peine [ pɛn ] n. f.
• 1050; penas « tourments du martyre » 980; lat. pœna
I ♦ (XIIIe) Punition.
1 ♦ Sanction appliquée à titre de punition ou de réparation pour une action jugée répréhensible. ⇒ châtiment, condamnation, pénalité, pénitence. Peine sévère, juste. « où est la balance humaine qui pèserait comme il faut les récompenses et les peines ? » (Bergson).
♢ Relig. Peines éternelles, peines de l'enfer. ⇒ damnation.
2 ♦ Spécialt, Dr. pén. Sanction édictée par le législateur et appliquée par les juridictions répressives, criminelles, correctionnelles, et de police, à la fois dans un but d'exemplarité et de réadaptation du délinquant à la vie sociale (⇒ pénal). Peine principale, peine complémentaire, peine accessoire, de police, correctionnelle, criminelle. Peine afflictive, peine infamante. Peine politique. Peines disciplinaires. ⇒ blâme, réprimande. Peines pécuniaires. ⇒ amende, confiscation. Peine capitale, peine de mort (⇒ exécution) . Peines privatives de liberté. ⇒ emprisonnement, réclusion. Peines privatives de droits (dégradation civique). Peines de substitution. Peine de sûreté. Être passible d'une peine. Encourir une peine. Prononcer, infliger une peine. ⇒ condamner, pénaliser. Juge de l'application des peines : magistrat chargé de suivre l'application des sanctions pénales et d'en aménager le régime. Purger sa peine en prison. « la peine n'est pas toujours proportionnée au délit » (P.-L. Courier ). Bénéficier d'une remise de peine.
3 ♦ Loc. SOUS PEINE DE : en encourant la peine de. Défense d'afficher sous peine d'amende. Sous peine de mort. — (Avec l'inf.) Si l'on ne veut pas courir le risque de. Il fallait rouler doucement sous peine de glisser. « La marche devient impossible sous peine de s'égarer » (A. Daudet).
II ♦ (XIIe)
1 ♦ Souffrance morale. ⇒ 2. chagrin, douleur, 3. mal, malheur, 1. souci, souffrance, tourment, tracas. Les joies et les peines. Confier ses peines. « Les peines doivent produire sur l'âme de l'homme les mêmes ravages que l'extrême douleur cause dans son corps » (Balzac). — Loc. Peine de cœur : chagrin d'amour.
2 ♦ LA PEINE : état psychologique fait d'un sentiment de tristesse et de dépression dont la cause est connue. ⇒ abattement, désolation, détresse, douleur, misère, tristesse. Avoir de la peine. Consoler un ami dans la peine. Je partage votre peine (⇒ condoléances, sympathie) . — FAIRE DE LA PEINE à qqn. ⇒ affliger, attrister, blesser, peiner. Ce que vous me dites là me fait de la peine, beaucoup de peine. Je ne voulais pas vous faire de peine. — (Choses) Une remarque qui fait de la peine. Cela faisait peine à voir, faisait pitié.
3 ♦ Loc. adj. ou adv. Être comme une âme en peine, très triste. Errer comme une âme en peine, seul et tristement. Être en peine de... ⇒ inquiet.
III ♦ (XIe)
1 ♦ Activité qui coûte, qui fatigue. ⇒ effort. Travail qui demande de la peine. Être récompensé de sa peine. Loc. prov. À chaque jour suffit sa peine : n'anticipons pas les peines à venir. Toute peine mérite salaire. — Se donner beaucoup de peine. ⇒ 3. mal; peiner; fam. se décarcasser, se démener. Pour peu qu'on s'en donne la peine. « Travaillez, prenez de la peine » (La Fontaine) :fatiguez-vous. Il a pris la peine de venir lui-même. Ne vous mettez pas en peine pour moi. — (Formule de politesse) Donnez-vous, veuillez vous donner la peine d'entrer. — Loc. N'être pas au bout de ses peines : avoir encore des difficultés à surmonter, du travail pénible. Qui voit ses veines voit ses peines. — Pour votre peine, pour la peine : en compensation, en dédommagement. — Homme de peine, qui effectue des travaux de force. — Valoir la peine. — C'est la peine de (et l'inf.), que (et le subj.). Ce n'est pas la peine de crier, je ne suis pas sourd. Est-ce la peine que j'y aille ? C'était bien la peine de se donner tout ce mal : le résultat (mauvais, nul) ne valait pas tant de travail. — Perdre sa peine à : se fatiguer, travailler en vain. C'est peine perdue. ⇒ inutile, vain. — En être pour sa peine : ne pas recueillir le fruit de ses efforts (cf. En être pour ses frais).
2 ♦ Difficulté qui gêne pour faire qqch. ⇒ embarras, 3. mal. Avoir de la peine à parler, à marcher. J'ai (de la) peine à le croire. « j'avais le cœur serré et toutes les peines du monde à retenir mes larmes » (A. Daudet).
3 ♦ Loc. adv. Avec peine; à grand-peine. ⇒ difficilement, laborieusement, péniblement. « À grand'peine il put monter sur un âne » (Flaubert). Depuis sa maladie, il se déplace avec peine. — Sans peine. ⇒ aisément, facilement. Je le crois sans peine. L'allemand sans peine. Il est arrivé non sans peine. — EN PEINE : gêné, embarrassé. J'étais bien en peine de lui répondre. Il n'est pas en peine pour en trouver d'autres.
4 ♦ Loc. adv. À PEINE Vx Péniblement.
♢ Mod. Presque pas, très peu. Sentier à peine tracé. Il y avait à peine de quoi manger (cf. Tout juste). Pouvoir à peine marcher. « À peine ont-elles pu se résoudre à nous faire donner des sièges » (Molière). « C'est à peine si un homme du monde authentique comptait auprès d'un général » (Proust). — (Avec un numér.) Tout au plus. Ça fait à peine dix francs. Il y a à peine huit jours (cf. Même pas).
♢ Sens temporel Depuis très peu de temps. ⇒ juste. J'ai à peine commencé, je commence à peine. Dans une propos. subordonnée, coordonnée ou juxtaposée « Elle était à peine remise de la frayeur que Swann lui avait causée quand un obstacle fit faire un écart au cheval » (Proust). J'étais à peine sorti qu'il commença à pleuvoir. — (En tête de phrase, avec inversion du sujet) « À peine suis-je dans la rue, voilà un violent orage qui éclate » (A. Daudet). — (Avec une propos. particip.) À peine endormi, il se mit à ronfler. À peine endormi, on le réveilla. « À peine la marquise sortie, Clélia appela » (Stendhal). (Avec ellipse du v.) « À peine dans la voiture, notre héros s'endormit profondément » (Stendhal).
⊗ CONTR. Compensation, consolation, récompense. Amusement, béatitude, bonheur , 1. calme, félicité, joie, 1. plaisir.
⊗ HOM. Pêne, penne.
● peine nom féminin (latin poena, du grec poinê) Punition, sanction appliquée pour une faute commise, une infraction : Le débat sur la peine de mort. Souffrance morale, affliction, chagrin : Consoler un ami dans la peine. Effort qui coûte : Le travail demande de la peine. Difficulté qui gêne pour faire quelque chose : S'exprimer avec peine. ● peine (citations) nom féminin (latin poena, du grec poinê) Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire Rome 1880-Paris 1918 Je passais au bord de la Seine Un livre ancien sous le bras Le fleuve est pareil à ma peine Il s'écoule et ne tarit pas Quand donc finira la semaine. Alcools, Marie Gallimard Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire Rome 1880-Paris 1918 La joie venait toujours après la peine. Alcools, le Pont Mirabeau Gallimard Marcel Aymé Joigny 1902-Paris 1967 En France, les peines d'argent durent plus longtemps que les peines de cœur et se transmettent de génération en génération. Silhouette du scandale Le Sagittaire Robert Brasillach Perpignan 1909-Montrouge 1945 Et ceux que l'on mène au poteau Dans le petit matin glacé, Au front la pâleur des cachots, Au cœur le dernier chant d'Orphée, Tu leur tends la main sans un mot, Ô mon frère au col dégrafé… Poèmes de Fresnes Les Sept Couleurs Louis François Nicolaïe, dit Clairville Lyon 1811-Paris 1879 et Paul Siraudin Paris 1813-Enghien-les-Bains 1883 et Victor Koning 1842-1894 Ce n'était pas la peine Non pas la peine assurément De changer le gouvernement. La Fille de Madame Angot (musique de Charles Lecocq) Alphonse Karr Paris 1808-Saint-Raphaël 1890 Si l'on veut abolir la peine de mort, en ce cas, que Messieurs les assassins commencent. Les Guêpes Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Travaillez, prenez de la peine : C'est le fonds qui manque le moins. Fables, le Laboureur et ses Enfants Alphonse de Prât de Lamartine Mâcon 1790-Paris 1869 Ici-bas, la douleur à la douleur s'enchaîne. Le jour succède au jour, et la peine à la peine. Premières Méditations poétiques, l'Homme Maurice Maeterlinck Gand 1862-Nice 1949 Ne cultivons pas notre peine, L'Éternité s'en chargera […]. Treize Chansons de l'âge mûr Fasquelle André Malraux Paris 1901-Créteil 1976 Les condamnés à mort sont contagieux. L'Espoir Gallimard Charles Nodier Besançon 1780-Paris 1844 Académie française, 1833 Il ne faut léser personne. Il ne faut pas léser ceux qui tuent. Il ne faut pas tuer le bourreau ! Histoire d'Hélène Gillet Benjamin Péret Rezé, Loire-Atlantique, 1899-Paris 1959 La joie comme la peine se mesurent au centigramme. Le Grand Jeu, As de pique Gallimard Henri Pourrat Ambert 1887-Ambert 1959 Ce n'est pas tellement vers la joie, vers la peine, qu'on a choisi d'aller. On a choisi d'aller vers autre chose. À la belle bergère Albin Michel Donatien Alphonse François, comte de Sade, dit le marquis de Sade Paris 1740-Charenton 1814 Je donnerai des lois simples à cet excellent peuple, mais la peine de mort en punira-t-elle l'infracteur ? À Dieu ne plaise ! Le souverain Être peut disposer lui seul de la vie des hommes. Aline et Valcour Paul Verlaine Metz 1844-Paris 1896 C'est bien la pire peine De ne savoir pourquoi Sans amour et sans haine Mon cœur a tant de peine ! Romances sans paroles, III Messein Alfred, comte de Vigny Loches 1797-Paris 1863 L'existence du Soldat est (après la peine de mort) la trace la plus douloureuse de barbarie qui subsiste parmi les hommes. Servitude et grandeur militaires sainte Jeanne d'Arc, dite la Pucelle d'Orléans Domrémy 1412-Rouen 1431 Il avait été à la peine, c'était bien raison qu'il fût à l'honneur. Procès de Jeanne d'Arc, 9e interrogatoire, 17 mars 1431 Commentaire Réponse de Jeanne d'Arc à ses juges, qui lui demandaient pourquoi son étendard avait été porté à Reims, au sacre du roi, avec ceux des autres capitaines. Cesare Bonesana, marquis de Beccaria Milan 1738-Milan 1794 […] L'expérience de tous les siècles, où la peine capitale n'a jamais détourné les hommes déterminés d'outrager la société […]. […] La sperienza di tutt'i secoli, nei quali l'ultimo supplicio non ha mai distolti gli uomini determinati dall'offendere la società […]. Dei delitti e delle pene, XXVIII Cesare Bonesana, marquis de Beccaria Milan 1738-Milan 1794 L'un des plus grands freins opposés aux délits, c'est non pas la rigueur des peines, mais l'infaillibilité de celles-ci. Uno dei più grandi freni dei delitti non è la crudeltà delle pene, ma l'infallibilità di esse. Dei delitti e delle pene, XXVII Frédéric Mistral Maillane, Bouches-du-Rhône, 1830-Maillane, Bouches-du-Rhône, 1914 La peine, avec la liberté, trempe l'homme comme fer, et l'opulence fait des pourceaux. […] La peno, emé la liberta, Atrempo l'ome coume un ferre, E la drudiero fai de verre. Calendal, IX ● peine (difficultés) nom féminin (latin poena, du grec poinê) Orthographe 1. À grand-peine, avec un trait d'union. 2. Sans peine, sans trait d'union. 3. Mots apparentés à peine : pénible et péniblement s'écrivent pé- et non pei- (contrairement à peiner), ainsi que pénal (du latin pœnalis) et ses dérivés pénalement, pénalisant, pénalisation, pénaliser, pénaliste, pénalité. Construction 1. À peine en tête de phrase : le sujet se place le plus souvent après le verbe si c'est un pronom personnel (à peine fut-elle arrivée que....) ; il est généralement repris par un pronom personnel placé après le verbe si c'est un nom (à peine la jeune femme fut-elle arrivée que....). 2. Avoir peine à / avoir de la peine à. Ne pas confondre ces deux expressions. Avoir peine à = éprouver de la répugnance à. Il a peine à accepter de telles conditions de travail. Avoir de la peine à = éprouver de la difficulté à. Il a de la peine à se déplacer. 3. Être en peine de (+ infinitif) / être en peine de (+ substantif). Ne pas confondre les deux constructions. Être en peine de (+ infinitif) = éprouver de la difficulté à. J'étais bien en peine de lui répondre. Être en peine de (+ substantif) = manquer de (souvent employé en tournure négative : n'être pas en peine de). C'est un homme qui n'est jamais en peine de bonnes fortunes. 4. C'est à peine si (+ indicatif), marquant la restriction (= très peu, pour ainsi dire pas). C'est à peine s'il dîne = il ne dîne pour ainsi dire pas. 5. Cela vaut la peine de, ce n'est pas la peine de (+ infinitif) / cela vaut la peine que, ce n'est pas la peine que (+ subjonctif) : les deux tours sont également corrects, mais le subjonctif est plus précis que l'infinitif puisqu'il mentionne le sujet de l'action. 6. Sous peine de (+ substantif ou infinitif passif) / sous peine que (+ subjonctif). La construction avec substantif est la plus fréquente : défense d'entrer sous peine de poursuites. Les constructions avec l'infinitif passif ou le subjonctif, correctes mais lourdes, sont plus rares : défense est faite à quiconque d'entrer, sous peine d'être poursuivi ; gardez-vous d'entrer, sous peine qu'on (ne) vous poursuive. ● peine (expressions) nom féminin (latin poena, du grec poinê) Avoir (de la) peine à, parvenir difficilement à : J'ai peine à vous croire. Ce n'est pas la peine de, ce n'est pas assez important pour, il n'est pas utile de. C'était (c'est) bien la peine de, le mauvais résultat obtenu ne valait pas le travail qu'on a eu. En être pour sa peine, voir ses efforts restés sans résultat. Être bien en peine, être fort empêché. Être, se mettre en peine de, pour quelqu'un, quelque chose, avoir, se donner du souci, de l'inquiétude pour eux. Faire peine à voir, inspirer de la pitié. Homme, femme, gens de peine, personnes employées à faire des travaux pénibles. Ne pas plaindre, épargner, ménager sa peine, montrer une grande activité, un grand zèle. N'être pas en peine pour, n'être pas gêné pour. Perdre sa peine, c'est peine perdue, travailler sans résultat, c'est de la fatigue inutile. Pour la peine, pour votre (ta) peine, en récompense, en dédommagement ; pour vous (te) punir. Prendre la peine, se donner la peine de, se donner le mal de ; à l'impératif, formule d'invitation polie : Donnez-vous la peine d'entrer. Familier. S'en donner la peine, faire l'effort pour, se démener. Sous peine de, sous menace de, en s'exposant à ; pour éviter le risque de : Défense d'afficher sous peine d'amende. Valoir la peine de, que, avoir une certaine importance ; mériter que, être digne de : Cette exposition vaut la peine d'être vue. ● peine (homonymes) nom féminin (latin poena, du grec poinê) peine forme conjuguée du verbe peiner peinent forme conjuguée du verbe peiner peines forme conjuguée du verbe peiner pêne nom masculin penne nom féminin ● peine (synonymes) nom féminin (latin poena, du grec poinê) Punition, sanction appliquée pour une faute commise, une infraction
Synonymes :
- châtiment
Souffrance morale, affliction, chagrin
Synonymes :
- cafard (familier)
- chagrin
- détresse
- mal
- tourment
- tracas
Contraires :
- joie
Difficulté qui gêne pour faire quelque chose
Synonymes :
- embarras
- mal
Contraires :
- aisance
- facilité
peine
n. f.
aA./a Châtiment, punition.
d1./d DR Peine afflictive et infamante, infligée par le pouvoir public à un individu reconnu judiciairement coupable d'avoir commis un crime. Peine de mort.
— Peine de police: sanction de la contravention.
— Peine correctionnelle: sanction du délit.
— Peine criminelle: sanction du crime.
d2./d Loc. Prép. Sous peine de: sous risque de, sous menace de.
|| Par ext. Partez vite sous peine d'arriver en retard.
aB./a
rI./r Chagrin, souffrance morale, affliction.
— Faire peine à voir: inspirer la compassion.
|| état de qqn qui est inquiet, tourmenté.
— Loc. être, errer comme une âme en peine: V. sens A, 3.
rII./r
d1./d Occupation, activité qui demande un effort. Résultat qui a exigé beaucoup de peine.
|| (Formules de politesse.) Voulez-vous prendre, vous donner la peine de (+ inf.).
|| Homme de peine, qui effectue les travaux pénibles.
|| Loc. à chaque jour suffit sa peine.
— Ce n'est pas la peine: ce n'est pas nécessaire. ça vaut la peine.
— Pour votre peine, pour la peine: en compensation.
d2./d Difficulté, embarras. Avoir de la peine à parler.
d3./d Loc. Sans peine: sans difficulté.
|| Avec peine: difficilement.
rIII/r Loc. adv. à peine.
d1./d Depuis peu de temps. à peine arrivé, il a dû repartir.
d2./d Presque pas. Il sait à peine écrire.
|| Tout juste. Voilà à peine deux heures qu'il est parti.
⇒PEINE, subst. fém.
I. A. —1. Ce que l'on fait subir à l'auteur d'un délit, d'une faute ou d'un crime pour le punir, le châtier. Synon. châtiment, punition. Il est dans l'ordre qu'une peine inévitable suive une faute volontaire (JOUBERT, Pensées, t.1, 1824, p.359). Eh bien, monsieur, vous copierez trois fois (...) le paragraphe 38 de la grammaire latine; et vous offrirez cette peine au seigneur, en le remerciant de vous éprouver ainsi ! (ADAM, Enf. Aust., 1902, p.180):
• 1. Si, comme nous l'avons dit, il y a toujours eu dans un groupe humain d'une certaine ampleur, des hommes ayant une conduite anti-sociale, il est aisé de constater que ce ne sont pas les actes de même nature qui ont toujours été regardés comme criminels, qui ont provoqué cette réaction passionnelle qu'est la peine.
Traité sociol., 1968, p.214.
♦Peine du talion. Châtiment infligé selon la loi du talion. La peine si générale du talion n'est-elle pas une satisfaction accordée à la passion de la vengeance? (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p.53). V. infracteur ex. de Karr.
♦Âme en peine. V. âme I A 2.
— THÉOL. CHRÉT. Châtiment infligé par Dieu à ceux qui ont commis une faute. Les peines de l'enfer, du purgatoire; les peines éternelles. [Les démons] y souffrent [dans l'enfer] (...) la peine du feu (...) parce que le feu de l'enfer, rendu par Dieu capable de brûler un esprit, a reçu aussi la puissance d'agir à distance par un contact virtuel (Théol. cath. t.4, 1 1920, p.400).
♦Peine du dam, du sens.
2. En partic.
a) Sanction édictée et appliquée par un tribunal à l'encontre de celui qui a contrevenu aux lois de la société. La seule organisation qui se rencontre partout où il y a peine proprement dite se réduit donc à l'établissement d'un tribunal (DURKHEIM, op.cit., p.63).
b) DR. PÉNAL. Sanction pénale applicable à une personne ayant commis une infraction. L'on vous défendra, sous des peines sévères, de vous concerter ensemble pour obtenir une augmentation de (...) salaire (LAMENNAIS, Paroles croyant, 1834, p.174). Nul ne peut être détenu sans qu'un jugement ait prononcé une peine à raison de la culpabilité reconnue (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p.48). V. appliquer ex. 17:
• 2. À l'expiration de leur peine, les individus condamnés à moins de deux ans d'emprisonnement, sont mis à la disposition du ministre de la guerre pour tout le temps du service militaire qu'ils doivent à l'État...
J.O., Loi rel. recrut. arm., 1928, p.3823.
— [Suivi d'un déterm. pour former le nom d'un type de peine en dr. fr.]
♦[Le déterm. stipule la juridiction qui applique la peine]
Peine correctionnelle. Peine de gravité moyenne (notamment l'emprisonnement durant deux mois à cinq ans, une forte amende) qui imprime à l'infraction qu'elle sanctionne le caractère de délit correctionnel (d'apr. CAP. 1936 et BARR. 1974).
Peine criminelle.
Peine de (simple) police. Peine légère (notamment un emprisonnement pendant moins de deux mois, une amende) qui imprime à l'infraction qu'elle sanctionne le caractère de contravention de simple police (d'apr. CAP. 1936 et BARR. 1974):
• 3. ... il faut avoir présente à l'esprit la classification en trois catégories des diverses infractions telle qu'elle résulte du Code pénal. Celui-ci (Artier) distingue les contraventions punies de peines de police (par exemple, le tapage nocturne), les délits punis de peines correctionnelles (par exemple, le vol simple) et les crimes punis de peines afflictives ou infamantes (par exemple, le meurtre).
VEDEL, Dr. constit., 1949, p.343.
♦[Le déterm. stipule le statut de la peine dans le verdict du juge]
Peine accessoire.
Peine complémentaire. ,,Peine que les juges ont le droit ou même le devoir de prononcer à côté d'une autre peine`` (CAP. 1936). V. accessoire ex. 24.
Peine principale. Peine formant l'essentiel de la sanction. V. accessoire ex. 24.
♦[Le déterm. stipule le contenu de la peine]
[Le déterm. est un adj.] Peine afflictive et infamante; peine (seulement) infamante. Peine capitale (v. ce mot A; peine pécuniaire). Peine corporelle. Peine qui porte atteinte à l'intégrité corporelle du condamné ou qui l'atteint dans son intégrité ou sa liberté corporelle (d'apr. CAP. 1936).
[Le déterm. est un groupe nom.] Peine d'emprisonnement, de mort, de prison, de travaux forcés. Les demandes en relèvement de leur peine que peuvent introduire les instituteurs, aussi bien privés que publics, condamnés à une peine d'interdiction (Encyclop. éduc., 1960, p.123). V. agent ex. 52.
SYNT. Requérir une peine contre qqn; sanctionner par une peine; appliquer, édicter, établir, exécuter, infliger une peine; adoucir, aggraver, commuer, mitiger, remettre une peine; faire grâce d'une peine; commutation, exécution, prescription d'une peine; remise de peine; encourir une peine; être passible d'une peine; subir, purger une peine; une peine expire; durée d'une peine; peine légère, lourde, rigoureuse, juste; juge d'application des peines.
B. —P. ext., littér. Conséquence fâcheuse qui semble sanctionner une action ou une situation condamnable d'un point de vue moral. Je (...) trouvais dans leur visage, ou souriant ou sombre, le loyer de ma sagesse ou la peine de mes fautes (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p.92).
♦Porter la peine de qqc. Nous pouvons porter aujourd'hui la peine physique d'un excès commis il y a plus d'un siècle (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t.1, 1821, p.53). Madame de Meximieu portait, à quarante-huit ans, la peine de son éducation première, qui avait été ce qu'on appelle toute mondaine, c'est-à-dire cruellement vide (R. BAZIN, Blé, 1907, p.160).
C. —Loc. prép.
1. À peine de + subst., verbe à l'inf. (dr., vieilli). Si l'on ne veut pas être passible de (telle peine). Ce registre contiendra une notice sommaire de chaque affaire, et de la condamnation, à peine de cinquante francs d'amende pour chaque omission (Code instr. crim., 1808, p.789). L'électeur doit, à peine de nullité de son vote, voter pour une liste complète et sans panachage (VEDEL, Dr. constit., 1949, p.383).
— P. ext. Si l'on ne veut pas courir le risque de. Ils ne peuvent plus l'être [sincères et honnêtes], à peine de recommencer l'impuissance du gouvernement provisoire (SAND, Corresp., t.3, 1852, p.314). Le Centre [Méditerranéen] ne peut vivre que de l'opinion et de l'intérêt qu'il excitera, à peine de languir et de se réduire à une vie tout artificielle et administrative sans avenir (VALÉRY, Regards sur monde act., 1931, p.307).
2. Sous peine de + subst., verbe à l'inf. (dr.). Si on ne veut pas être passible de (telle peine). Tout juge de paix (...) est tenu d'office (...), sous peine d'être poursuivi comme complice de détention arbitraire, de s'y transporter aussitôt (Code instr. crim., 1808, p.792). L'enseignement primaire devint obligatoire, sous peine, pour les parents et leurs complices, de sanctions pénales (Encyclop. éduc., 1960, p.96).
— P. ext. Si l'on ne veut pas courir le risque de. Le médecin lui enjoint, sous peine de mort, de rentrer à Paris (LEMAITRE, Contemp., 1885, p.330). Il est temps de songer à remettre de l'essence, sous peine de tomber en panne «sèche» 20 ou 30 km plus loin (CHAPELAIN, Techn. automob., 1956, p.338).
♦Sous peine de vie (vx). Sous peine de mort.[Ils] écartent les soldats, leur défendent sous peine de vie d'approcher du roi (CHATEAUBR., Ét. ou Disc. hist., t.4, 1831, p.157).
Rem. Sous peine que + prop.au subj. (rare). Le vent du changement souffle en rafales sur la France libérée. Mais la règle doit s'y imposer sous peine que rien ne vaille rien (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p.91).
II. A. —État affectif, durable, fait de tristesse, de douleur morale ou d'un profond sentiment d'insatisfaction (généralement à la suite ou à cause d'un événement déterminé). Anton. bonheur, joie, plaisir, satisfaction. De courtes interjections témoignaient de son bonheur actuel qui avait fait cesser cette peine atroce (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p.427). La joie venait toujours après la peine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure (APOLL., Alcools, 1913, p.45):
• 4. ... c'étaient les yeux d'un homme que l'idée fixe obsède et que l'aiguillon d'une peine intolérable touche sans cesse à la fibre la plus sensible de son âme. Cette peine datait du jour où il avait reçu la terrible lettre par laquelle sa soeur lui révélait son projet de suicide.
BOURGET, Disciple, 1889, p.225.
— Au plur.
♦[Plur. d'amplification] Littér., vieilli. J'entrai dans ses peines; je partageai sa douleur; j'essuyois de nouveau ses larmes (CRÈVECOEUR, Voyage, t.2, 1801, p.370). V. ex. infra passim.
♦Moments de peine (qui peuvent être liés à plusieurs événements). J'ai eu cette année de vives peines accompagnées de grandes lumières (DUPANLOUP, Journal, 1868, p.297). Jamais encore, au cours de cette journée capitale, il ne s'était senti plus loin de l'enfance, des joies et des peines d'hier, de toute joie, de toute peine (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p.1365).
— Dans le vocab. de la philos., de la psychol. Le plaisir et la peine sont les principaux objets du désir et de l'aversion, et ce n'est point la raison, c'est le sentiment immédiat qui les discerne (COUSIN, Philos. écoss., 1857, p.205). La peine naît donc d'une action partielle qui n'exerce que certaines des énergies disponibles et les exerce parfois avec excès, en même temps que d'un sacrifice des tendances refoulées (BLONDEL, Action, 1893, p.161).
Rem. Peine n'est pas empl. dans le discours de la psychol. contemp.; on y utilise le syntagme douleur morale.
SYNT. Éprouver, ressentir de la peine, une peine profonde; être accablé, chargé, rempli de peine(s); qqc. accroît la peine de qqn, cause de la peine à qqn; compatir à la peine de qqn; confier ses peines à qqn; partager, soulager la peine de qqn; distraire qqn de sa peine; le poids de la peine; peine cruelle, lourde, violente.
1. En partic.
a) [Dans un cont. décrivant les manifestations ou les différents moments de cet état] Elle lut sur ses traits une peine apitoyée, la torture du remords (VOGÜÉ, Morts, 1899, p.410). Il me semble, à moi, que vous n'êtes pas un triste: vous n'êtes qu'un homme qui souffre. La peine vient et elle s'efface (R. BAZIN, Blé, 1907, p.144).
b) [Constr. avec la prép. de + inf. désignant ce qui cause la peine] Rare. Entre les larmes de l'adieu, qu'on verse sur un foyer de famille, et la peine légère de voir se rapetisser dans l'éloignement les girouettes d'un toit sous lequel on a passé quelques beaux étés, la comparaison serait absurde (COPPÉE, Bonne souffr., 1898, p.62). Ce n'est rien, va: c'est la peine de ne pas être reconnu (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1936, p.118).
c) [Constr. avec un groupe déterm. désignant le siège de la peine] Vieilli. Peine d'âme, de l'âme; peines d'esprit. Éviter pareillement les douleurs du corps et les peines de l'esprit (LACLOS, Éduc. femmes, 1803, p.445). Les peines morales peuvent aussi laisser des impressions ineffaçables (SENANCOUR, Obermann, t.2, 1840, p.212).
♦Peine de coeur. Synon. chagrin d'amour. «Oh! J'ai eu une grande peine de coeur cet hiver» (...) «Louis, —c'est son mari —m'a trompée (...)» (GONCOURT, Journal, 1865, p.178). Tout en me racontant ses peines de coeur, Nancy s'amusa à me déguiser d'une grande robe mexicaine (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.307).
d) [Formant un groupe prép.]
♦Avec peine (vieilli). Dans ce mouvement de solliciteurs, je vis avec peine que les électeurs n'étaient pas nombreux (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p.323). V. frimaire ex. de Napoléon.
♦Dans la peine. Marie fut vaillante, confiante, presque gaie dans sa peine (VOGÜÉ, Morts, 1899, p.277). Messieurs, vous me voyez dans une grande peine (AUDIBERTI, Mal court, 1947, III, p.193). V. justice A 1 ex. de Weill.
♦De peine. [Combiné avec un verbe ou un adj. décrivant un état ou un comportement] Je tremble de honte et de peine. Il est temps que nous nous retirions (AUDIBERTI, Mal court, 1947, II, p.161).
♦En peine. Nous irons donc à la louée de Bazolles, bien que j'aie le coeur tout en peine de me séparer de toi (R. BAZIN, Blé, 1907, p.44).
Mettre en peine qqn (rare). Un peintre, habitant d'une petite ville, mis en peine par la niaiserie provinciale, et obligé d'organiser comme une opération clandestine l'utilisation d'un modèle (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1936, p.230).
Être, errer (ou un verbe équivalent) comme une âme en peine. V. âme I A 2.
2. Loc. verb.
a) [Combiné avec avoir] Avoir de la peine, une peine (+ un groupe déterm.), (expr. quantifiante) + peine; avoir des peines (vieilli). Il passa la matinée à s'imaginer que Ninon aurait de la peine à le voir partir (BOYLESVE, Leçon d'amour, 1902, p.156). J'eus de la peine de ne point apercevoir la tunique de soie rouge de la petite Tanit-Zerga (BENOIT, Atlant., 1919, p.197). J'ai eu de la peine en entendant une femme que j'aimais me déclarer qu'elle s'ennuyait (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1936, p.100). Je souffre parce que Paul a de la peine, je suis en colère parce qu'il est en colère (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p.409). V. chagriner A ex. de Restif de la Bretonne:
• 5. C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi,
Sans amour et sans haine,
Mon coeur a tant de peine.
VERLAINE, Romances sans par., 1874, p.15.
♦Avoir de la peine pour qqn. Un jour je me suis trouvé à voir jouer Faust et j'ai eu de la peine pour Marguerite (AYMÉ, Nain, 1934, p.275).
b) [Combiné avec faire] Faire peine, de la peine, une peine (+ un groupe déterm.), (expr. quantifiante) + peine à qqn.
— Causer de la peine, une peine (à quelqu'un). Il y a dans tout ce que tu m'as dit des choses qui me font peine, et d'autres qui me font plaisir (MUSSET, Lorenzaccio, 1834, III, 3, p.195). Monsieur Codomat, vous me faites de la peine en ayant de moi une si mauvaise opinion... et en pensant que je ne suis pas digne de me marier (Tr. BERNARD, M. Codomat, 1907, II, 9, p.177):
• 6. Ça lui avait d'abord fait une grosse peine; elle voulait même aller se jeter à l'eau; mais, à présent, elle s'était raisonnée, tout se trouvait pour le mieux.
ZOLA, Assommoir, 1877, p.407.
— Inspirer un sentiment de pitié triste, de compassion. Je ne cesse de cracher le sang. Oh! Je vous ferais peine si vous me voyiez (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p.280). Elle ne retrouvait pas sa respiration... Elle me faisait une peine infinie (G. LEROUX, Parfum, 1908, p.30).
♦Faire (de la) peine à voir, à entendre, etc. Il entra tout pâle, (...) d'un air tellement effrayé que cela faisait de la peine à voir (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p.213). Le vautour de Monsieur de Meillan faisait peine à voir. Mélancolique et affectueux, il se traînait avec lenteur (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p.39).
c) [Combiné avec être] Qqc. est une peine (+ un groupe déterm.) pour qqn. Le départ pour Combourg qui fut une grande peine pour ma mère fut une grande joie pour sa petite famille (CHATEAUBR., Mém., t.1, 1848, p.549). Le médecin (...) ne put en conscience autoriser l'abbé Berthet à continuer son enseignement. Ce lui fut, à nouveau, une peine énorme. «Un coup mortel», écrit son frère (L. FEBVRE, Dom B. Berthet, [1950] ds Combats, 1953, p.414).
B. —[Dans les loc. infra] Souci, inquiétude.
1. En peine. Synon. en souci. Mme Simons me dit à l'oreille: «Vous paraissez bien en peine! Y a-t-il là de quoi faire une grimace pareille?» (ABOUT, Roi mont., 1857, p.191).
— [Combiné avec être, mettre] Être, mettre en peine (de, pour qqc., qqn). Je ne suis pas en peine de sa conduite avec vous; il vous respecte trop pour vous rien dire qui vous embarrasse (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p.1657). Non, je ne suis pas en peine de ce qu'ils deviendront. (...) ils suivront la même voie que leurs pères (LACRETELLE, Silbermann, 1922, p.166).
♦Empl. pronom. Ne vous mettez pas en peine pour cela. Dites-moi que vous acceptez. C'est tout ce que je vous demande (BILLY, Introïbo, 1939, p.124). Ne vous mettez pas en peine de moi, j'irai m'étendre sur le divan de la bibliothèque (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p.1371):
• 7. ... dans les arbres, dans les fleurs, frémissaient les mélodies, de sorte que, tout pareil à ceux-là qui suivaient les pas de Jésus, il ne se mettait point en peine.
CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p.68.
♦En partic. Être en peine de qqc. Ressentir cruellement le manque de quelque chose. C'est par milliers qu'on les compte, ceux qui, parmi nous, sont en peine de leur vêtement, de leur nourriture et de leur gîte (L. BLANC, Organ. trav., 1845, p.V). Des millions d'êtres, çà et là, sont en peine de leur nécessaire (VALÉRY, Variété IV, 1938, p.185).
2. Se faire de la peine pour qqc., qqn (rare). Voyons, Monsieur le curé, faut pas vous faire de peine pour si peu de chose; on ne va pas à la messe, mais on n'est pas tout de même du mauvais monde (R. BAZIN, Blé, 1907, p.187).
III. A. —Vieilli ou fam. [Au sing. et précédé de l'art. déf.]
1. Travail physique très pénible. Nous qui suons le jour et couchons sur la dure, Qui n'avons ici-bas que la peine et le mal (BARBIER, Ïambes, 1840, p.154). Ce sera toujours le mineur qui aura la peine, sans l'espoir d'un gigot de temps à autre, en récompense (ZOLA, Germinal, 1885, p.1277).
♦Dur (ou un adj. équivalent) à la peine. Ils sont avares et durs à la peine comme les Auvergnats (MILLE, Barnavaux, 1908, p.178). Résistants à la peine, capables de souffrir longtemps. Ce sont de simples hommes (BARBUSSE, Feu, 1916, p.53).
♦Mourir, tuer qqn à la peine. Synon. mourir, tuer à la tâche. (Faire) travailler durement et sans relâche jusqu'à la mort. Ce gredin de gouvernement qui tuait ses employés à la peine, sans leur assurer seulement de quoi mourir (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p.704). V. gros1 II C 2 ex. de Zola.
— De peine, loc. adj. Il n'avait d'autre ressource que le métier de hasard ou le travail de peine (VALLÈS, Réfract., 1865, p.64). L'argent qui leur pleut dessus [les artistes] avec le succès, ça garde dans leurs mains la vilenie et la crasse de ces argents de peine qu'on gagne avec de la sueur (GONCOURT, Man. Salomon, 1867, p.254).
♦Subst. (désignant une pers.) + de peine (vieilli). Personne qui effectue des travaux pénibles et subalternes. Garçon de peine. Nous demandions qu'on fît nos lits; nous étions fatigués. Il fut impossible de trouver une femme de peine pour les faire (SAND, Prom. autour vill., 1860, p.63). David (...) avait été homme de peine en fabrique (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p.158).
2. P. méton.
a) Douleur provoquée par un déplacement, un travail physique pénible. Le père alors le prit en ses bras, et, accélérant encore son allure, se mit à souffler de peine en montant le trottoir incliné (MAUPASS., Contes et nouv., t.2, M. Parent, 1886, p.587). La fatigue de leurs dos toujours pliés devenait telle vers le soir qu'ils ne se redressaient qu'avec des grimaces de peine (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p.97).
— P. métaph. V. convoi ex. 1.
b) [Dans un syntagme locatif] Vieilli. Situation pénible par manque de ressources. Synon. besoin, gêne, misère. Aider des amis dans la peine; se tirer, sortir qqn de la peine. Ces pauvres gens ont pourtant vendu (...) leurs quinze actions (...) pour compléter la somme. De braves gens dans la peine, cela serre le coeur (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p.132). Ce jeune chevalier ayant su que la marquise était dans la peine eût donné sa croix de Malte pour lui venir en aide (BOYLESVE, Leçon d'amour, 1902, p.29).
B. —P. ext.
1. Ce qui a été ou doit être dépensé en fait de fatigue, d'effort, d'attention pour effectuer un travail, une activité quelconque.
a) Être récompensé de sa peine, de ses peines; ménager, perdre son temps, son argent et sa peine; ne pas plaindre sa peine. Faustine commence à faire de l'argent (...), je suis payé de mes peines qui n'ont pas été médiocres (FLAUB., Corresp., 1864, p.130). Le travail est préparé de telle sorte que chacun puisse l'exécuter convenablement avec le minimum de peine (BRUNERIE, Industr. alim., 1949, p.189). V. coûter B 1 ex. de Balzac et de Gide et information ex. 2:
• 8. —Ces messieurs de Paris, ça danse pas comme par ici. —Ça, c'est vrai! On dirait que ça a peur de se casser, si peu que ça remue. À la bonne heure, les gars d'ici, ils se donnent du plaisir sans regarder à leur peine!
COLETTE, Cl. école, 1900, p.307.
♦Ne pas être au bout de ses peines. Avoir encore beaucoup de travail, d'effort à faire pour surmonter une difficulté. V. bout ex. 28:
• 9. Enfin, après bien des délais et des explosions d'impatience, à onze heures nous partîmes. Nous n'étions pas au bout de nos peines. Pour arriver au Carrousel, il fallut prendre la file le long de la rue de Rivoli: les voitures entraient lentement, une à une; le ciel versait des cataractes sur le pavé.
REYBAUD, J. Paturot, 1842, p.225.
♦En être pour sa peine. Synon. en être pour ses frais.
♦Pour la peine, sa (...) peine. [Formule empl., souvent de façon iron., pour remercier qqn d'un travail, d'un service ou d'une action obligeante] La herse fut donc levée, le concierge reçut un louis pour sa peine, et l'on passa (DUMAS père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.543). Quand il m'a eu quittée, Lord voulait le rappeler pour l'inviter à dîner avec nous. Je l'ai embrassé pour la peine (MURGER, Scènes vie boh., 1851, p.233):
• 10. ... l'apothicaire certifia qu'il le guérirait lui-même, avec une pommade antiphlogistique de sa composition, et il donna son adresse: —M. Homais, près des Halles, suffisamment connu. —Eh bien, pour la peine, dit Hivert, tu vas nous montrer la comédie.
FLAUB., Mme Bovary, t.2, 1857, p.153.
— Dans le domaine de la crit. esthét. Sentir la peine. Laisser paraître le travail, la recherche. Rien n'y sentait la peine [dans la Caravane de Boucher]; la touche était hardie et spirituelle (NOLHAC, Boucher, 1907, p.192).
— En partic.
♦[Constr. avec un compl. prép. de spécifiant l'activité] Vieilli. L'opération qui détruit un enfant dans le sein de sa mère, afin de la dispenser des peines de l'allaitement (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t.1, 1821, p.143).
♦Empl. attributif. (C'est) peine(s) perdue(s), inutile(s). Il en aurait appelé en cassation que c'eût été peines perdues (MURGER, Scènes vie boh., 1851, p.272). Il se tourna dans sa couchette, résolu à ne plus penser à cela. Peine inutile. Il alluma l'électricité, prit un livre et essaya de lire (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p.106).
— Proverbes
♦Toute peine mérite salaire. V. mériter I A.
♦À chaque jour (suffit) sa peine. V. jour II B 2 b .
b) Loc. verb.
— [Combiné avec donner] Donner à qqn de la peine, une peine (+ un syntagme déterm.), (expr. quantifiante) + peine, les, des peines (suivi d'un syntagme déterm.) à, pour faire qqc. Souvent une simple lettre me donne de la peine et je m'en fais une affaire (MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p.243). Ses deux enfants, Alice et Firmin, bien mignons et donnant bien de la peine à élever (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p.301). Un régulateur donnera peu de peine s'il est régulièrement entretenu (QUÉRET, Industr. gaz, 1923, p.131).
♦Empl. pronom. réfl. On ne peut faire autrement que de se donner une peine immense pour manger un morceau de pain (R. BAZIN, Blé, 1907, p.107). Ainsi donc, les mille petites peines que Léon s'était données, pour maintenir cet équilibre, avaient été inutiles! (MONTHERL., Célibataires, 1934, p.894).
— [Combiné avec mettre] Se mettre en peine de faire qqc. Synon. se soucier de. [Les Messieurs de Port-Royal] se sont bornés à nous dire en quatre mots que tous les philosophes enseignent qu'il y a trois opérations de notre esprit, concevoir, juger, et raisonner, sans se mettre du tout en peine d'examiner, ni de développer cette doctrine (DESTUTT DE TR., Idéol. 2, 1803, p.7). Je me mets en peine de rechercher à quoi nous reconnaissons qu'un objet donné est ou non fait par un homme (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p.157).
— [Combiné avec prendre] Prendre peine, prendre de la peine, prendre une peine (Un syntagme déterm.) + peine, (expr. quantifiante) + peine, les, des peines (+ un syntagme déterm.) à, pour faire qqc. Ils aiment beaucoup l'argent, mais ils méritent d'en gagner, car ils prennent assez de peine (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1812, p.70). Notre compagne de voyage (...) te remercie des peines que tu as prises (HUGO, Corresp., 1865, p.500). Ces faits sont «tout pleins de géographie» même dans les pays civilisés —et c'est à le démontrer que nous avons pris peine (BRUNHES, Géogr. hum., 1942, p.266).
2. La peine de [suivi d'un verbe à l'inf., d'une prop. au subj., d'un subst. exprimant une idée verbale (rare)]. Ce que représente en fait de fatigue, d'effort, d'attention l'accomplissement d'un travail, d'une activité (désigné par le compl. prép. de ou par la prop. complét. ou par l'inf. dans la combinaison avec valoir ou être). Vous allez aux Tuileries? Faites-moi le plaisir de donner cette dépêche à Sa Majesté; vous m'éviterez la peine du voyage (CHATEAUBR., Mém., t.3, 1848, p.300). Des milliers de malheureux qui sont au désespoir de ce petit froid, qui ne vous coûte tout au plus que la peine de souffler votre feu (DELACROIX, Journal, 1854, p.177). Je ne me crus plus astreint à la peine de le comprendre (PROUST, Guermantes 2, 1921, p.328).
— Loc. verb.
♦[Combiné avec avoir, se faire (rare), prendre, se donner] Après avoir fermé la porte au verrou, elle dit: —Faites-vous la peine de vous asseoir, Madame (SUE, Juif errant, 1844-45, p.51). On n'avait que la peine de réquisitionner les chevaux et les voitures du pays, et de les faire escorter par de petits détachements (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t.2, 1870, p.49). On n'a plus le temps, on ne prend plus la peine d'étudier (BARRÈS, Cahiers, t.5, 1906, p.73). Quel remarquable journaliste eût été Gide, s'il avait voulu s'en donner la peine (L. DAUDET, Brév. journ., 1936, p.236).
Loc. [P. allus. à la tirade de Figaro dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais (acte 5, scène 3)] Avoir (prendre, se donner) la peine de naître. J'ai gagné cette fortune, Messieurs, non pas en me donnant la peine de naître, comme mes jolis adversaires, mais à force de visites, payées trente sous (STENDHAL, L. Leuwen, t.3, 1836, p.241).
Rem. Les constr. prendre la peine, se donner la peine sont fréq. empl. dans les formules de politesse pour inviter qqn à faire qqc. Donnez-vous la peine d'entrer, de vous asseoir. Je serais heureux si vous vouliez bien prendre la peine de me faire adresser un télégramme à Arbois (PASTEUR, Corresp., 1883, p.376).
♦[Combiné avec valoir] Il fallait attendre, au contraire, tâter ce gaillard-là. La chose valait la peine d'un voyage (FLAUB., Mme Bovary, t.2, 1857, p.122). Les exemples de lapsus cités (...) laissent une impression nouvelle qui vaut la peine qu'on s'y arrête (FREUD, Introd. psychanal., trad. par S. Jankélévitch, 1959 [1922], p.45). Dans le temps, il avait eu un tas de copains, au temps où la vie valait encore la peine d'être vécue (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p.261).
[Sans compl. prép.] Synon. valoir le coup, la chandelle (fam.), le déplacement. Ça (ne) vaut pas la peine (fam.). Ma seule utilité est de nous empêcher de passer trop vite en négligeant des détails qui «vaudraient la peine» (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p.250).
♦[Combiné avec être] Être la peine. [Le suj. est obligatoirement en fin de phrase; l'énoncé est gén. interr., nég. ou orienté négativement] Est-ce bien la peine, pour un si faible résultat, d'introduire la métaphysique dans la symphonie? (P. LALO, Mus., 1899, p.359). Je ne crois pas que ce soit la peine d'en parler (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p.237). C'était bien la peine qu'il eût pris tant de soin de ces pelouses! (MONTHERL., Célibataires, 1934, p.876).
♦[P. ell. de valoir ou être] Il regarda son fils pour la première fois de sa vie avec respect: «Bon, bon, ça va. Pas la peine de se chamailler» (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.226). V. décider ex. 10.
IV. —[Dans les loc. infra] Difficulté d'ordre matériel, psychologique, moral rencontrée dans l'accomplissement de quelque chose, dans le déroulement d'un processus.
A. —Loc. verb.
1. [Combiné avec avoir] Avoir peine, de la peine, une peine (+ un syntagme déterm.), (expr. quantifiante) + peine, les, des peines (suivi d'un syntagme déterm.) à faire qqc. Avoir grand'peine, n'avoir aucune peine, toutes les peines (du monde) à faire qqc.
— [Le suj. désigne une pers.]
♦[L'inf. désigne une action accomplie par la pers. désignée par le suj.] Synon. avoir du mal (à faire qqc.). Les naturalistes ont une peine extrême à former une classification stable d'espèces (RENOUVIER, Essais crit. gén., 3e essai, 1864, p.152). Il eut surtout de la peine à monter l'escalier de pierre (ZOLA, Débâcle, 1892, p.616). V. compte II C 2 a ex. de Marat:
• 11. ...«Ô mon ami, s'écria-t-il [Littré], ne faites jamais de dictionnaire.» On a peine, en effet, à se figurer une telle somme de travail. Lui-même a eu la coquetterie de compter que si le dictionnaire, sans le supplément, était composé sur une seule colonne, cette colonne aurait 36 kilomètres 525 mètres 28 centimètres, à peu près la distance de Paris à Meaux.
PASTEUR ds Travaux, 1882, p.425.
Rem. Avoir peut être remplacé par éprouver, ressentir. Ils commencent par ressentir plus de peine à respirer, ils toussent, leur voix devient enrouée (GEOFFROY, Méd. prat., 1800, p.130). La peine qu'on éprouve à le définir [le sentiment du beau] tient-elle surtout à ce que l'on considère les beautés de la nature comme antérieures à celles de l'art (BERGSON, Essai donn. imm., 1889, p.24).
♦[L'inf. désigne un processus intéressant la pers. désignée par le suj.] On aura bien de la peine à gagner le mois de mai prochain (...) sans que nous arrivions à quelque phase révolutionnaire (TOCQUEVILLE, Corresp. [avec Gobineau], 1851, p.177). Germaine pense qu'elle aura de la peine, plus tard, à éviter les varices (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p.119).
— [Le suj. désigne un inanimé] Le feu avait beaucoup de peine à échauffer et à faire bouillir l'énorme quantité d'eau de la chaudière (P. ROUSSEAU, Hist. techn. et invent., 1967, p.260). V. gargarisme ex. 1.
2. [Combiné avec il y a] —Vous savez ce qu'elle va y faire? —Il n'y a aucune peine à deviner... On voit que vous n'êtes pas une femme, Commissaire (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p.155).
B. —[Dans un syntagme locatif sans art.] Synon. embarras. Se tirer de peine. Laurent feignit d'être un commissionnaire en peine de se rappeler le nom d'une personne à laquelle il devait remettre un paquet (BALZAC, Fille yeux d'or, 1835, p.354). —Ne parlons pas de moi, lui dis-je en lui faisant comprendre que mes propres affaires n'étaient point en jeu, et que récriminer n'était pas se donner raison. —Soit; c'est à celui qui se trouve en peine de s'en tirer (FROMENTIN, Dominique, 1863, p.228).
— Être en peine de faire qqc.; être fort en peine de faire qqc. Si vous trouvez qu'c'est trop cher, j'suis pas en peine d'trouver d'autres clients pour c'te chambre (BARBUSSE, Feu, 1916, p.78). Nombre de petites ouvrières nipponnes seraient bien en peine de se payer tous ces peignes de luxe (ROUSSET, Trav. pts matér., 1928, p.73).
C. —Loc. adv.
— À grand'peine. Avec beaucoup de difficulté. On lui arracha à grand'peine la promesse d'un suprême effort (VOGÜÉ, Morts, 1899, p.405).
♦[Var. graph.] Le bruit (...) perçant à grand-peine cet horrible tumulte (DUMAS père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.528). Le pauvre Duc se leva péniblement (...), descendit à grand peine, le marchepied (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p.328).
— Avec peine. Synon. difficilement, péniblement. Les flammes résineuses grésillaient avec peine parmi cet air épais (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p.164). L'auditeur non averti distinguera avec peine l'originalité de ce dernier mouvement (SAMUEL, Art mus. contemp., 1962, p.182).
♦Avec grand'peine (rare). Les fumées ne sortaient plus qu'avec grand'peine des cheminées (RAMUZ, Gde peur mont., 1926, p.259).
— Sans peine. Synon. aisément, facilement. Il (...) se rendit à Vincennes. Il trouva sans peine le cabaret indiqué (PONSON DU TERR., Rocambole, t.3, 1859, p.433). Un vaccin polyvalent contre la grippe (...), vaccin dont on imagine sans peine l'immense importance (R. SCHWARTZ, Nouv. remèdes et mal. act., 1965, p.134). V. fosse ex. 2.
♦Non sans peine. Avec beaucoup de difficulté. Nous escaladâmes non sans peine la cheminée de pierres croulantes qu'était le lit du petit ruisseau (GRACQ, Syrtes, 1951, p.161).
REM. 1. Peine-à-jouir, subst., arg. [Corresp. à supra IV] Personne qui, dans le coït, ne parvient au plaisir que lentement et difficilement; p.ext., fam., personne lymphatique, triste (d'apr. CELLARD-REY 1980). Le Pen a remisé le peine-à-jouir sur son second rayon. Alors que tout le monde ressasse le malheur de l'époque, lui parle du bonheur d'être Français (Libération, 18 juin 1984, p.4, col. 5). 2. Pénologie, subst. fém. [Corresp. à supra I] ,,Étude des mesures pénales et des effets qui en résultent, tout particulièrement en ce qui concerne la protection de la société et la réintégration sociale des délinquants`` (THINÈS-LEMP. 1975).
Prononc. et Orth.:[]. Ds MARTINET-WALTER 1973, 7 sujets disent []. Homon. pêne et éventuellement penne. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. 2e moitié Xes. plur. poenas «souffrances (surtout physiques) infligées à quelqu'un» (St Léger, éd. J. Linskill, 151); ca 980 penas «id.» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 62); 2. a) ca 1050 peine «mal que l'on se donne, souffrance voulue pour un but, un idéal» (Alexis, éd. Chr. Storey, 611); b) ca 1165 se mettre en peine de «se donner du mal pour» (Troie, 23951 ds T.-L.); c) 1176-81 être en peine de (CHRÉTIEN DE TROYES, Chevalier lion, éd. M.Roques, 2878); d) 1176-81 perdre sa peine «se donner du mal inutilement» (ID., ibid., 892); ca 1260 painne perdue, v. perdre étymol. I 2 a; e)1409 «travail, tâche» (Trésor des Chartes de Rethel, 629, 25 ds RUNK., p.49); 1690 homme de peine (FUR.); f) 1461-69 prendre la paine (de) (Pathelin, éd. R. T. Holbrook, 310); g) 1461-69 pour ma paine (ibid., 1214); h) ca 1485 mourir à la peine (Vieil Testament, XXXVI, 33263, éd. J. de Rothschild, V, 271); i) 1540 se donner peine (de) (NICOLAS HERBERAY DES ESSARS, Amadis, éd. H. Vaganay, 30 ds IGLF); j)1587 valoir la peine (N. DU FAIL, Contes d'Eutrapel, OEuvres facétieuses, éd. J.Assézat, t.2, p.128); k) 1656 ce n'est pas la peine (PASCAL, Provinciales, IV, OEuvres, éd. L. Lafuma, Seuil, 1972, p.385); 3. a) déb. XIIes. peines «souffrances infligées en enfer en châtiment du péché» (St Brendan, 66 ds T.-L.); b) ca 1165 «punition, châtiment infligé par la justice rendue par les hommes» mortel peine (Troie, 28358, ibid.); XIIIes. painne capital (Cout. d'Artois, 79, Tardif d'apr. A. DELBOULLE ds R. Hist.litt. Fr. t.6, p.292); c) 1301 seur la peine de «en encourant la peine (ici, une amende) de» (Trésor des Chartes de Rethel, I, 481, 9 ds RUNK., p.87); 1303 sur peine de «id.» (Mém. de la Sté de l'hist. de Paris et de l'Ile-de-France, 1882, 109 ds IGLF); ca 1340 a paine de «id.» (Tombel de Chartrose, éd. E. Walberg, IV, 369); 1541 sous peine de (CALVIN, Institution chrét., éd. J.-D. Benoît, IV, X, par. 2, p.187); 4. a) ca 1100 «souffrance morale, profonde affliction» (Roland, éd. J. Bédier, 2519); ca 1180 (être) en paine (THOMAS, Tristan, éd. J. Bédier, XXXI, Le Mariage, 69); b) 1601 faire peine à voir (MONTCHRESTIEN, David, Tragédies, éd. Petit de Julleville, p.219 ds IGLF); 5. a) déb. XIIes. «difficulté, souffrances ou obstacles s'opposant à la réalisation de quelque chose» sanz peine (St Brendan, 440 ds T.-L.); b) ca 1100 a peine «avec difficulté, dans la souffrance» (Roland, éd. J. Bédier, 1787); 1160-77 a painne «difficilement» (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, II, 445, t.1, p.30), a grant peine (ID., ibid., III, 8206, t.2, p.190); XIVes. a peine «tout juste, pas encore tout à fait» (Chevalier papegau, 7, 14 ds T.-L.); 1559 a peine rien «presque rien» (J. GREVIN, La Trésorière, Théâtre complet, éd. L. Pinvert, p.62 ds IGLF); c) av. 1538 avoir peine de «avoir du mal de» (P. GRINGORE, OEuvres compl., éd. A. de Montaiglon et Ch. d'Héricault, I, 306, ibid.); 1553 avoir peine à «id.» (Bible de l'imprimerie Jean Gerard, Marc 6, 48, p.15); 1587 avoir de la peine à «id.» (N. DU FAIL, op.cit., t.2, p.72); 1656 avoir peine à croire «ne pas vouloir croire» (PASCAL, op.cit., V, ibid., p.387). Du lat. poena «réparation, expiation, châtiment» (gr. «id.») d'où, en lat. de l'époque impériale «souffrance, affliction». Fréq. abs. littér.:15904. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 26212, b) 20751; XXes.: a) 22193, b) 20803. Bbg. GEMMINGEN Arbeit 1973, pp.104-107. — KLEIBER (G.). Le Mot ire en anc. fr. (XIe-XIIIes.). Essai d'analyse sém. Paris, 1968, pp.235-237.
peine [pɛn] n. f.
ÉTYM. V. 1050; penas, plur., v. 980, « tourments du martyre »; du lat. pœna « réparation, punition, souffrance », grec poinê « châtiment ».
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1 Sanction appliquée à titre de punition, d'expiation ou de réparation pour une action jugée répréhensible, coupable… ⇒ Châtiment, condamnation, correction, pénalité (→ Honte, cit. 3; impunité, cit. 3). || Subir la peine de sa faute (→ Coupable, cit. 3). || Peine légère; sévère. || Sévérité de la peine. || La peine infligée par la justice publique, a remplacé la vengeance privée. || Peine du talion.
1 La société institue des peines qui peuvent frapper des innocents, épargner des coupables; elle ne récompense guère; elle voit gros et se contente de peu : où est la balance humaine qui pèserait comme il faut les récompenses et les peines ?
H. Bergson, les Deux Sources de la morale et de la religion, p. 6.
2 Ne pensez-vous pas que c'est la pire peine, celle qu'on subit sans pouvoir la juger imméritée ni pourtant la prendre comme une rédemption ?
Sartre, Situations III, p. 35.
2 Spécialt. (dr. pén. et cour.). Sanction édictée par le législateur et appliquée par les juridictions répressives, criminelles, correctionnelles, et de police, à la fois dans un but d'exemplarité et de réadaptation du délinquant à la vie sociale. ⇒ Infraction; contravention, crime, délit (cit. 1), faute; pénal (droit). || Le délit (cit. 7) civil n'est frappé d'aucune peine par les lois répressives. || Traité des Délits et des Peines, ouvrage de Beccaria (1764). || Peines prévues, établies (cit. 9) par la loi, figurant à tel article du code pénal. || Peines encourues. ⇒ Encourir (→ Manquement, cit. 3). || Être passible d'une peine. — Prononcer, infliger une peine. ⇒ Condamner (cit. 5), pénaliser. || Application, exécution de la peine, d'une peine (→ Juré, cit. 1). || Juge de l'application des peines. — Peine susceptible de degrés. || Circonstances (aggravantes, atténuantes) pouvant modifier la peine. || Peine arbitraire, discrétionnaire. || Le minimum de la peine. ⇒ Minima (à). || Adoucir la peine (→ Exécuter, cit. 24). || Peine commuable. ⇒ Commutation; commuer (→ Forteresse, cit. 2). || Remettre une peine; remise de peine. || Peine mitigée (cit. 1). || Aggravation de peine (→ Exécrer, cit. 3). || Confusion des peines. — Principe de la légalité, de l'égalité, de la personnalité des peines en droit français. — Peine criminelle; correctionnelle; de simple police (→ Appareil, cit. 13). — Peine de droit commun. || Peine politique. || Peines militaires (⇒ Cassation, dégradation). || Peines disciplinaires (⇒ Blâme, réprimande). || Peine principale; accessoire, complémentaire. — Les peines en matière criminelle sont ou afflictives et infamantes, ou seulement infamantes (art. 6 du Code pénal). ⇒ Afflictif (cit. 1 et 2), infamant (cit. 4, 5 et 6). — Peines pécuniaires. ⇒ Amende, confiscation (→ Convertir, cit. 11). — Peine corporelle. || Exécuteur des peines corporelles. ⇒ Bourreau; supplice. || Suppression des peines corporelles dans les civilisations évoluées. — Peine capitale, peine de mort. ⇒ 1. Mort (supra cit. 32; → Abolir, cit. 3 et 4; attacher, cit. 40). ⇒ Décapitation, électrocution, garrot, guillotine, pendaison… || Militer contre la peine de mort. || Abolition de la peine de mort. — Peines privatives de liberté. ⇒ Bagne, ban, bannissement, déportation, détention, emprisonnement, interdiction (de séjour), prison, réclusion, relégation, transportation, travail (travaux forcés). → Arrêt, cit. 6; arrêter, cit. 35; concussion, cit. 1; enlever, cit. 27. || Peine d'emprisonnement, de prison. || Durée, expiration d'une peine (→ Bannir, cit. 35). || Purger sa peine en prison, dans une colonie pénitentiaire, une maison de force… Anciennt. || La peine du boulet, du carcan, des fers, des galères (⇒ Chaîne), du pilori, du fouet, de la roue… (⇒ Supplice). || Peine de la claie.
3 (…) la peine n'est pas toujours proportionnée au délit (…)
P.-L. Courier, Pamphlets littéraires, Lettre à M. Renouard, 30 sept. 1807.
♦ Mander à comparoir (cit. 1) sous des peines graves, faute d'obéir. || Être obligé, sous de grandes peines… (→ Convocation, cit. 2). || Sous les peines de droit.
3 ☑ Loc. Sous peine de… : en faisant encourir telle ou telle peine. || Sous peine de punition (→ 1. Loi, cit. 13), de la contrainte par corps (→ Exploit, cit. 8). || Sous peine d'être pendu (→ Gibet, cit. 1). — Sous peine de la vie (→ Hors, cit. 23) : sous peine de mort. || Défense d'afficher sous peine d'amende. ⇒ Défense; menace. — Fig. Si l'on veut éviter tel ou tel inconvénient, tel ou tel risque. || On doit reconnaître, sous peine de l'absurde… (→ Autre, cit. 109). || Sous peine de sa haine (→ Gêne, cit. 5). Avec de et inf. || Chose à laquelle il faut se faire (cit. 238), sous peine de trouver la vie insupportable.
4 La marche devient impossible sous peine de s'égarer.
Alphonse Daudet, Tartarin sur les Alpes, XIII.
5 (…) il fallait la résoudre (cette question), sous peine d'être un indifférent, ou un hypocrite.
R. Rolland, Jean-Christophe, L'adolescent, I, p. 243.
♦ ☑ Sous peine que (et le subjonctif).
6 Le vent du changement souffle en rafales sur la France libérée. Mais la règle doit s'y imposer, sous peine que rien ne vaille rien.
Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre, t. III, p. 91.
♦ Vx ou archaïque. || À peine de… (→ 2. Efficace, cit. 4; extrait, cit. 3). Fig. Au risque de… (suivi d'un subst. ou d'un verbe à l'inf.). || À peine de désaveu (cit. 6). || À peine que (et le subj.) → Fastidieux, cit. 3.
6.1 Je l'ai (le chapitre) repris à différentes reprises, et retravaillé. Je ne peux plus y toucher, à peine de tout gâter.
J.-R. Bloch, Deux hommes se rencontrent, p. 253.
♦ Vx. || Sur peine de… || Sur peine de la vie (Molière, le Misanthrope, IV, 1), de péché mortel (Pascal).
4 (Souvent au plur.). Souffrance infligée par Dieu pour punir les fautes des hommes (→ Garder, cit. 89). || Peines éternelles, peines de l'enfer. ⇒ Dam, damnation, sens (peine du sens); enfer (→ Gouffre, cit. 1; immortalité, cit. 1; malédiction, cit. 12; paix, cit. 31). || Condamner aux peines éternelles. ⇒ Damner, réprouver. || Peines du purgatoire. || Relâchement de la peine au moyen des indulgences (cit. 13 et 14).
♦ Relig. || Peines canoniques. || Peines disciplinaires infligées par la censure ecclésiastique. — Peine imposée par le confesseur. ⇒ Pénitence.
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II (XIIe). Douleur, souffrance.
1 (Au sing. ou au plur.). Souffrance morale. ⇒ 2. Chagrin, crève-cœur, déplaisir, douleur, épreuve, mal, malheur, souci, souffrance, tourment, tracas. || La cause (cit. 12 et 17) d'une peine. || L'homme est lui (cit. 50) -même la source de ses peines. || Endurer, éprouver (cit. 20) des peines. || Peines et plaisirs (→ Ajouter, cit. 9; auberge, cit. 2; balcon, cit. 2), et joies (→ Édifier, cit. 4), et bonheurs (→ Fois, cit. 11). || Les peines de la vie. ⇒ Épine, ronce (fig.). || Peines légères et grands chagrins (→ Glisser, cit. 33). || Peine vive, cruelle. ⇒ fig. Meurtrissure, plaie. || Peine extrême, indicible (cit. 2). || Délivrer le cœur et l'esprit d'une terrible peine (→ Inconcevable, cit. 4). || Peines trop vives (→ Jeu, cit. 81). || L'habitude émousse (cit. 4) les peines. || Se consoler de ses peines (→ Dispenser, cit. 10). || « Invoquez dans vos peines Le grand consolateur » (cit. 2, Lamartine). || Confier, conter ses peines. ⇒ Plaindre (se). || Déguiser ses peines (→ Cruel, cit. 20). || Supporter ses peines avec résignation. ⇒ Collier (de misère), croix.
7 Les peines doivent produire sur l'âme de l'homme les mêmes ravages que l'extrême douleur cause dans son corps (…)
Balzac, le Médecin de campagne, Pl., t. VIII, p. 502.
♦ ☑ Loc. Peine de cœur : chagrin d'amour. || Avoir une peine de cœur.
2 La peine : état psychologique fait d'un sentiment de tristesse, d'angoisse, souvent accompagné de difficulté à agir. ⇒ Abattement, affliction, agonie (vx), amertume, angoisse, anxiété, dépression, déprime (fam.), désolation, détresse, douleur (cit. 13), ennui (vx), gêne, inquiétude, malheur, misère, tristesse (→ Forcer, cit. 14; nature, cit. 33; 1. ombre, cit. 41). || Sentiment de peine (→ Inséparable, cit. 2). || Le plaisir et la peine. || Être dans une peine affreuse. ⇒ Torture (fig.). || Noyer (1. Noyer, cit. 2) sa peine. || Avoir de la peine, beaucoup de peine. || Vie médiocre (cit. 4), sans joie, sans peine. || Délivrer qqn de la peine. ⇒ Affranchir, soulager. || Consoler un ami dans la peine. || Je partage votre peine. || « De vous dépend ma peine ou ma béatitude » (cit. 4, Molière).
8 (…) je n'ai plus que des sensations et ce n'est plus que par elles que la peine ou le plaisir peuvent m'atteindre ici-bas.
Rousseau, Rêveries…, VIIe promenade.
9 Et la peine en amour est un plaisir encor.
André Chénier, Poèmes, Art d'aimer, IV.
10 Les philosophes veulent, il est vrai, que la peine donne plus de saveur au plaisir qu'elle accompagne, mais Pippo pensait qu'une méchante sauce ne rend pas le poisson plus frais.
A. de Musset, Nouvelles, Fils du Titien, IV.
11 C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi,
Sans amour et sans haine,
Mon cœur a tant de peine.
Verlaine, Romances sans paroles, III.
12 S'arrêtant parfois à écouter couler sa peine comme on se penche pour entendre la douce plainte incessante d'une source (…)
Proust, les Plaisirs et les Jours, p. 123.
♦ Faire de la peine à qqn. ⇒ Affliger, attrister, déplaire, désobliger, peiner, rembrunir, vexer… (→ Froncer, cit. 2; impossibilité, cit. 8; 1. Mort, cit. 34). || Faire peine. || Cette idée me fait peine (→ Honorer, cit. 21). ⇒ Peser, tuer (fig.). Mod. || Ce que vous dites me fait beaucoup de peine. — Impers. (vx). || Il me fait peine de… : il m'est pénible de… ⇒ Coûter. — Spécialt. ☑ Faire peine : exciter la pitié, la compassion. || Il fait peine à voir.
13 Il y a une chose qu'il faut n'aimer ni à faire ni à donner, c'est de la peine.
Hugo, Post-Scriptum de ma vie, L'âme, VI.
14 Ses traits amaigris, sa face allongée, la pâleur de ses joues, la transparence maladive de ses mains, tout cela me faisait peine à voir (…)
Alphonse Daudet, le Petit Chose, II, XIV.
15 Certes, je ne cherchais pas à faire de la peine à mon père; pourtant, je souhaitais la chose qui pourrait lui en faire le plus.
R. Radiguet, le Diable au corps, p. 48.
3 ☑ En peine (vieilli) : dans l'inquiétude, le souci. || Être en peine de… (suivi d'un subst. ou d'un inf.). ⇒ Inquiet (→ Changer, cit. 61). || « Elle était fort en peine » (→ Oreille, cit. 2). || Se mettre en peine de…, pour… : s'inquiéter de…, pour… (→ Épurer, cit. 1). || Ne vous mettez pas en peine pour moi, je me débrouillerai. Vx. || Être en peine si…, où… (Molière, l'École des femmes, V, 3).
16 — Vivez heureux au monde, et me laissez en paix.
— Oui, je t'y vais laisser; ne t'en mets plus en peine.
Corneille, Polyeucte, IV, 3.
♦ (Du sens I, 3). ☑ Loc. Être comme une âme en peine, très triste, inconsolable (→ Brûler, cit. 26; guérir, cit. 44). Fam. || Il errait comme une âme en peine, seul et tristement.
♦ ☑ Mettre qqn hors de peine, tirer de peine, lui enlever un souci, le rassurer.
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1 (La peine, les peines de qqn). Activité qui coûte, qui fatigue; fatigue qui en résulte. ⇒ Effort, fatigue. || Charge, tâche, travail… qui cause, coûte, demande de la peine, beaucoup de peine. ⇒ Difficile, laborieux, pénible (→ Disert, cit. 3; laver, cit. 2). || La peine de qqn, sa peine, celle qu'il éprouve. || La peine de qqch., que qqch. coûte à qqn. || La peine de faire qqch. || La peine d'acquérir (cit. 8 et 9), de gagner sa vie. || La peine de la journée. ⇒ Tâche, travail. ☑ Prov. À chaque (cit. 1) jour suffit sa peine. — « Travaillez, prenez de la peine » (→ Fonds, cit. 5, La Fontaine). || La peine qu'une œuvre a coûtée (cit. 11) à son auteur. || Prendre, se donner beaucoup de peine. ⇒ Décarcasser (se), démener (se), travailler (cf. Suer sang et eau). ☑ Dès qu'on s'en donne, pour peu qu'on s'en donne la peine : pourvu qu'on le veuille bien (→ Fourbe, cit. 2). — ☑ Allus. littér. « Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus » (→ Fier, cit. 10). — (Formule de politesse). || Donnez-vous la peine d'entrer, de vous asseoir…, veuillez… (⇒ Vouloir). — Épargner (→ Aiguille, cit. 5), s'épargner (→ Mercenaire, cit. 1) de la peine. ☑ Ne pas plaindre sa peine (et ses pas) : ne pas se ménager, faire de gros efforts. ☑ Dur (cit. 5), durci, s'endurcir (cit. 11) à la peine (→ Lacédémonien, cit. 1). ☑ Se tuer à la peine. ☑ Mourir à la peine : mourir après un dur travail. — ☑ Être à l'honneur après avoir été à la peine. — ☑ Prov. Toute peine mérite (cit. 8) salaire (→ Loyer, cit. 4). — Pour prix de sa peine (→ Broche, cit. 4). || Payer qqn de ses peines (→ Besoin, cit. 73). || S'estimer payé de ses peines, de sa peine (→ Faire ses frais; → Heureux, cit. 24). ☑ Loc. N'être pas au bout de ses peines : avoir encore des difficultés à surmonter. ⇒ Tribulation (→ Grabuge, cit. 1).
17 J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.
Ça, Messieurs les chevaux, payez-moi de ma peine.
La Fontaine, Fables, VII, 9.
18 Je vous remercie, monsieur du Bousquier (…) de la peine que vous avez prise et que je vous ai donnée hier (…)
Balzac, la Vieille Fille, Pl., IV, p. 304.
19 À quoi bon, cependant ? à quoi bon tant de haine,
Et faire tant de mal, et prendre tant de peine,
Puisque la mort viendra ?
Hugo, les Voix intérieures, XXIX.
20 On peut dire que, chaque pierre de leur foyer, ils l'ont portée de leurs mains et cimentée de leurs peines.
R. Rolland, le Voyage intérieur, p. 93.
♦ Pour votre peine, se dit pour remercier (par une gratification, un pourboire…), pour payer qqn d'un service, d'un travail fourni. — Par ext. ☑ Pour votre peine, pour la peine : en compensation, en dédommagement. ⇒ Compenser. Iron. || Pour ta peine, tu seras privé de dessert (l'emploi ironique redonne à « peine » le sens de punition. → ci-dessus, I.).
♦ (1690). || Homme de peine, qui effectue des travaux de force. || Garçon de peine (→ Grenier, cit. 7).
♦ ☑ Valoir la peine. ⇒ Valoir.
♦ ☑ C'est bien, c'était bien la peine de se donner tout ce mal : le résultat (mauvais, nul) ne valait pas tout ce travail. || Ce n'est pas la peine de… : il est inutile de… (→ Flafla, cit. 1). || Est-ce, est-il la peine de… ? (→ Fois, cit. 29).
21 C' n'était pas la peine,
Non, pas la peine assurément,
De changer de gouvernement.
La Fille de Mme Angot, I, 14 (Opérette).
21.1 Eh ! bien, me dis-je alors en m'examinant, il est donc vrai qu'il y a des créatures humaines, que la Nature ravale au même sort que celui des bêtes féroces ! Cachée dans leur réduit, fuyant les hommes à leur exemple, quelle différence y a-t-il maintenant entre elles et moi ? Est-ce donc la peine de naître pour un sort aussi pitoyable ?
Sade, Justine…, t. I, p. 65.
♦ ☑ Perdre sa peine à…; y perdre sa peine : échouer en dépit de ses efforts (→ Battre, cit. 72; embêter, cit. 3). || Perdre son temps et sa peine (→ Ergoter, cit. 1). ☑ C'est peine perdue. ⇒ Inutile, vain.
22 Il en est ainsi de notre passé. C'est peine perdue que nous cherchions à l'évoquer, tous les efforts de notre intelligence sont inutiles.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. I, p. 65.
♦ ☑ En être pour sa peine : ne pas recueillir le fruit de ses efforts. ⇒ Échouer (→ En être pour ses frais).
2 Difficulté qui gêne pour faire une chose, ou qui rend cette chose pénible. ⇒ Embarras, mal.
a Au sing. ☑ De la peine. || Avoir de la peine à parler, à marcher… : parler, marcher avec difficulté. || J'ai de la peine à le croire (→ Aucun, cit. 35). — (1665). Vx. || Avoir (de) la peine de faire qqch.
23 (…) Que diable ! on a bien de la peine
À se faire écouter : je suis tout hors d'haleine.
Racine, les Plaideurs, II, 2.
24 L'on peut juger ici de la peine que nous avons à nous débarrasser d'une idée toute faite.
J. Paulhan, Entretiens sur des faits divers, p. 15.
♦ (1553). || Avoir peine à s'abstenir (cit. 1), à se retenir de faire qqch. (→ Audace, cit. 23), à remuer les coudes (→ Festin, cit. 3). || J'avais peine à le suivre (→ Accompagner, cit. 2). || Avoir peine à dire (→ Caprice, cit. 3), à croire (→ Nature, cit. 47), à comprendre, à démêler (cit. 8). || Avoir grand peine à…
25 (…) les deux plus raisonnables personnes du monde ont souvent peine à composer une union dont ils soient satisfaits.
Molière, le Bourgeois gentilhomme, III, 15.
♦ Spécialt., vieilli. ☑ Être dans la peine, dans la gêne, le besoin, la misère.
b Au plur. ☑ Avoir toutes les peines du monde à… : avoir beaucoup de difficulté à… (→ Élargir, cit. 7; graisseur, cit. 2).
26 (…) j'avais le cœur serré et toutes les peines du monde à retenir mes larmes (…)
Alphonse Daudet, le Petit Chose, I, III.
REM. Dans ce sens, peine peut aussi bien désigner une difficulté matérielle qu'un obstacle psychologique (manque de disposition, absence d'envie, répugnance).
3 ☑ Loc. (aux sens 1 et 2). Avec peine. ⇒ Difficilement (cit. 1), laborieusement (→ Gros, cit. 4). || Résister avec peine. ⇒ Faiblement.
♦ ☑ À grand-peine. ⇒ Grand; malaisément, péniblement (→ Éteindre, cit. 1). Vx. || À toute peine (→ 1. Ombre, cit. 44).
27 À grand'peine il put monter sur un âne; il s'enfuyait en se cramponnant aux poils, hurlant, pleurant, secoué, meurtri (…)
Flaubert, Salammbô, II.
28 Le fardeau que nous soulevons avec peine, en grinçant de grimaçant, l'athlète le tire à lui, comme une plume (…)
Bernanos, Sous le soleil de Satan, I, I.
♦ ☑ Sans peine. ⇒ Aisément, facilement (→ Aimer, cit. 68; avantage, cit. 2). || Je vous crois sans peine. || On n'obtient, on ne fait, on ne réussit rien sans peine, sans se donner du mal, sans rencontrer de difficultés, d'obstacles… || Il y est arrivé, non sans peine. || Ce n'est pas sans peine que…
♦ ☑ En peine : gêné, embarrassé par des difficultés, des obstacles… || Être, se trouver bien en peine de faire qqch. (→ Liberté, cit. 25). || J'étais bien en peine de lui répondre. — ☑ Il n'est pas en peine pour… : il n'est pas gêné pour, il est capable de, il peut…
♦ ☑ À peine. Loc. adv. a Vx. Avec difficulté, non sans mal (mod., avec peine ou à grand-peine). || « À peine je dérobe (cit. 5) un moment favorable… » (Racine) → Autre, cit. 14.
b Mod. Presque pas, très peu… (avec une valeur « d'adverbe négatif, ou de demi-négation », selon Le Bidois). — Avec un adj., un p. p. || Exagération à peine sensible (→ Caricature, cit. 1). || Le fond de la salle était à peine visible (→ Amortir, cit. 11). || Cigarette à peine fumée (→ Jeter, cit. 16). || Sentier à peine tracé (→ Chemin, cit. 18). || Des bergers (cit. 6), couverts à peine de lambeaux déchirés.
♦ Avec un subst. (ou un syntagme à valeur de subst.) introduit par de. || Il y avait à peine de quoi manger. || À peine de pain, à peine assez de pain : presque pas ou pas assez.
29 (…) sa langue est d'une extraordinaire simplicité (…) À peine d'images.
J. Rivière, Introd. à l'éd. américaine du « Grand Meaulnes ».
♦ (Qualifiant un verbe). || Un faible sourire relevait à peine un coin de sa bouche (cit. 5). || Des nuances d'art tellement fines que nos raffinés les aperçoivent à peine (→ Aristocrate, cit. 1). || Suffire à peine. || Pouvoir à peine marcher, se traîner (→ Altérer, cit. 12; amour-propre, cit. 4). || Il eut à peine la force de… (→ Introduction, cit. 1). || J'ironise (cit.) à peine. || Il ne parlait qu'à peine (→ Direct, cit. 1). || Ils étaient à peine des laïcs (cit. 3).
REM. Lorsque à peine est en tête de la proposition, il entraîne régulièrement l'inversion du sujet (cf. R. Le Bidois, Inversion du sujet, p. 108-110). À peine touchions-nous la terre (→ Marcher, cit. 7). Cette inversion est parfois omise (« À peine il imprimait [cit. 20] la trace de ses pas »); on peut l'éviter en employant le tour avec si (|| « À peine si les deux autres le voyaient encore… » Malraux, la Condition humaine, p. 220). On trouve aussi : C'est à peine si… (→ Mythologie, cit. 1; obstacle, cit. 4).
30 À peine ont-elles pu se résoudre à nous faire donner des sièges.
Molière, les Précieuses ridicules, 1.
31 Je les goûtais à peine; et voilà que je meurs.
André Chénier, Élégies, VII.
32 Je n'entends ni vos cris ni vos soupirs; à peine
Je sens passer sur moi la comédie humaine.
A. de Vigny, Poèmes philosophiques, Maison du berger, III.
33 L'argent nous manquait pour payer notre passage; à peine avions-nous à nous trois de quoi acheter les pioches.
Th. Gautier, Portraits contemporains, Balzac, II.
34 Quand il miaule, on l'entend à peine,
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Spleen et idéal », LI.
35 C'est à peine si un homme du monde authentique comptait auprès d'un général.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XIV, p. 124.
♦ (Avec un numéral). Tout au plus (le numéral étant donné comme un maximum). || Il y a à peine huit jours que… (→ Bourrer, cit. 5).
36 Cet homme ainsi reclus, vivait en joie. — À peine
Le spleen le prenait-il quatre fois par semaine.
A. de Musset, Premières poésies, « Mardoche ».
♦ (Sens temporel). Depuis très peu de temps, immédiatement. ⇒ Juste. || J'ai à peine commencé, je commence à peine : je viens seulement de commencer. || « L'année (cit. 1) à peine a fini sa carrière » (Lamartine).
♦ À peine, employé dans une proposition subordonnée, coordonnée ou juxtaposée à une autre. || Une mode a à peine détruit une autre mode, que… (→ Abolir, cit. 7). || « Elle était à peine remise de la frayeur que Swann lui avait causée quand un obstacle fit faire un écart au cheval » (Proust).
REM. 1. À peine, placé en tête de la phrase, entraîne régulièrement l'inversion du sujet. À peine étais-je endormi, que… (→ Aubade, cit. 1). À peine entre-t-on dans la ville, que… (→ Marteau, cit. 5.1; cesser, cit. 4; esprit, cit. 115; fils, cit. 6; fort, cit. 32; lumière, cit. 15; 2. magot, cit. 1).
2. La deuxième proposition peut n'être pas subordonnée, mais simplement juxtaposée ou coordonnée à la première (l'idée de succession immédiate est alors soulignée par le changement de temps des verbes). À peine avez-vous fait une gloire, vous la trouvez trop haute (→ Ostracisme, cit. 3). || « À peine a-t-il saisi la barre, et déjà nous sentons… » (Mauriac). « Exceptionnellement, la proposition introduite par à peine se trouve placée après l'autre » (|| « … elle s'endormit, à peine sa tête avait-elle touché l'oreiller ». E. Triolet, cité par R. Le Bidois, Inversion du sujet, p. 92-93).
37 À peine avait-il son bonheur entre les mains qu'on voulait le lui prendre.
Flaubert, l'Éducation sentimentale, I, VI.
38 À peine suis-je dans la rue, voilà un violent orage qui éclate.
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, À Milianah.
39 Un message du général Leclerc m'apprend l'entrée de ses troupes à Strasbourg à peine y ont-elles pénétré.
Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre, t. III, p. 137.
♦ (Sans inversion). || À peine je suis libre (cit. 12)… qu'il faut que… (→ 1. Limon, cit. 4). || À peine je sors de mon lit…, j'ai coutume de… (→ Jour, cit. 8). || À peine il achevait (cit. 3) ces mots…
40 À peine son sang coule et fait rougir la terre,
Les Dieux font sur l'autel entendre le tonnerre;
Racine, Iphigénie, V, 6.
♦ Dans une participiale : 1 (ayant même sujet que la principale). || « À peine ouverte au jour, ma rose s'est fanée » (cit. 9). || À peine arrivée, elle découvrit… (→ Jeu, cit. 22). || Soldats qui, à peine enrôlés, désertent (cit. 7). — (Avec ellipse du verbe). || À peine dans la voiture, notre héros… s'endormit profondément (Stendhal, la Chartreuse de Parme, III). — 2 (Avec un autre sujet que la principale). || « À peine la marquise sortie, Clélia appela… » (Stendhal, la Chartreuse de Parme, XXVIII). || « Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermèrent !… » (Proust, Du côté de chez Swann, I). || « À peine sorti, deux éclatements le courbèrent » (Dorgelès, les Croix de bois, XV).
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CONTR. Compensation, consolation, récompense. — Amusement, béatitude, bonheur, calme, félicité, joie, plaisir. — Grandement (à peine).
DÉR. Peiner, peineux.
HOM. Pêne, penne.
Encyclopédie Universelle. 2012.