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CORPS
CORPS

LES SAVOIRS et les pratiques qui ont pour objet le corps – médecine, arts plastiques, sémiologie, anthropologie, psychanalyse – ont à se débattre, dans la culture occidentale, avec deux traditions philosophiques, la cartésienne et l’aristotélicienne, qui hantent ce qu’ils énoncent ou effectuent, et qu’ils tentent de surmonter sans toujours y parvenir.

Cette hantise est explicite pour les disciplines médicales ou paramédicales: les notions de schéma corporel et d’image du corps, la psychomotricité, la médecine psychosomatique, hésitent entre une perspective dualiste – dont Descartes a clairement donné les principes et qui seule permet de concevoir des relations de causalité entre psyché et soma – et une conception plus unitaire de leur objet, qui est tout aussi nécessaire, bien qu’elle démente la précédente, et dont le concept aristotélicien de la vie et de l’âme comme forme du corps organisé aurait donné les fondements. Les articles qui, ci-dessous, se rapportent à ces questions soulignent tous l’ambiguïté ou l’équivocité de ce statut du corps, dont l’analyse philosophique des notions de psyché et de soma donne les raisons.

Mais, plutôt que de se trouver confrontées à une inconséquence théorique ou à une aporie, lorsqu’il s’agit de préciser de quoi elles parlent, certaines disciplines contemporaines adoptent une autre stratégie, qui consiste à situer le corps humain parmi les phénomènes symboliques. L’anthropologie arrache le corps aux apories précitées en le dénaturalisant: faire apparaître des usages sociaux du corps, c’est le décrire comme l’un des points d’impact de l’acculturation, que l’on conçoit comme un phénomène de langage ou de division en classes. Cela impose pourtant qu’on se demande jusqu’où l’on peut aller dans cette assimilation du corps à un symbolisme social ou à quelque symbolisme que ce soit. De cette interrogation témoignent les articles sur la sémiotique du corps et sur le corps en psychanalyse. Pour un sémiologue, le corps peut être décrit comme signe, ou agglomération de signes, ce qui le rapproche mais aussi le distingue du langage comme système de signes: il peut intervenir comme élément d’un matériel signifiant, sans constituer lui-même un ensemble structuré. D’une autre manière, pour un psychanalyste, un écart subsiste entre l’analyse des signifiants du désir, qui suspend les réalisations, et les actualisations pulsionnelles symptomatiques et érotiques, ou les mises en scène esthétiques.

Les déplacements de la question du corps à travers l’anthropologie, les arts plastiques, la sémiologie ou la psychanalyse ne sont pas vains: toute dualité entre corps et langage n’est pas réduite par là, mais la dualité n’est plus alors métaphysique. À rapprocher ainsi le corps et les formations de langage, on triomphe d’une difficulté au moins, qui est héritée de la tradition philosophique.

En tentant de saisir le corps dans son rapport au langage et en le mesurant à celui-ci, fût-ce pour l’en distinguer, on cesse de prendre les actes dont il est partie prenante pour une connaissance confuse: si le corps ou quelque chose du corps reste impensé en philosophie, c’est, en effet, que toute philosophie, qu’elle soit aristotélicienne ou cartésienne, est un intellectualisme; elle définit la pensée par l’une de ses formes – la connaissance – qui en serait l’idéal. Cela est incontestable dans le cartésianisme. Que toute idée soit mesurée à l’aune de la clarté et de la distinction signifie que toute conscience est connaissance, ou bien de l’esprit par lui-même, ou bien d’un objet hétérogène pour l’esprit: on peut bien penser par là les phénomènes cœnesthésiques, par exemple, qui sont une représentation confuse d’une affection de ce substrat qu’est le corps, mais on ne peut penser l’image du corps comme fantasme, puisqu’ici la représentation est indépendante de toute visée de connaissance.

Or l’aristotélisme est, lui aussi, un intellectualisme: certes, Aristote parle de l’âme comme de la forme du corps organisé, semblant fonder par là la spécificité de la vie comme totalité par rapport à la matière et par rapport à la pensée. Mais la forme organisatrice de la structure du corps vivant n’est pas indépendante de la pensée comme 益礼羽﨟, c’est-à-dire comme connaissance. La fonction vitale est une forme de l’idée, celle dont est capable un corps vivant.

Dire, avec Aristote, que l’âme, c’est la forme du corps, cela revient, sous l’apparence d’une place donnée au corps parmi les choses qui ont pouvoir de pensée, à ne retenir du corps que ce qui, en lui, annonce l’intelligible auquel on mesure tout être. La forme d’un être, c’est son idée en tant qu’elle peut apparaître au cours d’un processus. Dans les espèces vivantes, l’intelligible se manifeste comme pérennité de l’espèce à travers les individus (et il en sera de même chez Hegel). Il se définit, comme l’idée, par l’universel. L’organisation d’un être vivant, qui a l’air d’être hétérogène à une connaissance, n’est donc en fait, pour Aristote, que l’équivalent dans la matière d’une idée. Si l’œil était un être vivant, la vue serait son âme, dit encore Aristote. Dire que la fonction détermine la structure de l’organe et que l’âme est la fonction du corps (c’est-à-dire détermine sa structure et la totalisation de ses parties), c’est récupérer, sous l’autorité de l’idée, de la forme, de l’essence, ce qui, un moment, lui échappe. Le corps ne semble pas voué à l’idée, au 益礼羽﨟, mais, si les parties du corps sont des instruments ou organes en vue de certaines fonctions, l’idée règne; et l’idée, c’est l’intelligibilité d’un être, ce qu’on peut en connaître. Si le corps, comme le langage, pense sans que cette pensée ait pour idéal un connaître, Aristote pas plus que Descartes, ni donc Kurt Goldstein pas plus que Franz Alexander ne pourront nous aider à le concevoir.

La notion de schéma corporel peut se réclamer du dualisme cartésien, parce qu’elle correspond à la prise de conscience de modifications psychologiques, ou du vitalisme aristotélicien, puisqu’elle désigne une intégration de diverses données. Mais la perspective gestaltiste est impuissante à concevoir l’image du corps, car celle-ci est un fantasme. En dépit de sa théorie de l’imagination, Aristote ne peut nullement nous aider à penser ce que Freud nomme fantasme, et la psychologie de la forme non plus. Ce que l’on appelle le morcellement de l’image du corps, dans la psychose, n’a pas pour opposé l’image du corps unifiée qui consisterait dans la structuration et la totalisation des fonctions corporelles. Le fantasme et la totalisation psychobiologiques restent deux phénomènes distincts, et ceci lors même que l’identification imaginaire a des effets biologiques d’intégration. Le terme de totalisation a donc deux sens, que l’on n’unifie que par une confusion épistémologique.

Les psychanalystes qui, telles Françoise Dolto ou Gisela Pankow, utilisent la notion d’image du corps savent bien qu’elles ne tentent pas d’amener leurs patients à prendre connaissance de leur corps comme totalité. Elles cherchent plutôt à leur rouvrir l’accès au corps comme fantasme, comme prétexte à des élaborations imaginaires, à des jeux, inquiétants mais libres, de l’intérieur avec l’extérieur, comme le fait aussi la peinture contemporaine.

Qu’un sujet puisse reconnaître ses propres contours dans un miroir lorsque cet accès au fantasme lui est possible, cela ne saurait se confondre avec la problématique aristotélicienne de l’âme comme forme du corps, ni avec la bonne forme de la psychologie gestaltiste. Si un sujet humain ne peut avoir accès à son corps que comme à une forme, ce n’est pas que cette forme l’assure d’un fondement intelligible, mais plutôt que, comme le dit Freud dans Le Moi et le Ça : «Le Moi est avant tout un moi corporel; il n’est pas seulement un être de surface, mais il est lui-même la projection d’une surface [du corps].» En déclarant que la notion d’appareil psychique ou celle de pulsion appartiennent à la sorcière métapsychologie, Freud indiquait bien ce que Nietzsche, par d’autres voies, formulait lui aussi: à savoir que, pour penser la réalité du corps, il faut sortir de la métaphysique.

Ce pari a-t-il été tenu? Il ne pouvait l’être ou ne pourra l’être que par une comparaison entre le corps et le langage: la linguistique innove justement en proposant une description des langues qui ne soit plus asservie à l’idée que penser, c’est – nécessairement – connaître. Les arts plastiques, les langues, les symptômes, quelle que soit leur hétérogénéité, sont des formations de pensée qui n’ont pas à être construites conceptuellement ni mesurées, du point de vue éthique, par rapport au connaître. À partir de là, des problèmes nouveaux peuvent se formuler: par exemple, les hésitations du sémiologue à appliquer au corps le schéma jakobsonien des fonctions du langage ne sont pas les mêmes que celles du psychanalyste. Lacan décrit le symptôme hystérique comme une déchéance de la signifiance du désir au rang de signe. Un signe représente quelque chose pour quelqu’un; l’objet du désir ne s’inscrit pas en lui comme perdu. Seul le dire du désir effectue cette perte: un signifiant est ce qui représente un sujet pour un autre signifiant.

Pourtant, à s’en tenir à une simple opposition, on oublie que la jouissance sexuelle hante l’analyse du désir, que leur rapport est autant de voisinage que d’exclusion. Pour l’analyse du désir, les éléments du corps du sujet ou ceux du corps d’un autre ont le rôle d’éléments signifiants parmi d’autres. Dans la jouissance sexuelle, ils ont le statut de signe; ils représentent quelque chose pour un autre, halluciné, et cependant réel.

Cela est-il sans rapport avec ce qu’un sémiologue apporte? La résistance du corps à donner prise à une analyse structurale – qui ne s’applique au corps que marginalement – n’empêche pas que ce dernier hante l’une des fonctions du langage, que Jakobson nomme la fonction poétique. Ces convergences ou ces effets d’écho pourront-ils s’élucider?

corps [ kɔr ] n. m.
• v. 881; cors déb. XIIe; lat. corpus
ILa partie matérielle des êtres animés.
1L'organisme humain, par opposition à l'esprit, à l'âme. chair. « L'âme, disait-il, est la substance; le corps, l'apparence » (France). Souffrir dans son corps ( somatique) . La beauté du corps ( 1. physique) . Loc. Se donner corps et âme [ kɔrzeam ] à qqn, à qqch., tout entier, sans réserve. Avoir l'âme chevillée au corps. Une âme saine dans un corps sain (cf. lat. Mens sana in corpore sano). Être sain de corps et d'esprit.
(XIIe) Le corps humain après la mort. cadavre, dépouille. Levée du corps. Mettre, porter un corps en terre. Corps mutilés, ensevelis, enchevêtrés. Il a légué son corps à la science. On a retrouvé le corps de la victime. Loc. Pas de corps, pas de victime. Spécialt Le corps et le sang du Christ. eucharistie.
2Le corps considéré comme le siège des sentiments, des sensations, de la sensualité. Loc. Être folle de son corps, sensuelle, libertine. Faire des folies de son corps. Avoir le diable au corps. Faire commerce de son corps. se prostituer.
3Sc. organisme. Étude du corps humain. anatomie, anthropologie, anthropométrie, physiologie. Les parties du corps : membres (bras, avant-bras, main, cuisse, jambe, pied), tête (crâne, cou, face), tronc (épaule, buste, poitrine, sein, dos, thorax, hanche, ceinture, bassin, abdomen, ventre); peau, muscles, squelette; humeurs, sang.
Le corps, considéré dans sa globalité, spécialt dans son aspect extérieur, sa conformation, sans considération du visage. Soins du corps. corporel; bain, épilation, massage. Crème pour le corps. Les attitudes, les gestes, les mouvements du corps. Trembler, frissonner de tout son corps. Avoir un beau corps (cf. Être bien bâti, bien fait, fam. bien fichu, bien foutu, bien roulé). Beau corps et belle tête. Un corps d'athlète, de danseuse. Elle est mieux de corps que de tête. Jeune de corps. physiquement. Corps bien proportionné. Un corps déformé. « Un corps souffreteux, amaigri, languissant, exténué » ( Taine). « Ce corps souple, frais et parfumé » (France). Liberté du corps. Exercice du corps. gymnastique. Linge de corps. Psychol. L'image du corps (cf. Schéma corporel). Loc. fam. N'avoir rien dans le corps : être à jeun. Un aliment qui tient au corps, très nourrissant. Pleurer toutes les larmes de son corps, abondamment. Travailler qqn au corps.
Loc. adv. CORPS À CORPS : en serrant le corps de l'adversaire contre le sien, dans une lutte. Combattre, lutter corps à corps. Fig. Affronter corps à corps la réalité, les problèmes (cf. De front). N. m. Un corps à corps. Se jeter dans le corps à corps, dans la mêlée, dans la bataille. — À CORPS PERDU : fougueusement, impétueusement. Se lancer à corps perdu dans une entreprise. « Je me jetai à corps perdu dans ma passion » (A. Daudet).
4Spécialt (XIIe) Le tronc, par opposition aux membres, à la tête. Une grosse tête sur un petit corps. Les bras le long du corps. Passer une épée au travers du corps de qqn. Entrer dans l'eau jusqu'au milieu du corps. mi-corps (à). Saisir qqn par le milieu du corps. bras-le-corps (à). Robe qui moule le corps. moulant. Vêtement près du corps, très ajusté.
Par ext. (XIIe) Partie de certains vêtements qui recouvrent le corps au niveau du torse ou de la ceinture. corsage, corselet, corset. Corps d'armure, de cuirasse. Le corps d'une robe.
5(Dans des loc.) Homme, individu. Garde du corps. Dr. Contrainte par corps. Séparation de corps. Prise de corps.
Loc. fam. Vieilli C'est un drôle de corps, un curieux personnage. — À son corps défendant. défendre. Fig. Passer sur le corps de qqn pour parvenir à ses fins. Il faudra me passer sur le corps.
6Loc. Avoir du corps, se dit d'un vin ( corsé) qui donne à la bouche une sensation de plénitude (teneur en alcool, vinosité, tanin); d'un tissu, d'un papier assez serré, dense (opposé à creux) (cf. Avoir de la main). Loc. Donner corps, du corps à des idées, les rendre fortes ou les incarner.
Prendre corps ( forme, 1. tournure) :prendre un aspect sensible, réel. Projet qui prend corps. se concrétiser, se dessiner , se préciser. — FAIRE CORPS : adhérer, ne faire qu'un. Fig. Faire corps avec une idée. « Mon problème est de retrouver le moment privilégié où mon œuvre a fait corps avec moi » (J. Laurent).
II(XIIIe)
1Partie principale (d'une chose). Loc. Navire perdu corps et biens [ kɔrzebjɛ̃ ],complètement (le navire, les marchandises, les personnes). Couler, sombrer, périr corps et biens. Le corps d'un bâtiment (opposé à aile, avant-corps) . Corps de logis. Le corps de ferme et les dépendances. Corps de bibliothèque, d'armoire. Buffet deux-corps. Corps de pompe : le cylindre. Corps de chauffe. Carburateur double-corps, à deux diffuseurs.
2Calligr. Corps d'une lettre : le trait principal qui dessine, qui forme la lettre. — Typogr. Corps d'une lettre : la dimension d'un caractère d'imprimerie (mesurée en points). La force de corps d'un caractère. Texte composé en corps 9.
Corps d'une lettre, d'un article, le texte même de la lettre, de l'article, sans les indications secondaires.
3(1835) Dr. Le corps du délit (lat. corpus delicti) .
III(XIIIe) Objet matériel.
1Corps céleste. astre.
2(XVIe) Tout objet matériel caractérisé par ses propriétés physiques. Volume, masse d'un corps. La chute des corps, étudiée en mécanique. La substance des corps. matière. Corps solide. Corps fluides (liquides, gaz). « Qui donc irait faire grief au physicien d'isoler la pesanteur des autres qualités des corps qu'il étudie et de négliger le parfum, la couleur » (Paulhan).
Chim. Corps simple. élément. Les atomes, les molécules d'un corps. Corps pur, dont toutes les molécules sont identiques. Corps pur composé. combinaison. États allotropiques d'un corps. Corps gras : matière grasse. ⇒ graisse.
Phys. CORPS NOIR : corps idéal absorbant totalement les radiations électromagnétiques quelle que soit leur fréquence.
3Élément anatomique que l'on peut étudier isolément (organe, etc.). Corps calleux. Corps caverneux. Corps jaune. Corps strié. Corps vitré. Corps thyroïde. glande. Introduction d'un corps étranger dans l'organisme.
4Alg. Anneau unitaire. Un corps possède au moins deux éléments, 0 et 1. Corps commutatif, dont la multiplication est commutative.
IV(Abstrait)
1Groupe formant un ensemble organisé sur le plan des institutions. assemblée, association, communauté, compagnie, 2. ensemble, organe, société. Le corps politique. état. Le corps électoral : l'ensemble des électeurs. — Les corps constitués. Les grands corps de l'État : le Conseil d'État, la Cour des comptes, l'Inspection des Finances, la diplomatie, etc.; les hauts fonctionnaires qui en font partie. ⇒ corpsard. Élève de l'E. N. A. qui sort dans les grands corps, dans les premiers. Corps de la magistrature. justice. Corps municipal. municipalité.
Le corps de l'Église (catholique romaine). Le corps mystique : union spirituelle de tous les chrétiens dans leur foi en Jésus-Christ.
2Hist. Les corps du commerce et de l'industrie. Corps de marchands. communauté, corporation, métier.
3Mod. Compagnie, groupe organisé. Le corps diplomatique. Le corps enseignant. Le corps médical. Le corps des ingénieurs des Ponts et Chaussées. Corps de métier : ensemble organisé de personnes exerçant la même profession. Spécialt Corps de métier, corps d'état : métiers du bâtiment. Différents corps de métiers ont travaillé à la construction de cet immeuble. Avoir l'esprit de corps.
4Milit. Unité administrativement indépendante (bataillon, régiment). Rejoindre son corps. Corps d'armée, formé de plusieurs divisions. Général de corps d'armée (quatre étoiles). Corps expéditionnaire. Corps franc.
Corps de garde.
5Danse Corps de ballet.
6Recueil de textes, d'ouvrages. corpus. Corps des lois. 2. ensemble. Un corps de doctrines. système.
⊗ HOM. Cor.

corps nom masculin (latin corpus) La partie matérielle d'un être animé considérée en particulier du point de vue de son anatomie, de son aspect extérieur : Les victimes avaient le corps couvert de brûlures. La partie matérielle de quelqu'un considérée en particulier du point de vue de son fonctionnement interne : Avoir mal dans tout le corps. La partie matérielle de quelqu'un après la mort ; cadavre : Levée du corps. Le tronc, par opposition aux membres et à la tête : Il portait des tatouages sur les bras et le corps. Partie d'un vêtement recouvrant le buste, à l'exclusion des membres : Le corps d'une robe. Tout objet, toute substance matérielle : La chute des corps. Le carbone est un corps simple. Partie principale d'un objet supportant les autres éléments : Le corps d'un violon. Partie essentielle, fondamentale d'un écrit, d'un ouvrage : Le corps d'une lettre. Ensemble organisé de règles, de principes ; recueil de textes : Un corps de doctrine. Ensemble de personnes appartenant à une même catégorie professionnelle : Le corps médical. Algèbre Anneau unitaire non réduit à 0 et dont tout élément non nul est inversible. Anatomie Nom de divers organes tels que le corps caverneux, le corps vitré, etc. Architecture Partie d'un édifice (du sol à la couverture) présentant une certaine autonomie. Histoire du costume Au Moyen Âge, corsage porté par les hommes et les femmes. (À partir du XVIe s., le corps, renforcé ou baleiné, est porté par les femmes. Il est, selon les époques, visible sur la robe ou porté comme sous-vêtement.) Mécanique Partie principale d'un appareil chaudronné, d'une vanne, d'une pompe, etc. Musique Synonyme de caisse de résonance. Pétrole Synonyme de calandre. ● corps (citations) nom masculin (latin corpus) Marcel Achard Sainte-Foy-lès-Lyon 1899-Paris 1974 Académie française, 1959 Mon corps n'en fait qu'à sa tête. L'Idiote, III, Josefa Gallimard Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 L'âme, c'est ce qui refuse le corps. Définitions Gallimard Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Le corps humain est le tombeau des dieux. Système des beaux-arts Gallimard Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Désordre dans le corps, erreur dans l'esprit, l'un nourrissant l'autre, voilà le réel de l'imagination. Système des beaux-arts Gallimard Marcel Arland Varennes-sur-Amance 1899-Saint-Sauveur-sur-École, Seine-et-Marne, 1986 Académie française, 1968 Le corps est un des noms de l'âme, et non pas le plus indécent. Où le cœur se partage Gallimard Henri Bergson Paris 1859-Paris 1941 Les attitudes, gestes et mouvements du corps humain sont risibles dans l'exacte mesure où ce corps nous fait penser à une simple mécanique. Le Rire P.U.F. Alexis Carrel Sainte-Foy-lès-Lyon 1873-Paris 1944 Le corps et l'âme sont des vues prises du même objet à l'aide de méthodes différentes. L'Homme, cet inconnu Plon Alexis Carrel Sainte-Foy-lès-Lyon 1873-Paris 1944 L'esprit n'est pas aussi solide que le corps. L'Homme, cet inconnu Plon Louis Ferdinand Destouches, dit Louis-Ferdinand Céline Courbevoie 1894-Meudon 1961 L'âme, c'est la vanité et le plaisir du corps tant qu'il est bien portant. Voyage au bout de la nuit Gallimard François René, vicomte de Chateaubriand Saint-Malo 1768-Paris 1848 […] la réhabilitation de ce pauvre corps, si calomnié par l'âme. Mémoires d'outre-tombe Malcolm de Chazal Vacoas 1902-Port-Louis 1981 Nous n'accordons une âme aux gens que lorsqu'ils n'ont plus de corps. Sens plastique Gallimard André de Chénier Constantinople 1762-Paris 1794 Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine ! Son beau corps a roulé sous la vague marine. La Jeune Tarentine Chrétien de Troyes vers 1135-vers 1183 Le corps s'en va, le cœur séjourne. Li cors s'an vet, li cuers séjorne. Le Chevalier à la Charrette Chrétien de Troyes vers 1135-vers 1183 Qui a le cœur, qu'il ait aussi le corps. Qui a le cuer, si et le cors. Cligès Paul Claudel Villeneuve-sur-Fère, Aisne, 1868-Paris 1955 […] Ce n'est pas l'esprit qui est dans le corps, c'est l'esprit qui contient le corps, et qui l'enveloppe tout entier. Le Soulier de satin, I, 6, le roi Gallimard Jean Cocteau Maisons-Laffitte 1889-Milly-la-Forêt 1963 Académie française, 1955 Le corps est un parasite de l'âme. La Comtesse de Noailles, oui et non Perrin Jean Follain Canisy, Manche, 1903-Paris 1971 La robe est parfois plus humaine que le corps. Usage du temps Gallimard Jules Laforgue Montevideo 1860-Paris 1887 Mon corps, ô ma sœur, a bien mal à sa belle âme […]. Derniers Vers, Dimanches Jules Lagneau Metz 1851-Paris 1894 Le corps est dans l'esprit. Fragments François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 Le travail du corps délivre des peines de l'esprit, et c'est ce qui rend les pauvres heureux. Maximes Blaise Pascal Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623-Paris 1662 La distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité, car elle est surnaturelle. Pensées, 793 Commentaire Chaque citation des Pensées porte en référence un numéro. Celui-ci est le numéro que porte dans l'édition Brunschvicg — laquelle demeure aujourd'hui la plus généralement répandue — le fragment d'où la citation est tirée. Armand Salacrou Rouen 1899-Le Havre 1989 Pourquoi, après une âme, nous avoir offert un corps ? J'aurais mieux aimé n'être qu'une âme — ou seulement un corps, mais pas les deux à la fois ! Une femme trop honnête Gallimard François Villon Paris 1431-après 1463 Corps femenin, qui tant es tendre, Poly, souef, si precieulx […]. Testament, XL-XLI suave Aristote Stagire 384-Chalcis 322 avant J.-C. Car l'âme est l'essence et l'acte d'un corps. Métaphysique, VIII, 3 (traduction J. Tricot) Isocrate Athènes 436-Athènes 338 avant J.-C. Un esprit solide dans un corps humain, c'est la plus grande force dans la plus grande faiblesse. À Démonicos, 40 (traduction Mathieu et Brémond) Plutarque Chéronée, en Béotie, vers 50 après J.-C.-Chéronée, en Béotie, vers 125 Il disait que l'âme d'un homme amoureux vivait dans un corps étranger. Vies parallèles, Vie de Caton l'Ancien, IX (traduction D. Ricard) Caton Charles IX, roi de France Saint-Germain-en-Laye 1550-Vincennes 1574 Le corps d'un ennemi mort sent toujours bon. Commentaire Cette phrase a été attribuée à Vitellius, empereur romain, qui l'aurait prononcée en visitant les champs de Bédriac (près de Crémone), où un récent combat lui avait donné l'Empire. On en a aussi crédité Charles IX devant le corps de l'amiral de Coligny, massacré à la Saint-Barthélemy. Juvénal, en latin Decimus Junius Juvenalis Aquinum, Apulie, vers 60 après J.-C.-vers 130 Une âme saine dans un corps sain. Mens sana in corpore sano. Satires, X, 356 Aulus Vitellius, empereur romain 15 après J.-C.-Rome 69 Le corps d'un ennemi mort sent toujours bon. Joseph d'Arbaud Meyrargues 1874-Aix-en-Provence 1950 Dans le corps malade, l'âme se sent toute seule. Dins lou cors malaut l'amo se sènt souleto. Le Laurier d'Arles David Herbert Lawrence Eastwood 1885-Vence 1930 La terreur que l'esprit ressent devant le corps a rendu fous d'innombrables mortels. The mind's terror of the body has probably driven more men mad than ever could be counted. Le Serpent à plumes, Préface corps (difficultés) nom masculin (latin corpus) Prononciation On ne fait jamais la liaison avec le s final sauf dans les locutions corps et biens[&ph95;ɔʀ&ph110;&ph89;&ph86;&ph94;̃] et corps et âme[&ph95;ɔʀ&ph110;&ph89;ɑ&ph97;]. Orthographe Locutions avec corps. 1. On écrit avec trait d'union : à bras-le-corps, à mi-corps ; un corps-à-corps. 2. On écrit sans trait d'union : à corps perdu, à son corps défendant, corps et biens ; combattre corps à corps. 3. On écrit un corps de bâtiment, un corps de métier, un corps d'armée (compléments au singulier) mais un corps de troupes (avec troupe au pluriel). ● corps (expressions) nom masculin (latin corpus) À corps perdu, au mépris du danger ; impétueusement, sans précaution. Avoir du corps, en parlant d'un vin, donner une sensation de plénitude résultant d'un ensemble de qualités ; en parlant d'un tissu, avoir de l'épaisseur, de la solidité. Corps à corps, au contact immédiat de l'adversaire ; en abordant directement, résolument quelqu'un ou quelque chose. Corps et âme, tout entier, sans réserve. Corps et biens, les personnes comme les biens matériels. Corps étranger, substance ou objet se trouvant indûment dans un organe, un orifice ou un conduit du corps humain. Corps sans âme, corps privé de vie ; ce qui est dépourvu de l'élément moteur qui lui donne un sens. Donner corps à, donner une réalité à ce qui n'était qu'une idée, une possibilité, confirmer. Esprit de corps, sentiment de solidarité qui unit les membres d'un groupe. Faire corps avec, ne faire qu'un avec quelqu'un d'autre ; adhérer à quelque chose. N'avoir rien dans le corps, être sans courage, sans force ; être à jeun. Passer, marcher sur le corps de quelqu'un, le culbuter, le fouler aux pieds ; parvenir à ses fins sans ménager les personnes. Prendre corps, prendre consistance, avoir un début de réalisation. Près du corps, se dit d'un vêtement assez ajusté. Tenir au corps, être nourrissant, en parlant d'un aliment. Familier. Travailler au corps, frapper son adversaire à la poitrine et au buste (à la boxe) ; entreprendre quelqu'un avec persévérance pour l'amener à accepter quelque chose. Corps commutatif, corps dont la loi multiplicative est commutative. Corps central ou principal, partie principale, par opposition aux ailes, aux pavillons. Corps de logis, corps de bâtiment servant à l'habitation. Corps de moulures, moulure à profil complexe, analysable comme la composition de plusieurs moulures élémentaires. Corps creux, élément moulé alvéolaire, en brique, béton, etc., employé pour un mur porteur (parpaing, brique creuse), en enrobage d'une ossature métallique ou entre les poutrelles d'un plancher (hourdis). Corps d'état ou corps de métier, chacun des métiers du bâtiment. Corps d'essieu, partie de l'essieu monté sur laquelle sont calées les roues et qui comporte deux zones tournées et polies constituant les fusées. Corps de ballet, ensemble des danseurs d'un théâtre qui ne sont ni solistes ni étoiles ; à l'Opéra de Paris, ensemble de tous les danseurs. Assurance sur corps, assurance maritime qui couvre le navire et ses accessoires à l'exclusion des marchandises transportées, en cas de perte ou d'avarie ou de dommages causés aux tiers. Corps diplomatique, ensemble des représentants des puissances étrangères auprès d'un gouvernement. Corps de fonctionnaires, ensemble de fonctionnaires soumis au même statut particulier et ayant vocation aux mêmes grades de la hiérarchie et aux mêmes emplois. Corps de preuves, ensembles de preuves. Grands corps de l'État, ensemble des fonctionnaires supérieurs n'appartenant pas aux administrations centrales et recrutés par la voie de l'E.N.A. Ordonnance de prise de corps, disposition par laquelle, dans l'arrêt de mise en accusation, la chambre d'accusation ordonne que l'accusé soit détenu et au besoin arrêté. Homme de corps, personne soumise à la mainmorte. Corps législatif, nom donné par diverses constitutions à la Chambre des députés. Corps de ville ou corps municipal, ensemble des administrateurs d'une ville. Corps d'un caractère, espace vertical occupé par une ligne formée de caractères de ce type. Chef de corps, officier (colonel, lieutenant-colonel, chef de bataillon) commandant une unité formant corps. Corps aérien, réunion, sous un même commandement, de plusieurs grandes unités aériennes ainsi que des éléments nécessaires à leur mise en œuvre. Corps d'armée (C.A.), grande unité militaire disposant à la fois de formations de combat, de services et de réserves lui permettant, sur le plan tactique, de mener une opération de bout en bout. Corps de cavalerie, corps blindé, groupement temporaire ou permanent de grandes unités, à base de cavalerie ou d'engins blindés. Corps expéditionnaire, corps constitué spécialement pour mener une expédition lointaine. Corps franc, formation ancienne de volontaires levée pendant une guerre dans des circonstances exceptionnelles ; aujourd'hui, troupe de faible effectif, spécialisée dans des opérations de combat particulièrement délicates ; formations de volontaires allemands au lendemain de la Première Guerre mondiale. Corps de garde, troupe assurant la garde d'un bâtiment militaire ; local assigné à cette troupe. Corps techniques et administratifs des armées, corps composés d'officiers assurant des fonctions techniques et administratives d'encadrement dans leurs différents corps de rattachement. Corps de troupes, unité organique d'une arme ou d'un service, constituée de façon permanente et dotée des moyens nécessaires pour s'administrer de façon indépendante. Corps minéralisé, partie de gisement dans laquelle la minéralisation est à peu près continue. Meuble à deux ou plusieurs corps, meuble composé de parties superposées (armoires du XVIe s., buffets, etc.). Corps propre, pour la phénoménologie, ensemble des rapports vécus par le sujet avec son corps, aux termes desquels celui-ci peut être vécu comme objet par lui. Corps noir, corps absorbant toutes les radiations qu'il reçoit. (Il s'agit d'une idéalisation utilisée en thermodynamique pour décrire le rayonnement électromagnétique de la matière dû aux seuls effets thermiques.) Mouvement de n corps, problème de mécanique céleste consistant à déterminer le mouvement de n objets s'attirant mutuellement par des forces de gravitation. Corps électoral, l'ensemble des électeurs. Corps politique, ensemble des citoyens considérés dans l'exercice de leurs droits politiques. Image du corps, représentation inconsciente du corps liée au développement narcissique du sujet. Corps d'ouvrage, résultat de l'ensemble des opérations effectuées après la couture des cahiers et avant la couvrure. ● corps (homonymes) nom masculin (latin corpus) cor nom masculincorps (synonymes) nom masculin (latin corpus) La partie matérielle d'un être animé considérée en particulier du...
Contraires :
- âme
La partie matérielle de quelqu'un après la mort ; cadavre
Synonymes :
- dépouille
Tout objet, toute substance matérielle
Synonymes :
- matière
Ensemble de personnes appartenant à une même catégorie professionnelle
Synonymes :
- assemblée
- collège
- confrérie
- congrégation
Militaire. Corps de garde
Synonymes :
Chemin de fer. Corps d'essieu
Synonymes :
- essieu nu
Synonymes :
- Musique. caisse de résonance - Pétrole. calandre

corps
n. m.
rI./r Partie matérielle d'un être animé (partic., de l'homme).
d1./d (Par oppos. à âme, à esprit, etc.) Le corps humain. Les exercices du corps.
|| Loc. fig. Se donner corps et âme: se dévouer entièrement.
Faire commerce de son corps, vendre son corps: se livrer à la prostitution.
Avoir le diable au corps.
d2./d Constitution, conformation. Avoir un corps gracieux.
d3./d Tronc (par oppos. à membres, à tête). Il lui a passé son épée à travers le corps.
Par ext. Partie de l'habillement couvrant le tronc. Le corps d'une cuirasse.
d4./d Personne (par oppos. à bien, à chose).
DR Séparation de corps.
Cour. Garde du corps: V. garde 2.
d5./d Dépouille mortelle, cadavre. Levée du corps.
d6./d Loc. Lutter (au) corps à corps, de très près, en touchant directement son adversaire.
Corps à corps: lutte qui se fait corps à corps.
|| à bras-le-corps.
Fig. Prendre le problème à bras-le-corps, l'attaquer résolument et dans son entier.
|| à corps perdu: sans ménagement pour soi, totalement.
|| à son corps défendant: malgré soi; contre son gré.
rII./r Substance, objet matériels.
d1./d Corps solide, gazeux. La chute des corps.
|| CHIM Corps simple: V. simple (sens A, 2). Corps composé: V. composé (sens II, 2).
|| ASTRO Corps célestes: les étoiles, les planètes, la matière interstellaire, les rayons cosmiques, etc.
|| MED Corps étranger.
|| PHYS Corps noir.
d2./d ANAT Nom de différents organes. Corps calleux. Corps jaune: corps temporaire agissant comme une glande endocrine, qui apparaît après l'ovulation et qui sécrète la progestérone.
d3./d Partie principale, essentielle (d'une chose). Corps d'une pompe: bloc dans lequel joue le piston. Corps de logis: partie principale d'un bâtiment ou construction principale (maison de maître, etc.) d'une propriété.
Corps d'un livre, d'un article, d'un texte, etc., considéré sans les préface, introduction, table, etc.
Corps d'une doctrine, ses points essentiels.
|| MAR Navire perdu corps et biens, disparu sans que rien subsiste ni du navire ni de la cargaison, sans que survive aucun membre de l'équipage, aucun passager.
|| DR Corps du délit.
d4./d épaisseur, solidité, consistance. Ce papier n'a pas de corps.
Prendre corps: prendre de la consistance, de la force.
|| Fig. Une idée qui prend corps.
Faire corps avec (qqch): adhérer fortement à, ne faire qu'une seule masse avec.
d5./d TYPO Hauteur d'un caractère d'imprimerie.
rIII/r (Abstrait)
d1./d être collectif que forme une société, un peuple, une corporation, etc. Le corps social. Le corps électoral. Les ingénieurs du corps des mines.
Spécial. Esprit de corps: entente, habitude de se soutenir entre membres d'une corporation, d'un groupe social ou professionnel.
d2./d MILIT Corps d'armée.
Corps de l'artillerie, du génie, ensemble de ceux qui appartiennent à ces armes.
Corps expéditionnaire: troupe constituée en vue d'une expédition lointaine. Corps franc: compagnie d'un régiment chargée des opérations de commando et de l'exécution des coups de main.
d3./d CHOREGR Corps de ballet: ensemble de la troupe des danseurs et danseuses.
d4./d THEOL Corps mystique du Christ: l'église elle-même, car tous les baptisés forment un corps dont Jésus-Christ est la tête.
d5./d MATH Anneau unitaire (structure algébrique) tel que, pour tout élément a (différent de 0) de celui-ci, il existe un élément a' de cet anneau vérifiant a'a = 1. Corps des nombres réels, des nombres rationnels.

⇒CORPS, subst. masc.
I.— [Chez les êtres vivants organisés] Ensemble des parties matérielles constituant l'organisme, siège des fonctions physiologiques et, chez les êtres animés, siège de la vie animale. Mon corps avec ses diverses parties et ses divers organes est un, quoique composé (SENANCOUR, Rêveries, 1799, p. 174). Les végétaux sont des corps vivans organisés (LAMARCK, Philos. zool., t. 1, 1809, p. 387) :
1. ... celui qui voit le corps de l'homme et ses mouvemens, voit l'homme autant qu'il peut être vu, quoique le principe de ses mouvemens, de sa vie et de son intelligence reste caché...
DUPUIS, Abr. de l'orig. de tous les cultes, préf., 1796, p. 5.
2. ... la substance de tout corps animal permet à la cause excitatrice d'y établir un orgasme énergique et l'irritabilité; tandis que la substance de tout corps végétal ne laisse à la cause excitatrice que le pouvoir de mettre en mouvement les fluides visibles contenus, ...
LAMARCK, Philos. zool., t. 2, 1809, p. 164.
II.— En partic. [Chez l'homme]
A.— [Le corps humain du point de vue de son anatomie et de son aspect extérieur]
1. [Le corps comme formant un tout] Corps bien bâti; haut du corps; étudier le corps; être beau de corps. Une assez belle tête sur un corps nain et difforme (SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 322); ce grand corps tout en os et en peau (GIONO, Colline, 1929, p. 82); ce grand corps flasque est sans âge (MARTIN DU G., Vieille Fr., 1933, p. 1087) :
3. ... le corps de l'homme possède non-seulement un squelette articulé, mais encore celui de tous qui est le plus complet et le plus perfectionné dans toutes ses parties. Ce squelette affermit son corps, fournit de nombreux points d'attache pour ses muscles, et lui permet de varier ses mouvemens presqu'à l'infini.
LAMARCK, Philos. zool., t. 1, 1809, p. 138.
SYNT. Corps bien/mal constitué, proportionné; corps difforme, disgracié; corps mince, svelte; corps de liane; corps dodu, épais, trapu; corps chétif, amaigri, décharné; corps osseux, squelettique; morphologie, constitution, configuration du corps; silhouette, lignes du corps; parties, partie inférieure, haut du corps; membres, attaches du corps; muscles, organes, veines du corps; beauté, difformité du corps; beau corps; corps harmonieux; (être) beau de visage et de corps; (être) sans défaut de corps; (être) mince de corps; étudier, disséquer le corps humain.
Loc. fig., vieilli. Prendre l'ombre pour le corps. Confondre de trompeuses apparences avec la réalité. [Le suj. désigne deux pers.] Être comme l'ombre et le corps. Être inséparables, ne pas se déplacer l'une sans l'autre. C'est comme l'ombre et le corps.
Spécialement
a) [Le corps féminin p. oppos. au corps masculin et dans sa représentation poétique] Corps superbe, gracieux, élégant; joli corps; corps de vierge, de fée, de déesse :
4. Tout ton essai a ce même charme grêle, timide et gauche que tu attribues au corps de la femme. La forme des phrases suggère sans cesse cette subtilité frileuse et enveloppée : toujours leur mouvement est juste et reproduit l'inflexion délicieusement déformée du corps féminin.
J. RIVIÈRE, Correspondance [avec Alain-Fournier], 1907, p. 281.
b) [Le corps humain du point de vue des vêtements qui le couvrent] Jeannot avait sur le corps nu un petit pantalon blanc avec des bretelles (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 111).
SYNT. Linge de corps; (re)couvrir, revêtir son corps (d'un vêtement); jeter un vêtement sur son corps; avoir un vêtement autour du corps; (avoir) le corps serré dans un vêtement.
Loc. adj. [En parlant d'un vêtement] Près du corps. Très ajusté, sans être tout à fait collant. On a beaucoup remarqué l'apparition d'un smoking près du corps en fin lainage bleu pastel (Le Monde, 1969 ds GIRAUD-PAMART 1971).
2. P. méton.
a) [P. oppos., explicite ou implicite, à tête et à membres] Partie centrale et massive du corps humain, contenant l'ensemble des organes vitaux, à laquelle viennent s'attacher la tête et les membres (c'est-à-dire le tronc; plus rarement, le buste). Il avait le corps pris dans une cuirasse brune tailladée en petites écailles (FLAUB., Salammbô, t. 2, 1863, p. 9).
SYNT. Inclinaisons de tête et de corps; avoir une grosse tête sur un petit corps; avoir un corps et des membres bien proportionnés. ,,Il a le corps bien fait, mais les jambes un peu trop courtes. Il a le corps long, le corps tout de travers`` (Ac.). Pencher, plier le corps en avant; rejeter le corps en arrière. Vêtement, robe qui moule le corps.
Loc. adv. À mi-corps. À mi-hauteur du corps, au niveau de la taille, de la ceinture. Portrait à mi-corps. Portrait en buste.
Loc., BOXE. Travailler (un adversaire) au corps. Frapper (un adversaire) à la poitrine et à l'estomac.
P. méton. Partie de certains vêtements qui enveloppent le tronc. Corps de chemise, de robe. ,,Les manches d'un corps. Ce corps est trop long, trop large, trop étroit. Élargir, étrécir un corps`` (Ac.). Corps d'armure, de cuirasse.
Vieux
Corset. Corps rembourré ,,pour cacher les défauts de la taille`` (Ac.). Corps de baleine ou corps baleiné. Corset pourvu de baleines destiné à affiner la taille. Corps piqué.
Corps de jupe ou, p. ell., corps. Corsage d'une robe :
5. ... la robe se compose de la jupe et du buste ou corps de la jupe : ensuite toutes les femmes ayant la prétention d'être minces, le corps de la jupe est devenu par courtoisie un petit corps ou corset et il deviendra sans doute un corselet.
GOURMONT, Esthétique de la lang. fr., 1899, p. 207.
Rem. Cf. LELOIR 1961.
b) [Dans qq. loc.] Personne dans sa totalité.
Vieilli, fam. C'est un pauvre corps. C'est un homme sans vigueur et dépourvu d'esprit. Le pauvre corps! (cf. Ac. 1835, 1878). C'est un drôle de corps. C'est un homme singulier. C'est un plaisant corps. Je suis un drôle de corps comme disait Chéruel, j'ai cru me connaître dans un temps, mais à force de m'analyser je ne sais plus du tout ce que je suis (FLAUB., Corresp., 1845, p. 49). Avoir (une mauvaise affaire) sur le corps. ,,Être impliqué dans une affaire compromettante, dangereuse`` (Ac. 1878).
Garde du corps. Garde attaché à la protection d'une personnalité, en particulier d'un homme d'État. Gardes du corps du roi, du général; gardes du corps personnels; uniforme, capitaine, escadron, compagnie, revue des gardes du corps. P. anal. Il me faut être son garde du corps. Jusqu'au jour où elle prendra mari, s'entend. Je suis relevé de mon serment le jour des noces (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 20). P. ext. Cinq ou six gros chiens capables de dévorer un homme, (...) sont ses gardes du corps (ABOUT, Grèce contemp., 1854, p. 92).
Rem. Cf. par ailleurs les loc. passer sur le corps de qqn; à son corps défendant; à corps perdu (infra II B 2 c, e) et répondre de qqn corps pour corps (infra II B 4).
En partic., DR.
) [Désigne la pers. p. oppos. aux biens matériels] Séparation de corps (et de biens); demande en séparation de corps (et de biens); requérir, prononcer la séparation de corps (et de biens). — Tu ne devrais pas divorcer, Agnès, c'est mal. (...) — Tu peux simplement demander une double séparation de corps et de biens (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1939, p. 224).
Spéc., MAR. [Désigne le navire, p. oppos. aux marchandises appelées biens] Assurance sur corps; navire (déclaré) perdu corps et biens, qui a péri corps et biens; couler, sombrer corps et biens.
Rem. Corps ,,A pris aujourd'hui le sens de « passagers » ou d'« équipage » à la suite d'un contresens sur l'expression corps et biens...`` (BARBER. 1969).
) [Désigne la pers. en tant qu'elle peut être contrainte physiquement, arrêtée et incarcérée, par voie de justice, en cas d'infraction aux lois] Prise de corps; jugement, ordonnance, décret de prise de corps; obtenir une prise de corps contre qqn; contrainte par corps; exercer une contrainte par corps; condamner par corps; appréhender au corps.
B.— 1. [Le corps humain du point de vue de la physiologie, sous le rapport de la santé, de la maladie et des différentes phases de son développement] Vieillissement du corps; corps bien portant. Elle était bien de corps, mais malade de cœur (LAMART., Graziella, 1849, p. 275). Le vieux corps était agité d'un tremblement convulsif (BERNANOS, Imposture, 1927, p. 471) :
6. ... un corps bien portant qu'il faut soigner est comme un bon outil qu'on doit entretenir; un corps malade est comme une machine qu'on répare; la fatigue, le sommeil, la souffrance livrent le corps aux choses; ...
RICŒUR, Philos. de la volonté, 1949, p. 326.
SYNT. Petit corps d'enfant; frêle corps d'adolescente; merveilleux corps de jeune fille; beau corps de femme; corps sain, vigoureux; corps gracile, frêle; corps courbatu(ré), moulu de fatigue, exténué; corps meurtri, infirme, amputé de ses bras; pauvre corps douloureux; jeune corps musclé; corps courbé par l'âge; fatigue, affaiblissement, maladie, souffrance, détresse du corps; frissonner, trembler, frémir de tout son corps; sentir son corps se glacer.
Locutions
Prendre corps. Grossir, devenir corpulent, prendre de l'embonpoint. Avoir trop de corps. Il s'était développé tout à coup, avait pris du corps et des muscles (MARAN, Batouala, 1921, p. 47). Spéc., MAN. [Le suj. désigne un cheval] Avoir du corps. Avoir de larges et longues côtes, bien développées.
N'avoir rien dans le corps. ) Avoir l'estomac vide, être à jeun. ) Être sans vigueur, sans ressort.
♦ [Le suj. désigne un aliment] Tenir au corps. Être très nourrissant.
(Être) en bon/en mauvais corps (vx). (Être) en bonne/en mauvaise santé (cf. LITTRÉ). Avoir un corps de fer (fig., fam.). Être de constitution robuste, être résistant. C'est un corps de fer (Ac. 1835, 1878). Ne pas être traître à son corps (fam.). Être attentif à son bien-être (cf. Ac. 1835, LITTRÉ). Faire de son corps une boutique d'apothicaire (p. métaph., vieilli). Faire un usage abusif des médicaments (cf. LITTRÉ). Faire corps neuf (fig.). [Après une longue maladie] Se rétablir, recouvrer ses forces en ayant le sentiment de revivre (cf. Ac. 1835, LITTRÉ). Spéc., MAN. [Le suj. désigne un cheval] Être nourri au fourrage frais, être mis au vert. ,,Ce cheval a fait corps neuf`` (Ac. 1835).
En partic.
a) [Le corps humain sous le rapport de l'effort physique, du travail] Bourreau de son corps (fam.) Personne qui abuse de ses forces, se dépense sans se ménager (cf. Ac. 1878-1932). Gagner sa vie, gagner son pain, manger son pain à la sueur de son corps. Gagner sa vie... durement, en travaillant et en se donnant beaucoup de peine. Synon. usuel gagner son pain à la sueur de son front. ,,Ce sont de pauvres gens qui gagnent leur vie à la sueur de leur corps`` (Ac. 1835, 1878). [Le suj. désigne gén. une pers. laborieuse dont les résultats ne sont pas en rapport avec l'effort déployé] Se tuer le corps et l'âme. (P. hyperb., fam.). Se donner beaucoup de mal, user ses forces, s'épuiser. ,,Il s'est tué le corps et l'âme pour amasser de quoi vivre`` (Ac. 1835, 1878).
b) [Le corps humain en tant que support matériel de la pensée et de son expression, et des ressources du caractère] Savoir, connaître, voir... ce que qqn a dans le corps. Savoir, connaître... ses pensées dissimulées, ses intentions secrètes. Savoir, connaître... ses possibilités, ses ressources de caractère. Synon. usuel fam. savoir, connaître... ce que qqn a dans le ventre. N'avoir rien dans le corps. N'être capable de rien manquer de caractère. Synon. usuel fam. ne rien avoir dans le ventre. Faire rentrer à qqn ses paroles dans le corps (fig., vieilli, fam.). Lui faire retirer ses paroles de force (cf. LITTRÉ, DG).
Rem. Cf. infra la rem. sous B 2 a.
Loc. hyperbolique. Pleurer toutes les larmes de son corps (cf. BALZAC, Cous. Pons, 1847, p. 299).
c) [Le corps du point de vue de la psychol., de la philos.] :
7. ... s'il est vrai que j'ai conscience de mon corps à travers le monde, (...) il est vrai pour la même raison que mon corps est le pivot du monde : je sais que les objets ont plusieurs faces parce que je pourrais en faire le tour, et en ce sens j'ai conscience du monde par le moyen de mon corps.
MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception, 1945, p. 97.
Image du corps. Représentation qu'un sujet a de son corps. Corps objectif. Corps humain en tant qu'il est matériel. [P. oppos. à corps subjectif] Corps phénoménal, corps(-)propre, corps-sujet :
8. ... la permanence du corps propre, si la psychologie classique l'avait analysée, pouvait la conduire au corps non plus comme objet du monde, mais comme moyen de notre communication avec lui, ...
MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception, 1945, p. 109.
2. [Le corps humain du point de vue de la motricité en général ou appliquée aux exercices physiques, à la lutte.] Motricité, inactivité du corps; corps souple; jeux qui exercent le corps. Je ne savais rien faire de mon corps, pas même nager ni monter à bicyclette (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 162).
SYNT. Maîtrise, obéissance, mouvements, attitudes, positions, paresse, immobilité du corps; corps flexible, agile, nerveux, musculeux, athlétique; corps sans souplesse.
Loc. (souvent à sens fig.)
a) Avoir le diable au corps
♦ [Avec l'idée d'énergie intense, infernale]
Déployer une grande activité physique, s'agiter bruyamment; être dans un état de grande excitation. [En parlant d'un enfant] Être remuant, turbulent; ne pas tenir en place. — Voulez-vous me laisser tranquille! Mais vous avez donc le diable au corps tous les deux! (BARRIÈRE, CAPENDU, Faux bonsh., 1856, IV, 1, p. 142) :
9. Au lieu de mes gros bons chevaux tranquilles d'autrefois, de petits chevaux arabes qui ont le diable au corps, se battent, se mordent, (...) et me brisent mes brancards à coups de pieds...
A. DAUDET, Tartarin de Tarascon, 1872, p. 105.
Rem. À noter, dans le même esprit : Ce louchon d'Augustine qui venait de pratiquer un trou au milieu du marc, en enfonçant une cuiller dans le filtre. — Veux-tu te tenir tranquille! cria Gervaise. Qu'est-ce que tu as donc dans le corps? Nous allons boire de la boue, maintenant (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 545).
Déployer une étonnante activité en y mettant énergie et passion, en faisant preuve de qualités d'esprit, de courage... Je ne sais où il prend tout ce qu'il dit, tout ce qu'il fait est prodigieux, je crois qu'il a le diable au corps, il faut qu'il ait le diable au corps (Ac. 1835, 1878).
Péj. Être agressif, violent; accomplir de mauvaises actions, agir mal. — Avez-vous le diable au corps de vous quereller ainsi? (LEMERCIER, Pinto, 1800, I, 10, p. 32).
b) Couvrir qqn de son corps; faire à qqn un rempart de son corps. M. Castel, craignant (...) que les révolutionnaires n'eussent le projet d'assassiner le prince, ne le quitta pas, résolu à lui faire un rempart de son corps (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1833, p. 151).
c) Passer sur le corps de qqn. Une fois par terre, leurs tilburys vont vous passer sur le corps (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 248). P. méton. de l'obj. Passer sur le corps d'une troupe ennemie. Triompher d'une troupe ennemie en forçant l'obstacle qu'elle représente (cf. Ac. 1878-1932). Fig. Passer sur le corps de qqn, sur le corps à qqn. Triompher, par n'importe quel moyen et sans aucun scrupule, d'une personne qui se présente comme un obstacle sur son chemin.
d) Fig., vieilli. Tomber rudement sur le corps de qqn, sur le corps à qqn. Maltraiter quelqu'un en paroles, en sa présence ou à son insu (cf. Ac. 1835, 1878).
e) Loc. adv. ou adj. À bras(-)le(-)corps.
Corps à corps. En saisissant l'adversaire directement au corps; corps contre corps; de très près. Lutte, combat corps à corps; se battre, lutter, combattre corps à corps avec qqn; prendre corps à corps qqn. Les deux adversaires se saisirent corps à corps, s'enlacèrent comme deux serpents et se frappèrent avec furie (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 1, 1859, p. 54).
Fig. De front, face à face :
10. ... l'auteur qui ose prendre corps à corps la prudence, l'égoïsme, toutes ces choses prétendues raisonnables derrière lesquelles les gens médiocres se croient en sûreté pour lancer des traits contre les caractères ou les talents supérieurs.
Mme DE STAËL, De l'Allemagne, t. 3, 1810, p. 201.
Emploi subst. Un corps(-)à(-)corps. Rudes, furieux corps(-)à(-)corps; éviter le corps(-)à(-)corps avec l'ennemi. P. ext. Le corps à corps purement érotique, étroitement limité au temps du plaisir, n'admet pas non plus les tricheries (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 108). Fig. Ce que je sais, c'est l'action qui me l'a appris. Le corps à corps avec les réalités (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, pp. 990-991).
À son corps défendant. En se défendant contre une attaque (vx; cf. Ac. 1835, 1878). Fig., fam. Contre sa volonté, de mauvais gré. Il a dû, à son corps défendant, emporter cet été à la campagne mon volumineux manuscrit (MARTIN DU G., Notes A. Gide, 1951, p. 1361).
Loc. adv. À corps perdu. De toutes ses forces, avec une fougue que ne tempère pas la perspective de la fatigue, la crainte du danger. Se jeter, s'élancer à corps perdu dans la mêlée. Fatigué de s'en être tant donné, car les enfants font tout à corps perdu, il s'endormit (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 40).
En emploi adj., plus rare. Le grand travail à corps perdu dans les blés en retard (POURRAT, Gaspard, 1931, p. 202).
Fig. Avec passion, sans hésitation et sans mesure, sans retenue et sans prudence. Je me lance à corps perdu dans les lectures religieuses (FLAUB., Corresp., 1846, p. 415).
3. [Le corps humain sous le rapport de la sexualité] Corps pétri de désirs; corps enlacés. Le frémissement de son corps voluptueux avouait son amour (MILLE, Barnavaux, 1908, p. 163). La jouissance, la grande joie fleurie des corps consentants et complices? (CAMUS, Homme rév., 1951, p. 63) :
11. ... elle (...) regarda avec pitié son chaste corps intact, (...). Elle savait qu'il aurait droit à toute caresse, et à celle-là, mystérieuse et terrible, après quoi un enfant naîtrait, ...
MAURIAC, Le Baiser au lépreux, 1922, p. 168.
SYNT. Corps (de femme) humide et voluptueux; corps frigide; corps amoureux; corps noués l'un à l'autre; corps de femme pantelant d'ardeur; appétits, concupiscences du corps; enlacement de deux corps; jouissances fiévreuses du corps; s'étreindre corps à corps; couvrir un corps de baisers; posséder un corps; jouir d'un corps de femme; être un même corps et une même chair avec une femme; femme qui fait cadeau de son corps, livre son corps à un homme, aux caresses d'un homme; femme qui vend son corps.
Avoir le diable au corps (supra II B 2 a). Se laisser emporter par les passions charnelles. Le diable au corps (roman de R. Radiguet). [Le suj. désigne une femme] Être folle; faire folie; faire des folies de son corps (vieilli). Être libertine, mener une vie dissipée.
4. [Le corps humain en tant que symbole de la vie] Faire bon marché de son corps. Ne pas craindre d'exposer sa vie (cf. Ac. 1798-1878). Un soldat est habitué à faire bon marché de son corps (Lar. 19e). Répondre de qqn corps pour corps. Répondre de quelqu'un comme de soi-même, en répondre sur sa propre vie. Je connais sa probité, je répondrais de lui corps pour corps (Ac. 1835, 1878).
C.— [Le corps humain en tant qu'il est matériel, sous son aspect charnel ou en tant qu'il est mortel, p. oppos. à âme et à esprit (ou, dans le même ordre d'idées, à pensée, à tête)]
1. [P. oppos. à âme « principe de vie de nature spirituelle et immortelle », dans les conceptions dualistes, chrétiennes en particulier] Le corps est homme, et l'âme est Dieu! (LAMART., Jocelyn, 1836, p. 774) :
12. Un journal où l'on pourrait tout dire, qui ne serait pas le journal du corps en rébellion contre l'âme, ni de l'âme opprimant le corps, mais le journal des deux, le journal de l'homme enfin réconcilié avec lui-même.
GREEN, Journal, 1948, p. 191.
SYNT. a) De corps et d'âme : (femme) parfaite de corps et d'âme; (être) fort, robuste, faible de corps et d'âme; (être) léger, malade de corps et d'âme; souffrir de corps et d'âme. b) Du corps et de l'âme : connaissance, vie du corps et de l'âme; exigences, lutte du corps et de l'âme; pain, repos du corps et de l'âme; santé, infirmités, tortures, du corps et de l'âme; netteté, grâce du corps et de l'âme. c) Autres synt. Union, relations de l'âme et du corps; subordination du corps à l'âme; souffrir dans son corps et dans son âme.
[L'opposition est implicite] Corps de chair; corps terrestre et passager; dompter le corps; mortifier son corps. Trois fois j'ai purifié mon corps par de longues ablutions (DU CAMP, Mém. suic., 1853, p. 185). Il [le vent de la montagne] nous reprochait la vanité de nos œuvres, la turpitude de nos corps (FLAUB., Tentation, 1856, p. 532) :
13. Le christianisme est bien dans vos moelles, et votre fameuse démoralisation d'après guerre, (...) a restauré la notion de péché. La notion de péché sans la grâce, imbéciles! Vous méprisez votre corps parce qu'il est l'instrument du péché.
BERNANOS, Un Mauvais rêve, 1948, p. 969.
Corps et âme; corps sans âme; avoir l'âme (bien) chevillée au corps.
HÉRALD. [P. oppos. à âme d'une devise] Corps d'une devise. Figure emblématique représentée dans la devise.
2. [P. oppos. à esprit « principe et siège des facultés intellectuelles », ou, dans le même ordre d'idées, à pensée, à tête] On voit trop, dans la plupart des amants, leurs esprits s'ignorer aussi naturellement que leurs corps se connaissant (VALÉRY, Variété I, 1924, p. 80). Une guerre est une épreuve de force qui (...) juge les corps mais aussi les esprits et les cœurs (MAURIAC, Journal occup., 1944, p. 307) :
14. Il faut détruire l'antagonisme du corps et de l'esprit, non pas en égalant les deux termes, mais en portant l'un des termes à l'infini, de sorte que l'autre s'anéantisse et devienne comme zéro. Cela fait, accordez au corps ses jouissances; car les lui refuser, ce serait supposer que ces misères ont quelque valeur.
RENAN, L'Avenir de la sc., 1890, p. 404.
SYNT. a) Le corps et l'esprit : lutte entre le corps et l'esprit; nourrir, reposer le corps et l'esprit. b) Du corps et de l'esprit : vie, forces, santé, aliment du corps et de l'esprit. c) De corps et d'esprit : occupation, fatigue, misère de corps et d'esprit; (être) sain, agile, faible, malade de corps et d'esprit. d) D'esprit et de corps : activité, repos, abattement d'esprit et de corps; (être) heureux, fatigué d'esprit et de corps.
D.— Spéc., RELIG. CHRÉT. Corps du Christ (en latin Corpus Christi), corps de Notre Seigneur. Corps humain qu'a pris le Christ par l'Incarnation (cf. MARCEL 1938).
Rem. ,,Ce raffinement de la philosophie platonicienne qui a fourni à l'auteur de l'évangile de Jean, le seul morceau théologique qui se trouve dans les évangiles. « Le verbe prit un corps; il habita parmi nous, et nous avons vu sa gloire; c'est celle du fils unique du Père.» ``(DUPUIS, Orig. cultes, 1796, p. 386).
Représentation du corps du Christ sur la croix :
15. Le prêtre se releva pour prendre le crucifix; (...) collant ses lèvres sur le corps de l'Homme-Dieu, elle y déposa de toute sa force expirante le plus grand baiser d'amour qu'elle eût jamais donné.
FLAUBERT, Madame Bovary, t. 2, 1857, p. 180.
[Le corps, et le sang du Christ en tant qu'ils sont substantiellement présents dans le sacrement de l'Eucharistie, le premier sous l'apparence du pain ou de l'hostie, le second sous l'apparence du vin (cf. Saintes Espèces)] :
16. Le prêtre après qu'il a consommé le pain reçoit la substance de Jésus-Christ
Sous une espèce liquide,
Le corps concomitant au sang, Dieu au corps par le Verbe réuni
Tient dans ce calice qu'il vide,
...
CLAUDEL, Poèmes de guerre, Le Précieux sang, 1916, p. 533.
Recevoir le corps du Christ. Recevoir l'hostie, le sacrement de l'Eucharistie; communier. Tu reçus pour la première fois le corps de Notre-Seigneur-Jésus-Christ. (...) la communication du corps de Notre-Seigneur guérit tous les maux (PÉGUY, Myst. charité, 1910, p. 61).
Corpus Christi. ,,Nom latin officiel de la Fête-Dieu`` (Foi, t. 1, 1968).
Vx ou région., loc. interjective employée comme juron. Corps(-)Dieu! Oloferno, se débattant. Corps-Dieu! (HUGO, L. Borgia, 1833, III, 1, p. 153).
E.— [Le corps humain sous le rapport de la mort; souvent en oppos. avec âme dans une perspective religieuse] Corps mortel, périssable (cf. supra II C). Elle restait là, (...) à sentir son corps s'en aller un peu plus, d'heure en heure (ZOLA, Bête hum., 1890, p. 32). Le sentiment de liberté que doit nous donner la mort, quand nous sommes désempêtrés du corps physique (GREEN, Journal, 1936, p. 53).
Corps expirant, mourant, agonisant. Nous trouvons le spasme au bout de l'ombre. Il secoue un corps à l'agonie. Ce corps, nous l'avons reconnu. (...) c'est Bernier qui râle (G. LEROUX, Parfum, 1908, p. 136). Corps et âme qui se séparent; trancher les liens du corps et de l'âme; âme qui abandonne un corps. La chaleur s'éteindra comme la chaleur d'un corps que l'âme vient d'abandonner, et la vie disparaîtra (VERNE, Île myst., 1874, p. 195).
Corps mort ou, p. ell. et plus fréquemment, corps. Cadavre. Corps inerte et raidi; corps glacé par le trépas; corps d'un défunt :
17. Entre le cadavre et le corps il y a une différence telle, que le cadavre n'est pas le corps. Le cadavre est un autre corps : il sera la matière, si vous voulez le nommer ainsi; mais il n'est pas le corps. L'être, comme dit Apollonius, a cessé de se manifester; de visible qu'il était, il est devenu latent ou invisible; et en devenant invisible, il a laissé dans le monde visible un cadavre.
P. LEROUX, De l'Humanité, t. 2, 1840, p. 451.
(Chambre) où repose un corps; veiller le corps; (procéder à) la levée du corps; enlever le corps; suivre le corps à l'église; départ du corps pour le cimetière; accompagner, porter le corps au cimetière; mettre, porter un corps en terre; descendre le corps dans la tombe; couvrir le corps de terre; enterrer, ensevelir un corps; inhumer le corps. Corps en décomposition; crémation du corps; restes d'un corps; embaumer, incinérer un corps; faire don de son corps; léguer son corps (à la faculté de Médecine), faire l'autopsie d'un corps. Quand nous mourons, vieux ou bambin, On vend le corps au carabin (BÉRANGER, Chans., t. 3, 1829, p. 232). Je veux que mon corps soit déposé dans un mausolée (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 341).
Spéc., RELIG. CATH.
Résurrection des corps. La résurrection des corps humains détruits par la mort n'est ni une œuvre impossible à Dieu, ni une œuvre indigne de lui (GILSON, Esprit philos. médiév., 1931, p. 198).
Corps pneumatique ou spirituel, par opposition à corps psychique ou animal. ,,L'homme rené de l'Esprit de Dieu (I Co 15, 44) et promis à la résurrection avec le Christ et à la vie éternelle`` (Foi t. 1 1968), par opposition à ,,l'homme vivant, après le péché`` (Foi t.1 1968) :
18. ... les dons du Saint-Esprit dont nous nourrissons notre corps spirituel sont appuyés sur cette bonne volonté en nous dont tout le mérite consiste dans sa pureté inaltérable.
CLAUDEL, Un Poète regarde la Croix, 1938, p. 183.
Rem. ,,Le corps qui nous est promis est un corps spirituel, suivant ce texte de saint Paul (I Cor. XV, 44-49) : est semé le corps animal, ressuscitera le corps spirituel. S'il est un corps animal, il en est aussi spirituel ainsi qu'il est écrit (saint Paul fait sans doute ici allusion à ce verset de la Genèse (II, 7) où Dieu insuffle dans les narines d'Adam un spiracle de vie) : ...`` (CLAUDEL, Un Poète regarde la croix, 1938, p. 183).
Corps glorieux. Corps des Bienheureux transfiguré par la résurrection :
19. ... l'âme à son tour renaîtra à la vie totale dans un corps spirituel : car il faut que ce corps corruptible revête l'incorruptibilité, et que ce corps mortel revête l'immortalité. (...) Cette foi en la résurrection des corps glorieux (...) résout enfin les contradictions de l'émotion, en nous rétablissant dans une unité qui défie toutes les séparations.
J. VUILLEMIN, Essai sur la signif. de la mort, 1949, p. 260.
P. plaisant. C'est un corps glorieux. C'est une personne qui ne semble pas soumise à certaines nécessités physiologiques (cf. DG). Ce n'est pas un corps glorieux.
Corps(-)saint. Dépouille mortelle d'un saint. ,,On trouva dans cette église plusieurs corps-saints`` (Ac.). Loc. Enlever qqn comme un corps(-)saint. ,,L'enlever de vive force et sans qu'il ait le temps de résister`` (LITTRÉ).
Rem. LITTRÉ précise : ,,Ainsi écrite, cette locution est inintelligible; (...) voyez-en l'explication à corsin qui est une bonne orthographe, celle-ci étant tout à fait vicieuse. [corsin : usurier, négociant en argent. (...) (les Lombards et hommes d'argent étaient, dans le moyen âge, exposés à de fréquentes violences)] (...) comme on ne comprenait plus la locution, on y a attaché un sens tout opposé et en rapport avec corps saint, c'est-à-dire enlever en pompe et avec honneur, (...)``.
III.— P. anal. [P. réf. aux idées dominantes attachées à la notion de corps humain]
A.— [P. réf. au corps humain en tant qu'il est matériel]
1. PHYS., CHIM. Ensemble inorganique de molécules. P. oppos. à corps vivant, organisé, animé (supra I). Corps inanimé, inorganique, inorganisé; étude, propriétés des corps. Tout corps brut ou inorganique n'a l'individualité que dans sa molécule intégrante (LAMARCK, Philos. zool., t. 1, 1809, p. 378) :
20. ... le poids d'un corps est proportionnel à sa masse; d'autre part, (...) la masse d'un corps est quelque chose d'invariable, de fondamental et de persistant, à travers toutes les modifications que le corps est susceptible d'éprouver...
COURNOT, Essai sur les fondements de nos connaissances, 1851, p. 183.
Corps célestes. Astres, planètes autres que la terre. Mouvements, trajectoire des corps célestes. Corps planétaires. Corps célestes, appartenant au système solaire. Le grand foyer de l'attraction est le soleil, qui l'exerce sur tous les corps planétaires qu'il fait tourner autour de lui (BERN. DE S.-P., Harm. nat., 1814, p. 271). [Mécan. céleste] Problème des trois corps (cf. Lar. encyclop.).
HIST. DE LA PHILOS. [Chez Épicure] Petits corps. Synon. atomes.
[Du point de vue de la phys.] Substance, dimensions d'un corps; conductibilité, densité d'un corps; corps physiques; corps solides, fluides, liquides, gazeux; corps soluble, friable, résistant, combustible, réfractaire, radioactif. Corps électriquement neutre, isolant, semi-conducteur (cf. NEYRON 1970).
[Du point de vue de la chimie] Corps chimiques, acidité d'un corps; corps oléagineux, minéral, neutre, instable, toxique, putrescible.
Corps (pur) simple. Corps constitué d'une seule sorte d'élément chimique, que l'on ne peut pas décomposer et qui est le terme ultime de l'analyse (cf. DUVAL 1959, p. 881 et GRAND. 1962). Synon. Corps élémentaire, élément chimique.
Corps pur composé. Corps constitué par la combinaison (et non le mélange) de deux ou plusieurs corps purs simples dans un rapport fixe et possédant donc des constantes physiques et chimiques (cf. DUVAL 1959, p. 881 et GRAND. 1962). Corps composé. Corps composé pur mélangé à d'autres corps (cf. GRAND. 1962).
Corps pur. Corps pur, simple ou composé que caractérise l'identité de toutes ses molécules, (constituées ou non d'atomes différents), où l'analyse révèle toujours les mêmes éléments dans des proportions invariables et dont les propriétés physiques et chimiques sont constantes (cf. CHARLES 1960 et GRAND. 1962).
Corps gras (neutre). ,,Graisses ou huiles animales et végétales (...)`` (GRAND. 1962).
2. P. ext.
a) Objet matériel quel qu'il soit :
21. Cette coquille m'a servi, excitant tour à tour ce que je suis, ce que je sais, ce que j'ignore... (...) ce petit corps calcaire creux et spiral appelle autour de soi quantité de pensées, dont aucune ne s'achève...
VALÉRY, Variété V, 1944, p. 37.
b) Spécialement
DR. CIVIL. Corps certain. Chose caractérisée par sa matérialité et son individualité et qui n'est donc pas interchangeable (cf. CAP. 1936, Jur. 1971 et BARR. 1974). Anton. chose fongible, chose de genre. DR. PÉNAL. Corps du délit (corpus delicti). Objet qui constitue et prouve le délit. Confiscation du corps du délit. Si nous avons été condamnés en Amérique, nous ne le serions jamais en Europe, car devant des juges européens le corps du délit manqueroit (BALZAC, Annette, 1824, p. 65).
MAR. Corps flottant. Bouée, coffre... Corps(-) mort. Dispositif de mouillage solidement établi à un point fixe, comportant notamment une chaîne, maintenue en surface par un corps flottant, à laquelle peuvent s'amarrer des bâtiments. La dilatation des eaux irrésistibles détache de la boue, allège comme des bouchons les pontons et les corps-morts (CLAUDEL, Connaiss. Est, 1907, p. 98).
Rem. ,,On appelle encore corps-morts, les ancres, canons, pieux, boucles, anneaux, qui sont employés comme points d'arrêt pour les câbles ou amarres que les bâtiments, dans un port, peuvent avoir besoin de fixer le long des quais`` (BONN.-PARIS 1859).
MÉD. Corps étranger. Corps inanimé, provenant de l'extérieur ou formé sur place (caillot de sang, calcul, fragment d'os, etc.), dont la présence anormale dans l'organisme peut être cause de complications, particulièrement à certains endroits (organe, conduit, etc.). Vous pouvez guérir. La balle deviendra un corps étranger bien toléré (BOURGET, Sens mort, 1915, p. 159).
Corps flottant. Corps étranger mobile dans le corps vitré de l'œil (cf. Méd. Biol. t. 1 1970).
Rem. Corps vitré, infra B 3 c.
c) Région. (Canada). Corps(-)mort. Arbre abattu, mort par suite d'une tempête ou de son grand âge. Une terre à bois pillée, remplie de corps morts qu'on n'a pas su utiliser quand il en était temps (A. THÉRIO, La Soif et le mirage, Montréal, Cercle du Livre de France, 1960, p. 222).
3. P. méton.
a) [Pour signifier la nature d'une matière]
) [Épaisseur, solidité, tenue... en parlant de choses plus ou moins minces, souples... par nature] ,,Une étoffe qui a du corps`` (Ac. 1932). ,,Ce parchemin, ce papier n'a pas de corps, n'a pas assez de corps`` (Ac. 1932). ,,Cette lame d'épée est bien mince, elle n'a point de corps`` (Ac. 1932). Il fume. Il regarde sa fumée. Elle se déploie hors de sa pipe comme une chose vivante; elle a du corps (GIONO, Regain, 1930, p. 234).
TYPOGR. Corps d'un caractère. Épaisseur, mesurée verticalement, de la tige de plomb qui supporte toute la lettre, hampe et jambage compris, exprimée en points typographiques. ,,Ce caractère est fondu sur le corps dix, sur le corps douze`` (Ac. 1835-1932). Force de corps d'un caractère.
Rem. Cf. corps d'une lettre, infra A 3 b.
) [Consistance, en parlant de substances plus ou moins liquides par nature] ,,Ce sirop n'est pas assez cuit, il n'a pas assez de corps `` (Ac. 1932). ,,Cet onguent, cet emplâtre a trop peu de corps`` (Ac. 1932). Pour donner corps à son potage, il trempait un épi dans la jarre d'huile de noix et se contentait de le laisser s'égoutter sur l'écuelle (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 25).
En partic. [P. réf. au corps humain matériel en tant qu'il est le siège de la force physique]
♦ [En parlant d'une boisson alcoolisée, surtout d'un vin] Force, vigueur. ,,Un vin qui a du corps, qui n'a point de corps, qui prend du corps`` (Ac. 1932).
Fig. Plus le style a de corps, plus il est moral (JOUBERT, Pensées, t. 1, 1824, p. 319). Le chant naturel (...) est plein et soutenu sans le secours de l'harmonie; (...) nulle musique n'a autant de corps ni autant de force (ALAIN, Beaux-arts, 1920, p. 114).
) Loc. verbales fig.
[Le suj. désigne une chose abstr.] Prendre corps.
♦ Devenir perceptible, sensible, comme matériel; se matérialiser. Cet être de délicatesse et d'ineffable douceur, c'est le songe même du poète ayant pris corps dans une vision à la fois réelle et symbolique (BOURGET, Nouv. Essais psychol., 1885, p. 97). Dans cette pièce, où tous les six, muets, nous nous tenions, ce silence prenait corps dans une pâte humaine (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 275).
♦ Prendre forme, se préciser, devenir consistant, prendre de l'importance et de la réalité. Désir, crainte qui prend corps; soupçons qui prennent corps. Il faut que l'idée de révolution sociale prenne corps dans des revendications précises (JAURÈS, Et. soc., 1901, p. 105). Alors commença de prendre corps dans les journaux parisiens la honteuse légende de la captivité agréable et dorée (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 129).
[Le compl. d'obj. désigne une chose abstraite] Donner (un/du) corps à qqc.
Donner (un) corps à qqc. Lui donner forme, précision, consistance; lui donner de la réalité, le matérialiser; le réaliser, le concrétiser. Donner corps à l'espoir, à l'ambition, à une œuvre; donner un corps à une idée, à une théorie, à des rêves. L'écriture donne un corps à la parole en la mettant sous les sens (BONALD, Législ. primit., t. 2, 1802, p. 9). La métaphore vient donner un corps concret à une impression difficile à exprimer (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 79).
Donner du corps à qqc. Lui donner plus de consistance, plus de réalité. Donner quelque corps à qqc.; donner quelque corps à une hypothèse. Si mon mari avait été gravement malade, cela aurait donné du corps à tous ces potins (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 146) :
22. L'imagination donne du corps aux idées et leur crée des types et des symboles vivants qui sont comme la forme palpable et la preuve d'une théorie abstraite.
VIGNY, Le Journal d'un poète, 1824, p. 880.
b) [P. réf. au corps, et en partic. au tronc (cf. supra II A 2) en tant qu'il est le contenant des organes corporels vitaux] Partie, élément qui, du fait de sa masse, de sa situation, de sa constitution, de sa fonction... constitue la partie, l'élément central et essentiel de quelque chose, par opposition à ce qui est relativement accessoire.
) ANAT. ANIMALE ET HUM. Partie centrale, principale de certains os, muscles ou organes.
Corps d'un os : corps de l'os hyoïde, d'une phalange, du sphénoïde, du sternum. Partie moyenne de l'os hyoïde, d'une phalange... (cf. Méd. Biol. t. 1 1970). Corps du fémur, corps de l'os maxillaire supérieur. Corps vertébral. ,,Partie antérieure, renflée et cylindrique, d'une vertèbre. (...)`` (cf. Méd. Biol. t. 1 1970). Corps des vertèbres, corps de l'atlas. Corps d'un muscle, corps du biceps brachial. Corps d'un organe : corps du clitoris, corps de la verge, corps du pancréas, corps de la vésicule biliaire.
) BOT. Corps ligneux. Dans les branches, la tige ou la racine de certains végétaux, zone ligneuse, centrale entre la moelle et l'écorce. On n'a pas idée de la nappe qui circule dans un corps ligneux adulte pour répondre à son besoin d'eau (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 17).
) ARCHIT. Corps de logis ou corps de bâtiment. Partie centrale, ou la plus massive d'un bâtiment (isolé ou compris dans un ensemble), souvent par opposition aux ailes où à des annexes diverses. Le pavillon (...) était situé au fond du jardin et dans un isolement complet (...) l'écurie se trouvait dans un des corps du logis de l'hôtel (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 1, 1859, p. 314). L'hôtel se dressait, ayant aux angles deux pavillons, deux sortes de tours engagées à demi dans le corps du bâtiment (ZOLA, Curée, 1872, p. 331).
FORTIF. Corps d'une place ou d'une forteresse. ,,La place ou la forteresse considérée, abstraction faite de ses dehors`` (Ac. 1835, 1878). ,,Les assiégeants avaient pris les dehors, et étaient attachés au corps de la place`` (Ac. 1835, 1878).
) MAR. Corps d'un bateau, d'un navire... Coque du bateau, du navire... sans les ponts, les mâts, les voiles... Corps de voile. Chacune des voiles principales d'un navire.
) Dans le domaine des écrits. Corps d'un livre, d'un ouvrage... Développement de la pensée de l'auteur, texte même, par opposition aux pages préliminaires, aux commentaires marginaux, aux appendices, tables et index divers. Corps d'un chapitre; corps d'un journal, d'un article. Pour le numéro d'août, dans le corps de la revue, un article sur le Saint-Jean-de-la-Croix de Jean Baruzi (DU BOS, Journal, 1924, p. 48).
Dans le domaine épistolaire. Corps d'une lettre, d'une missive... Texte même, par opposition aux indications secondaires (date, formule de politesse, signature...).
Rem. Cf. corps d'une lettre infra A 3 b .
) TECHNOL. et divers. [Dans une machine, un appareil, une pièce...] Partie essentielle, centrale ou la plus massive. Corps de bibliothèque, de meuble, de chauffe, de roue (cf. Lar. encyclop.), corps de charrue (cf. QUILLET 1965), corps de palier (cf. POIGNON 1967), corps de poulie (cf. BONN.-PARIS 1895), corps de pompes (centrifuge) (cf. COLAS-CAB. 1968 et Minéral. 1972). Corps de poêle. ,,Partie comprise entre le socle et la corniche`` (DG). Des lignes (...) qu'interrompaient avec symétrie de grands corps de cheminées (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 88).
Corps de violon, de guitare. Partie creuse du violon, de la guitare, le manche n'étant pas compris. Corps de harpe. ,,Dans la harpe, le corps est concave et comprend le dos et la table d'harmonie de l'instrument`` (ROUGNON 1935).
Corps d'une lettre (de l'alphabet). Principal trait parmi ceux qui dessinent une lettre.
B.— [P. réf. au corps hum. en tant qu'il constitue un assemblage qui est un modèle d'unité organique autonome; selon les emplois, l'accent est mis sur l'une ou plusieurs de ces idées dominantes]
1. [Le corps comme symbole d'union]
a) Loc. verbales fig.
[Seulement en parlant de pers.] Ne former qu'un corps; ne faire qu'un corps (et qu'une âme) :
23. Et il n'y a point de chefs, ni de soldats, mais chacun Garde sa partie comme un musicien, et ils ne forment qu'un corps.
CLAUDEL, Tête d'or, 2e version, 1901, p. 268.
[En parlant de deux ou plusieurs pers. ou choses] Faire corps avec. Être solidaire de, être uni à, ne faire qu'un avec; adhérer à, ne former qu'un tout, qu'une masse avec. Je faisais corps tout entier avec une sorte de volonté droite, dont je sentais le poids, entre mes deux seins (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 75). Les conséquences (...) dépendent de la décision et font corps avec elle (JANKÉL., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 213).
Faire corps. ,,Ces deux branches font tellement corps ensemble, qu'il est presque impossible de les séparer`` (Ac. 1835, 1878). Que deviendrons-nous (...) si nous ne faisons pas corps, solidement? Unis, nous sommes invincibles (VOGÜE, Morts, 1899, p. 180).
b) Spéc., RELIG. Corps du Christ, corps de l'Église, corps mystique (du Christ). ,,Corps du Christ, unité organique des chrétiens rattachés, dans leur corps même (...) par les rites du baptême (...) et de l'Eucharistie (...) au corps du Christ ressuscité et vivifié, par l'Esprit`` (Foi t. 1 1968) :
24. — Par notre union au Christ, son chef, dans l'unité visible de l'Église, le corps des fidèles est restitué à Dieu.
— Il faut communiquer au Christ. Pour tenir à la tête, il faut être corps. Nous sommes corps de l'Église par notre soumission à la forme, c'est-à-dire aux pasteurs légitimes, et par notre participation à la vie, c'est-à-dire aux sacrements qui en sont les canaux.
CLAUDEL, Correspondance [avec Gide], 1899-1926, p. 65.
2. [Le corps comme symbole d'unité d'organisation des pers.] Groupe de personnes constitué en ensemble plus ou moins organisé du fait de liens divers, d'intérêts communs et solidaires. Tout corps existant a droit à sa conservation (DESTUTT DE TR., Comment. Espr. des lois, 1807, p. 15).
SYNT. Formation, organisation, ensemble, intérêts, d'un corps; élément(s), membre(s) d'un (même) corps; visite, repas de corps. ,,Corps respectable, influent, vénéré`` (Ac. 1835, 1878). Entrer dans un corps, appartenir à un corps. ,,Il a été agrégé au corps, reçu dans le corps`` (ibid.). Faire, former un corps à part; faire corps à part (cf. Ac.).
Loc. adv. En corps. Tous les membres de la collectivité, du corps, étant unis et solidaires :
25. ... ils se déclarent en corps contre l'État, ils s'insurgent en corps contre l'État, mais cette déclaration même, mais cette insurrection même, ils ne la font que comme corps de l'État, et au titre d'un corps de l'État.
PÉGUY, L'Argent, 1913, p. 1209.
Rem. Cf. infra les loc. esprit de corps et en corps constitué.
En partic.
a) [Au plan soc., prof.] Corps social; corps de la noblesse; corps enseignant, corps professoral; corps médical; corps savant; corps ecclésiastique, corps épiscopal; corps des avocats; corps des guides. Ces quatre-vingts petites ingénues qui composent le corps de ballet (ABOUT, Nez notaire, 1862, p. 17). Les chevaliers, c'est-à-dire le corps aristocratique, ne prirent pas part à cette insurrection (FUSTEL DE COUL., Cité antique, 1864, p. 487).
Corps de métier. Ensemble organisé de personnes exerçant la même profession (cf. corporation).
HIST. [Sous l'Ancien Régime] Corps (de) marchands. Ensemble organisé et régi par des statuts particuliers, des personnes exerçant le même commerce. ,,Il y avait autrefois, en France, six corps des marchands. Les merciers étaient un corps séparé des drapiers`` (Ac. 1835, 1878).
Esprit de corps. Esprit de solidarité existant entre les membres d'un même corps de métier. P. ext., esprit de solidarité, communauté de pensée... qui existe entre les différents membres de tout groupe. Esprit de corps exclusif et hostile; avoir, entretenir un esprit de corps; manquer d'esprit de corps; esprit de corps qui aveugle :
26. — La superbe? reprit le père Felletin. Ne la confondez-vous pas avec l'esprit de corps qui est une fierté mal placée, injuste quelquefois, mais qui est issue de la solidarité de gens vivant ensemble, enfermés, et dont le champ de vision est fatalement restreint.
HUYSMANS, L'Oblat, t. 1, 1903, p. 215.
b) [Au plan pol., institutionnel] Corps d'un État, d'un royaume; corps judiciaire, de la magistrature; corps administratif, corps d'origine (cf. Admin. 1972); Corps diplomatique (cf. Jur. 1971); corps consulaire; corps municipal; corps conservateur. — En dehors des corps académiques reconnus par l'État, lui dit le secrétaire, il existe nombre de petites sociétés savantes (CHAMPFL., Bourgeois Molinch., 1855, p. 260).
Corps constitué(s)
DR. ,,Organe collectif ayant une existence permanente (...) et une constitution unitaire (...), et investi d'une part de l'autorité ou d'une participation à l'administration publique`` (CAP. 1936).
Rem. CAP. 1936 précise : ,,L'expression est employée d'ailleurs dans des acceptions d'étendue inégale. Au sens de la loi sur la presse (L. 29 juill. 1881, art. 30), les « corps constitués », que la loi distingue à la fois et des « cours et tribunaux » et des « administrations publiques », comprennent les assemblées législatives``.
Usuel. ) [P. oppos. aux assemblées législatives] Organes de l'Administration et tribunaux prévus par la Constitution. ) ,,(...) surtout à l'occasion des cérémonies officielles, (...) réunion des représentants des activités participant au fonctionnement de l'État`` (Admin. 1972). Recevoir l'hommage des corps constitués.
Rem. Lar. Lang. fr. enregistre la loc. fig. ,,venir en corps constitué venir en groupe résolu et organisé pour prendre une décision grave``.
Grands corps de l'État. Corps de hauts fonctionnaires ne faisant pas partie des administrations centrales, particulièrement Conseil d'État, Cour des comptes et Inspection générale des Finances.
Corps politique. ) Ensemble des citoyens considérés en tant qu'ils exercent des droits politiques. ) Groupe organisé intervenant de façon active et suivie dans la vie politique d'un état. Mais est-il nécessaire que le clergé soit un corps politique dans l'État (STAËL, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 222).
Corps électoral. Ensemble des citoyens jouissant du droit de vote. La méthode, contraire aux traditions démocratiques, qui consisterait à appeler le corps électoral à se prononcer par voie de référendum sur un projet de constitution (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 257).
HIST. ) [Dans différentes Constitutions] Corps législatif. Assemblée délibérante chargée de voter les lois. ) [Sous l'Ancien Régime] Corps intermédiaires. Groupes se situant entre le pouvoir politique central et le corps électoral et représentant des intérêts intermédiaires (cf. Admin. 1972). La monarchie (...) est entourée de corps intermédiaires qui la soutiennent à la fois et la limitent (CONSTANT, Espr. conquête, 1813, p. 186).
c) [Dans l'organisation milit.] Unité militaire plus ou moins importante, jouissant d'une certaine autonomie.
SYNT. Corps de régiment, de garnison; rejoindre son corps; corps d'armée; général de corps d'armée; corps de troupe(s); corps de bataille; corps aérien; corps de réserve, (par oppos.) corps actif.
En partic. Ensemble des militaires de certaines armes spéciales, de certains services. Corps d'artillerie, d'infanterie, de cavalerie; corps alpin, colonial, blindé; corps léger d'intervention; corps sanitaire, corps de santé. On ne double pas, pour de simples manœuvres, les troupes du corps d'observation sur la frontière (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 504).
Corps expéditionnaire. Corps spécialement formé pour accomplir une expédition lointaine.
Corps(-)franc. ) Petit groupe militaire formé sur la base du volontariat spécialement constitué et entraîné pour s'acquitter d'opérations isolées et délicates. ) Groupe plus ou moins important de volontaires levé en temps de guerre, hors du cadre de l'armée, dans des circonstances exceptionnelles. Corps francs du maquis (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 180). Ils [les Français] ont été ahuris de voir (...) les antimilitaristes prendre la tête de corps-francs pour poursuivre la lutte malgré l'armistice (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945 p. 50).
Corps de garde. Groupe de soldats chargé d'assurer la garde d'un poste, d'un bâtiment de l'armée. Corps de garde avancé; établir un corps de garde. Synon. mod. poste de garde. P. méton. Local où se tient le corps de garde. Salle, atmosphère, veillées du corps de garde; emmener qqn au corps de garde, passer la nuit au corps de garde. [P. réf. à la façon dont peuvent se comporter des soldats entre eux pendant les heures de garde] Langage, expressions, plaisanteries, histoire, couplets... de corps de garde. Langage, expressions... que caractérise la vulgarité. Récits exacts de toutes les querelles de cabaret, de toutes les grossièretés de corps de garde, de toutes les rixes d'ivrognes (STENDHAL, L. Leuwen, t. 2, 1836, p. 338).
Spéc. Ensemble des militaires constituant les cadres d'une armée, d'une arme, d'un service. Corps des officiers, corps de l'Intendance; corps d'état-major. Ensemble des officiers sans commandement de troupes attachés à un officier supérieur, à un général dont ils constituent l'état-major.
3. [Le corps comme symbole ou principe d'unité d'organisation des choses] Ensemble d'éléments dont la réunion forme un tout organisé.
a) Ensemble formé par la réunion de textes relatifs à un même domaine. Synon. souvent vieilli de corpus. ,,Corps des poètes grecs, des poètes latins. Le corps des historiens de France, des historiens d'Allemagne. C'est un grand corps, un beau corps d'histoire`` (Ac. 1835, 1878). Corps de droit civil, de droit canon; corps de lois; corps de règles juridiques, de règles morales; corps de connaissances. ,,Il faut rassembler toutes ces pièces et en faire un corps`` (Ac.).
Loc. adv. En corps. Je ne prétends pas (...) rassembler en corps ce qui est partout disséminé dans les livres ou dans la mémoire des érudits lorrains (BARRÈS, Cahiers, t. 8, 1909-11).
b) Ensemble organisé d'entités matérielles ou intellectuelles.
Corps de doctrine. Ensemble de principes formant une doctrine. Corps de doctrines religieuses, corps de doctrine scientifique; corps de doctrine conforme aux traditions; créer un corps de doctrine; rassembler, réunir en corps de doctrine.
Spécialement
DR. Corps de preuves. Faisceau concordant de preuves partielles de différentes sortes dont l'ensemble constitue la preuve complète qui établit un fait.
FORTIF. Corps de place. Ensemble des ouvrages constituant l'enceinte continue de la place (cf. Lar. 19e20e; voir par ailleurs supra III A 3 b corps d'une place ou d'une forteresse).
MAR. Corps de voilure. Ensemble des voiles du navire (cf. DG; voir par ailleurs supra III A 3 b corps de voile).
MATH. MOD. Ensemble muni de deux lois internes de composition (addition, multiplication) (cf. CHAMB. 1970 et 1972; Math. mod. 1972). Corps abélien (cf. SUMPF-HUG. 1973).
c) [L'ensemble unifié jouit d'une certaine indépendance]
ANAT. Élément anatomique ou organe présentant, du fait de sa constitution cellulaire, de sa fonction... une relative indépendance. Corps vitré. ,,Masse de consistance visqueuse (...) qui occupe l'espace compris entre la surface postérieure du cristallin et la rétine`` (Méd. Biol. t. 1 1970). Corps striés. Ensemble constitué par la réunion de trois amas de substance grise contrastant avec la blancheur des parties environnantes (cf. Méd. Biol. t. 1 1970). Corps calleux. Commissure interhémisphérique se présentant comme une lame de substance blanche (Méd. Biol. t. 1 1970). Corps thyroïde. Synon. (glande) thyroïde (cf. Méd. Biol. t. 1 1970). Le corps thyroïde règle notre embonpoint (PROUST, Sodome, 1922, p. 603). Corps jaune. ,,Corps qui se forme dans l'ovaire, chez les Mammifères, à la place du follicule de Graaf après sa rupture et la libération de l'ovule. (...). Le corps jaune agit, comme une glande à sécrétion interne, produisant de la progestérone (...)`` (Méd. biol. t. 1 1970). Corps jaune gravidique, gestatif ou vrai; corps jaune menstruel ou périodique : corps jaune persistant.
ARCHIT. Corps de logis. Bâtiment, servant de logement, indépendant de la construction principale. ,,Il occupe un petit corps de logis sur le devant`` (Ac.).
Rem. V. par ailleurs supra A 3 b archit. corps de bâtiment ou corps de logis.
Prononc. et Orth. :[]. La finale -ps n'est pas prononcée dans temps, printemps, corps, romps, corromps (cf. KAMM. 1964, p. 170 et MART. Comment prononce 1913, p. 284 et 309). Noter que l'on fait gén. la liaison dans les expr. corps et âme [] (cf. FOUCHÉ Prononc. 1959, p. 441) et corps et biens []. Cependant MART. Comment prononce 1913 prononce [] et BARBEAU-RODHE 1930 transcrit [z] entre parenthèses. BUBEN 1935, § 232, relève encore : ,,On dit le corps | humain (sans liaison), les corps‿humains (avec liaison), mais des corps | épais, lutter corps | à corps (sans liaison).`` Enq. ://. Ds Ac. depuis 1694. Homon. cor. L'expr. corps(-)mort (cf. supra III A 2 c) s'écrit avec ou sans trait d'union. Étymol. et Hist. A. « Partie matérielle des êtres animés » 1. a) ca 881 corps « l'organisme humain (p. oppos. à l'âme, à l'esprit) » (Eulalie, 2 ds HENRY Chrestomathie, p. 3); 1re moitié du XIIe s. cors a cors « de très près (dans un combat, une lutte) » (Couronnement Louis, éd. E. Langlois, 2360); 1888 corps à corps subst. masc. (COURTELINE, Train 8 h 47, p. 68); ca 1260 faire folie de son corps (en parlant d'une femme) « mener une vie déréglée » (PH. DE NOVARE, Quatre âges, 50 ds T.-L.); 1863 femme folle de son corps (LITTRÉ); ca 1243 cors « l'organisme humain (p. oppos. aux biens matériels) » (PH. MOUSKET, Chron., éd. Reiffenberg, 30264); b) ca 1050 cors « cadavre » (Alexis, éd. Ch. Storey, 583); c) ca 1160 le cors Nostre Seinur « l'Eucharistie » (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, t. 1, p. 188, 753); 1524 corps glorieux (GRINGORE, Le Blazon des hérétiques ds Œuvres complètes, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t. 1, p. 333); 2. a) ca 1050 corps « personne, individu » (Alexis, éd. Ch. Storey, 399) — ca 1465, Maistre Pierre Pathelin, éd. R. T. Holbrook, 186; b) fin XIIe s. sor lor cors deffendant « en se défendant » (Conquête de Jérusalem, éd. C. Hippeau, 141); ca 1220 seur son cors deffendant « malgré elle » (Lai ombre, éd. J. Bédier, 677); 1585 en son, leur corps defendant (N. DU FAIL, Contes d'Eutrapel ds Œuvres facétieuses, éd. J. Assézat, t. 2, p. 200); 1613 à mon, son corps deffendant (RÉGNIER, Satire XV ds Œuvres complètes, éd. G. Raibaud, p. 198, 8); c) 1283 prise de (leur) cors (PH. DE BEAUMANOIR, Coutumes de Beauvaisis, éd. A. Salmon, t. 2, p. 269, 1522); d) 1580 à corps perdu (R. GARNIER, Antigone, 1151 ds Tragédies, éd. W. Foerster, t. 3, p. 41); e) 1549 garde du corps « ensemble de personnes chargées de la garde d'un souverain » (EST.) — 1671, Pomey ds FEW t. 17, p. 516 b; 1567 gardecors « personne chargée de la protection d'un souverain » (BAÏF, Le Brave ds Euvres en rime, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 3, p. 213), forme isolée; 1680 garde du corps (RICH., s.v. garde); f) 1672 drôle de corps (MONTFLEURY, La Fille capitaine, V, 3 ds LIVET Molière, t. 2, s.v. drôle); 3. début XIIe s. cors « tronc du corps » (Roland, éd. J. Bédier, 1586); 4. ca 1170 cors « partie d'un vêtement qui couvre le buste » (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, t. 2, 8120); 1575 corps de robbe (Inventaire Château Montrond ds IGLF); 1666 corps de jupe (A. FURETIÈRE, Le Roman bourgeois, éd. E. Colombey, p. 109). B. « Partie principale » 1. XIIIe s. [ms.] cors de la cité « partie principale de la ville » (G. DE VILLEHARDOUIN, Conquête de Constantinople, éd. E. Faral, 387 var.); 2. XIIIe s. cors de la maison [lat. : œdem] (Macchabées, éd. P. Meyer ds T.-L.); 1590 cors de logis (Comptes manoir Rouen, 500 ds IGLF); 3. 1528 typogr. corps d'une lettre (Inventaire de Louis Royer ds Mém. de la Soc. de l'hist. de Paris et de l'Île-de-France, t. 21, 1894, p. 108, 207); 1671 corps d'un discours, d'un livre, etc. « le discours, le livre lui-même, à l'exclusion de la préface, des notes, etc. » (POMEY); 1694 calligraphie corps d'une lettre « trait principal d'une lettre » (Ac.); 4. 1754 corps de délit (Encyclop. t. 4, p. 267 a); 1824 corps du délit (BALZAC, Annette, t. 4, p. 65). C. « Objet matériel » 1. ca 1270 cors celestre (J. DE MEUNG, Rose, éd. E. Langlois, 17094); 2. 1552 petitz corps « atomes » (RONSARD, Amours, éd. P. Laumonier, t. 4, p. 40); 3. 1561 anat. corps estrange (A. PARÉ, Œuvres, éd. J.-F. Malgaigne, t. 2, p. 76 a); 1680 corps étranger (RICH., s.v. étranger); 4. 1580 corps « tout objet matériel » (B. PALISSY, Discours admirables, p. 430 ds IGLF); 5. 1585 chim. corps simple (N. DU FAIL, Contes et discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 1, p. 274). D. « Groupe (de personnes, de choses) » 1. fin XIIIe s. corps de lois (Couronnement Renart, éd. Méon, 2528 ds T.-L.), attest. isolée; 1671 (POMEY); 2. a) 1304 cors de ville (Roisin, éd. Brun-Lavainne, p. 345); b) 1434 corps « ensemble organisé de personnes (en gén.) » (Journal de Clément de Fauquembergue, éd. A. Tuetey, t. 3, p. 142); 1585 corps politic (N. DU FAIL, op. cit., t. 2, p. 15); 1606 en corps (NICOT); 1789 corps constitué (SIEYÈS, Qu'est-ce que le Tiers état? p. 70); 1790 corps électoral (MIRABEAU, Disc. ds BRUNOT t. 9, 2, p. 754, note 5); 1817 corps diplomatique (STAËL, Consid. Révolution fr., t. 2, p. 273); 3. 1469 corps « groupe de soldats » (Lettre de Louis XI ds BARTZSCH); av. 1662 corps d'armée (PASCAL, Proph. 26 ds LITTRÉ); 1579 corps de garde [sens indéterminé] (H. ESTIENNE, La Précellence du langage françois, éd. E. Huguet, p. 355); 1580 « local dans lequel se tiennent les soldats de garde » (R. GARNIER, Antigone, 805 ds Tragédies, éd. W. Foerster, t. 3, p. 30); 1583 « groupe de soldats chargés de garder un poste, etc. » (ID., Les Juives, loc. cit., p. 124); [1689 Les quolibets que je hasarde Sentent un peu le corps de garde (LA FONTAINE, Lettre au duc de Vendôme ds Œuvres, éd. H. Régnier, t. 9, p. 446)]; 1694 plaisanteries, etc. de corps de garde (Ac.); 4. 1607 corps des artisans, etc. (HULSIUS); 1771 esprit de corps (TURGOT, Œuvres, éd. G. Schelle, t. 3, p. 521); 5. 1835 corps de ballet (Ac.). E. « Consistance » 1. 1580 d'une teinture (B. PALISSY, Discours admirables, éd. A. France, p. 460 ds IGLF : les teintures sont toutes diaphanes, n'ayant aucun corps); 1680 d'un vin (RICH.); 2. av. 1715 fig. donner du corps (à une idée, etc.) (Fénelon ds GUÉRIN). Du lat. class. corpus, attesté aux sens de base A 1, 2, 3, B 1; sens C en lat. class., repris en fr. surtout au XVIe s.; le sens D est également latin; corpus juris en b. lat. comme titre du Code Justinien. En a. fr., l'emploi de corps pour désigner un individu n'est possible que lorsque le mot est déterminé; ce sens ne s'est maintenu en fr. mod. que dans des expr. figées, cf. A 2, b-f. Fréq. abs. littér. : 33 119. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 50 077, b) 35 826; XXe s. : a) 40 754, b) 54 417. Bbg. COHEN 1946, p. 14. — GOHIN 1903, p. 354, 357, 361, 363. — GOTTSCH. Redens. 1930, passim. — HUBSCHMID (J.). Zur Etymologie von span. lúa, port. luva. Vox rom. 1960, t. 19, p. 203. — LA LANDELLE (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 403. — ROG. 1965, p. 18, 102.

corps [kɔʀ] n. m.
ÉTYM. V. 881; cors, XIIe, XIIIe, au sens II; du lat. corpus, corporis (à l'accusatif).REM. Historiquement, le sens II est premier, dans l'opposition corps-âme, mais, dès le XIIIe s., on parle de corps céleste, et aussi, abstraitement, d'un corps de lois.
———
I Objet matériel.
1 (V. 1270). || Corps céleste. Astre, planète.
2 (XVIe). Objet matériel caractérisé par ses propriétés physiques. Chose, objet, substance. || Le monde des corps. Matière. || Volume, masse, poids d'un corps. || Les corps sont étendus. || Surface, volume; épaisseur d'un corps. || Les trois dimensions des corps : largeur, longueur, profondeur (ou hauteur). || La substance des corps. || Constitution, structure des corps. || Corps pur. Combinaison. — ☑ Loc. Vx. Les petits corps : les atomes (→ Atome, cit. 1, 2, 3).Corps élémentaire, minéral. || Propriétés des corps. Physique; dilatation, dissolution, énergie, fusion, liquéfaction, pression, solidification, vaporisation || Les corps solides. Amorphe, cristallisé; homogène, isotrope. || Corps fluides (liquides, gazeux). || Impénétrabilité des corps. || Corps aérien, compact, dense, diaphane, léger, lourd, opaque, pesant, spongieux, transparent. || Chaleur des corps. Caloricité; température. || Les corps sont pesants. Densité, masse, poids. || La chute des corps. Pesanteur; accélération (cit. 1), attraction, gravitation. || Mouvement des corps. Dynamique, mécanique; force, inertie, travail.
1 J'ai eu dessein (de) comprendre tout ce que je pensais savoir (…) touchant la nature des choses matérielles (…) j'entrepris seulement (d') exposer bien amplement ce que je concevais (…) de tous les corps qui sont sur la terre, à cause qu'ils sont ou colorés, ou transparents ou lumineux, et enfin de l'homme, à cause qu'il en est le spectateur.
Descartes, Discours de la méthode, 5e partie.
2 En dressant une liste de toutes les substances, dans l'ordre de résistance aux déformations, on passerait, par degrés presque insensibles, des corps comme le fer ou la pierre aux corps comme l'eau ou l'alcool, sans qu'il soit possible de dire où se trouve la séparation entre les liquides et les solides (…)
A. Boutaric, Précis de physique, II, p. 4.
3 Qui donc irait faire grief au physicien d'isoler la pesanteur des autres qualités du corps qu'il étudie et de négliger le parfum, la couleur et le goût de la pomme dont il observe la chute !
J. Paulhan, Entretien sur des faits divers, III, p. 96.
Loc. (1903, in Rev. gén. des sc., no 2, p. 91). Corps noir : corps absorbant toutes les radiations qu'il reçoit, et, chauffé, émettant également toutes les radiations, corps qui ne renvoie aucun rayonnement.
(1585, corps simple). Chim. || Corps pur. || Corps simple, constitué par un seul élément et que l'on ne peut décomposer. Élément. || Les atomes, les molécules d'un corps. || Corps pur (simple ou composé), dont toutes les molécules sont identiques. || Corps pur composé. Combinaison. || Variétés, états allotropiques d'un corps. || Corps organiques, inorganiques.Corps gras.
Fig. Prendre l'ombre pour le corps, l'apparence pour la réalité.REM. Dans cette expression, le mot n'est plus compris dans ce sens général, aujourd'hui.
Vieilli. || Les corps organisés, vivants : les organismes. → ci-dessous, II., 2.
Anat. (qualifié). Élément anatomique étudiable isolément (organe, etc.). || Corps calleux. || Corps caverneux de la verge, du clitoris. || Corps muqueux. || Corps jaune. || Corps strié. || Corps vitré. || Corps thyroïde. Glande.
(1680). || Corps étranger : corps, objet ne faisant plus partie de l'organisme ou s'y étant introduit accidentellement. || Introduction d'un corps étranger dans l'organisme.
Corps volant.
3.1 J'ai parfois une petite tache qui vole à gauche de mon œil gauche, parfois elle disparaît la journée entière. Il paraît que ce n'est rien, que cela s'appelle un corps volant.
J. Green, Journal, Ce qui reste de jour, 20 juin 1971.
3 Dr. Chose (ayant une existence juridique). || Corps certain : chose matérielle et individuelle, non interchangeable.
(1824). Dr., cour. || Corps du délit (lat. corpus delicti) : objet qui constitue et forme la preuve d'un délit.
4 Mar. || Corps flottant. Bouée.Corps mort (métaphore du sens II). Corps-mort.
———
II La partie matérielle (d'un être animé), le plus souvent considérée comme unie avec une partie immatérielle.REM. Ne se dit guère que de l'homme, mais le syntagme corps humain montre que des emplois plus généraux sont possibles. → Ci-dessous, 2.
1 (V. 881). L'organisme humain, par opposition à l'esprit, à l'âme. || L'homme, composé de corps et d'âme, corps et esprit. || L'union substantielle, la compénétration du corps et de l'âme. Âme (cit. 18 à 26). || L'âme anime le corps. || Le corps, considéré comme prison de l'âme. || Le corps mortel, par opposition à l'âme immortelle. || La séparation de l'âme et du corps ( Mort). || Âme détachée, séparée, sortie du corps. || L'âme abandonne le corps.Consacrer son corps à Dieu. || Les mortifications, les austérités du corps. Ascèse (→ Ascète, cit. 3). || Être maître de son corps. || Les passions du corps. Chair, sexualité (→ Animal, cit. 11; avertissement, cit. 10).
Loc. Se donner corps et âme [kɔʀzeɑm] à qqn, à qqch. Âme, cit. 27. || Appartenir corps et âme à qqn. — ☑ C'est un corps sans âme. Âme, cit. 28. — ☑ Âme chevillée au corps. Âme (infra cit. 28). — ☑ Avoir le diable au corps. Diable. — ☑ Fig., vx. Femme, fille folle de son corps, qui s'adonne aux plaisirs de la chair.Faire des folies de son corps.
4 Le corps, cette guenille, est-il d'une importance,
D'un prix à mériter seulement qu'on y pense,
Et ne devons-nous pas laisser cela bien loin ?
— Oui, mon corps est moi-même, et j'en veux prendre soin (…)
Molière, les Femmes savantes, II, 7.
5 Trois fois il (le prince de Condé) fut repoussé par le valeureux comte de Fontaines, qu'on voyait porter dans sa chaise, et, malgré ses infirmités, montrer qu'une âme guerrière est maîtresse du corps qu'elle anime.
Bossuet, Oraison funèbre du prince de Condé.
6 La conscience est la voix de l'âme, les passions sont la voix du corps.
Rousseau, Émile, IV.
7 L'âme et le corps, hélas ! ils iront deux à deux,
Tant que le monde ira, — pas à pas, — côte à côte, — (…)
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Namouna », XLIX.
7.1 Soyez remercié mon corps,
D'être ferme rapide et frémissant encor
Au toucher des vents prompts ou des brises profondes;
Et vous, mon torse droit et mes larges poumons,
De respirer au long des mers ou sur les monts,
L'air radieux et vif qui baigne et mord les mondes.
Verhaeren, la Multiple Splendeur.
8 L'âme, disait-il, est la substance; le corps, l'apparence. Les mots l'expriment d'eux-mêmes : l'apparence est ce qui se voit, et qui dit substance dit chose cachée.
France, le Petit Pierre, I, p. 9.
8.1 Je remontai et trouvai ma grand-mère plus souffrante.
Depuis quelque temps, sans trop savoir ce qu'elle avait, elle se plaignait de sa santé. C'est dans la maladie que nous nous rendons compte que nous ne vivons pas seuls, mais enchaînés à un être d'un règne différent, dont des abîmes nous séparent, qui ne nous connaît pas et duquel il est impossible de nous faire comprendre : notre corps.
Proust, le Côté de Guermantes, Folio, p. 358.
8.2 Et c'est parce qu'ils contiennent ainsi les heures du passé que les corps humains peuvent faire tant de mal à ceux qui les aiment, parce qu'ils contiennent tant de souvenirs de joies et de désirs déjà effacés pour eux, mais si cruels pour celui qui contemple et prolonge dans l'ordre du temps le corps chéri dont il est jaloux, jaloux jusqu'à en souhaiter la destruction. Car après la mort le Temps se retire du corps, et les souvenirs, si indifférents, si pâlis, sont effacés de celle qui n'est plus et le seront bientôt de celui qu'ils torturent encore, mais en qui ils finiront par périr quand le désir d'un corps vivant ne les entretiendra plus.
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 1047.
9 Les hommes livrent leur âme, comme les femmes leur corps, par zones successives et bien défendues.
A. Maurois, Climats, I, I, p. 13.
9.1 Bouge d'abord, il faut un corps, comme jadis, je ne dis pas non, je ne dirai plus non, je me dirai un corps, un corps qui bouge, en avant, en arrière, et qui monte et descend, selon les nécessités. Avec des tas de membres et d'organes, de quoi vivre encore une fois, de quoi tenir, un petit moment, j'appellerai ça vivre (…)
S. Beckett, Textes pour rien, p. 129-130.
Le corps humain après la mort. Cadavre.REM. L'emploi un corps mort ne constitue pas un sens, mais découle de l'opposition « partie matérielle » (corps) — « partie non matérielle ». La mort dégage le corps proprement dit. — Ensevelir les corps. Bière (mise en bière); cercueil; linceul. || Levée du corps. || Mettre, porter un corps en terre ( Cimetière). || Enterrer, inhumer, embaumer, incinérer un corps. || Faire l'autopsie d'un corps. || Il a légué son corps à la science.
10 (…) le corps d'un homme vivant diffère autant de celui d'un homme mort que fait une montre ou autre automate (c'est-à-dire autre machine qui se meut de soi-même), lorsqu'elle est montée et qu'elle a en soi le principe corporel des mouvements pour lesquels elle est instituée (…)
Descartes, les Passions de l'âme, I, 6.
11 La chair changera de nature; le corps prendra un autre nom; même celui de cadavre ne lui demeurera pas longtemps (…)
Bossuet, Sermon sur la mort (→ Cadavre, cit. 2).
11.1 Le néant n'épouvante pas un philosophe; et même, je le dis souvent, j'ai l'intention de léguer mon corps aux hôpitaux, afin de servir plus tard à la Science.
Flaubert, Mme Bovary, III, p. 425.
REM. C'est le pharmacien Homais qui parle.
12 Ce corps délicat, si blanc, rayé de rouge, c'était la même loque humaine, le pantin cassé, la chiffe molle, qu'un coup de couteau fait d'une créature. Oui, c'était ça. Il avait tué, et il y avait ça par terre.
Zola, la Bête humaine, XI, p. 377.
13 Les corps enfermés dans des cercueils de bois blanc, fabriqués avec des caisses d'emballage, étaient placés sur des arabas.
P. Mac Orlan, la Bandera, XVIII, p. 215.
Relig. || La résurrection des corps. — ☑ Loc. (1524). Les corps glorieux.
Spécialt. || Le corps du Christ. Eucharistie. || Recevoir le corps de Jésus-Christ. Communier. || Corps et sang de Jésus-Christ. Espèce (les saintes espèces).
14 L'Église croit, et enseigne, comme un des articles fondamentaux de notre foi, que son corps (de Jésus-Christ), son sang, son âme et sa divinité s'y trouvent réellement (dans l'Eucharistie), après la consécration de la Messe.
Mgr Grente, les Sept Sacrements, p. 84.
Organisme humain. || Étude du corps. Anatomie, anthropologie, anthropométrie, physiologie, somatologie. || Les parties du corps. Membre (bras, jambe, main, pied), tête (crâne, cou, visage), tronc (épaule, buste, poitrine, sein, dos, hanche, ceinture, bassin, ventre). || La surface, l'enveloppe du corps. Épiderme, peau. || La charpente du corps. Carcasse, ossature, squelette. || Les attaches du corps. Articulation, jointure. || Constitution du corps. Cellule, glande, muscle, poumon, sang (circulation, cœur; artère, vaisseau, veine), viscère (foie, estomac, intestin; cerveau…).Physiologie du corps. → Appareil circulatoire, digestif, génital, respiratoire. || La température du corps.
Loc. Le corps humain (syn. des emplois précédents).
15 Le corps humain se trouve, sur l'échelle des grandeurs, à mi-chemin entre l'atome et l'étoile. Suivant les objets auxquels on le compare, il apparaît grand ou petit. Sa longueur est équivalente à celle de deux cent mille cellules des tissus, ou de deux millions de microbes ordinaires, ou de deux milliards de molécules d'albumine placées bout à bout. Par rapport à un atome d'hydrogène, il est d'une grandeur impossible à imaginer. Mais, comparé à une montagne, ou à la terre, il devient minuscule (…) En réalité, notre grandeur ou notre petitesse spatiales n'ont aucune importance. Car ce qui est spécifique de nous-mêmes ne possède pas de dimensions physiques. La place que nous occupons dans le monde ne dépend certainement pas de notre volume.
Alexis Carrel, l'Homme cet inconnu, III, II, p. 70.
16 C'est ainsi que dans le domaine médical, la plupart ignorent à peu près tout des rudiments de la mécanique humaine. On trouve naturel d'être versé dans les lettres, les sciences, les arts. On croit en savoir assez pour se passer du médecin. Quant à réfléchir sur soi-même, savoir de quoi notre corps est fait et comment il fonctionne, on ne s'en soucie guère. Pourtant, l'organisme humain ne fait pas partie, comme on pourrait le croire, d'un monde à part réservé aux médecins. Les profanes eux-mêmes ont droit de regard sur ce mécanisme infiniment perfectionné qu'est le moteur humain (…)
Puisque le corps humain représente un incomparable instrument de travail, le plus compliqué de tous, n'est-il pas naturel de chercher à le mieux connaître ?
P. Valléry-Radot, Notre corps, p. 6.
L'aspect extérieur du corps (humain). || La forme du corps. || Les lignes du corps. || Les attitudes, les gestes, les mouvements du corps. || La santé du corps. || Le bien du corps : la santé.Être le bourreau de son corps : ne pas ménager sa santé. || Corps malade, malingre, souffreteux; faible, frêle, débile, maigre, petit; brisé, fatigué, moulu, rompu, exténué. || Trembler, frissonner de tout son corps. || Beau corps. || Corps bien formé, bien bâti, bien charpenté, bien constitué, bien proportionné. || Corps agile, souple, vif, élégant, élancé, dégagé, découplé, gracieux, vigoureux. || Corps épais, boursouflé, gros, informe, lourd, potelé, ramassé.Prendre (du) corps : devenir corpulent. Corpulence, embonpoint, obésité. || L'atrophie du corps. || La beauté du corps. || La hauteur du corps. Taille. || Cambrer, redresser son corps. || Cassé du corps, au saut à la perche. || Exercice du corps. Gymnastique. || La vigueur du corps ( Athlète). || Le port, l'allure, la stature, la carrure du corps.Une âme saine dans un corps sain (→ lat. Mens sana in corpore sano).
17 Plus le corps est faible, plus il commande; plus il est fort, plus il obéit.
Rousseau, Émile, I.
18 La vigueur du corps s'entretient par l'occupation physique; le labeur cessant, la force disparaît (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p. 319.
19 Tout à coup elle trembla de tout son corps (…)
Hugo, Notre-Dame de Paris, VI, 3.
20 Un corps souffreteux, amaigri, languissant, exténué, est plus faible (…)
Taine, Philosophie de l'art, t. II, V, III, 4, p. 298.
21 (…) ce corps souple, frais et parfumé comme un ruisseau coulant dans les fleurs.
France, le Lys rouge, XXVIII, p. 204.
22 Il restait petit de corps et remédiait à la brièveté de sa taille par la hauteur de sa pensée.
France, la Vie en fleur, VI, p. 75.
23 Les attitudes, gestes et mouvements du corps humain sont risibles dans l'exacte mesure où ce corps nous fait penser à une simple mécanique.
H. Bergson, le Rire, IV, p. 22.
24 Il regardait son petit corps potelé de sauvageonne, et songeait pour la première fois que cette gamine de onze ans deviendrait femme, se marierait.
Martin du Gard, les Thibault, t. I, p. 254.
25 Ô mon corps, qui me rappelez à tout moment ce tempérament de mes tendances, cet équilibre de vos organes, ces justes proportions de vos parties, qui vous font être et vous rétablir au sein des choses mouvantes (…)
Valéry, Eupalinos, p. 45.
Couvrir, vêtir son corps. || Linge de corps.
Psychol. || Corps propre : représentation de son corps par le sujet (dit aussi corps-sujet, corps phénoménal, par oppos. à corps objectif).
25.1 Son corps était divisé : d'un côté, son corps propre — sa peau, ses yeux — tendre, chaleureux, et, de l'autre, sa voix, brève, retenue, sujette à des accès d'éloignement, sa voix, qui ne donnait pas ce que son corps donnait. Ou encore : d'un côté, son corps moelleux, tiède, mou juste assez, pelucheux, jouant de la gaucherie, et, de l'autre, sa voix — la voix, toujours la voix —, sonore, bien formée, mondaine, etc.
R. Barthes, Fragments d'un discours amoureux, p. 85.
Image du corps : représentation qu'une personne a de son corps (→ ci-dessus, corps propre). Corporel (schéma).
Loc. N'avoir rien dans le corps : n'avoir pris aucune nourriture.Un aliment qui tient au corps, nourrissant. — ☑ Pleurer toutes les larmes de son corps : pleurer abondamment.
À bras-le-corps. Bras, cit. 48.
Loc. adv. Corps à corps [kɔʀakɔʀ]  : en serrant le corps d'un autre contre le sien (dans la lutte). || Combattre, lutter corps à corps (→ Assaut, cit. 9).(Abstrait). || Affronter corps à corps la réalité, ses passions, de front.
N. m. || Un corps à corps : lutte corps à corps. || Se jeter dans le corps à corps, dans la mêlée, dans la bataille.
26 Don Luis Weller, comme l'appelait toujours « El Chino », le vieux colonel, menait ses troupes au feu un crucifix passé dans sa ceinture ainsi qu'un pistolet. Il se servait de ce crucifix comme d'un casse-tête dans les corps à corps.
P. Mac Orlan, la Bandera, X, p. 21.
Spécialt (en boxe) :
26.1 Il s'éloigne, puis il rentre au corps à corps, très bas. En voyant son dos s'arquer, je m'apprête à parer le coup au menton. Mais c'est du coin de la tête qu'il m'a touché, il m'a écrasé une lèvre (…)
Jean Prévost, Plaisirs des sports, p. 85.
Se jeter à plein corps dans… || Se jeter à plein corps dans la bataille.Figuré :
26.2 Un puissant génie doit se jeter, à plein corps, dans la mêlée des mots, des images, des pensées de son temps, pures et impures, et brasser cette pâte, en robuste boulanger.
R. Rolland, Deux hommes se rencontrent, p. 234.
2 Vx ou rare. La partie physique d'un organisme (non humain). || « Corps animaux » et « corps végétaux » (Lamarck).REM. Dans cet emploi scientifique ancien, comme dans la phrase « les végétaux sont des corps vivants » (Lamarck, in T. L. F.), corps peut aussi être interprété au sens I : corps matériel.Le corps d'un animal.
26.3 (Les moucherons) faisaient courber les pointes des joncs sous le poids de leurs corps légers.
Flaubert, in G. L. L. F.
3 (Déb. XIIe). Le tronc (humain) par opposition aux membres. || Avoir le corps et les membres bien proportionnés. || Avoir le corps trop long. || Une grosse tête sur un petit corps. || Passer une épée au travers du corps de qqn. || Entrer dans l'eau jusqu'au milieu du corps. Mi-corps (à). || Séparer la tête du corps. || Avancer le corps, plier le corps en avant. || Vêtement, robe qui moule le corps. || Vêtement près du corps, très ajusté.
27 (…) la monstrueuse Chimère, mise à mort par Bellérophon, avec sa tête de vierge, ses pattes de lion, son corps de chèvre et sa queue de dragon (…)
Th. Gautier, Mlle de Maupin, VI, p. 108.
28 (…) le corps tassé, bien d'aplomb sur ses jambes, il s'immobilisa, face au public, il semblait un colosse trapu qui tend le dos (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 55.
4 (V. 1170). Partie (d'un vêtement) qui recouvre le corps au niveau du torse ou de la ceinture. Corsage; camisole, corselet, corset. || Corps de jupe; corps de robe : corsage d'une robe.Vx. Corset.Loc. Corps de baleines : corset muni de baleines pour affiner la taille. || Corps rembourré pour dissimuler les défauts de la taille.Corps d'armure, de cuirasse.
28.1 Le corsage s'ouvre sur un corps garni d'une échelle de rubans.
Ed. et J. de Goncourt, la Femme au XVIIIe s., II, p. 61.
5 (V. 1050). Dans des loc. Homme, individu. Vx. || C'est un pauvre corps. Cf. mod. Un pauvre type.
28.2 Ce qui l'amusa encore prodigieusement, ce fut d'entendre que Florent s'était promené tout le matin avec Claude Lantier, un drôle de corps, qui était justement le neveu de madame Quenu.
Zola, le Ventre de Paris, t. I, p. 54.
Garde du corps. Garde.
Dr. || Séparation de corps. || Contrainte par corps. || Prise de corps. || Décret de prise de corps.
Loc. Couvrir qqn de son corps, lui faire un rempart de son corps. — ☑ Vieilli. Tomber sur le corps de qqn, lui tomber dessus, l'attaquer.
Loc. À son corps défendant : malgré soi, à contrecœur.
29 Et l'on sait qu'elle est prude à son corps défendant.
Molière, Tartuffe, I, 1.
30 (…) mais je n'ai jamais versé le sang d'un homme qu'à mon corps défendant !
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 683.
Fig. Passer sur le corps de qqn pour parvenir à ses fins.
30.1 Le défi de l'époque, c'est : pratiquer sans avoir la foi. Si nous ne le relevons pas, l'époque va nous passer sur le corps.
Régis Debray, l'Indésirable, p. 296.
(1580). À corps perdu. || Se jeter à corps perdu dans une entreprise, étourdiment, avec fougue, impétuosité.
31 (…) je me jetai à corps perdu dans ma passion.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, II, VII, p. 252.
31.1 Mais n'y pense plus, renonce, viens, lance-toi à corps perdu comme nous (…)
N. Sarraute, Vous les entendez ?, p. 85.
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III (XIIIe). Par anal.
1 Partie principale (d'une chose).
Mar. Partie principale d'un navire (restreint à la coque, ou étendu à la totalité des éléments fixes et opposé aux biens). || Assurance sur corps (excluant les biens).Loc. Navire perdu corps et biens, complètement. || Couler, sombrer corps et biens (souvent mal interprété comme : hommes et marchandises).Au figuré :
31.2 Nous savons trop que (…) la littérature alexandrine a sombré corps et biens. Nous savons que la tragédie grecque est morte avec le chœur.
Malraux, l'Homme précaire et la Littérature, p. 20.
Archit. || Le corps d'un bâtiment, par oppos. à aile, avant-corps. || Corps de bâtiment : un bâtiment dans son entier. (1590). || Corps de logis. Logis.Corps d'une place, d'une forteresse.
Corps de bibliothèque, de meuble. || Corps d'une voiture. Caisse.
Techn. || Corps de pompe : cylindre dans lequel joue le piston d'une pompe.
Mus. || Corps d'une guitare, d'un violon, sa partie creuse, évidée.
Numism. || Le corps d'une devise (opposé à l'âme d'une devise).
Anat. || Le corps d'un os, d'un muscle. || Corps vertébral : partie antérieure, renflée et cylindrique d'une vertèbre ( Centrum).
Bot. || Corps ligneux : partie d'un arbre, comprise entre la moelle et l'écorce ( Bois).Corps d'un arbre. Tige, tronc.
2 Corps d'une lettre : le trait principal qui dessine, qui forme la lettre.
(1528). Typogr. || Corps d'une lettre : la dimension d'un caractère d'imprimerie (mesurée en points d'après la hauteur). Caractère, point. || La force de corps d'un caractère.
Corps d'une lettre, d'un article : le texte même de la lettre, de l'article, sans tenir compte des indications secondaires (date, formules de politesse).
(1671). || Corps d'un livre, d'un ouvrage, le texte, par opposition aux éléments adventices (préfaces, commentaires, notes…).
Corps de discours (→ Autre, cit. 6.1).
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IV
1 Consistance, épaisseur plus ou moins grande, de certains objets. Épaisseur, force. || Drap, étoffe qui a du corps ( Corsé). || Papier qui a du corps. Main.(1680). || Vin qui a, qui prend du corps. Corsé. || Donner du corps à une substance. Charger, épaissir. || Avoir du corps : en parlant d'aliments divers, avoir de la consistance.
32 Ce sont viandes creuses qui n'ont pas assez de corps pour la sustenter.
Bossuet, Bonté, 2.
2 (Av. 1715). Fig. || Donner un corps à des idées, les rendre fortes, les incarner. || Donner corps à un projet. || Donner du corps à sa pensée. Préciser, réaliser.
33 (…) donner de la couleur et du corps aux pensées.
Brébeuf, Paraphrase de Pharsale, L, III.
34 L'esprit n'accueille une idée qu'en lui donnant un corps; de là les comparaisons.
J. Renard, Journal, 4 déc. 1887.
Prendre corps, prendre du corps ( Forme, structure, tournure) : prendre un aspect sensible, réel. || Idée, dessein qui prend corps. || Discours qui prend corps.
35 Les héroïnes raciniennes prennent corps, prennent vie, en proportion de l'obstacle contre lequel leur passion se précipite et se brise.
F. Mauriac, la Vie de Jean Racine, VII, p. 116.
35.1 (…) le projet, d'abord rêvé, que j'avais fait à Paris d'échapper à l'A. et au naufrage de l'Europe, prenait corps, devenait possible, débouchait sur un champ illimité.
Jacques Laurent, les Bêtises, p. 536.
Faire corps : adhérer, ne faire qu'un. Adhérer. || Branche qui fait corps avec le tronc de l'arbre.
Fig. || Faire corps avec une idée. || Faire corps avec qqn, s'unir à lui pour une action commune.
35.2 Mon problème est de retrouver le moment privilégié où mon œuvre a fait corps avec moi.
Jacques Laurent, les Bêtises, p. 433.
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V (Fin XIIIe). Abstrait.
1 Groupe formant un ensemble organisé sur le plan des institutions. Assemblée, association, cellule, communauté, compagnie, ensemble, groupe, organe, société.(1585). || Le corps politique. État; république, royaume.(1792). || Le corps social. Société. → 2. Pouvoir, cit. 13. — (1790). || Le corps électoral : l'ensemble des citoyens exerçant la fonction électorale. || Corps législatif. Législatif (Assemblée législative); parlement.(1789). || Les corps constitués : dans le langage usuel, Les organes de l'administration et les tribunaux, par opposition aux assemblées législatives. || Les grands corps de l'État. || Corps de la magistrature. Justice. || Corps municipal. Municipalité.
36 Pourquoi tant résister, et refuser la gloire d'être attachée au corps de la Faculté ?
Molière, le Malade imaginaire, II, 6.
37 Ce corps qui s'appelait et qui s'appelle encore le saint empire romain n'était en aucune manière ni saint, ni romain, ni empire.
Voltaire, Essai sur les mœurs et l'esprit des nations…, LXX.
38 Le corps social et politique exige que les pouvoirs qui le gouvernent aient une concordance et une conspirance entre eux pour arriver au but qu'ils se proposent, c'est-à-dire la perfection du gouvernement.
Mirabeau, in Laveaux, Dict. des difficultés grammaticales…
39 Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.
Déclaration des droits de l'homme (Constit. 3 sept. 1791), art. 3.
40 Les corps (parlements, académies, assemblées) ont beau se dégrader, ils se soutiennent par leur masse, et on ne peut rien contre eux. Le déshonneur, le ridicule glissent sur eux, comme les balles de fusil sur un sanglier, un crocodile.
Chamfort, Maximes, III.
41 (…) l'étude attentive de la Constitution de 1791 montre que, dès cette époque, le corps électoral est bien un organe puisqu'il est « organisé » par la constitution (…)
Marcel Prélot, Précis de droit constitutionnel, p. 71.
Le corps de l'Église (catholique romaine). Chrétienté; église. || Le corps mystique : union spirituelle de tous les chrétiens autour de Jésus-Christ. || Le Christ est la tête du corps mystique, les chrétiens en sont les membres. || Corps ecclésiastique. Clergé.
42 Des membres retranchés du corps de l'Église.
Racine, Traductions.
43 Un prêtre fervent est à l'autel le ministre de toutes les grâces répandues sur le corps de l'Église.
Massillon, Confession, Excel. du sacerdoce.
2 Hist. (sous l'Ancien Régime). Particult. || Les corps du commerce et de l'industrie. || Corps de marchands. Communauté, corporation, métier. || Corps de commerce. Compagnie. || Les corps d'auxiliaires de la justice. || Les corps de la médecine. || Les corps d'officiers royaux. || La suppression des corps intermédiaires sous la Révolution française.
44 L'Ancien Régime ne connaissait pas les droits individuels; par contre, les individus avaient de grandes facilités pour se grouper en vue de la défense de leurs intérêts; en face du roi, qui avait tous les pouvoirs, ils formaient dans l'État d'innombrables corps intermédiaires. Le Nouveau Régime, au contraire, proclame les droits individuels et favorise la liberté publique, en définissant et en séparant les pouvoirs. Mais l'individu doit se contenter de cette liberté; il n'a pas le droit d'alléguer un « intérêt intermédiaire », de « se séparer de la chose publique par un intérêt de corporation » (Le Chapelier).
Olivier-Martin, Précis d'hist. du droit franç., p. 395.
3 Mod. Compagnie, groupe organisé. || Corps savants. Académie, université.(1817). || Corps diplomatique.(1834). || Le corps médical.(1806). || Le corps enseignant ( Enseignement). || Entrer dans le corps enseignant ( Agrégation). || Corps des Mines. || Le corps des ingénieurs des Ponts (cit. 7) et Chaussées. || Le corps des avocats, des médecins. Corporation, ordre. || Membres d'un même corps. Collègue, confrère.
(1771). Avoir l'esprit de corps : se sentir solidaire du groupe auquel on appartient.
En corps : en masse, collectivement. || Faire une démarche en corps, tous ensemble.Repas de corps.
44.1 (…) les membres de l'Académie des sciences écoutaient en corps devant le cornet, fiers d'être hommes, voluptueux d'être savants, les chansons de Polin.
Giraudoux, Juliette au pays des hommes, p. 184.
4 Milit. Unité administrativement indépendante (bataillon, régiment). || Se rendre au corps. || Rejoindre son corps. || Visiter le corps. || Chef de corps. Armée.(Av. 1662). || Corps d'armée. || Commandant de corps d'armée. Général. || Corps de troupe : groupe militaire d'importance numérique variable. || Corps d'infanterie, de cavalerie… || Corps détaché, avancé, séparé. || Corps de réserve. || Corps franc. || Corps auxiliaire.
45 Bernadotte, ayant commandé le corps d'armée français en Poméranie s'était attiré l'estime des Suédois (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. III, p. 185.
46 Un légionnaire touchait donc au service du roi 4 pesetas 10 par jour en attendant mieux, pour la première et la deuxième année de présence au corps.
P. Mac Orlan, la Bandera, III, p. 33.
47 Nous apprîmes, en même temps, que ça chauffait à Verdun. Les Boches avaient attaqué et tout enfoncé. Mais notre corps était là, notre fameux corps, et un autre, presque aussi fameux, était à côté. C'était le gros coup qui arrivait, sans attendre le printemps.
Drieu La Rochelle, la Comédie de Charleroi, p. 143.
Corps de garde. Garde.Corps des sapeurs-pompiers.
5 (1835). Danse. || Corps de ballet. Ballet, chœur.
6 Recueils de textes, d'ouvrages. Corpus. || Corps des poètes grecs, latins. || Corps du droit civil. || Corps des lois. Ensemble.Un corps de doctrines. Système. || Corps de preuves. Faisceau.
7 (1903, in Rev. gén. des sc., no 6, p. 334). Math. Ensemble ayant une structure d'anneau et dont les éléments forment également un groupe par rapport à la deuxième loi de composition. || Le corps est un anneau dont les éléments non neutres pour la première loi de composition interne forment un groupe par rapport à la seconde.
CONTR. Âme, esprit. — Membres. — Individu.
DÉR. Corpsard, corsage, corser, corset.
COMP. Anticorps, monocorps. — Arrière-corps, avant-corps. — Corbleu. — Corps-mort. — Faux-du-corps, garde-corps, haut-le-corps, justaucorps, mi-corps (à).(De V., 7.) Sous-corps.

Encyclopédie Universelle. 2012.