (LAFORGUE, Mor. légend., 1887, p.80).
2. Empl. adj. inv.
a) [En parlant d'une pers.] Qui est de condition modeste, qui a des manières, des comportements caractéristiques du peuple. Eût-il raflé tous les hippodromes, et quand il pourrait acheter la plus grosse étude de Paris, cette fille peuple serait sa femme d'élection (BARRÈS, Déracinés, 1897, p.159).
— [P. méton.] Accent, parler peuple. Quand Chrysanthème s'accroupit devant sa boîte à fumer, je lui trouve un air peuple dans le plus mauvais sens du mot (LOTI, MmeChrys., 1887, p.141). Je prends leur allure [des enfants], une dégaine peuple, ouvrière, carrée, lourde (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p.93).
b) Être peuple. Avoir des manières populaires, qui manquent de distinction; avoir des qualités physiques caractéristiques du peuple. Par les attaches et les extrémités, par l'attitude alourdie des membres, il était peuple (ZOLA, Fortune Rougon, 1871, p.12).
D. —1. Multitude de personnes rassemblées dans un lieu. Synon. foule. Place, rue, salle, tribune remplie/pleine de peuple. De cette large rue aux maisons basses et peinturlurées, dévalant en lacet, un flot de peuple qui roulait sous le soleil, pareil à une traînée de fourmis (ZOLA, Germinal, 1885, p.1265). J'arrivais, moi, un samedi, ça faisait du peuple dans les rues. Ça moutonnait le long des boutiques. Le tramway (...) laminait la cohue (...) la foule était dense, et marron et onduleuse (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p.249).
— Fam. et pop. Se moquer, se ficher, se foutre du peuple. Se moquer, se ficher des gens, du monde et en particulier d'un groupe restreint englobant le locuteur. Dès qu'il aperçut Jésus-Christ, il cria: —J'aurais parié vingt sous (...). Est-ce que tu te fous du peuple? Nous t'attendons (ZOLA, Terre, 1887, p.64).
2. Vx. Synon. de public. Au siècle où nous vivons, l'horizon de l'art est bien élargi. Autrefois le poëte disait le public; aujourd'hui le poëte dit le peuple (HUGO, Angelo, 1835, préf., p.3).
3. Un peuple de, tout un peuple de. Un grand nombre de. Un peuple de douaniers, d'employés, de marins, de matelots. Un peuple de femmes d'officiers, rangées sur des gradins qui montent jusqu'en haut, haletantes, affamées de voir l'Impératrice (GONCOURT, Journal, 1862, p.1139). Un peuple de dockers appartenant à toutes les races du globe s'affairait dans le tapage des sirènes à vapeur et les sifflets des usines et des trains (CENDRARS, Du monde entier, 1924, p.128).
a) [À propos d'animaux, de végétaux] Peuple de fleurs, de grenouilles, d'hirondelles. Je découvris sur un espace découvert où s'attardaient des pans de neige, un peuple de petits crocus blancs, soyeux, délicats (GIDE, Feuillets d'automne, 1949, p.1084). Il voit tout un peuple d'arbres rabougris, levant vers le ciel des branches noueuses et tordues (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p.218).
b) [À propos de choses] Peuple de statues. Parmi ce peuple de toits qui descendaient vers le lac, émergeait une tour souveraine, couronnée de clochetons (MARTIN DU G., Thib., Sorell., 1928, p.1223).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 842 poblo «ensemble d'hommes qui habitent un même pays et ont en général des institutions communes; ensemble des sujets vis-à-vis de souverains» (Serments de Strasbourg ds HENRY Chrestomathie, p.1); b) fin Xes. pople «population (d'un endroit)» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 40); c) ca 1135 pueple «l'humanité» (Couronnement de Louis, éd. Y. G. Lepage, réd. AB, 741); d) ca 1225 (GAUTIER DE COINCI, II Ch 9, 3134, éd. V. F. Koenig, t.3, p.426; Li grans pueples et li menus); e) 1679 «ensemble (d'animaux)» (LA FONTAINE, Fables, livre IX, 19, éd. H. Regnier, t.2, p.451); 2. av. 1654 adj. «populaire» (GUEZ DE BALZAC, Diss., IX, t.2, p.491 cité ds BRUNOT t.3, p.166). Du lat. populus «peuple, ensemble des habitants d'un État constitué ou d'une ville», «ensemble des citoyens [s'opposant au Sénat et à la Plèbe]», et p. ext. «les gens, le monde» et «le public». Fréq. abs. littér.:23099. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 55469, b) 30031; XXes.: a) 26681, b) 18765. Bbg. DUB. Pol. 1962, p.372, 373, 374-375. — Dossiers de mots. Néol. Marche. 1979, n°6, p.280. — ESKENAZI (A.). Peuple et nation dans l'Esprit des lois. Ét. sur le XVIIIes. Clermont-Ferrand, 1979, pp.41-58. — HILTY (G.). Les Serments de Strasbourg et la Séquence de Sainte Eulalie. Vox rom. 1978, t.37, pp.128-133. — KLARE (J.). L'Elaboration du vocab. pol. soc. en France ds la première moitié du 19es. Beitr. rom. Philol. 1974, t.13, p.268. — LAUNAY (M.). Qu'entend-on par peuple à Genève au 18es.? Images du peuple au 18es. Paris, 1973, pp.55-64. — MAULNIER (T.). Le Sens des mots. Paris, 1976, pp.175-176. — Peuple et pouvoir: ét. de lexicol. pol. par J.-P. Beaujot, B. Conein, G. Gayot, M. Glatigny, Lille, 1981, 196 p. — QUEM. DDL t.11, 15, 20. — SEGUIN (J.-P.). Lexicogr. et conformisme en 1798. La Licorne. 1978, n°2, p.96. — RABOTIN (M.). Le Vocab. pol. et socio-ethnique à Montréal de 1829 à 1842. Montréal-Paris-Bruxelles, 1975, p.47, 52, 63, 67. — TOURNIER (M.). Le Mot Peuple en 1848: désignant social ou instrument pol.? Romantisme. 1975, t.9, pp.6-20; Un Vocab. ouvrier en 1848: essai de lexicométrie. Thèse, St Cloud, 1975, t.1, pp.63-65, 92-100, 104-106; t.2, passim. — VARDAR Soc. pol. 1973 [1970], pp.284-285. — WIND 1928, p.9, 11.
1. peuple [pœpl] n. m.
ÉTYM. V. 1430; poblo, 842, Serments de Strasbourg; pueble, pueple, pople, XIe; lat. populus.
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1 Ensemble d'humains vivant en société, habitant un territoire défini (⇒ Habitant) ayant en commun un certain nombre de coutumes, d'institutions, et parfois, une communauté d'origine. ⇒ Association, 1. gent (vx), nation, pays (supra cit. 7), population, société. — REM. La notion de peuple est très vague et peut correspondre à une ethnie, à une communauté politique (Nation, État; → ci-dessous, II.), à une communauté linguistique, culturelle, religieuse, etc. (→ Communauté, cit. 1). || Il voulait ne faire qu'un peuple du genre humain (→ Empire, cit. 15). || Relatif à un peuple. ⇒ Public. || Dénomination d'un peuple. ⇒ Ethnique. || Étude des différents peuples. ⇒ Ethnographie, folklore, sociologie… || « La loi gouverne (cit. 34) tous les peuples de la terre ». — Peuple et nation (cit. 2), peuple et patrie… (cit. 8). || L'œuvre non d'un homme, mais d'un peuple (→ Anonyme, cit. 2). — Les différents peuples d'un empire, d'un État fédéral. || La nation française est une agglomération (cit. 3) de peuples. — Peuple divers (cit. 5), hétérogène (cit. 2), composé d'éléments variés (→ Individualité, cit. 11)… || Classes, groupements… qui forment un peuple. — Les institutions (cit. 15) des peuples. || Peuple opprimé (cit. 4), en esclavage. || Peuples libres (→ 3. Droit, cit. 8). || Libertés des peuples (→ Pacifique, cit. 4). || Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. — Degré d'évolution, de civilisation d'un peuple. || État social (→ Exemple, cit. 33), coutumes, mœurs, morale (cit. 13) d'un peuple (→ Capitale, cit. 1; mœurs, cit. 7). || Peuple sauvage, barbare (cit. 8); arriéré, primitif. || Peuple avancé, civilisé, évolué (cit. 4). — Religions d'un peuple. || Les mythologies (cit. 1) des différents peuples. || Il y eut autant de dieux (cit. 11) que de peuples. — La langue (cit. 28 et 38), le langage d'un peuple. || La littérature, l'art d'un peuple. || « L'histoire (cit. 24)… enivre les peuples » (Valéry). — Peuple qui habite une contrée (→ Empreinte, cit. 8), un pays, une terre (→ Fondre, cit. 32). || Peuples d'Asie, d'Europe, d'Orient…, du Nord, du Midi (cit. 13). — Peuples marins (→ Mer, cit. 3), montagnards. || Peuple autochtone, indigène. — Peuples de race blanche, noire, jaune… || Le peuple français (→ Géographique, cit. 2). || Le peuple américain (→ Futur, cit. 4), canadien (cit. 1), espagnol (cit. 2), grec (cit. 1), hellène (cit. 3)… — Histoire d'un peuple. || Le présent et l'avenir (cit. 27) des peuples. || Peuple jeune, vieux (→ Futur, cit. 4). || Peuple neuf (cit. 17). || Peuple en décadence (→ Meilleur, cit. 16). — Relations entre les peuples. || Guerre entre les peuples; peuples en conflit (→ Asphyxiant, cit. 2). || Rome avait anéanti (cit. 8) tous les peuples. || Peuple vaincu (→ Exploiter, cit. 9), exterminé (cit. 5). || Faire la paix (cit. 21) avec un peuple. || La volonté pacifique des peuples (→ Dessein, cit. 4).
1 J'ose dire, Seigneur, que par tous les climats
Ne sont pas bien reçus toutes sortes d'États;
Chaque peuple a le sien conforme à sa nature,
Les Macédoniens aiment le monarchique,
Et le reste des Grecs la liberté publique;
Les Parthes, les Persans veulent des souverains
Et le seul consulat est bon pour les Romains.
Corneille, Cinna, II, 1.
2 (…) un homme passe, mais un peuple se renouvelle.
A. de Vigny, Cinq-Mars, XXVII.
3 À Paris, capitale des peuples.
Hugo, l'Année terrible, Dédicace.
4 Les hommes sentent dans leur cœur qu'ils sont un même peuple lorsqu'ils ont une communauté d'idées, d'intérêts, d'affections, de souvenirs et d'espérances.
Fustel de Coulanges, Questions contemporaines, p. 96.
5 (C'est Dieu qui parle) :
Peuple secrètement aimé c'est toi qui as le mieux réussi.
Peuple jardinier toujours une eau saine arrosera tes terres.
Peuple; peuple qui ne recule devant aucunes pestilences.
Ô mon peuple français, ô mon peuple lorrain (…)
(…) Peuple laboureur et cultivateur.
Peuple qui laboures le plus profondément
Les terres et les âmes (…)
(…) Peuple qui suis le mieux, qui a le mieux pris les leçons de mon fils.
Ch. Péguy, le Porche du mystère…, in Œ. poétiques, p. 272.
6 La République et les peuples des territoires d'outre-mer qui (…) adoptent la présente Constitution instituent une Communauté. La Communauté est fondée sur l'égalité et la solidarité des peuples qui la composent.
Constitution de 1958, art. 1.
♦ Fig. (Dans le lang. des fables). Ensemble d'animaux d'une même race. || Le peuple aquatique (cit. 1, La Fontaine). ⇒ Gent.
♦ Le peuple de la Bible. || Le peuple élu (→ Armature, cit. 7; mission, cit. 4), le peuple de Dieu (→ Dessein, cit. 10; histoire, cit. 1) : le peuple juif.
2 Ensemble d'hommes qui, ayant même origine ethnique, même religion…, ont le sentiment d'appartenir à une communauté (bien qu'ils n'habitent pas le même territoire). || La dispersion du peuple juif. || Le peuple chrétien (cit. 1) : la chrétienté (→ aussi Catholique, cit. 2).
3 Vx. Population. || Le peuple d'un bourg, d'un village.
7 On peut mesurer un corps politique de deux manières, savoir : par l'étendue du territoire, et par le nombre du peuple (…)
Rousseau, Du contrat social, II, X.
———
II Le peuple, un peuple : corps de la nation, ensemble des personnes soumises aux mêmes lois. — REM. Peuple peut désigner la totalité de la nation, en tant que sujet de droit, ou la partie de la nation qui est gouvernée, soumise à d'autres éléments (souvent en s'opposant aux gouvernants, ou aux classes dirigeantes). Peuple est d'un emploi moins abstrait, moins théorique et plus affectif que nation ou pays (supra cit. 7). || Relatif au peuple. ⇒ Populaire.
8 Mirabeau préférait la formule : Représentants du peuple français. Ce mot, disait-il, était élastique, pouvait dire peu ou beaucoup. C'est précisément le reproche que lui firent deux légistes éminents, Target (de Paris), Thouret (de Rouen). Ils lui demandèrent si peuple signifiait plebs ou populus. L'équivoque était mise à nu. Le Roi, le Clergé, la Noblesse, auraient sans nul doute interprété peuple dans le sens de plebs, du peuple inférieur, d'une simple partie de la nation.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., I, III.
9 Le mot peuple (…) avait un sens précis quand on pouvait rassembler tous les citoyens d'une cité autour d'un tertre, dans un Champ de Mars. Mais l'accroissement du nombre, le passage de l'ordre des mille à celui des millions, a fait de ce mot un terme monstrueux dont le sens dépend de la phrase où il entre; il désigne tantôt la totalité indistincte et jamais présente nulle part; tantôt le plus grand nombre, opposé au nombre restreint des individus plus fortunés ou plus cultivés (…)
Valéry, Regards sur le monde actuel, p. 19.
♦ Le peuple personnifié. || La liberté guidant le peuple (→ Iambe, cit. 4).
♦ Allus. littér. || Le Peuple, œuvre de Michelet. || Le Livre du Peuple, de Lamennais. — REM. Le mot peuple entre dans le titre de nombreux journaux.
1 L'ensemble d'une population, a en tant que sujet de droits politiques. || Souveraineté du peuple (→ Motion, cit. 1); le peuple souverain(→ Intelligent, cit. 2). || Gouvernement du peuple. ⇒ Démocratie (cit. 1, 3, 4, 6, 7 et 8), démocratique (cit. 2). || Les droits du peuple (→ État, cit. 98). || La volonté du peuple. || « Nous sommes ici par la puissance du peuple… » (→ Arracher, cit. 40). || La voix du peuple est la voix de Dieu (cf. Vox populi, vox dei). || Le peuple s'exprime par des élections, par un vote… (⇒ Plébiscite). — Les peuples et les gouvernements (cit. 30). || « Ce sont les peuples qui font la force et la faiblesse (cit. 12) des régimes ». — Révolution qui met le pouvoir aux mains du peuple (→ aussi Glisser, cit. 12). — Les députés, les élus, les mandataires (cit. 4) du peuple. Hist. || Le sénat et le peuple romain… (S. P. Q. R. : abrév. de Senatus populusque romanus). || Les tribuns du peuple (→ Établir, cit. 7). Spécialt. || Les commissaires du peuple, ancien titre équivalent à celui de ministre, en Russie soviétique. — Le peuple et la foule (cit. 13 et 14). || Le peuple et les masses.
10 Le peuple qui a la souveraine puissance doit faire par lui-même tout ce qu'il peut bien faire; et ce qu'il ne peut pas bien faire, il faut qu'il le fasse par ses ministres.
Montesquieu, l'Esprit des lois, II, II.
11 (…) la volonté générale est toujours droite et tend toujours à l'utilité publique : mais il ne s'ensuit pas que les délibérations du peuple aient toujours la même rectitude. On veut toujours son bien, mais on ne le voit pas toujours : jamais on ne corrompt le peuple, mais souvent on le trompe (…)
Rousseau, Du contrat social, II, III.
12 Il y a deux vérités qu'il ne faut jamais séparer, en ce monde : 1o que la souveraineté réside dans le peuple; 2o que le peuple ne doit jamais l'exercer.
Rivarol, Politique, I, Notes et petits articles.
13 La convocation des États généraux de 1789 est l'ère véritable de la naissance du peuple. Elle appela le peuple entier à l'exercice de ses droits. Il put du moins écrire ses plaintes, ses vœux, élire les électeurs.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., I, I.
14 — Les peuples, c'est rien et ça devrait être tout, dit en ce moment l'homme qui m'avait interrogé — reprenant sans le savoir une phrase historique vieille de plus d'un siècle, mais en lui donnant enfin son grand sens universel.
H. Barbusse, le Feu, I, XXIV.
15 Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes (…)
Charte des Nations Unies, art. 1, 2o.
16 Son principe (de la République française) est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum.
Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice.
Constitution de 1958, art. 2 et 3.
b En tant que soumis au pouvoir politique. || Le peuple et ses maîtres (cit. 19). || Le peuple et les princes, les rois… (→ Convertir, cit. 4; fonder, cit. 11; garder, cit. 48; liberté, cit. 22; 1. mine, cit. 13). || Nommer (cit. 3) un roi père du peuple. — Guider (cit. 7), conduire le peuple. || Conducteur de peuple. || Instruire, améliorer (cit. 1) le peuple. || Soulager le peuple (→ Gorge, cit. 29). || Gagner la faveur du peuple. ⇒ Popularité. — Allus. hist. || L'Ami du peuple, journal de Marat. — Séduire, tromper, endormir le peuple. ☑ L'opium du peuple. || Flagorner (cit. 3), flatter le peuple. ⇒ Démagogie (→ Flatteur, cit. 6). — Ameuter (cit. 1), fanatiser (cit. 1), soulever (→ Frondeur, cit. 2) le peuple. — Affamer (cit. 2), exploiter le peuple. || Oppresseur (cit. 1), tyran du peuple. || « Un drapeau (cit. 2) traîné dans le sang du peuple ». — Le peuple en armes. || Guerre d'arme et guerre (cit. 34) de peuple. ⇒ Populaire.
17 (…) ce sont les peuples qui font les rois, et les rois sont faits pour les peuples, et les peuples ne sont pas faits pour les rois.
F. de Lamennais, Paroles d'un croyant, XIX.
18 Ce peuple (anglais) qu'aucun ne dépasse en puissance et en gloire, s'estime comme nation, non comme peuple. En tant que peuple, il se subordonne volontiers et prend un lord pour une tête.
Hugo, les Misérables, II, I, XVI.
19 Le peuple donne son sang et son argent, moyennant quoi on le mène.
Hugo, l'Homme qui rit, II, I, III.
♦ Spécialt (avec le poss.). Les sujets. || Le prince, le roi et son peuple (→ Amaigrir, cit. 1; berger, cit. 14). || La constitution que Louis XVIII destinait à son peuple (→ Garantie, cit. 8). || Tout mon peuple (→ Funérailles, cit. 8).
♦ Par ext. (Vx). || Le peuple d'un évêque, ses ouailles.
2 Le plus grand nombre, opposé aux classes supérieures, dirigeantes (sur le plan social) ou aux éléments les plus favorisés, matériellement ou culturellement, de la société. ⇒ Foule, masse, multitude; et, péj., canaille (cit. 4), plèbe, troupeau. — Le peuple et les grands (cit. 49), et les nobles (cit. 18), sous l'Ancien Régime. ⇒ Roturier (→ Âme, cit. 68; arroger, cit. 4; aveugle, cit. 20; noblesse, cit. 21; nu, cit. 5). || Le peuple, la noblesse et le clergé. ⇒ Tiers-État. || Le peuple, opposé à la bourgeoisie. ⇒ Prolétariat. || Le peuple des villes et le peuple des campagnes. ⇒ Ouvrier, paysan. — (1796, Babeuf). || Le peuple ouvrier (→ Heure, cit. 13). — Dans le peuple, parmi le peuple… (→ Famille, cit. 26). — Être, sortir du peuple (→ Épanouir, cit. 17). || Fils du peuple (titre des Mémoires de M. Thorez). || Homme, femme, gens du peuple (→ Assurer, cit. 23; enivrer, cit. 17; misère, cit. 15).
20 J'entends par peuple, la populace, qui n'a que ses bras pour vivre (…) Il me paraît essentiel qu'il y ait des gueux ignorants.
Voltaire, Correspondance, 2824, 1er avr. 1766.
21 Partout s'étalait, s'ébaudissait le peuple en vacances (…) En ces jours-là il me semble que le peuple oublie tout, la douleur et le travail; il devient pareil aux enfants.
Baudelaire, le Spleen de Paris, XIV.
22 Le peuple, volontiers secourable, a conservé beaucoup, parmi ses misères et ses défauts, de ce désintéressement et de cette générosité qui furent les qualités des premiers âges (…) Le peuple, a dit Adam Smith, aime la vertu, tellement que rien ne l'entraîne comme l'austérité.
Ravaisson, cité par Bergson, la Pensée et le Mouvant, IX, p. 288.
23 La République flattait le peuple; et puis, elle le faisait sabrer. Le peuple, de son côté, cassait la tête à quelques enfants du peuple, — officiers et soldats.
R. Rolland, Jean-Christophe, Foire sur la place, II, p. 752.
24 Il y a une bourgeoisie de gauche et une bourgeoisie de droite. Il n'y a pas de peuple de gauche ou de peuple de droite il n'y a qu'un peuple.
Bernanos, les Grands Cimetières sous la lune, p. 49.
♦ Le peuple et les lettrés (→ Instruire, cit. 6). || Écrire pour le peuple (→ Heureux, cit. 23). ⇒ Public (grand public). || Mettre à la portée du peuple. ⇒ Populariser, vulgariser. || Qui plaît (⇒ Populaire), déplaît (⇒ Impopulaire) au peuple… || La façon de penser du peuple (→ Dialectique, cit. 3). || La langue énergique (→ Panier, cit. 9), le langage du peuple (→ Fortune, cit. 36). || Les gens, dont le peuple dit… (→ Gaillard, cit. 13).
25 Qui dit le peuple dit plus d'une chose (…) Il y a le peuple qui est opposé aux grands : c'est la populace et la multitude; il y a le peuple qui est opposé aux sages, aux habiles et aux vertueux : ce sont les grands comme les petits.
La Bruyère, les Caractères, IX, 53.
26 C'est le peuple ignorant qui a formé les langages; les ouvriers ont nommé tous leurs instruments. Les peuplades, à peine rassemblées, ont donné des noms à tous leurs besoins; et, après un très grand nombre de siècles, les hommes de génie se sont servi, comme ils ont pu, des termes établis au hasard par le peuple.
Voltaire, Correspondance, 1886, 24 janv. 1761.
♦ Péj. et vx. Les personnes de goût vulgaire, de faibles connaissances.
27 Elle (Mme de Lambert) veut qu'elle aussi (sa fille), pour être heureuse, elle apprenne à penser sainement, à penser différemment du peuple sur ce qui s'appelle morale et bonheur de la vie : « J'appelle peuple, ajoute-t-elle, tout ce qui pense bassement et communément : la Cour en est remplie. »
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 9 juin 1851.
♦ ☑ Le petit, le menu peuple (→ Ignoble, cit. 1) : les couches les plus humbles, les plus modestes de la société. — Péj. et vx. || Le bas (cit. 23) peuple. ⇒ Canaille (cit. 1 et 8), populace, populo, tourbe, vulgaire (n.). || Qui imite les manières du bas peuple. ⇒ Poissard.
28 Même dans le bas peuple (qui au point de vue de la grossièreté ressemble si souvent au grand monde), la femme (…) a la curiosité de certaines délicatesses, respecte certaines beautés (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. V, p. 23.
♦ La lie (cit. 6, 7) du peuple.
♦ ☑ Allus. littér. Ce qu'un vain peuple pense (→ Crédulité, cit. 2). || « Le peuple n'est pas si vain qu'on dit » (→ Fonder, cit. 25).
3 Adj. invar. Populaire. || Être peuple : avoir des manières populaires (→ Faire, cit. 79; compagnie, cit. 10). || Manières (cit. 43) un peu peuple. || Un cadre (cit. 7) tout à fait peuple.
29 Sauviat était un petit homme gras (…) Son front ne manquait pas de noblesse, il ressemblait au front classique prêté par tous les peintres à saint Pierre, le plus rude, le plus peuple et aussi le plus fin des apôtres.
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 540.
30 Ce qu'il y a dans le peuple de plus peuple, je veux dire de plus instinctif, de plus inspiré, ce sont, à coup sûr, les femmes.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., II, VIII.
31 Tout était peuple en elle, et son esprit naturel donnait une vie surprenante aux longues histoires qu'elle racontait (…)
Renan, Souvenirs d'enfance…, I, Œ. compl., t. II, p. 735.
31.1 (…) la tradition exige que l'air fameux « La fleur que tu m'avais jetée » soit « gueulé ». Si jamais un ténor essayait de le chanter comme une confidence murmurée, avec de sourds éclats étouffés, on verrait qu'il y a là une romance très « peuple » (…)
F. Mauriac, Bloc-notes 1952-1957, p. 83.
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III
1 Vieilli. Foule, multitude de personnes assemblées. ⇒ Assemblage, concours. || Place encombrée de peuple (→ Dégorger, cit. 2). || Un peuple considérable envahit la nef (cit. 5). || Débordement de peuple (→ Étager, cit. 3). || Tout un peuple se massait (cit. 2). || Tout le peuple se leva (→ Honneur, cit. 66). — Un peuple adorateur (cit. 5, Racine)…
♦ Mod. fam. || Il y a du peuple, du monde. ⇒ Populeux. || Quel peuple, aujourd'hui.
2 Vx. Le public (→ Applaudir, cit. 4). || « Un peuple d'aristocrates (cit. 1), un public tout entier composé de connaisseurs… »
32 Il s'endort à un spectacle, et il ne se réveille que longtemps après qu'il est fini et que le peuple s'est retiré.
La Bruyère, les Caractères de Théophraste, « De la stupidité ».
3 ☑ Fig. et fam. Se moquer, se ficher, se foutre du peuple, du monde, des gens.
33 — J'aurais parié vingt sous (…) Est-ce que tu te fous du peuple ? Nous t'attendons.
Zola, la Terre, I, IV.
4 Littér. || Un peuple de… : un grand nombre de… || Un peuple de pêcheurs, de matelots (→ Dépendre, cit. 13), d'ouvriers (→ Opération, cit. 2). || Un peuple de faunes, de satyres, de nymphes (→ Mythologie, cit. 2). — Femme suivie d'un peuple d'adorateurs (→ Éclat, cit. 30).
♦ Fig. || Un peuple d'oiseaux (cit. 14), d'hirondelles (cit. 6). — Le peuple de statues des cathédrales (→ Exprimer, cit. 33; grec, cit. 4). — L'immense peuple des tuiles (d'un toit). → Bruit, cit. 20.
34 (…) tout le peuple gothique des sommets d'églises que dominait la flèche aiguë de la cathédrale (…)
Maupassant, Bel-Ami, II, I.
35 Paris, ville de pierre, peuple de monuments, peuple de mémoires, peuple d'anciennes actions. Paris, capitale du monde, ville capitale (…)
Ch. Péguy, Notre patrie, p. 304.
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CONTR. Individu.
DÉR. Peupler.
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2. peuple [pœpl] n. m.
ÉTYM. XVe; lat. populus.
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♦ Vx. ⇒ Peuplier.
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DÉR. Peuplier.
Encyclopédie Universelle. 2012.