ÉTYMOLOGIE
Enfants, adultes, l’étymologie nous passionne; Proust raille pertinemment les maniaques de cette science ou de ce jeu. Alain en célèbre les vertus littéraires, que nie Paulhan. Pour des raisons faciles à comprendre, les gens qui ne pratiquent ou ne connaissent que les langues alphabétiques, indo-européennes ou sémitiques ont tendance à ne considérer l’histoire et la nature même de l’étymologie que du point de vue phonétique: en va-t-il de même dans les langues idéogrammatiques? Première difficulté. En voici une autre: la réflexion sur l’étymologie nous guide infailliblement, ou du moins irrésistiblement, vers l’origine du langage. Que furent les «mots premiers»? qu’en pense-t-on? qu’en devrait-on penser? Ce n’est pas tout: on tient généralement que c’est preuve de culture, voire d’élégance, que d’employer les mots, soit en poésie, soit en prose, avec leur « sens étymologique». Au point qu’une bonne part – la moins bonne – de la pensée contemporaine se borne à ratiociner irrationnellement sur les «preuves par l’étymologie». Est-ce là penser ?
Comme quoi l’étymologie n’est pas seulement un art qui se voudrait scientifique, mais l’occasion de répondre aux questions les plus graves que pose à l’homme le bon usage de ses langues.
1. L’étymologie des langues romanes
Dans l’usage commun, étymologie désigne soit en général la science de la filiation des mots, soit en particulier l’origine de tel ou tel mot. Il est donc difficile d’en donner une définition scientifiquement rigoureuse. En effet, l’étymologie possède une très longue histoire qui, durant des siècles, l’attacha à la philosophie autant qu’à la linguistique; son objet même est équivoque, car elle s’occupe tour à tour ou à la fois des formes du langage et de leur contenu; son champ d’application, enfin, est celui du conjectural plutôt que de l’évidence. D’où l’ambiguïté foncière de cette discipline.
Un art ou une science?
D’origine probablement stoïcienne, le grec 﨎精羽猪礼凞礼塚晴見 fut formé, à partir de l’adjectif 﨎精羽猪礼﨟 (vrai), pour désigner un genre de spéculations déjà traditionnel au IIe siècle avant notre ère. Le sens propre du mot est «recherche du vrai», ajoutons dans et par les mots: cette précision indique le but et le moyen de ce qui est moins alors une discipline qu’un mode de pensée, aux applications aussi bien philosophiques que poétiques. L’«étymologie» antique établit, entre deux mots, un rapport pensé comme idéal plutôt que réel, et cela en dehors de toute perspective historique: expliquer homo par humus revient à établir, entre les contenus de ces formes plus ou moins semblables, une relation d’analogie. C’est ce qu’exprime le mot origo (en français: origine ), souvent employé comme synonyme d’étymologie . Quelque chose de cette conception survécut jusqu’au début du XIXe siècle.
L’«étymologie» ainsi comprise fournit des éléments d’argumentation applicables à presque toutes les activités de l’esprit, de la recherche exégétique jusqu’à l’ornementation rhétorique (calembours). Les Pères de l’Église l’utilisèrent comme un moyen auxiliaire en vue de l’interprétation du texte sacré. Isidore de Séville, au début du VIIe siècle, constitua une somme des spéculations de ce genre: ses Etymologiae (ou Origines : les deux titres sont également attestés dans la tradition manuscrite) devinrent pour plusieurs siècles un classique. Elles reposent sur l’idée d’un dynamisme propre aux mots, dynamisme que l’on perçoit (et qu’on peut faire servir) en dégageant, de la complexité chaotique du langage, les relations «étymologiques» entretenues par les mots: ex causa (rex-regere ), ex origine (homo-humus ), ex contrariis (lucus-non lucendo ). Cependant, dès la «Renaissance du XIIe siècle», les connotations philosophiques du mot reculent devant ses nuances rhétoriques: l’étymologie se rapporte au langage plus qu’à la pensée. À la fin du Moyen Âge, le mot éclate sémantiquement: il ne désigne plus seulement une pratique comme telle, mais on parle aussi de «l’étymologie d’un mot» pour qualifier l’ensemble des relations idéelles ou réelles qu’il a avec d’autres éléments du lexique (regere est l’«étymologie» de rex ). Mais une certaine pensée historique se fait jour: on perçoit obscurément un rapport de succession, voire de filiation, entre langues anciennes et modernes. On commence à utiliser dans cette perspective (qui mettra, du reste, longtemps à se dégager) la notion d’étymologie. Au XVIIe siècle, la mutation est opérée: étymologie possède dès lors une dénotation chronologique. Néanmoins l’œuvre des premiers grands étymologistes, comme Ménage en France, témoigne de points de vue plus logiques que linguistiques: le sens du mot est pris comme une constante, la forme comme une variable; les altérations de celle-ci sont expliquées par quatre opérations simples, dont on ne considère aucunement la causalité: changement ou transposition, retranchement ou addition de «lettres». Ces principes permettent de rattacher diachroniquement haricot à faba , ou laquai à verna . Au reste, la connaissance que Ménage possédait de l’ancien français et des autres langues romanes lui permit de contrôler en fait ses principes, à nos yeux arbitraires: les trois quarts des étymologies qu’il proposa sont considérées encore aujourd’hui comme valables.
Durant cette longue période pré-scientifique, l’étymologie représente une réflexion, imparfaite mais continue, de l’homme sur son langage. Parmi de nombreuses spéculations sans signification valable, elle comporta l’observation (souvent maladroite, sinon contradictoire) d’un fait capital, dont l’interprétation constitue, après 1750, le fondement de la lexicologie moderne: la valeur des mots provient d’une tradition plutôt que d’une nature, et cette tradition doit être déterminée dans chaque cas particulier. Restait à savoir quel en est l’objet. Jusqu’au XVIIIe siècle, cette dernière question ne se posa pas. Un mot comporte une forme , et un sens qui se réfère à un objet ou à une idée . Partant d’un terme donné, l’étymologie doit donc considérer, pour en trouver la souche, ces trois inconnues. Telle est, résumée en quelques mots, la thèse brillamment soutenue par Turgot, dans l’article «Étymologie» de la grande Encyclopédie . Cet article, paru en 1756, a une valeur révolutionnaire. Insistant sur les caractères propres, exclusifs de toute logique, de la tradition formelle, Turgot propose trente critères de vraisemblance où l’on discerne le germe de disciplines qui devaient prendre forme au cours du XIXe siècle, en particulier la dialectologie et la phonétique historique.
Turgot posait la question: L’étymologie est-elle une science ou un art? Jusqu’alors elle avait été manifestement considérée comme un art. Désormais, elle aspire au statut de science. Il faut toutefois remarquer que, jusqu’à nos jours, et malgré le renouvellement complet des méthodes, l’étymologie conservera plusieurs traits que l’on peut qualifier d’«artistiques»: le caractère presque toujours fragmentaire des informations accroît, parfois hors de toute mesure, dans la recherche, la part de l’inventivité du chercheur et celle du hasard. Un contrôle rationnel des sources, puis des résultats obtenus peut limiter étroitement le jeu de ces facteurs; entre ces deux «moments» de la recherche, la part de l’intuition, du «flair», reste considérable.
La phonétique historique (issue de la grammaire comparée des langues classiques, dans la perspective mentale d’un romantisme qui concevait l’homme et la nature comme fondamentalement historiques) consiste en une systématisation évolutionniste des changements de sons dans la langue. Elle aboutit à l’établissement de «lois» définissant dans quelles conditions, par exemple, un e latin donne oi en français moderne, etc. L’étymologie, d’ores et déjà orientée vers la recherche historique, fut la première bénéficiaire de cette technique. Dès 1833, A. F. Pott commençait la publication de ses Etymologische Forschungen . En 1843, F. Diez publiait son Etymologisches Wörterbuch der romanischen Sprachen , premier d’une longue série de travaux semblables. La méthode comporte, schématiquement, l’établissement de plusieurs séries d’observations. Soit le mot français jeu : on le décompose en ses phonèmes (j- , -eu ), puis on relève le plus grand nombre possible d’autres mots présentant séparément les mêmes phonèmes (par exemple joug , etc.; feu , etc.), ce qui renvoie respectivement à un i latin initial et à un groupe bisyllabique: ocu ; on aboutit donc au latin iocus ; une comparaison avec les mots italien, espagnol, etc. (le cas échéant, les mots dialectaux), de même sens, compte tenu des séries correspondantes dans ces langues, confirme la conclusion, dès lors réputée prouvée.
Les langues romanes, du fait que la souche commune (le latin) en est bien connue, constituèrent, dès le début de ces études, un domaine d’application privilégié. Des progrès méthodologiques continus s’y marquèrent jusque vers 1920. Considérant d’abord presque exclusivement la souche latine, les étymologistes étendirent leurs investigations aux types de mots dits onomatopéiques (craquer , etc.); ils recoururent à la notion (empruntée aux dialectologues) de «contamination» (refuser , expliqué par refutare + recusare ); ils commencèrent à dresser un inventaire des souches germaniques; certains tentèrent, dans les cas insolubles, de remonter à un vocabulaire pré-latin. Ils empruntaient, sur ce dernier terrain, des méthodes habituelles, aujourd’hui encore, à d’autres étymologistes, pour qui la langue mère reste comme telle inconnue (ainsi les chercheurs travaillant, à partir du latin ou du sanscrit, sur l’«indo-européen»): les lois phonétiques permettent d’induire un certain nombre de traits originaux que l’on rassemble pour en former un mot supposé, dont le caractère hypothétique est signalé dans l’écriture par un astérisque (par exemple cala , souche de mots comme chalet ; barra , de barre, baraque, embarras , etc.). On ne peut nier que cette pratique ne se soit pas exagérément répandue et que, jusqu’à nos jours, les formes «à astérisque» n’aient représenté une trop fréquente solution de facilité. Elles ont permis en particulier aux romanistes, à mesure que les recherches s’approfondissaient, de suppléer à tout un vocabulaire latin populaire ou tardif non enregistré par les textes: l’existence d’un tel vocabulaire ne fait pas de doute, mais l’image que l’on en reconstitue ainsi est des plus sujettes à caution.
L’importance même des découvertes dues à la phonétique historique n’était pas sans nuire à leurs effets. La recherche étymologique se concentrait sur la forme, négligeait le sens et laissait hors de considération la chose désignée. Meyer-Lübke, dont le Romanisches etymologisches Wörterbuch , paru en 1911 (et déjà un peu vieilli à cette date), clôt cette période, se contente de signaler les mutations sémantiques les plus considérables, mais ne les intègre pas à sa recherche; il enseigne que cuisse vient de coxa , ce qui est une certitude formelle; mais il ne s’attache pas au fait que ces mots n’ont pas le même sens et se réfèrent à des parties différentes du corps.
Situation actuelle
Deux innovations ont, dans la première moitié du XXe siècle, marqué profondément, et de façon contradictoire, la recherche étymologique. La création puis la rapide extension, à partir de 1918, de la «géographie linguistique» (étude des faits de langue dans leur dimension spatiale et non plus exclusivement temporelle) fit faire à l’étymologie un progrès considérable. Toutefois, Gilliéron, initiateur de cette méthode, réagissait avec tant de vigueur contre le schématisme des phonéticiens (La Faillite de l’étymologie phonétique , 1919) que, par une sorte de malentendu, les étymologistes à sa suite négligèrent de tirer profit du structuralisme naissant. Inversement, par réaction contre l’historicisme, l’école structuraliste s’intéressa peu à l’étymologie. Il reste que la géographie linguistique (et les recherches dialectologiques auxquelles elle est liée) révéla ou mit en évidence l’interdépendance des unités lexicales: le mot n’est pas isolé, le vocabulaire est comme un vaste champ traversé (dans le temps et dans l’espace) par des forces attractives diversement agissantes selon le niveau de culture des sujets parlants. Dans cette perspective, étymologie désigne concurremment deux processus: diachroniquement, une transmission à partir d’une origine; synchroniquement, un dynamisme qui traduit un besoin de motivation inhérent au langage (d’où l’appellation, lancée par Gilliéron, d’«étymologie populaire», pour signifier les faits d’attraction observés, dans certains cas, entre des mots présentant une ressemblance formelle fortuite). Simultanément se dégage, dans les études dialectologiques, la méthode dite Wörter und Sachen (les mots et les choses) due pour l’essentiel à H. Schuchardt, et qui englobait dans l’examen du mot l’objet désigné lui-même.
L’impact de la linguistique structurale sur les travaux étymologiques fut plus tardif et moins direct. Vers 1930 fut mise en valeur la notion saussurienne d’association, en vertu de laquelle chacune des deux faces du mot (sémantique et formelle) est engagée dans un ensemble plus ou moins étendu et complexe de relations de similitude. J. Trier, dans une étude parue en 1931, nomma champ linguistique (Sprachfeld) la zone des associations de sens. La notion de «champ», depuis lors d’usage général chez les sémanticiens (on parle de champs sémantiques , de champs formels ou morphologiques , de champs morphosémantiques ), a été définie de diverses manières, tantôt comme un complexe de relations rigoureusement structuré, tantôt comme un ensemble variable et inégalement stable. Du moins le mot apparaît-il ainsi, aux yeux de l’étymologiste, comme le point de convergence (et le lien) de séries significatives, d’analogies formelles et d’expériences réelles, individuelles ou collectives, impliquant toutes espèces de pratiques ou de structures mentales. Chacun de ces nombreux éléments importe à la recherche et doit trouver sa justification dans la détermination de l’origine du mot. L’image traditionnelle d’unité d’origine, d’étymologie ponctuelle, se dilue. L’«origine» apparaît simplement comme un segment chronologique au début d’une histoire: c’est à celle-ci et à elle seule que peut être appliquée une recherche causale.
Ce point de vue est éminemment représenté par une œuvre qui, dans le domaine des études romanes, marque une étape capitale: le vaste répertoire étymologique du français et des parlers gallo-romans de W. von Wartburg, Französisches etymologisches Wörterbuch , écrit entre 1918 et 1967. La préface du premier volume, en 1922, substituait à la notion d’«étymologie-origine» celle d’«étymologie-histoire du mot». L’étymologiste devient le biographe d’un mot et, par là même, de sa famille et de ses relations. Le rayonnement de l’œuvre de von Wartburg (en dépit d’imperfections inévitables) s’est fait sentir sur toute la lexicologie européenne. Ce n’est que depuis 1950-1960 que se dessinent des tendances à en dépasser les méthodes.
Au reste, la conception wartburgienne d’«histoire du mot» (Wortgeschichte ) n’a jamais cessé de se heurter à certaines résistances. De façon plus générale, on peut dire que l’évolution de l’étymologie n’a pas été homogène: certains secteurs de recherche, concernant des langues ou groupes de langues plus anciens, moins connus ou culturellement excentriques, en sont demeurés, en fait, à des stades méthodologiques ailleurs dépassés. Cependant, depuis 1945-1950, la diffusion d’une pensée mathématique en linguistique a contribué à déprécier, auprès de bien des linguistes, la recherche étymologique, inapte à se plier à des formules logiques. Malgré la curiosité que manifestaient pour elle des savants comme E. Benveniste ou R. Jakobson, il ne s’est pas produit de rencontre entre l’étymologie et les méthodes modernes de la linguistique. La difficulté essentielle sur ce point est l’impossibilité où l’on est de répondre à la question suivante: Y a-t-il en étymologie des «universaux», c’est-à-dire des schèmes universellement valables de transformation formelle et sémantique des unités lexicales selon l’axe du temps? C’est, de façon plus ou moins claire, vers un examen de ce problème que s’oriente la réflexion étymologique (à signaler, en particulier, les travaux d’Y. Malkiel); mais aucun critère opératoire ne semble être encore dégagé.
Problèmes et directions de recherche
Étant donné un mot d’une certaine langue, l’étymologiste, pour remonter à son étymon (mot souche, attesté ou reconstitué), doit tenir compte de plusieurs ordres de faits, constituant autant de plans de recherche applicables, selon les cas, à ce mot pris isolément ou (plus souvent) à l’ensemble lexical («champ») auquel il appartient. Ces plans concernent, d’une part, les conditions historiques de la transmission; d’autre part, le maintien, au cours du temps, d’une identité formelle; enfin, la détermination d’une identité sémantique.
La transmission d’un mot (ou d’un ensemble de mots), c’est-à-dire sa continuité au cours du temps, est l’objet d’une critique fondamentale qui, lorsqu’il s’agit (comme c’est le cas le plus général) d’examiner des témoignages écrits, relève de la philologie. On établit, sur la base de documents les plus nombreux possible, les diverses formes revêtues par le mot en question, en déterminant leur chronologie, au moins relative (antériorité de telle forme par rapport à telle autre). Il n’y a jamais, sur ce point, d’évidence: le français rêver est attesté dès le début du XIIe siècle, alors que rêve apparaît à la fin du XVIIe siècle; le second est donc, selon toute apparence, dérivé du premier. Au reste, l’interprétation des documents, surtout s’ils sont anciens, pose parfois de graves problèmes de lecture: ainsi, deux variantes manuscrites d’un même texte antique, médiéval ou dialectal peuvent fournir deux formes divergentes dont l’une provient peut-être d’une faute de copiste; en revanche, une forme à première vue aberrante peut être assurée par une rime, etc. De plus, au niveau de la première apparition du mot, l’étymologiste est placé en face de trois alternatives différentes et parfois cumulées.
1. Le mot est-il héréditaire ou non? S’il ne l’est pas, il aura été produit par dérivation, composition, abréviation, voire par création arbitraire, au moyen de moules formels qu’il convient de définir comme tels. Le critère chronologique est ici le plus employé (exemple de rêver-rêve ), mais il peut être malaisé à manier; l’application de certains moules formels, comme la désignation d’un objet par le nom de son inventeur (nicotine, poubelle ) ou de son lieu d’origine (popeline ), n’apparaît que lorsqu’on a fait l’histoire, non linguistique, de l’objet lui-même. Le mot gaz , lancé par Van Helmont, représente la prononciation, par ce Hollandais du XVIIe siècle, du mot grec chaos . Dans les situations culturelles de bilinguisme, il peut se produire des échanges spontanés entre les registres linguistiques en présence, qui rendent ambiguë la notion même d’origine: sévérité fut-il un dérivé de sévère (ces deux mots apparaissent à la même époque, XVIe siècle) ou emprunté de severitas ? Sans doute l’un et l’autre simultanément.
2. Le mot est-il autochtone ou fut-il importé? C’est la question des «emprunts», entre lesquels il faut distinguer les emprunts étrangers (ainsi, bien des mots anglais dans le français des sports) et les emprunts faits par la langue commune ou littéraire aux dialectes, patois ou argots (ainsi luge ou chalet , venus de patois alpestres). Ces deux espèces de faits se relèvent à toutes époques: tapis (XIIe siècle) est du grec byzantin importé par les croisés; roturier , un mot dialectal employé dès le XIe siècle dans le droit coutumier du Poitou, et qui pénétra, de proche en proche, dans l’usage des provinces de l’Ouest, du Bassin parisien, puis de l’Est, pour triompher, au XVIIIe siècle, dans le français commun d’où il chassa ses synonymes. L’histoire de la chose désignée par le mot est le plus souvent, ici encore, indispensable, non moins que la détermination des cheminements suivis (contacts, géographiques ou culturels). On a pu ainsi observer des séries en spirale: le français budget fut emprunté à l’anglais au XVIIIe siècle, mais l’anglais le tenait de l’ancien français (bougette , disparu depuis lors, dérivé de bouge : sac); abricot emprunté vers 1550 à l’espagnol, l’avait été par celui-ci à l’arabe (al-barqoûq ), qui l’avait reçu du grec syrien, qui le tenait du latin (praecoquum ).
3. Le mot, au début de son histoire, appartint-il à la langue commune ou à une langue spéciale (technique, professionnelle, etc.)? C’est la question capitale du «milieu créateur»: voler (dérober), d’emploi commun depuis le XVIe siècle, s’explique par le fait que ce mot fut au Moyen Âge un terme de chasse (d’un rapace qui «vole» sur sa proie et la saisit); vol (action de dérober), tiré du verbe au XVIIe siècle, est donc un autre mot que vol (action de se déplacer en l’air), attesté dès le XIIe siècle. Le mouvement inverse ne se produit pas moins souvent (par exemple traire , mot d’usage jadis général, qui recula au XVIe siècle devant tirer , dérivé de tire , mot du langage des tisserands picards, et d’origine flamande); épave fut un terme juridique désignant les bestiaux égarés (beste espave , du latin expavida ). Un brassage constant se dessine ainsi dans la masse du vocabulaire, amenant au centre des mots de la périphérie et vice versa: l’étude de ces phénomènes a, depuis 1950, pris une importance grandissante dans les recherches lexicologiques. La notion de milieu créateur doit du reste être étendue de façon à embrasser le registre stylistique: mots savants et mots populaires; mots à contenu plutôt intellectuel et mots à charge affective; mots stables et mots «à la mode», etc. La liste de ces catégories reste ouverte; elle se ramène à une opposition entre des éléments davantage arbitraires et des éléments davantage motivés du vocabulaire. Or il est assuré que chacun de ces groupements est, synchroniquement non moins que diachroniquement, régi par certaines tendances générales propres. Celles-ci ont été mises particulièrement en relief par les recherches opérées sur le langage populaire, les argots et les patois: registre d’expression où le calembour, l’attraction paronymique, la métaphore, la création expressive (à partir de radicaux onomatopéiques) jouent un rôle considérable dans la formation des mots.
L’identité formelle du mot étudié résulte principalement, au cours de son histoire, des «lois phonétiques ». Celles-ci permettent de contrôler la continuité existant entre les formes différentes observées à divers niveaux chronologiques: ainsi lutte , ancien français luite , latin lucta ; ou peau , anciennement pel , latin pellis , etc.; ainsi, encore, le français échine : le mot existe en italien (chiena ), en espagnol et en provençal (esquina ), ce qui suppose un étymon en ski -; or, le latin sci - donne en français soit eis -, soit est -; le ch - doit donc provenir de la palatisation d’un son non latin: on est amené à supposer un étymon francique skina , ce qui est confirmé par diverses formes de même origine observées en anglo-saxon, en ancien haut-allemand et en néerlandais.
C’est à une telle méthode d’explication que l’étymologie moderne doit ses plus valables découvertes d’ordre général, ainsi tout ce qui concerne la filiation des langues... encore que bien des certitudes, dans ce domaine, soient aujourd’hui remises en question. Elle reste l’instrument principal de la recherche étymologique. Son champ d’application est néanmoins aujourd’hui limité (spécialement dans un secteur aussi bien inventorié que celui des langues romanes): en effet, un nombre toujours plus grand de mots et d’ensembles lexicaux sont placés à nos yeux dans une meilleure lumière et plus rationnellement expliqués par des interprétations non phonétiques: le mot français patois d’erbsinte représente herbasancta par attraction paronymique, mais prolonge absinthium ; le mot méridional de joc (coq) n’est éclairé que par la géographie, son aire confinant à la fois à celle de coq (latin coccus ) et à celle de jal (latin gallus ): l’origine en est donc une contamination; l’expression aimer mieux (préférer), prononcée – et parfois écrite – en ancien français esmer mieux , provient donc d’aestimare et non d’amare . De Gilliéron à J. Orr, de nombreux romanistes se sont voués au dépistage d’étymologies de ce genre, mais beaucoup reste à faire dans ce domaine. Du moins personne ne doute-t-il que l’application pure et simple des lois phonétiques a induit en erreur plus d’un étymologiste.
L’identité sémantique du mot au cours de son histoire est parfois malaisée à contrôler. Il arrive qu’il faille recourir à l’histoire de la chose, celle-ci constituant le seul facteur stable de l’évolution quand les motivations primitives du mot se sont effacées: ainsi fusil , ancien français fuisil , désigna une pièce de métal servant à frapper la pierre à feu, ce qui nous renvoie à un dérivé latin de focus . D’une manière générale, le mot doit être observé dans son «contexte», soit syntaxique (locutions, etc.), soit sémantique («champ»). Ainsi, fleur , dans à fleur de , signifiant apparemment «surface», n’a aucun lien sémantique avec fleur , fleuriste ; or, la locution, attestée depuis le XIVe siècle, appartint au langage de la chasse; le sens primitif se rapporte à la piste du gibier (ce qui renvoie au latin flator ). Souvent la délimitation du champ sémantique, l’examen de ses divers éléments et de leur répartition au cours du temps permettent de percevoir le sens primitif d’un mot et de retrouver par là son étymon: ainsi des relations de rime avec des mots comme vers , prose , nombre , etc., aux XIIe et XIIIe siècles, assurent que le sens en était identique à celui du latin de basse époque rythmus , lequel doit être considéré (en dépit de quelque difficulté phonétique) comme son étymon. Le fait fondamental sur lequel reposent de telles analyses est la non-homogénéité du «sens». Ce dernier constitue un nœud complexe de représentations, de volitions ou de sentiments, grossièrement et de façon souvent instable organisé en zones: un noyau sémantique central (parfois double ou triple) est entouré de couches plus ou moins denses de «valeurs» qui se réalisent différemment selon les circonstances, les contextes, etc. Entre ces deux facteurs du sens (généralement appelés, respectivement, dénotation et connotation), l’équilibre peut à tout instant être remis en question, telle connotation devenant dénotation ou l’inverse: ainsi, travail dénote aujourd’hui une idée proche d’«ouvrage», de «labeur» et peut, dans certains cas, comporter une connotation de peine, de douleur; au XIIe siècle, la situation était inverse, le noyau sémantique du mot se référant à quelque grande souffrance physique: l’étymon est le bas latin tripalium , désignant un instrument de torture.
L’examen des identités formelles et sémantiques dans la recherche étymologique opère, aujourd’hui, sur des ensembles plutôt que sur les éléments isolés. Par-delà même la notion imprécise de champ, commence à se dessiner depuis quelques décennies une image du lexique (et des relations étymologiques) un peu plus systématique. Le vocabulaire est constitué par un nombre indéterminé de séries lexicales soit ouvertes (ce sont les plus nombreuses), soit fermées (constituées, par exemple, par une certaine marque grammaticale). Tout mot, à tout moment de son histoire (donc, en particulier, à sa naissance), est situé au croisement de plusieurs de ces séries. Certaines de celles-ci ont été repérées, il y a des siècles déjà, par les grammairiens – ainsi celles que rassemble tel suffixe, tel élément de composition: mots français en -eur , en -logie , en par (a )-; d’autres ont été révélées par la géographie linguistique ou par la sémantique. Mais l’inventaire est loin d’être clos; P. Guiraud s’est attaché, depuis 1955, à en déceler et à en décrire, de façon plus ou moins exhaustive, un certain nombre qu’il désigne du nom, du reste contestable, de «structures»: celles-ci apparaissent comme de grands moules, de nature purement linguistique, existant au sein du système d’expression comme tel et déterminant, dans une large mesure, la genèse et les arrangements des formes individuelles. Séries de «composés tautologiques» formés par agglutination de deux synonymes (virevolter , de virer et de volter ); de «compositions advocatives» formées par un verbe et un sujet au vocatif (saute-mouton ); séries de dénominations d’animaux par les taches du plumage ou de la fourrure (blaireau , du gaulois blaros : blanc); de dénominations zoomorphiques des qualités humaines (âne , aigle ), certaines d’entre elles engendrant des séries synonymiques (toute désignation du chat tend à dénommer métaphoriquement l’homme grossier ou le souteneur, etc.); séries de désignations de plantes par un nom d’animal ou de partie d’animal (pied-d’alouette ), séries dites communément «expressives» et comportant de multiples effets d’alternances vocaliques ou consonantiques (tiquer , taquet , toc , troquer , trique , etc.); séries résultant de la dérivation «pseudo-suffixale» (verbes formés à partir de noms dont la syllabe finale est telle qu’elle semble constituer, avec er , un suffixe caractéristique: moutonner , de mouton , etc.); métonymies onomastiques expliquant, par des tendances sémantiques ou formelles assez nettes, la création de noms communs à partir des noms propres; séries morphosémantiques embrassant des termes liés alternativement ou simultanément par le sens et la forme – ainsi maroufle (colle) est en relation avec le latin capsus , de même sens, par les intermédiaires marouf[le] (matou, chat) et chas (colle) provenant de capsus .
Chacune de ces séries groupe, dans la langue actuelle, un nombre assez élevé de termes (parfois plusieurs centaines) et correspond à une situation sémantique précise. Reste à savoir si elles sont ouvertes en permanence ou si, comme il le semble, leur créativité est limitée dans le temps et selon les milieux humains. Quoique la démonstration n’ait porté jusqu’ici que sur le français, il semble que toute langue possède un certain nombre de «matrices étymologiques», plus ou moins analogues aux «formes du contenu» des glossématiciens. Compte tenu de l’ensemble des données externes (historiques, phonétiques, etc.), l’existence de ces matrices pourrait constituer une sorte d’évidence linguistique interne. C’est sans doute l’investigation de ce genre de faits qui permettra à la recherche étymologique de répondre, au moins partiellement, aux innombrables questions encore ouvertes: le répertoire du Französisches etymologisches Wörterbuch comporte, pour la seule langue française et ses dialectes (cas privilégié), quarante mille mots d’origine inconnue, soit de 10 à 20 p. 100 du vocabulaire inventorié par ce dictionnaire.
2. Problématique
Étymologie : recherche de l’origine ou de l’histoire des mots. Art ingénieux qui permet de découvrir les pères de certains bâtards; science conjecturale qui contraint à nier telle parenté que la science d’avant-hier tenait pour assurée: sçavoir et scire . Le sarde iskire , le roumain ルti témoignent seuls pour scire . Nous savons (tardivement) que savoir sort de sapere ; le savoir nous renvoie donc à la saveur beaucoup plus qu’à la science . L’étymologie n’est pas seulement distraction de maniaques ou la discipline érudite qui produisit le Französisches etymologisches Wörterbuch de von Wartburg. Ne serait-ce pas aussi, et peut-être surtout, matière à méditer?
Il y a étymologie et étymologie
Dans nos langues alphabétiques, l’étymologie s’efforce de suivre la piste des évolutions phonétiques: sous le berger , elle identifie le vervicarius ; sous l’évêque , à travers l’evesqueve , l’episkopos ; sous le foie , la farce (aux deux sens du mot) de (jecur ) ficatum ; sous l’arabe falsafa , l’influence, et non pas seulement langagière, du grec philosophia ; sous le polonais abentajer , à travers l’allemand Abenteuer , le latin aventura .
Recherches utiles, ou du moins amusantes; intuitions parfois géniales, comme celle du P. Kircher, S.J. (XVIIe siècle), qui, sous des mots coptes subodora l’égyptien classique. Lors même qu’elles se font aventureuses, ces hypothèses ont du prix: parlent-ils de maréchal , Bloch et von Wartburg se réfèrent au francique «domestique (skalk ) chargé de soigner les chevaux (marah )»; mais que faire de ce marah ? Est-il absolument ridicule, celui le premier qui se rappela qu’en sinotibétain il existe un mar , encore attesté en coréen, devenu en chinois ma ? et qu’avec leurs petits chevaux, les Chinois pénétrèrent fort avant en Asie centrale? N’auraient-ils pas donné l’animal et le mot à des Indo-Européens qui migrèrent ensuite, tant et si bien que nous avons des maréchaux -ferrants , des Field-marshals , des marescialli et des mariscales ? L’idée séduit, en tout cas; et, du coup, embarrasse. Qui rêve à la filiation phonétique du chinois mar au francique marah , comment ne penserait-il pas aussitôt que, pour un Chinois, l’étymologie de cheval ne consiste guère à remonter de ma à mar , mais à retrouver sous l’idéogramme élaboré (et plus difficilement encore sous sa forme cursive ) les quatre pattes, le corps et la crinière de l’animal, bien dessinés dans la graphie archaïque .
Les cent soixante-dix-sept Leçons étymologiques du P. Wieger, S.J., ne portent, et à bon droit, que sur le tracé des caractères; pour les images simples, comme celle du cheval, point de difficulté. Quand il s’agit d’un agrégat logique, en revanche, comme le mot hao (aimer, ou bon, selon le ton: ), l’étymologie devient aléatoire: la femme à gauche, l’enfant dans ses langes, à droite, on les reconnaît sans trop de peine; mais de ces deux images juxtaposées, comment faire jaillir l’amour ? Évoquent-elles le sentiment d’une mère pour son enfant? Celui d’un homme pour sa femme, ses gosses? À la limite, l’étymologie se confondrait ici avec l’explication de tableaux telle que Panovsky la pratique dans son Iconologie .
De l’étymologie aux mots originels
Ceci encore: d’étymons en étymons, de nos langues romanes à l’indo-européen commun, du copte à l’égyptien (ou encore: du caucasien et du basque, du quetchua et du turc), comment ne pas remonter en pensée à ces Urworte chers aux Allemands, à ces prôta onomata dont Platon discute par le truchement de Socrate? Avaient-ils perdu la tête, ceux qui faisaient converger vers une langue grand-mère les étymons indo-européens et les étymons sémitiques? Sont-ils à mettre dans le même sac que les fameux jésuites «figuristes» qui, au XVIIIe siècle, découvrirent sous les tracés chinois du mot bateau (barque + huit + bouche ) une étymologie biblique? Sinon l’arche de Noé, quel bateau transportait huit bouches humaines? L’étymologie démontrait ainsi, et de proche en proche, que la langue chinoise avait été révélée à l’Asie par Noé au cours d’une escale buissonnière, en route vers le mont Ararat.
Dans l’hypothèse créationniste, et celle d’un premier homme, l’étymologie se doit, nous doit, de retrouver les formes (phonèmes et morphologie) de la langue originelle. Au temps de leur suprématie marchande, les Hollandais inclinaient à penser qu’Adam parlait néerlandais. On enseignait naguère encore qu’Adam s’exprimait sans doute en hébreu. Les musulmans auraient plutôt tendance à parier pour l’arabe. Les meilleurs de leurs théologiens ont pourtant souffert de cette prétention. Ibn Hazm de Cordoue, par exemple, affirme en quelque endroit qu’Adam parlait une langue unique dont il se demande si c’était le grec, l’hébreu, le syriaque ou l’arabe. Il pressentait que le syriaque (langue pour lui d’Abraham), l’hébreu (langue à son idée d’Isaac) et l’arabe (que parlait Ismaël) descendent d’une langue mère; mais laquelle? Déchiré entre son savoir et sa foi, le voilà donc ailleurs qui suggère qu’Adam avait appris d’Allah, non pas la langue mère, unique et suffisante, mais «l’ensemble des langues que tous les hommes parlent maintenant»! Pour assimiler quelques milliers de langues au moins, notre ancêtre disposait apparemment de puissants moyens audiovisuels, et d’une tête un peu plus grosse que les nôtres.
Comme quoi, pour peu qu’on y pense autrement que pour se distraire, l’étymologie entraîne à poser d’impertinentes questions. Ne serait-ce que sur le nom d’Adam: Pulvis es et in pulverem reverteris n’est que la définition latine d’Adam le poussiéreux. Comme le Poussiéreux dans son eden employait pour nommer son jardin l’assyro-babylonien edinu , lui-même dérivé du sumérien édin (steppe), on doit se demander si, pour lui, la langue première de l’Éden, plutôt que l’hébreu, le syriaque ou l’arabe, n’était pas le sumérien?
Si l’on admet l’hypothèse d’une langue première, des prôta onomata , dont chacun, conforme à la langue de Dieu ou des dieux, organiserait logiquement des phonèmes selon le concept à formuler, quel étymologiste (et fût-il aussi perversement spécieux que le Socrate du Cratyle ) expliquera par ses seules ressources l’existence des antonymes homophones , de ces ad’d d que consigna pour l’arabe le Kitab al Ad’d d de Al-Anbari et qui furent de notre temps mis en question dans un essai Sur les Ad’d d ? On en compte en arabe de 400 à 450, jawn, noir, c’est blanc du même coup. Nabal , petites gens et notables. Êtes-vous sain? êtes-vous blessé? Peu importe: de toute façon vous êtes salim . En français, de la même façon, L’hôte reçoit, ou bien on le reçoit; louer c’est prendre ou c’est donner à bail; rien signifie quelque chose ou l’absence de toute chose.
Il a donc fallu supposer que les mots originels étaient tous affectés d’un double sens, contradictoire. Étrange parler, à soi seul plus babélien que la tour tout entière de Babel. Certains supposent que ces ad’d d témoignent de la Dialektik der Natur chère à Engels, d’une dialectique de la nature; ou encore, de la complémentarité taoïste du yin et du yang : chaque ceci étant pour Tchouang-tseu le cela du ceci, et réciproquement, les antonymes homophones s’imposeraient comme un reflet de la réalité. Et voilà pourquoi le tamoul oli signifie lumière et disparition . Tout cela d’autant moins sérieux que nous en voyons naître, des ad’d d , des antonymes homophones: faire un malheur , c’est obtenir aujourd’hui le plus grand bonheur , un succès du tonnerre; et terrible dit le contraire de ce qu’il avait exprimé auparavant. Comment ne pas en conclure que l’une des hypothèses relatives à la structure des mots premiers: la liaison nécessaire entre certains phonèmes et certaines notions, l’harmonie du sens et du son , cette clef de la poésie, n’est qu’un leurre; une contradiction dans les termes?
La preuve par l’étymologie
D’où résulte que toute «preuve par l’étymologie» sera toujours fallacieuse; qu’il la faut tenir pour nulle et non avenue. La langue est belle, disait Alain, qui rapprochait de la croyance la créance , et de la foi la comptabilité. Contre quoi, l’œuvre entier de Jean Paulhan. Futile, en effet, Saint-John Perse quand il préfère à envahit son invahi ; futile encore Paul Claudel qui se persuade qu’en écrivant «étymologiquement» co-naissance , il ajoute quoi que ce soit à notre connaissance de nous-même et du monde; futiles, mais plus agréablement, les latinismes étymologiques de Paul Valéry:
DIR
\
Et mes suprêmes fleurs n’attendent que la foudre;/DIR
futiles, mais laidement, ces philosophes qui fondent sur des étymons ce qui leur sert de pensée: entre tous, le Heidegger de Was ist das die Philosophie ? Prolixement, on y explique que philosophie nous renvoie au sophon d’Héraclite, donc au hen panta : le un et la totalité des choses ; et comme philo vient de philein (aimer), on conclut que «la tension de la philosophie est causée par l’éros». C’est oublier toutes les philosophies où le mot désignant le concept en question ne dérive pas du grec! Ce genre de preuve par l’étymologie nous rappelle invinciblement les gloses qui dans l’Inde recouvrent la syllabe AUM: A = as ti, l’existence; U = ut patti, la naissance; M = m rtyu, la mort, ou celles que raille Érasme dans l’Éloge de la folie à propos du nom de JÉSUS, que le S médian diviserait en deux parties égales; cette lettre S se nommant syn en hébreu, et le mot sin signifiant péché pour un Écossais, «cela nous montre donc clair comme le jour que c’est Jésus qui a ôté le péché du monde». De la même façon, pour les dévots d’Antonin Artaud, son patronyme résout étymologiquement Art [hur Rimb]aud . Ainsi naissent les pseudo-pensées, les saints Foutins, les Églises: «Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église.» Tout cela, de notoriété publique, ne serait-ce que depuis Wortanklang und Volksetymologie in ihrer Wirkung auf religiösen Glauben (Le son des mots et l’étymologie populaire dans leur action sur les croyances religieuses ). Arguments qui valent celui de ce journaliste qui exigeait que les Français remplacent par le boss de l’anglais le mot patron dont l’étymologie, dérivée de pater , évoque «l’odieuse notion de paternalisme». Moyennant quoi, il nous faut invertir la majesté (maiestas ) respective du maître d’école (magister ) et de son ministre (minister ). Comme l’écrit Georges Dumézil: «magister et minister , dont notre usage a si curieusement retourné le rapport: maître d’école, que suis-je devant mon ministre?», alors que, selon l’étymologie, je suis beaucoup plus (magis ) que ce minus , ce mini ! Vous voyez bien que l’étymologie doit s’employer avec prudence: comme fait, par exemple, le même Dumézil qui, par l’étymologie comparée de l’avestique yao face="EU Caron" ゼ-d , du védique sá ュ yó ム et du latin i s , différencie (au lieu d’étymologiquement les confondre) «la plénitude générale de sacré ou de bien-être» (yao face="EU Caron" ゼ-d ) et «l’aire d’action maxima reconnue, dans chaque circonstance, à chaque individu et dite soit par la tradition, soit par un arbitre qualifié», autrement dit notre concept de juridique .
Même un savant comme A. L. Oppenheim, veut-il expliquer le concept accadien de pulu face="EU Domacr" 更tu en le rapprochant étymologiquement de la racine verbale pl face="EU Domacr" 更 (craindre qui aurait, à la forme III/I šuplu face="EU Domacr" 更u , la valeur de se déguiser (d’où résulterait que pulu face="EU Domacr" 更tu signifie soit «la splendeur et le rayonnement que dégage la divinité», soit «plus concrètement, le masque»), il est victime de l’étymologie. Ce que montre assez bien Elena Cassin dans La Splendeur divine. Introduction à l’étude de la mentalité mésopotamienne .
Aux étymologies savantes, préférons donc les calembours populaires. D’instinct, avec raison, ils corrigent les roueries, les bizarreries, les pédanteries de la langue. Ils regroupent en familles logiques, intelligentes, ce que les hasards de l’histoire allaient rendre inintelligible. Le paysan français qui demande au pharmacien de la liqueur à pioncer (opiacée), se plaint à lui de sa faiblite (phlébite) ou de son infractus (infarctus), a raison: étymologique , chez lui, dérive de logique . L’opium le fait pioncer, la phlébite affaiblit ses jambes, et son cœur cassé, fracturé, le tourmente. Il a raison aussi, l’Anglais qui apprivoise en herbe à moineaux (sparrow grass ) les syllabes barbares du savant asparagus ; il a raison contre son lexicographe, l’Indien d’Amérique latine qui baptise bout de bois saint (palo santo ) le précieux bois de palisandro , notre palissandre . Ainsi l’enfant qui avive et humanise en téléféerique l’inepte téléphérique ; ainsi l’électricien qui assimile en bipasse le by-pass du franglais; by-pass n’étant que dérivation ou dérive franglaisante, bipasse en fournit une heureuse étymologie par calembour logique.
Ce que faisant, tous les illettrés retrouvent spontanément les conclusions de Jean Paulhan: «D’après mon vieux dictionnaire étymologique, catimini vient de 見精見猪兀益晴見 (menstrues) et aurait commencé par désigner toute chose que l’on dissimule. Je croirais plutôt qu’il vient de cat (rusé), catus (chat). Mais ces questions sont confuses et le plus simple est de laisser toute liberté à chacun (disait Meillet).» Quinze jours avant de mourir, comme devant lui Jouhandeau employait sodalique et en évoquait l’étymologie (sodalis : camarade), son visage s’illumina encore pour protester: «Mais c’est soleil , voyons!»
Amusons-nous aux dictionnaires étymologiques. Que pourtant l’écrivain, l’amateur de langage n’oublient jamais qu’il faut toujours employer un mot avec son sens actuel, en l’éclairant de ce soleil dont Jean Paulhan nous illumina sodalique et sa mort: l’aura du mot.
étymologie [ etimɔlɔʒi ] n. f.
1 ♦ Science de la filiation des mots, reconstitution de leur ascendance jusqu'à leur état le plus anciennement accessible. L'étymologie est fondée sur les lois phonétiques et sémantiques.
2 ♦ Origine ou filiation d'un mot (⇒ racine, souche; évolution). Rechercher, donner l'étymologie d'un mot. ⇒ étymon. Mots de même étymologie mais de forme différente. ⇒ doublet. Mots apparentés par l'étymologie : mots de la même famille. Étymologie grecque, latine, germanique d'un mot français. Étymologie incertaine, obscure, inconnue. Fausse étymologie. « Il est difficile de faire comprendre que l'étymologie ne se devine pas, qu'elle est l'aboutissement de recherches minutieuses » (O. Bloch). — Étymologie populaire : procédé par lequel le sujet parlant rattache spontanément et à tort un mot à un autre, par analogie apparente de forme, de sens (ex. choucroute rattaché à chou).
● étymologie nom féminin (latin etymologia, du grec etumologia, de etumos, vrai) Science qui a pour objet la recherche de l'origine des mots d'une langue donnée, et la reconstitution de l'ascendance de ces mots. Origine ou filiation particulière de tel ou tel mot. ● étymologie (difficultés) nom féminin (latin etymologia, du grec etumologia, de etumos, vrai) Orthographe Avec un y. Attention, il n'y a pas de h. ● étymologie (expressions) nom féminin (latin etymologia, du grec etumologia, de etumos, vrai) Étymologie populaire ou croisée, phénomène par lequel le sujet parlant, se fondant sur certaines ressemblances formelles, rattache une forme donnée à une forme avec laquelle elle n'a aucune parenté génétique. (Par exemple, c'est par étymologie populaire qu'on voit chou et croûte dans choucroute, mot qui provient de l'allemand dialectal surkrut [sauerkraut], « chou aigre ».)
étymologie
n. f.
d1./d Science qui a pour objet l'origine et la filiation des mots, fondée sur des lois phonétiques et sémantiques, et tenant compte de l'environnement historique, géographique et social.
d2./d Origine ou évolution d'un mot. étymologie grecque d'un mot.
⇒ÉTYMOLOGIE, subst. fém.
A.— Science qui a pour objet la recherche de l'origine des mots en suivant leur évolution à partir de l'état le plus anciennement attesté. Être fort en étymologie latine :
• On peut analyser un texte de bien des façons différentes, car il est tour à tour justiciable de la phonétique, de la sémantique, de la syntaxe, de la logique, de la rhétorique, de la philologie, sans omettre la métrique, la prosodie et l'étymologie...
VALÉRY, Variété V, 1944, p. 147.
B.— Rapport de filiation établi à propos d'un mot donné et expliquant sa constitution. Chercher l'étymologie d'un mot; une étymologie obscure. Il faut plus de science pour se garder d'une mauvaise étymologie que pour en trouver dix bonnes (A. THOMAS, Nouv. Essais, 1904, p. 9).
♦ (Ce mot a) une étymologie germanique, latine, etc. Le rapport de filiation du mot part des langues germaniques, latines, etc.
♦ Étymologie populaire. Rapport de filiation rattachant un mot à un ou plusieurs autres qui paraissent en fournir l'explication, par une analogie apparente de forme et de sens.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1175 « le livre d'Isidore de Séville intitulé Étymologiae » (BENOIT, Chron. des Ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 500 et 904); 2. 1188 (AIMONT DE VARENNES, Florimont, éd. A. Hilka, 9212). Empr. au lat. class. etymologia « étymologie », lui-même empr. au gr. « id. », composé de « vrai » et de l'élément - (cf. -logie), signifiant proprement « recherche du vrai ». Cf. pour les détails de l'évolution tant lat. que fr. P. Zumthor ds Mél. Wartburg 1958, pp. 873-893. Fréq. abs. littér. : 203. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 388, b) 317; XXe s. : a) 162, b) 263.
DÉR. 1. Étymologiste, subst. masc. Celui, celle qui se consacre à des recherches étymologiques. La puérilité des étymologistes (VIGNY, Journal poète, 1851, p. 1287). En emploi adj. Les paysans, peu étymologistes de leur nature (NERVAL, Filles feu, Sylvie, 1854, p. 617). — []. Ds Ac. 1694-1932. — 1re attest. 1578 (VIGENÈRE, Tabl. de Philostrate ds HUG.); de étymologie, suff. -iste (cf. ethimologiseur péj. 1572 ds HUG., dér. de étymologiser). — Fréq. abs. littér. : 15. 2. Étymologiser, verbe intrans. S'occuper de recherches étymologiques (attesté en partic. ds LITTRÉ et Lar. 19e-20e). — Seule transcr. ds LITTRÉ : é-ti-mo-lo-ji-zé. — 1re attest. 1551 (B. ANEAU, Le Quintil Horatian ..., 183 ds QUEM. DDL t. 5); empr. du lat. etymologizare (ca 1250 ds LATHAM); cf. antérieurement (XIVe s.) l'anc. prov. ethimologizar (ds RAYN.) et ethimologier (chez Eustache Deschamps).
BBG. — BALDINGER (K.). À propos de l'infl. de la lang. sur la pensée. R. Ling. rom. 1973, t. 37, pp. 242-244; L'Étymol., hier et auj. Cah. de l'Assoc. Internat. des Ét. Fr. 1959, n° 11, pp. 232-264. — ZUMTHOR (P.). Fr. : étymologie. Mél. Wartburg (W. von) 1958, pp. 873-893.
étymologie [etimɔlɔʒi] n. f.
ÉTYM. XIIIe; ethimologie, v. 1175, désignant les « Etymologiae » (Originum sive etymologiarum libri) d'Isidore de Séville; lat. etymologia, grec etumologia, de etumos « vrai », et -logia (→ -logie).
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1 Étude de l'origine et de l'évolution des unités du lexique (mots, locutions…), depuis leur état le plus anciennement accessible. || L'article « étymologie » de l'Encyclopédie, très probablement dû à Turgot, pose les conditions d'une étymologie scientifique. || L'étymologie moderne, née dans la deuxième moitié du XIXe siècle, est fondée sur les lois phonétiques et sémantiques. || Retrouver, par l'étymologie, la racine latine, germanique d'un mot français. || L'étymologie relève de la linguistique diachronique. || Pour les anciens, l'étymologie était la recherche du sens authentique des mots.
1 L'étymologie fut, à ses débuts, dans la condition de toutes les recherches scientifiques, c'est-à-dire sans règle, sans méthode, sans expérience. La règle, la méthode, l'expérience ne naissent que par la comparaison des langues, et la comparaison des langues est une application toute nouvelle de l'esprit de recherche et d'observation. Les savants qui les premiers s'occupèrent d'étymologie, ne pouvant consulter que la signification et la forme apparente des mots, ne réussissaient que dans les cas simples […] (dans) les cas complexes et difficiles (…) les aberrations étaient sans limites (…)
Littré, Dict. Préface, p. XXIX.
2 L'étymologie est la science de la filiation des mots : ce que le généalogiste fait pour les familles, l'étymologiste le fait pour les familles de mots. L'étymologiste doit tenir compte des lois phonétiques, des lois sémantiques, de la date d'apparition du mot, de son extension géographique, et enfin du milieu social où il a vécu (…) L'on doit donc, pour établir l'origine d'un mot (…) prouver que ce mot correspond bien, son pour son, à l'étymon proposé, il est nécessaire que le rapport des sens soit clair, et que les circonstances historiques, géographiques et sociales ne s'opposent pas à l'hypothèse présentée. En ce qui concerne le français, l'on peut considérer, d'une manière générale, que le travail étymologique est très avancé. Bien des étymologies sont controversées, et un certain nombre de mots restent encore inexpliqués; mais l'origine de la plupart des mots du français commun est maintenant connue d'une manière certaine.
F. Brunot et Ch. Bruneau, Précis de grammaire historique, p. 160-162.
3 L'étymologie, n'intéresse pas seulement l'introduction d'un mot : dans le cours du développement, des accidents surgissent, des innovations de sens dont il est non moins important de donner la cause. Ceci est particulièrement nécessaire pour les mots repris au latin, qui l'ont souvent été à deux ou trois reprises avec des acceptions différentes.
Oscar Bloch, Dict. étymologique, Introd.
4 Le facteur étymologique, dans l'analyse des sens, n'est pas à négliger, mais il doit être remis à sa place. L'origine d'un mot ne saurait commander, à plus forte raison rectifier le sens actuel, hors le cas, bien entendu, d'une bévue populaire (…) Ce que l'étymologie doit nous apprendre ou nous remettre en conscience, c'est la courbe d'évolution, la trajectoire des sens qui permet de mieux juger, comme point d'aboutissement, la valeur actuelle, et qui autorise les écrivains épris de tradition à maintenir les mots dans la bonne voie, et parfois à introduire tel sens latin qui commande l'évolution historique des sens ou qui s'accorde avec tel autre membre de la famille : je pense, par exemple, à procès au sens de processus, plus élégant et plus français que son calque latin, et qui trouve un point d'appui dans procéder (latin procedere, avancer : le procès juridique est un litige qui avance vers la solution).
A. Dauzat, le Génie de la langue française, p. 100.
5 Nos professeurs nous ont mille fois répété, nos écrivains favoris nous montrent à tout instant, notre plaisir même et notre intérêt nous avertissent qu'il est pour nous un seul moyen de nous servir des mots en pleine connaissance de cause. C'est de commencer par en dégager l'étymologie, puis de nous guider sur elle (…) Le nom même nous l'apprend : étymologie c'est etumos logos, le sens authentique. Ainsi, l'étymologie fait sa propre réclame, et renvoie à l'étymologie.
J. Paulhan, la Preuve par l'étymologie, p. 11-12.
➪ tableau Noms de sciences et d'activités à caractère scientifique.
2 Origine et évolution historique d'un mot (⇒ Racine). || Rechercher, donner l'étymologie d'un mot. ⇒ Étymon. || Mots de forme différente ayant la même étymologie. ⇒ Doublet. || Étymologie d'un mot formé par dérivation. || Étymologie et morphologie. || Étymologie d'un emprunt. || Étymologie grecque, latine, germanique… d'un mot français. || Étymologie d'un mot anglais, russe. || Mots apparentés par l'étymologie : mots de la même famille. || Étymologie certaine, établie; étymologie incertaine, douteuse, controversée, obscure, inconnue. || Fausse étymologie. || Étymologie fantaisiste. || Orthographe conforme à l'étymologie.
6 Elle (notre éducation) a eu pour sa fin de nous faire non bons et sages, mais savants (…) Elle ne nous a pas appris de suivre et embrasser la vertu et la prudence, mais elle nous en a imprimé la dérivation et l'étymologie.
Montaigne, Essais, II, XVII.
7 (…) une (…) détestable orthographe (…) sans aucun égard d'étymologie (…)
Molière, les Fâcheux, III, 2.
8 C'était une langue (au commencement du XVIIe s.) très française, et pourtant laissant voir distinctement sous chaque mot sa racine hellénique, romaine ou castillane; une langue calme et transparente, au fond de laquelle on distinguait nettement toutes ces magnifiques étymologies grecques, latines ou espagnoles, comme les perles et coraux sous l'eau d'une mer limpide.
Hugo, Littérature et philosophie mêlées, But de cette publication.
9 Il est incroyable à quel point il est difficile de faire comprendre que l'étymologie ne se devine pas, qu'elle est l'aboutissement de recherches minutieuses, et que, bien souvent, on aboutit à un mur.
Oscar Bloch, Recherches étymologiques, in Où en sont les études de français, p. 170.
10 Chaque fois qu'une étymologie m'intéresse, me retient, m'amuse, les spécialistes entrent en transe et me démontrent aussitôt que cette étymologie est fantaisiste (…)
G. Duhamel, Manuel du protestataire, p. 55.
10.1 Son discours est plein de mots qu'il coupe, si l'on peut dire à la racine. Pourtant, dans l'étymologie, ce n'est pas la vérité ou l'origine d'un mot qui lui plaît, c'est plutôt l'effet de surimpression qu'elle autorise : le mot est vu comme un palimpseste : il me semble alors que j'ai des idées à même la langue — ce qui est tout simplement : écrire (je parle ici d'une pratique, non d'une valeur).
R. Barthes, Roland Barthes, p. 88.
♦ Étymologie populaire : procédé par lequel le sujet parlant rattache spontanément un mot à un ou plusieurs mots qui paraissent en fournir l'explication, par analogie apparente de forme ou de sens (→ Attraction paronymique).
11 L'étymologie populaire est surtout fréquente dans le langage populaire (pilules opiacées, pilules à pioncer) et dans le langage enfantin (…) Elle a transformé soucroute (sauerkraut) en choucroute (…) sous l'influence de chou. Mais un mot rare se trouve assimilé à un nom connu sans que le sens y soit pour rien : coute-pointe (culcita puncta) est devenu courte-pointe (…)
F. Brunot et Ch. Bruneau, Précis de grammaire historique, p. 46.
12 (…) l'étymologie populaire (…) est une créativité sémantique et rhétorique appuyée sur le respect du signifiant.
Alain Rey, le Lexique : images et modèles, p. 195.
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DÉR. Étymologiser, étymologisme, étymologiste. — V. Étymon.
Encyclopédie Universelle. 2012.