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STYLE
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Sous l’égide de la linguistique, le style devient aujourd’hui l’objet d’une science: la stylistique veut être la science des registres de la langue, et elle s’efforce de définir le style comme concept opératoire. Mais le mot style a, dans l’usage courant de la langue, un champ sémantique beaucoup plus vaste et des fonctions beaucoup plus nombreuses. On parle du style d’un meuble ou du style d’un athlète; on dit aussi qu’un artiste atteint au style comme à une qualité suprême. Peut-on trouver au mot un noyau irréductible de sens? Nous n’allons pas en recenser toutes les classes d’occurrence; il est possible d’en discerner au moins deux significations et deux emplois. Tantôt ce mot désigne un système: le système des moyens et des règles (on dit aujourd’hui des codes), prescrits ou inventés, mis en jeu dans la production d’une œuvre. Tantôt il définit une propriété, et singulièrement une qualité: avoir du style est une vertu. Pour qui? Pour l’œuvre ou pour l’auteur? Selon qu’on impute le style à la première ou au second, on le définit par la cohérence ou par la maîtrise. Mais le clivage des emplois du mot s’opère ailleurs: si l’on met l’accent sur l’antériorité et l’autorité du système par rapport à la production, on définit le style comme collectif et on l’emploie pour un travail de classement, comme instrument de généralisation; si au contraire on met l’accent sur la transgression du système, sur la novation et la singularité, on définit le style comme personnel, et on lui assigne une fonction individuante; du même coup on le pense comme qualité autant que comme système, et on peut même l’opposer au système comme le suggère cette formule de Focillon: « Le style est un absolu. Un style est une variable » (Vie des formes ). Ce sont ces deux emplois qui vont orienter notre examen.

1. Le style comme instrument de généralisation

Bien avant que se constitue une stylistique, le style se propose comme un concept opératoire pour un savoir dont la principale ambition est de recenser et de classer. C’est ainsi qu’au Moyen Âge on distingue, dans la littérature, trois styles: élevé, moyen et bas, qui permettent, par exemple dans l’œuvre de Virgile, de situer respectivement L’Énéide , les Géorgiques et les Bucoliques (cf. Auerbach, Mimésis ). Pareillement définit-on, dans l’art du mobilier, le style Louis XV et le style Louis XVI. La fonction du concept est alors généralisante: il permet de définir et de classer différents objets sous une même rubrique. Cette rubrique peut désigner, pour certains objets ou certains arts préalablement déterminés, une période historique, comme lorsqu’on parle d’un style Louis XV. Ce principe de classement est à certains égards le plus simple. Rien de plus aisé que de couper l’histoire en tranches. Mais on voit aussitôt que cette procédure ne peut s’appliquer qu’après coup et, par conséquent, ne peut assumer une fonction prescriptive (sauf dans le cas où telle époque du passé est proposée comme modèle à imiter); et que le critère est exposé à toutes les vicissitudes de l’histoire: peut-on, par exemple, définir le style roman par des dates, alors qu’on a construit des églises romanes lorsque s’édifiaient déjà des monuments gothiques?

Il faut donc, même si l’histoire fournit d’utiles points de repère, chercher un autre principe de classement, dans une certaine mesure transhistorique. Ce peut être le genre, qui s’offre naturellement à une pensée généralisante: le genre est, à l’intérieur d’un art lui-même situé dans une classification, le moyen d’en ordonner les productions. Ainsi distingue-t-on architecture religieuse, civile, militaire; ou encore peinture d’histoire, paysage, portrait, nature morte; ou encore poésie lyrique, dramatique, épique. Le style définit alors la particularité d’un genre: il y a un style de l’élégie et un style de l’épopée. Mais le concept de genre est lui-même indécis: se propose-t-il comme moyen empirique de classement (dans une culture donnée on trouve des temples, des fables, des fresques: des œuvres qui s’inscrivent sous une dénomination et se conforment à un modèle), ou bien comme principe d’une typologie transhistorique (certaines notions fondamentales étant posées – pour la littérature l’action et les personnages; pour la peinture le motif à représenter; pour l’architecture la destination du bâtiment –, on peut en déduire des types, dont certains sont réalisés et d’autres peuvent ne pas l’être)? La théorie des genres, et par conséquent celle des styles, hésite en fait entre ces deux approches. Même lorsque, avec le structuralisme, elle privilégie l’approche déductive, il est nécessaire que le système soit confronté à l’histoire qu’il s’emploie à éclairer. Ou, si l’on préfère, il faut bien que le style propre à un genre se manifeste dans des œuvres où certains traits structurels caractéristiques – par exemple le sérieux de l’action, la dignité des personnages et la noblesse du discours pour la tragédie – soient, comme disent les formalistes russes, en position dominante.

La théorie, telle qu’elle a longtemps été mise en œuvre, vise elle-même la pratique; la détermination du style ne sert plus alors à classer après coup des objets, mais à prescrire leur fabrication. Ainsi le style n’est plus pensé comme système d’effets, mais comme système de moyens, comme l’indique l’étymologie du mot. Rien d’étonnant d’ailleurs à ce passage du descriptif au normatif: à reconnaître les effets on décèle les moyens qui les produisent, c’est-à-dire les contenus et les contraintes – ou, pour anticiper sur une formulation que nous reprendrons, les messages et les codes – qui spécifient un genre et un style. Si tu veux faire de la grande peinture, dit l’Académie au peintre, choisis tel type de sujet et tel type de palette. De même l’architecte vitruvien est invité à choisir entre le dorique et le corinthien. Les styles sont ainsi des systèmes préétablis de procédures et de recettes offerts au choix du créateur en vue de produire une œuvre qui soit subsumable sous un genre: où l’on voit que la détermination du style reste généralisante. Comme telle, elle convient à la démarche de la création dans les sociétés où l’art est à la fois intégré et intégrant, où l’artiste accepte à la fois l’idéologie régnante et les lois des genres par lesquels elle s’exprime. S’il y a, néanmoins, une histoire de l’art, ce n’est pas seulement du fait que l’idéologie change avec la structure sociale qui la suscite, mais peut-être aussi parce que l’art trouve dans la pratique même des artistes un principe de changement; cette pratique fait bouger les styles, et, finalement, le style est individuel et sa détermination individuante.

2. Le style comme instrument de singularisation

La liberté de l’artiste ne s’exerce pas seulement dans le choix préalable du style, elle peut se manifester par la contestation des traits qui le définissent dans la théorie et des règles qui le définissent dans la pratique, par l’invention de nouveaux traits et de nouvelles règles. Ainsi peuvent se créer de nouveaux genres qui se substituent aux anciens. Mais ce qui nous intéresse ici – et qui intéressera aussi le stylisticien – c’est, quels que soient son avenir et son incidence sur la systématique, le moment de l’invention, qui est celui de la pratique. Cette pratique n’est pas nécessairement individuelle (encore qu’elle le soit le plus souvent ou par quelque côté: la construction de la cathédrale suppose un maître d’œuvre, le jeu du corps de ballet un chorégraphe), mais elle est individuante: toute grande œuvre est une création singulière, et l’on pourra même dire que son authenticité se mesure à sa singularité. Les œuvres mineures sont les œuvres standardisées, où n’apparaît point la marque de l’ouvrier sur son ouvrage; et s’il y a des genres mineurs, ce sont ceux qui ne sollicitent ou ne tolèrent pas cette marque, à savoir la transgression des règles qui les constituent, comme le conte, le roman policier, la chanson, le western. Mais peut-être ces genres mêmes, dont le style est impérieusement prédéterminé, autorisent-ils une certaine personnalisation. L’individuation du style en effet n’implique pas nécessairement la subversion des règles, mais au moins un certain degré de liberté dans la façon de les assumer: l’artisan le plus respectueux, le plus laborieux peut être un artiste si son effort même pour appliquer docilement des normes à un matériau rebelle le conduit comme malgré lui à conjuguer tradition et invention, sinon apprentissage et révolte, et à imprimer ainsi sa marque à son œuvre.

Il faut évoquer ici l’analyse où Barthes, dans Le Degré zéro de l’écriture , réfléchissant sur la littérature et la façon dont elle se signifie au lecteur, oppose le style à l’écriture. La notion d’écriture se rapproche de ce que l’on a appelé le style collectif: elle fait, là au moins où elle est plurielle, l’objet d’un choix; en opérant ce choix, l’écrivain accepte le pacte qui le lie à la société, il se situe dans une aire sociale, s’engage dans une histoire, prend parti. Le style, lui, a ses références « au niveau d’une biologie ou d’un passé, non d’une histoire »; il constitue un langage autarcique, où se révèle la solitude de l’écrivain; il fonctionne à la façon d’une nécessité, « comme une espèce de poussée florale », exprimant le pacte qui noue la chair au monde: il est du côté de la Nature. La poésie moderne illustre assez bien cette idée; d’autres arts comme la danse ou la peinture, que ce n’est pas le propos de Barthes d’évoquer, indiquent, mieux encore, comment le style est issu des profondeurs du corps: il est la trace d’un geste. Mais il en est aussi la maîtrise; et c’est pourquoi, si naturel qu’il soit, il se conquiert.

Cette marque de l’ouvrier sur son ouvrage n’est pas expression de soi au sens où on l’entend trop souvent; elle ne manifeste pas un parti pris délibéré de s’exhiber ou de parler de soi; ce n’est pas l’auteur qui parle en première personne, c’est l’œuvre qui parle, en personne: c’est elle qui porte témoignage du geste, du travail singulier qui l’a produite, et le créateur n’est rien d’autre que le fils de ses œuvres. L’étude du style implique donc l’étude de l’œuvre: l’étude de la marque de l’ouvrier, et non l’étude de l’ouvrier. Elle vise à expliciter ce qu’il y a d’incomparable dans cette œuvre, ce par quoi, même si on peut l’inscrire dans un genre, elle échappe aux lois du genre pour s’affirmer unique. La fonction du concept de style est donc exactement inverse ici de celle que nous lui assignions tout à l’heure. Avant que ne cherche à s’élaborer une science du style, cette fonction se manifeste au mieux dans la pratique de l’expertise, qui a été longtemps la principale tâche que revendiquait l’histoire de l’art: le jugement d’attribution requiert la détermination des traits qui peuvent singulariser une œuvre. Dans quelle mesure l’investigation de ces traits peut-elle être théorisée? Y a-t-il une science de l’individuel? Ce sont les questions que se posera une stylistique scientifique, qui elle aussi a hésité entre les deux notions de style que nous avons exposées.

3. Le discours de la stylistique

On ne tentera pas d’esquisser l’histoire de la stylistique. D’autant que généralement elle ne porte que sur le style de la langue ou du discours littéraire et non sur l’ensemble des arts. C’est la limite qu’elle s’imposait déjà sous son ancien nom de rhétorique. Car la rhétorique est une technique du langage considéré comme un art. Elle est à la fois descriptive et normative: grammaire de l’expression littéraire, elle détermine les moyens que le langage met à la disposition de l’écrivain et de l’orateur; instrument de critique, elle pose les règles propres à chaque genre, qui fixent la composition, le vocabulaire, la syntaxe et les figures, et elle juge les œuvres en fonction de ces règles. La stylistique moderne, animée par le même souci de positivité que la linguistique à laquelle elle se rattache, renonce aux fonctions normative et critique. Mais, si elle s’interdit de juger les œuvres, elle ne renonce pas à leur examen. Du même coup elle se partage entre deux disciplines, qui répondent aux deux conceptions du style que nous avons distinguées «: d’une part ce que Pierre Guiraud appelle une stylistique de l’expression, d’autre part une stylistique de l’individu. La première, descriptive, met en lumière le pouvoir ou les propriétés de la langue, la seconde, génétique, traite de l’art singulier de l’écrivain. Ainsi Bally, auteur de la première Stylistique parue en 1905, étudie le génie de la langue: considérant que sa fonction est d’exprimer la pensée et les sentiments, il assigne à la stylistique l’étude des moyens que le lexique et la syntaxe apportent pour l’expression des sentiments. Par contre, Spitzer, promoteur de la New Stylistics , étudie le génie d’un auteur, tel qu’il apparaît dans sa langue, c’est-à-dire dans le système des procédés que son œuvre met en jeu et qui assure l’expression de la pensée aussi bien que de l’affectivité. Ce qui reste commun à ces deux entreprises, c’est l’idée que la stylistique est liée à la fonction sémantique de la langue, et par conséquent au discours – au texte – où cette fonction s’exerce. Comme dit Jakobson, la grammaire de la poésie – étude des moyens d’expression poétique en puissance dans la langue – est inséparable de la poésie de la grammaire – étude des effets obtenus dans le texte par le recours à ces moyens. Si l’on s’attache aux propriétés stylistiques de la langue, « on ne peut les expliquer par le seul mécanisme de la langue, mais uniquement par celui du discours » (T. Todorov et O. Ducrot), donc en considérant au moins « l’aspect verbal » des textes, lequel réfère immédiatement à l’aspect sémantique. Dès lors, si l’opposition entre les deux visées demeure irréductible, elle ne l’est pas entre leurs procédures; car, si l’on veut élaborer une stylistique de la langue, ce ne peut être qu’en tant que la langue est une possibilité de discours, et donc sur les discours qu’elle autorise et qui sont des œuvres singulières; inversement, cette singularité est autorisée par la langue où elle trouve à se manifester, et son examen en appelle à une théorie de cette langue: l’étude des effets implique l’étude des moyens.

C’est à partir de là que l’on peut étendre la notion de style à tous les arts, comme l’a tenté Gilles Granger. Cette notion s’explicite alors dans les termes de code et de message qu’a imposés le structuralisme. Le message, c’est à la fois l’œuvre et ce qui est signifié par elle: le sens, ou plutôt, si l’on suit Guillaume, l’effet de sens qui résulte, dans le texte et par le contexte, de l’actualisation d’une des possibilités de sens que la langue confère au signe. Le code, c’est le système des moyens convenus par lesquels le message est transmis, et donc des contraintes qui, pour l’émetteur et le récepteur, constituent ces moyens. Le style est une propriété du message, dans la mesure où il est codé. Comme dit Guiraud: « Il n’y a d’effets de style que dans le message et par rapport au message; mais cet effet est conditionné par des valeurs qui ont leur source dans le code » (La stylistique ). Ces valeurs qui s’attachent à chaque signe sont des possibilités de sens. On examinera rapidement comment ces deux notions sont reprises chez Granger par une stylistique générale. Que le style appartienne au message – et par exemple, comme le dit Jakobson, que la fonction poétique du langage soit définie par « son orientation vers le message » –, Granger l’explicite en disant que « le style appartient essentiellement aux significations » (Essai sur la philosophie du style ), les significations étant ici définies comme des ratés ou les résidus du sens, « ce qui, dans une expérience, échappe à une certaine structuration manifeste » (ibid. ) et ne se laisse pas réduire au statut d’objet de savoir: le message, lorsqu’il a du style, porte donc sur ce que le langage scientifique ne peut totalement maîtriser, bien qu’on s’efforce de le coder. Car il y a un rapport nécessaire du style avec le code, que Granger explicite ainsi: là où ne joue qu’un seul code, dont la grammaire est impérative et exhaustive, comme dans le cas du morse, pas de style; la condition de tout style, c’est la pluralité des codes. Cette pluralité apparaît partout où existent des éléments hors code, « où le code de base ne régit qu’une partie de la substance à laquelle il donnera forme » (ibid. ). Ces traits libres sont alors organisés par ce que les linguistes nomment des sous-codes, comme ceux qui régissent les registres ou les accents de la parole. Granger en appelle à d’autres sous-codes. « Ces éléments hors code sont organisés soit en systèmes a priori qui viennent renforcer la langue, comme les contraintes métriques ou celles qui définissent les genres, soit en systèmes libres, extemporanément constitués et lisibles a posteriori dans le message » (ibid. ). A priori ou a posteriori, selon qu’ils sont établis par la coutume ou inventés par le créateur comme ces gênes exquises que s’impose Valéry, ces codes sont des surcodes, dont on peut observer l’action « en décelant des régularités de distribution des éléments dans le message, qui enjambent pour ainsi dire les unités régies par l’organisation sémantique et syntaxique » (ibid. ). C’est de ce surcodage que naît l’effet de style.

Ce qui intéresse Granger c’est, à partir de cette définition, la possibilité d’une étude proprement scientifique du style dans la perspective d’une théorie des jeux. Nous ne saurions le suivre sur ce chemin; mais nous pouvons noter deux conséquences de cette conception, que lui-même souligne. La première c’est que la notion de style trouve un champ d’application beaucoup plus vaste que les arts du langage, et même l’ensemble des arts: un champ où se situent tous les objets produits par le travail humain, pour autant que ces objets échappent par quelque côté à une structuration et à un codage manifestes, mais où ce qui les surdétermine, ce qui leur confère ce surcroît ou cette marge de sens que Granger appelle signification (et que je préfère appeler expression, ou expressivité) donne lieu à une surstructuration ou un surcodage moins manifeste et moins efficace. Les seuls objets sans style sont les produits stéréotypés de l’industrie moderne, entièrement ordonnés au concept qui préside à leur fabrication. Et encore... Selon Olivier Revault d’Allonnes, tout objet, y compris l’objet standard, est un style à lui tout seul; parce qu’il répond à des normes idéologiques et parfois esthétiques – le fonctionnalisme en est une – qui lui ajoutent une connotation et qui introduisent un surcodage; ainsi peut-on parler du style d’une peinture ou d’un monument, mais aussi de celui d’une automobile ou d’un appareil téléphonique. Une peinture, par exemple, si elle n’est pas simplement un graphisme didactique, la transposition littérale d’un texte, exprime plus, ou autre chose, que le discours univoque, et la production de cet effet est liée au surcodage: au système de moyens et de contraintes qu’impose la peinture (par exemple les exigences de la représentation du volume sur un plan) et/ou que s’impose le peintre (par exemple les exigences de sa palette ou de sa touche). Ce lien de l’expressivité au métier – de la signification au surcodage –, qui ne me semble pas complètement explicité chez Granger, est réciproque: l’expression requiert la technique et est produite par elle; ainsi la fantasmatique du créateur s’insinue en quelque sorte dans l’exercice du métier; c’est la même chose de dire l’angoisse ou la jubilation et de privilégier tel ou tel trait pictural.

Aussi bien cette analyse recoupe-t-elle celle d’un historien de l’art comme E. H. Gombrich, à cette différence près que Gombrich parle de moyens d’expression là où Granger parle de codes. Toute création, dit-il, met en œuvre un vocabulaire, un système de schémas, comme le canon ou le modèle perspectif pour la peinture, qui oriente la vision du peintre – « l’artiste a tendance à voir ce qu’il peint plutôt qu’à peindre ce qu’il voit », et « le pouvoir est la condition du vouloir » (L’Art et l’illusion ) – et aussi bien la vision du spectateur; le style réside dans ces moyens d’expression. Ce vocabulaire de l’art, tacitement convenu dans la culture entre l’émetteur et le récepteur, est exactement le lieu du surcodage »: codes a priori lorsque le schéma est stéréotypé, imposé dans les exercices d’atelier; codes a posteriori lorsque ce schéma est remodelé, sinon inventé par l’artiste lui-même; et c’est alors que le style, de collectif, devient personnel, jusqu’à ce que cet a posteriori soit récupéré et « a priorisé » par l’académisme.

Cette mise en évidence de l’initiative de l’artiste conduit au second point, à savoir « la fonction individuante du style ». Car c’est là l’essentiel. Tant que le surcodage met en œuvre des codes a priori, c’est-à-dire des moyens et des normes institués et enseignés, le style, impersonnel, qui en résulte n’est pas vraiment un style. La vérité du style est d’être singulier; et il l’est lorsque le surcodage est a posteriori, lorsqu’il est propre au message et à l’auteur. D’où l’intérêt qu’il y a à bien observer « la gradation de l’a priori à l’a posteriori, ou, si l’on veut, de la convention à la création extemporanée » (Granger, ibid. ). Une science plus fine peut le faire, elle peut affronter l’individuel, alors qu’une science plus grossière s’en tient au général et n’invoque le style que comme instrument classificatoire pour un survol de l’histoire. Il pourrait paraître présomptueux d’invoquer la science là où il s’agit d’expérience esthétique, de la saisie d’un effet de style qui singularise l’objet. Car sans doute la perception naïve suffit-elle à saisir l’individuel – cette fleur, ce caillou: objets qui n’ont pas de style; peut-être même saisit-elle la présence du style sur les objets qui en ont un, et qui tiennent de lui leur individualité. Mais elle ne saurait rendre compte de ce qui produit cet effet, c’est-à-dire de la multiplicité des structures concurrentes organisées par un surcodage. Selon que ces codes sont plus ou moins a priori, on peut parler de degré d’individuation. Et dans tous les cas le style suppose et caractérise un travail: le travail qui produit un objet, qui le surdétermine ou le surstructure par un surcodage. À ce travail du créateur peut répondre un travail du récepteur qui repère les codes pour déchiffrer le message. Mais cette pratique déjà « scientifique » n’est pas requise de l’amateur: il lui suffit, pour jouir de l’œuvre, d’être sensible à l’effet du surcodage; l’œuvre lui propose « une expérience prégnante et individuée », individuée dans la mesure même où le style a individué l’œuvre (Granger).

4. Style et subjectivité

Cette analyse montre que le style est produit par un travail et qu’il singularise à la fois la production de ce travail et l’expérience qu’il suscite chez le consommateur du produit. On peut exprimer cette idée en disant que le style se mesure à l’expressivité de l’œuvre, à ce surcroît de sens qui sollicite l’expérience vive du récepteur, et qui doit être éprouvée par le sentiment. Mais faut-il lier cet effet de sens à un surcodage? Peut-on parler de surcode? Qu’il y ait une multiplicité de codes, cela va sans dire; mais il n’y a pas de surcode: ou bien ce ne sont pas encore des codes, ou bien ce sont des codes comme les autres, par exemple ceux qui spécifient la pratique d’un art: à côté du code perceptif, les codes de l’inscription spatiale, de l’image fixe sur la toile ou de l’image mobile sur l’écran ne sont pas des surcodes propres à la peinture ou au cinéma; ce sont tous simplement les codes propres à ces arts; ils préexistent à la création. Et les codes a posteriori? Leur dénomination paradoxale signifie qu’ils ne sont pas reçus du dehors, antérieurement à l’entreprise créatrice; ils consistent en des moyens nouveaux inventés par le créateur. Mais il n’y a de code qu’institué: tant que ces moyens ne sont pas énoncés, reconnus, convenus, ils ne peuvent constituer un code. De plus, il n’y a de code que structurant: or l’a posteriori ne peut pas surorganiser l’a priori, mais bien le transgresser; la novation ne restructure qu’à condition de déstructurer d’abord. Et l’art contemporain nous propose plus d’exemples de déstructuration que de restructuration... Si l’on doit pourtant considérer l’œuvre comme un système, c’est comme un système singulier, qui peut échapper à la systématique et qu’il faut distinguer du code. Ainsi Metz, opposant l’étude du langage cinématographique à l’analyse du film, écrit: « Tout code est un système [...], mais l’inverse n’est pas vrai: certains systèmes ne sont pas des codes, mais des systèmes singuliers [...], chaque film est traité comme un texte singulier dans l’exacte mesure où l’on cherche à mettre au jour son système singulier » (Langage et cinéma ).

Le code en tant que tel ne suffit cependant pas à définir le style, qui appartient au message; il faut encore considérer l’usage qui est fait du code. Le système singulier ne comporte donc pas seulement un choix entre les codes disponibles (dans l’exemple du cinéma, code de l’analogie iconique, des mouvements de la caméra, de la ponctuation), donc des refus et aussi des inventions, mais surtout une manière personnelle d’user des codes. Ce qui est systématique ici, c’est la marque d’une subjectivité dans le geste créateur: ce n’est pas le pinceau, c’est la touche; ce n’est pas la langue, c’est l’accent. Nous revenons à l’analyse de Barthes: dans le travail qui met le code en œuvre s’insinue et se révèle un être au monde singulier, une vision du monde qui est aussi bien un fantasme. Dès lors le style n’a une fonction individuante que parce qu’un individu le crée.

Deux questions se posent encore. Pourquoi et comment indiquer un style collectif lorsqu’on veut classer les œuvres en périodes ou en genres? C’est qu’on met alors l’accent sur les moyens ou les codes qui sont institués à un moment donné pour un type d’œuvres données et qui sont généralement utilisés par les artistes; on décide de négliger la façon singulière et parfois subversive dont ils peuvent être utilisés, et on privilégie au contraire les utilisations les plus dociles, les plus impersonnelles. On définit bien alors le style par le système des codes et par le métier qui s’y conforme, mais anonymement et sans déroger aux règles. Cependant, le lexique et la syntaxe de l’art ainsi déterminés produisent dans les œuvres un effet de sens, et il se peut qu’on en réfère ce sens à une subjectivité qui l’a vécu et le communique à une autre. Mais cette subjectivité est générique. Le style gothique n’évoque pas tel maître d’œuvre, il évoque un certain « style de vie » que le récepteur assigne à l’homme gothique; ce nom anonyme désigne une certaine conscience qui habite et anime le monde gothique où l’amateur est, par l’œuvre, convié à pénétrer. Que cet homme ait été reproduit à un nombre indéfini d’exemplaires est sans importance. Ce n’est pas avec lui comme individu que s’établit la communication, mais avec son monde particulier dès qu’est expérimenté l’effet de sens produit par le style. Peu importe aussi que ce monde puisse être ouvert par d’autres œuvres, en nombre aussi indéfini; l’essentiel est qu’il soit découvert comme le contenu authentique du style. Le style, si on en reste à repérer les moyens par lesquels est produit le sens, n’est pas clairement défini, il faut encore recueillir ce sens et l’expérimenter par le goût.

Mais toutes les œuvres, même fabriquées sur le même patron, ne livrent pas également un sens: le système des moyens est une condition nécessaire, mais non suffisante. Et tant qu’on découvre dans les œuvres un sens encore général vécu par une subjectivité anonyme, on définit un style et non le style. Peut-être d’ailleurs découvre-t-on ce style sur les œuvres qui ont du style. En sorte que se pose toujours une seconde question: qu’en est-il du style quand il désigne une valeur, un absolu comme dit Focillon, quand il est à conquérir? Or, on passe aisément du style comme expression de la singularité au style comme qualité. Ainsi Proust: « Cette qualité inconnue d’un monde unique et qu’aucun autre musicien ne nous avait jamais fait voir, peut-être est-ce en cela, disais-je à Albertine, qu’est la preuve la plus authentique du génie, bien plus que dans le contenu de l’œuvre elle-même » (La Prisonnière ). Avoir du style, c’est pour une œuvre la même chose que pour l’individu avoir de la personnalité: s’affirmer comme être d’exception, manifester sa différence. Et c’est ici que le vrai style se moque du style, que le système des moyens qui définit un style collectif est transgressé ou subverti par la novation. Comment le style se révèle-t-il alors? D’abord comme maîtrise du métier, ensuite comme puissance du sens: maîtrise de la technique qui permet... faut-il dire une maîtrise du monde? On sait avec quelle prédilection Malraux développe ce thème: ce qui caractérise au moins l’art moderne, c’est qu’à la volonté de transfiguration (imitez la belle Nature, disait-on au XVIIe siècle, signifiant par là: embellissez la nature que vous imitez) il substitue une volonté d’annexion du monde. Mais s’agit-il d’annexion ou d’accueil? La vision du monde que l’œuvre révèle est moins ordonnée à la volonté de puissance qu’au sentiment. En tout cas, c’est elle qui constitue le sens. Accéder au style, c’est livrer un message singulier, c’est dire quelque chose qui n’a jamais été dit, dans un langage étranger à toute langue, par la vertu d’un sensible à nul autre pareil. Car, si le style réside à la fois dans la maîtrise et l’expressivité, c’est que le secret de l’art est de communiquer le sens à même le sensible, dans la manipulation du matériau: c’est la même chose pour Van Gogh d’avoir une touche tourmentée et de dire un monde tourmenté, c’est la même chose pour Valéry de privilégier le mot ombre et de dire un monde où l’on est voué à vivre sans que la pensée puisse jamais se refermer sur elle-même.

Il faut enfin se demander comment le passage de la singularité à la valeur – à l’absolu de la valeur – peut être franchi. Lorsque l’expression de l’être-soi n’est ni indiscrète ni arbitraire, lorsque la singularité est assez authentique pour se hausser à l’universel. Non point l’universel de la rationalité qui se révèle à ce que tous peuvent suivre un raisonnement, mais l’universel de la sensibilité qui fait que tous peuvent accéder à un monde. L’universel ne va pas sans la nécessité. Cette nécessité dans le sensible – dans la chair et le sens de l’objet – mesure la qualité de l’œuvre, et non d’une subjectivité. Elle requiert à la fois l’invention et la maîtrise des moyens, mais aussi que s’exprime dans l’œuvre, par ces moyens, un visage singulier de la Nature vécu par le sujet créateur. Ce sujet est là pour le vivre: pour répondre à un appel lancé par la Nature. L’universel a sa caution dans la Nature. Et, si le style est la marque de l’ouvrier sur son ouvrage, c’est dans la mesure où l’ouvrier laisse cette marque être celle de la Nature qui l’inspire.

style [ stil ] n. m.
• v. 1400; estilh 1350; « manière de parler » XIVe; « formule de procédure » 1346; lat. stilus « poinçon servant à écrire »
I(Abstrait) A(Dans le lang.)
1Aspect de l'expression littéraire, dû à la mise en œuvre de moyens d'expression dont le choix résulte, dans la conception classique, des conditions du sujet et du genre, et dans la conception moderne, de la réaction personnelle de l'auteur en situation. écriture, expression, langage, langue. « Le style est l'homme même » (Buffon). « On reconnaît souvent un excellent auteur [...] au mouvement de sa phrase et à l'allure de son style » (Joubert). « Le style résulte d'une sensibilité spéciale à l'égard du langage. Cela ne s'acquiert pas; mais cela se développe » (Valéry). Étude, science du style. rhétorique, stylistique. Figures de style. Hist. littér. Style familier, noble. « le style familier, qui est si voisin du style simple et naïf » (Voltaire). Style burlesque, précieux, didactique, épistolaire, oratoire, narratif, historique, tragique, comique, épique, lyrique. Le style de Rabelais. manière, 2. ton. Imiter le style d'un auteur ( pastiche; cf. À la manière de) . « Ce style bizarre, excessif, incohérent, surchargé, est celui de la nature elle-même » (Taine). Style plat. Style concis, incisif, nerveux, dépouillé. Style académique. Mauvais style. cacographie, charabia, galimatias. Style clair, correct, pur. « un style qui serait beau [...] et qui serait rythmé comme le vers, précis comme le langage des sciences [...] un style qui vous entrerait dans l'idée comme un coup de stylet » (Flaubert).
Absolt Bon style, style original, présentant des qualités artistiques. Avoir du style. Exercice de style. « Le style rend singulières les choses les plus communes » (Voltaire). « On n'arrive au style qu'avec un labeur atroce » (Flaubert).
2(1872) Ling. « L'aspect de l'énoncé qui résulte du choix des moyens d'expression déterminé par la nature et les intentions du sujet parlant ou écrivant »(P. Guiraud). Classification (psychologique, sociologique, chronologique, etc.) des styles. Style parlé et écrit, familier et soutenu. Style télégraphique. Clause de style. Style administratif, publicitaire. phraséologie, terminologie. Gramm. Style direct, indirect, indirect libre ( discours) .
B(Dans les arts de l'espace et du temps)
1(1699) Manière particulière (personnelle ou collective) de traiter la matière et les formes en vue de la réalisation d'une œuvre d'art; ensemble des caractères d'une œuvre qui permettent de la classer avec d'autres dans un ensemble constituant un type esthétique. Le style d'un peintre, d'une école. 1. facture, 2. faire, genre, goût, manière, touche. Style d'un tableau, d'une statue. Colonne, chapiteau de style corinthien, dorique. ordre. « Toute la pensée d'alors est écrite en effet dans ce sombre style roman » (Hugo). Style Louis XIII, Louis XV, Empire, 1900 ( modern style) , contemporain. Style bistrot, style rustique. Meubles de style anglais. Les styles en musique. « On dit en France le style de Lully, de Rameau » (Rousseau). Style d'un ballet, d'un film. Des robes dans le style du Second Empire. 1. mode.
♢ DE STYLE, se dit d'un objet d'art appartenant à un style ancien bien défini. Meubles de style et d'époque. Exécuté de nos jours dans un style ancien. Reliure de style.
2Absolt « Qualité supérieure de l'œuvre d'art, celle qui lui permet d'échapper au temps » (Focillon). « les maisons sont trop basses pour avoir du style » (Stendhal). À « “Qu'est-ce que l'art ?”, nous sommes portés à répondre : “Ce par quoi les formes deviennent style” » (Malraux).
C(fin XIVe; estile 1290) Façon personnelle d'agir, de se comporter; manière d'être. Cette robe ne te va pas, ce n'est pas ton style. Chercher son style. Changer de style. look. Style de vie, d'action. genre, habitude. Se distinguer « moins par son niveau de vie que par son style de vie » (Th. Maulnier). De grand style : mettant en œuvre de puissants moyens d'action. Opération, offensive de grand style.
Spécialt Manière personnelle de pratiquer un sport, tendant à l'efficacité et la beauté. Le style d'un coureur. Un style puissant, souple. Absolt Nageur qui a du style. « Le style est la caresse du sport » (Montherlant).
IIDidact. (Concret)
1(1546; stile 1380) Antiq. Poinçon de fer ou d'os, dont une extrémité, pointue, servait à écrire sur la cire des tablettes, et l'autre, aplatie, à effacer. stylet.
Techn. Tige pointue et articulée servant à tracer une courbe sur un cylindre enregistreur.
2(1561) Tige dont l'ombre indique l'heure, sur un cadran solaire.
3(1749) Bot. Partie allongée du pistil (et du carpelle), reliant l'ovaire au(x) stigmate(s). Ovaire à deux styles.

style nom masculin (latin stilus, stile, écrit stylus avec l'influence du grec stulos, colonne) Façon particulière dont chacun exprime sa pensée, ses émotions, ses sentiments : Avoir un style simple. Forme de langage fonctionnel usitée dans une activité de type administratif, commercial, etc. : Style administratif. Ensemble des caractères formels esthétiques de quelque chose : Bouquet d'un style prétentieux. Ensemble des goûts, des manières d'être de quelqu'un ; façon personnelle de s'habiller, de se coiffer, de se comporter, etc. : Style sportif. Style de vie. Qualité de quelque chose ou de quelqu'un qui présente des caractéristiques esthétiques, originales : Maison qui a du style. Manière personnelle de pratiquer un sport, un art, définie par un ensemble de caractères : Le style d'un nageur. Antiquité Autre graphie de stile. Astronomie Tige dont l'ombre marque l'heure sur un cadran solaire. Botanique Région moyenne du pistil, comprise entre l'ovaire et le stigmate, et qui forme généralement une colonne cylindrique à l'intérieur de laquelle se développent les tubes polliniques après la pollinisation. (Le tissu interne du style, très lâche, est dit conducteur, car il favorise la croissance des tubes polliniques vers les ovules.) Beaux-arts et Arts décoratifs Ensemble des caractéristiques, résultant de l'application d'un certain système technique et esthétique, propres aux œuvres d'une époque (exemple les styles successifs de la peinture romaine pompéienne, les styles Louis XIII, Régence, Empire, Regency, etc., dans le mobilier), d'une école (exemple le style bolonais dans la peinture italienne du début du XVIIe s.), d'un artiste, etc. Chronologie Manière de compter les années. Métrologie Petite tige dont l'extrémité pointue trace la courbe représentative d'une variation sur un enregistreur. ● style (citations) nom masculin (latin stilus, stile, écrit stylus avec l'influence du grec stulos, colonne) Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Le style est la poésie dans la prose, je veux dire une manière d'exprimer que la pensée n'explique pas. Avec Balzac Gallimard Théodore Agrippa d'Aubigné près de Pons, Saintonge, 1552-Genève 1630 Ce siècle, autre en ses mœurs, demande un autre style. Les Tragiques Georges Louis Leclerc, comte de Buffon Montbard 1707-Paris 1788 Le style est l'homme même. Discours sur le style, prononcé à l'Académie française, le jour de sa réception, 25 août 1753 Georges Louis Leclerc, comte de Buffon Montbard 1707-Paris 1788 Le style n'est que l'ordre et le mouvement qu'on met dans ses pensées. Discours sur le style, prononcé à l'Académie française, le jour de sa réception, 25 août 1753 Jacques Boutelleau, dit Jacques Chardonne Barbezieux 1884-La Frette-sur-Seine 1968 Sans morale, il n'y a plus de vin de Bordeaux, ni de style. La morale, c'est le goût de ce qui est pur et défie le temps. L'Amour, c'est beaucoup plus que l'amour Albin Michel Jean Cocteau Maisons-Laffitte 1889-Milly-la-Forêt 1963 Académie française, 1955 C'est […] cette manière d'épauler, de viser, de tirer vite et juste, que je nomme le style. Le Secret professionnel Stock Jean Cocteau Maisons-Laffitte 1889-Milly-la-Forêt 1963 Académie française, 1955 [Le style] est une façon très simple de dire des choses compliquées. Le Secret professionnel Stock Gustave Flaubert Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880 Académie française, 1880 J'estime par-dessus tout d'abord le style, et ensuite le vrai. Correspondance, à Louis Bonenfant, 1856 Gustave Flaubert Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880 Académie française, 1880 Plus une idée est belle, plus la phrase est sonore. Correspondance, à Mlle Leroyer de Chantepie, 1857 Gustave Flaubert Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880 Académie française, 1880 Le style est autant sous les mots que dans les mots. Correspondance, à Ernest Feydeau, 1860 Pierre Louis, dit Pierre Louÿs Gand 1870-Paris 1925 C'est la pensée toute vivante qui dicte le style immortel. Dès qu'elle a trouvé ce qu'elle cherche, elle n'est plus. Poétique Crès Pierre Louis, dit Pierre Louÿs Gand 1870-Paris 1925 Une page bien écrite est celle dont on ne saurait enlever une syllabe sans fausser la mesure de la phrase. Poétique Crès Robert Mallet 1915 Le style de celui-là dit qu'il sait s'habiller, et de celui-ci qu'il n'a pas besoin d'habit. Apostilles Gallimard André Malraux Paris 1901-Créteil 1976 Qu'est-ce que l'art ? — Ce par quoi les formes deviennent style. Les Voix du silence Gallimard Jules Michelet Paris 1798-Hyères 1874 Le style n'est que le mouvement de l'âme. Journal, 4 juillet 1820 Gallimard Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière Paris 1622-Paris 1673 Ce style figuré, dont on fait vanité, Sort du bon caractère et de la vérité : Ce n'est que jeu de mots, qu'affectation pure, Et ce n'est point ainsi que parle la nature. Le Misanthrope, I, 2, Alceste Michel Eyquem de Montaigne château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1533-château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1592 Le parler que j'aime, c'est un parler simple et naïf, tel sur le papier qu'à la bouche, un parler succulent et nerveux, court et serré, non tant délicat et peigné comme véhément et brusque. Essais, I, 26 Blaise Pascal Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623-Paris 1662 Quand on voit le style naturel, on est tout étonné et ravi, car on s'attendait de voir un auteur, et on trouve un homme. Au lieu que ceux qui ont le goût bon et qui en voyant un livre croient trouver un homme, sont tout surpris de trouver un auteur. Pensées, 29 Commentaire Chaque citation des Pensées porte en référence un numéro. Celui-ci est le numéro que porte dans l'édition Brunschvicg — laquelle demeure aujourd'hui la plus généralement répandue — le fragment d'où la citation est tirée. Marcel Proust Paris 1871-Paris 1922 Chez un écrivain, quand on tient l'air les paroles viennent bien vite. Contre Sainte-Beuve Gallimard Jules Renard Châlons, Mayenne, 1864-Paris 1910 Avoir un style exact, précis, en relief, essentiel, qui réveillerait un mort. Journal, 29 mai 1898 Gallimard Jules Renard Châlons, Mayenne, 1864-Paris 1910 La clarté est la politesse de l'homme de lettres. Journal, 7 octobre 1892 Gallimard Jules Renard Châlons, Mayenne, 1864-Paris 1910 Le style, c'est l'oubli de tous les styles. Journal, 7 avril 1891 Gallimard Jules Renard Châlons, Mayenne, 1864-Paris 1910 Un mauvais style, c'est une pensée imparfaite. Journal, 15 août 1898 Gallimard Henri Beyle, dit Stendhal Grenoble 1783-Paris 1842 Le despotisme frappe le style de bêtise. Promenades dans Rome, Marginalia Paul Valéry Sète 1871-Paris 1945 Les Optimistes écrivent mal. Mauvaises Pensées et autres Gallimard Eugène Viollet-le-Duc Paris 1814-Lausanne 1879 Le style est comme le parfum d'un état primitif des esprits. Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle, Style Arthur Schopenhauer Dantzig 1788-Francfort-sur-le-Main 1860 C'est la pensée qui donne au style sa beauté, mais chez les pseudo-penseurs c'est le style qui doit orner les pensées. Der Stil erhält die Schönheit vom Gedanken, statt daß bei den Scheindenkern durch den Stil schön werden sollen. Parerga und Paralipomena style (expressions) nom masculin (latin stilus, stile, écrit stylus avec l'influence du grec stulos, colonne) De style, se dit de meubles, d'objets décoratifs fabriqués conformément à un style de décoration ancien. De grand style, qui met en œuvre des moyens puissants : Une offensive de grand style. Être dans le style de quelqu'un, être dans ses goûts ou dans ses habitudes. Nouveau style, manière dont on compte les années depuis la réforme grégorienne (1582), par opposition au vieux style. ● style (synonymes) nom masculin (latin stilus, stile, écrit stylus avec l'influence du grec stulos, colonne) Façon particulière dont chacun exprime sa pensée, ses émotions, ses...
Synonymes :
- écriture
- forme
- genre
- langage
- parler
- plume
- ton
Forme de langage fonctionnel usitée dans une activité de type...
Synonymes :
- jargon
- langue
- phraséologie
Ensemble des caractères formels esthétiques de quelque chose
Synonymes :
- facture
- touche
Qualité de quelque chose ou de quelqu'un qui présente des caractéristiques...
Synonymes :
- allure
- art
- cachet
- chic
- esthétique
Manière personnelle de pratiquer un sport, un art, définie par...
Synonymes :
- griffe
- manière
- patte

style
n. m. BOT Partie, souvent filiforme, du pistil qui surmonte l'ovaire.
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style
n. m.
rI./r
d1./d Manière d'utiliser les moyens d'expression du langage, propre à un auteur, à un genre littéraire, etc. Style clair, précis, élégant; style obscur, ampoulé. Style burlesque, oratoire, lyrique. Style administratif, juridique.
d2./d Manière de s'exprimer agréable et originale. Orateur qui tourne ses phrases avec style.
d3./d GRAM Style direct, indirect.
rII./r
d1./d Ensemble des traits caractéristiques des oeuvres (d'un artiste, d'une époque, d'une civilisation). Une décoration de style moderne.
|| De style: d'un style particulier, propre à une époque ancienne. Une salle à manger de style.
d2./d Caractère d'une oeuvre originale. Tableau qui a du style.
rIII/r
d1./d Ensemble des comportements habituels de qqn. Adopter un certain style de vie. Syn. genre.
d2./d Façon particulière de pratiquer un sport alliant les impératifs de l'esthétique à ceux de l'efficacité. Ce boxeur doit améliorer son style.
d3./d Loc. adj. De grand style: qui se fait sur une vaste échelle ou qui est fait avec brio. Offensive de grand style.

I.
⇒STYLE1, subst. masc.
I. A. — 1. Poinçon généralement de métal ou d'os, utilisé dans l'Antiquité et au Moyen Âge pour écrire sur des tablettes enduites de cire. Synon. stylet2 (v. ce mot A 1). Du fer d'un style à la pointe acérée, Égratignant la cire impitoyable, il [Suétone] a Décrit les noirs loisirs du vieillard (HEREDIA, Trophées, 1893, p. 70). C'était une tablette à écrire, d'où pendait un style d'argent. La cire en était presque toute usée, mais on avait dû repasser plusieurs fois les mots tracés (, Aphrodite, 1896, p. 35).
2. Instrument métallique pointu servant à dessiner, inscrire, inciser quelque chose. Synon. stylet2 (v. ce mot A 2 et 3 b). Les (...) styles (...) dont les potiers romains se servaient pour finir leurs ouvrages (Al. BRONGNIART, Arts céram., t. 1, 1844, p. 424). [Dans les appareils à stencil] l'opérateur écrit, avec un poinçon métallique ou d'agathe, sur une feuille de papier ciré (...). La pointe du style (...) dessine les caractères par une quantité de perforations (PETHOUD, Organ. industr. et comm., 1931, p. 188).
3. Petite tige pointue servant à tracer les courbes sur un cylindre enregistreur. Synon. stylet2 (v. ce mot A 3 a). Le baromètre enregistreur [des ballons sondes] se compose d'un organe barométrique qui commande un style traçant les courbes sur un tambour qui tourne (MARCHIS, Nav. aér., 1904, p. 508).
B. — Tige ou fil dont l'ombre indique l'heure en se déplaçant sur un cadran solaire. L'ombre des styles marquait quatre heures de relevée aux cadrans de tous les clochers (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 346). La boussole (...) coïncide avec l'apparition des premières horloges solaires « modernes » (...). La surface permet d'observer la marche de la ligne d'ombre. Le style est soit un gnomon (...), soit un fil (BASSERMANN-JORDAN, Montres, horl. et pend., 1964, p. 101). V. gnomon ex.
II. — Catégorie de l'esthétique permettant de caractériser l'organisation des formes verbales, plastiques, musicales, que l'histoire de l'art a identifiées et décrites comme ayant fait époque ou comme étant marquées par un artiste particulier.
A. — Domaine du lang. et de la ling.
1. a) Ensemble des moyens d'expression (vocabulaire, images, tours de phrase, rythme) qui traduisent de façon originale les pensées, les sentiments, toute la personnalité d'un auteur. Synon. écriture, plume. Style original, personnel, propre; style d'un auteur, d'un poète; caractère du style (de); travailler son style; former, imiter le style (de). Le caractère de l'homme (...) est son style. Dans le style de Dante, ferme, presque sans épithète, amer et mystique, qui ne sent le gibelin dévot? Dans celui de Montaigne, l'homme heureux, oisif, curieux et paisiblement soigneux de son éloquence (...)? (VIGNY, Journal poète, 1854, p. 1317):
1. Pour que l'idée laissât des traces, je me proposais de la revêtir de toutes les ciselures de mon style, d'y prodiguer ces arabesques capricieuses qui sont le sceau de l'artiste, son cachet et son blason; je me promettais (...) de faire osciller ma phrase dans le balancier de l'antithèse, (...) de la faire bondir sur la cataracte de l'énumération, au milieu de substantifs bruyants et d'épithètes écumeuses.
REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 61.
P. méton. [À propos d'une œuvre littér.] Ensemble des traits expressifs qui dénotent l'auteur dans un écrit. Style d'une lettre. Le style d'une œuvre littéraire est le système d'oppositions par lequel des modifications expressives (intensification de la représentation, coloration affective, connotation esthétique) (...) sont apportées à l'expression linguistique, au processus de communication minimale (M. RIFFATERRE ds Rom. Philol. t. 14 1960-61, p. 217).
b) Absol. Manière d'écrire ou de parler très personnelle. Absence de style; travail du style. Le style est la volonté de s'extérioriser par des moyens choisis. On confond généralement comme Buffon langue et style, parce que peu d'hommes ont besoin d'un art de volonté (JACOB, Cornet dés, 1923, p. 13). Le style conserve la pensée (...). Mais c'est la pensée qui fait le style. C'est la pensée rude et serrée de Pascal qui donne à sa langue des traits de feu (CHARDONNE, Attach., 1943, p. 108).
Avoir du style; faire du style (rare). Goncourt a du style, une certaine vie nerveuse (...). Le style, c'est la tournure, c'est le mouvement de l'âme, ses frémissements, ses hardiesses, son élan rendu sensible (BARRÈS, Cahiers, t. 7, 1908, p. 100). Un gamin des rues emploie des mots pittoresques et façonne ses phrases d'une manière imprévue et piquante; il fait du style sans le savoir (BALLY, Lang. et vie, 1952, p. 27).
(Être) dénué de style; sans style; manquer de style. Les Foules de Lourdes de Huysmans (...) un livre de faiseur, sans style et sans véritable émotion, sans forme, sans valeur (ALAIN-FOURNIER, Corresp. [avec Rivière], 1909, p. 112).
Créer un style. C'est un des rares ouvrages [À rebours, de Huysmans] qui créent un style, un type, presque un art nouveau (VALÉRY, Lettres à qq.-uns, 1945, p. 11).
— [P. allus. à Buffon et à son discours de réception à l'Académie française, prononcé en août 1753] Le style est l'homme même. Le style reflète l'individualité de son auteur et présente un intéret durable, à la différence du sujet traité. Le style c'est l'homme et l'œuvre l'expression d'une nature et d'une aventure, d'une expérience incommensurable à toute autre et qui, par conséquent, transcende toute catégorie normalisée (GUIRAUD ds Langage, 1968, p. 440).
2. a) Mode d'expression verbale qui est spécifique de tel genre ou sujet littéraire, qui correspond ou non à certaines normes formelles. Il est un style qui n'est que l'ombre (...), le dessin de la pensée; (...) [il] convient à la métaphysique, où tout est vague et étendu, et aux sentiments de piété, qui ont quelque chose d'infini (JOUBERT, Pensées, t. 2, 1824, p. 63). Laisse à d'autres les ingéniosités de style, les hardiesses de syntaxe, la poursuite des épithètes rares (...): pour une œuvre (...) dont le fond seul importe, contente-toi d'un style clair, correct, dépouillé (MARTIN DU G., Souv. autobiogr., 1955, p. LXXXV). V. académique ex. 13, ampoulé ex. 5, écrit ex. 3, épistolaire ex. de Joubert.
SYNT. Style littéraire, oratoire, parlé; style admirable, exquis, médiocre; style didactique, énergique, pur; style allégorique, artiste, emphatique, épique, fleuri, lyrique, orné, pittoresque, pompeux, précieux, sublime; style élevé, soutenu; style familier, naïf, naturel, plat, simple; style biblique, chrétien, comique, philosophique, poétique, tragique; beau, haut, joli, mauvais style; écrit d'un/dans un style (+ qualificatif); beauté, charme, élégance, grâce(s), magie, négligence, perfection, pureté, qualité, raffinement, recherche du style (de).
GRAMM. Style direct, indirect. Synon. de discours direct, indirect (v. discours C 1 b). Il y a trop, beaucoup trop de dialogues. Pourquoi ne pas vous servir plus souvent de la forme narrative et réserver le style direct pour les scènes principales? (FLAUB., Corresp., 1870, p. 103). Peut-être ne faisait-elle que répéter en style indirect les propos violents qu'elle avait entendus (PROUST, Temps retr., 1922, p. 845).
Style figuré. V. figuré A 2 b et ex. de Stendhal. Style lapidaire. V. lapidaire2 A et ex. de E. Leclerc. Style noble. V. noble1 B 2 a et ex. de Stendhal, ex. 10. Style pressé. V. pressé II A 2 b et ex. de Sainte-Beuve.
b) Absol. [Avec une valeur gén. favorable; beau, bon étant plus ou moins nettement sous-entendus] Mode d'expression verbale qui correspond idéalement à certaines normes formelles. Effet, étude, exercice, morceaux, procédé, tournure de style; art, règles, souci du style. Il avait le don naturel du style, comme si sa plume eût suivi le calque des plus grands écrivains. Il était naturellement antique dans le discours, poëte (...) dans les vers (LAMART., Confid., Graziella, 1849, p. 323):
2. Son exercice [de la lecture] enseigne, paraît-il, le style, la convenance et la façon de disposer, pour l'agrément du lecteur et la satisfaction de notre conscience, la masse informe que nous portons en nous, d'en aménager avec décence le tohu-bohu.
ARNOUX, Roi, 1956, p. 33.
Figure de style. V. figure I B 3 b et rem. Avoir du style, faire du style (avec une nuance iron.). Les filles publiques en écrivant font du style et de beaux sentiments (BALZAC, Splend. et mis., 1847, p. 617). Mon père, il avait du style, l'élégance lui venait toute seule (...). Lempreinte, ce don l'agaçait (...). Il lui a fait recommencer presque toutes ses lettres (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 58).
P. iron. [Mis pour mauvais style] Ton patron nous écrit:J'ai reçu une lettre du général, comme vous, pas trop honnête. Il veut dire:comme celle que vous avez reçue. Tout le reste est de ce style (COURIER, Lettres Fr. et Ital., 1806, p. 719).
3. Mode d'expression verbale propre à une école, à une nation, à une époque. Style français, moderne, romantique; style du temps, d'une époque, du XVIIe siècle. La liberté fort grande du style contemporain et parisien ne lui suffisait pas. Il [Balzac] prit celui de Rabelais et de Brantôme pour peindre avec la minutie du seizième siècle, les crudités du seizième siècle (TAINE, Nouv. Essais crit. et hist., 1865, p. 11). Dès qu'un auteur (...) parvient à capter quelques mouvements de l'âme dans ces lignes pures, simples, élégantes et légères qui caractérisent le style classique, aussitôt on le porte aux nues (SARRAUTE, Ère soupçon, 1956, p. 85).
4. Mode d'expression verbale propre à une activité, à un groupe professionnel. Synon. jargon, langage, phraséologie, vocabulaire. Style administratif, diplomatique, télégraphique; style de publicité. Quel contraste je trouvois entre le style boursoufflé et vide des chancelleries de nos Cantons Suisses avec les formes brèves et tranchantes des hommes de la grande république! (BONSTETTEN, Homme Midi, 1824, p. 208). L'encyclique du Pape est bien belle, accusant Victor-Emmanuel d'établir « des maisons de débauche » (...). Quel bon style poncif que le style ecclésiastique! (FLAUB., Corresp., 1860, p. 403). V. commercial A 2 ex. de Flaubert. Style de Palais. V. palais1 C 2.
En style de + subst. Selon la façon de s'exprimer de. Marthe très énervée (...) avait traité son époux de « cocu » avec tant de fréquence et de conviction que le malheureux n'avait plus douté de ce qu'on appelle, en style de reporter, « l'étendue de son malheur » (COLETTE, Cl. s'en va, 1903, p. 257). V. broutille ex. 2.
B. — PEINT., SCULT.
1. Manière personnelle d'utiliser certains moyens artistiques (choix du sujet, des formes, des lignes, jeu des couleurs) qui permet de reconnaître un artiste à travers ses œuvres. Synon. facture1, griffe1, patte1, touche. Ses compositions, toujours étranges et inattendues, (...) étaient bien à lui et n'avaient d'autre style que le sien (...) son unique procédé consistait à peindre (...) en exaspérant la violence de ses reliefs de couleur (BLOY, Femme pauvre, 1897, p. 134). L'énergie morale, la puissance prophétique, la grandeur d'ailleurs convulsive du style de Michel-Ange (FAURE, Espr. formes, 1927, p. 104).
Dans le style de + n. propre. D'une manière propre à tel artiste ou qui évoque cet artiste. Les fauteuils (...) racontaient (...) des bergeries dans le style de Boucher et de Watteau (MURGER, Scène vie jeun., 1851, p. 126).
P. méton. [À propos (d'un aspect) d'une œuvre] Qualité de ce qui manifeste le tempérament propre d'un artiste. Pour M. Decamps, la couleur était la grande chose (...). Sa couleur splendide et rayonnante avait de plus un style très particulier. Elle était (...) sanguinaire et mordante (BAUDEL., Salon, 1846, p. 139).
2. [Avec une valeur fortement laud.] Le (grand, haut, etc.) style. Qualité de celui/ce qui révèle une personnalité artistique très affirmée, de celui/ce qui exprime magistralement un sujet, en lui donnant du caractère, de la grandeur ou de ce qui répond idéalement à certaines normes esthétiques. Synon. allure, cachet. Aucun de nos peintres modernes (...) ne serait capable de peindre cette tête [de lady Harley] ; ils y voudraient placer l'imitation de l'antique ou le style, comme on dit à Paris, c'est-à-dire donner l'expression de la force et du calme (STENDHAL, Rome, Naples et Fl., t. 1, 1817, p. 33). À la matière sans équivalent de Cézanne s'ajoute la majesté du dessin, qui parvient au style, au grand style, par l'intervention du trait qui (...) résume les inflexions essentielles (LHOTE, Peint. d'abord, 1942, p. 131).
En partic. [Chez Nietzsche] La grandeur d'un artiste ne se mesure pas aux « beaux sentiments » qu'il excite (...)! Elle dépend de la mesure dans laquelle il approche du grand style (...). Ce style a ceci de commun avec la grande passion qu'il dédaigne de plaire, qu'il oublie de persuader, qu'il commande, qu'il veut (Fr. NIETZSCHE, La Volonté de puissance, trad. par G. Bianquis, t. 2, 1937, p. 338).
De grand, haut style. C'est [le Partage de la tunique du Christ] une œuvre de grand style, splendide et pleine, toute ramassée autour de la noble tristesse du Christ (BARRÈS, Greco, 1911, p. 22). La Loge [par Renoir], conçue dans une harmonie sourde, dans une pénombre chaleureuse, est une œuvre d'élégance quintessenciée et de haut style (MAUCLAIR, Maîtres impressionn., 1923, p. 136).
Avoir du style; (être) sans style. Si l'on entend par style, l'idéal de ce qui est pur et beau transcrit en formules, il [Rubens] n'a pas de style (FROMENTIN, Maîtres autrefois, 1876, p. 48). Le Faust, d'Ary Scheffer, (...) les religiosités de M. Flandrin, sont (...) sans aucun style, attendu qu'aucun de ces deux hommes n'avait une palette qui lui appartînt (HUYSMANS, Art mod., 1883, p. 195).
3. P. anal. [À propos de l'aspect d'un paysage, d'une pers.] Qualité de ce qui évoque l'œuvre d'un maître. Ce pays (...) est rustique au possible, ce qui ne l'empêche pas d'avoir un grand style, à cause de ses beaux arbres et de ses verdures immenses (SAND, Corresp., t. 5, 1864, p. 36). Je trouve à la gare (...) un groupe d'une vingtaine de zouaves (...). Rien n'est beau, rien n'a du style, rien n'est sculptural, rien n'est pictural comme ces éreintés d'une bataille (GONCOURT, Journal, 1870, p. 583).
C. — ARCHIT., ARTS DÉCOR.
1. Ensemble des traits esthétiques qui caractérisent les œuvres d'une école, d'une nation, d'une époque et qui permettent de les dater, classer, évaluer. L'architecture monastique (...) passa successivement par toutes les variations de formes qui caractérisent les cinq grandes divisions de l'art chrétien: style latin, style byzantin, style roman, style ogival, et style classique ou de la renaissance (LENOIR, Archit. monast., 1852, p. XVI). L'art décoratif secoue le joug de la pesante ornementation Louis quatorzième. (...) vers 1730-1735 un nouveau style est né: le style Louis XV, triomphe de l'asymétrie et de la ligne sinueuse (VIAUX, Meuble Fr., 1962, p. 82). V. gothique ex. 1, jésuite ex. 4, modern style ex.
SYNT. Style ancien, barbare, baroque, colonial, décoratif, grec, rétro, rocaille, rococo, rustique, troubadour; style Henri II, Louis XIII, Louis XIV, Régence, Louis XVI, Directoire, Empire, 1900; vieux style; style d'architecture; mélange de styles; unité de style; de/d'un grand style.
De/du/en style + déterminatif; de pur/du plus pur/beau style + déterminatif. Église, maison de style + déterminatif. La mosquée de Sultan Haçan est de pur style arabe (...) et d'une fort belle époque (1347-1361) (DU CAMP, Nil, 1854, p. 34). Un salon propre et correct, de style Louis-Philippe, aux meubles froids et lourds (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, J. Romain, 1886, p. 1293).
P. ext. Dans le/de/du style + déterminatif. D'une manière, d'un genre esthétique cherchant à reproduire un style authentique plus ancien. Ce lit, historié en toutes ses parties dans le style Renaissance, tel qu'on le traitait sous Louis-Philippe, présentait (...) un médaillon orné de perles (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 280). Les docks de Sainte-Catherine sont du style grec d'il y a cent ans: colonnes antiques entourant des bassins; on dirait un entrepôt sur un temple (MORAND, Londres, 1933, p. 308).
2. Absol. Ensemble des traits caractérisant tel genre esthétique particulier. Donner du style à. L'église, où il n'y a plus aucun style: ni la poésie gothique, ni le gracieux de la Renaissance, ni l'austérité janséniste (MICHELET, Journal, 1839, p. 311). Le Continental conserve le style. L'électricité se cache sous les globes à gaz des lampadaires (COCTEAU, Portr.-souv., 1935, p. 202).
Meuble (de style). (Meuble) qui appartient à un genre esthétique défini, notamment ancien, ou qui imite un genre esthétique ancien sans être d'époque. Les jeunes filles apprenaient par des racontars que l'amour se consomme sur des canapés de style, dans des pièces du genre boudoir (AYMÉ, Jument, 1933, p. 186).
Avoir du style; (être) sans style. Ce grand village est merveilleux. Il a du style, de l'allure (...). Les cases ne sont plus ces huttes (...) uniformément laides (...), mais vastes, de bel aspect (GIDE, Voy. Congo, 1927, p. 768). La maison est sans style, l'appartement sans caractère (GREEN, Journal, 1946, p. 42).
D. — 1. COST., MODE. Ensemble des traits esthétiques qui caractérisent les créations d'un couturier, les costumes d'une époque, la manière de s'habiller, de porter la toilette propre à telle personne. Style décontracté. Il existe dans la mode des vêtements, dans la manière dont une femme, célèbre par son goût, se tient et marche, un style indescriptible (...). Ce style est le cachet des classes (BALZAC, Œuvres div., t. 2, 1830, p. 145). « (...) tu as un bien beau tailleur. — (...) il vient de chez Balmain. » Il n'y avait rien à dire contre cette coupe raffinée, (...) je n'étais pas habituée à son nouveau style (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 398).
Fam. Le style + subst. en appos. Si tu avais les moyens, tu aimerais t'habiller comment? (...) Pas le style fille-à-papa-fourrure, pas le style collégienne-bleu-marine, pas le style dame-de-trente-ans (Le Nouvel Observateur, 29 déc. 1980, p. 39, col. 3). V. acerbe ex. 9.
De (grand) style. La maîtrise consistait à alterner les mèches de la chevelure avec les plis brisés de luxueuses étoffes. Il entrait dans la confection de ces coiffures de grand style jusqu'à quinze mètres de linon (STÉPHANE, Art coiff. fém., 1932, p. 139).
Avoir du style. Tout ornement libre est laid. C'est la raison pour laquelle les costumes ont presque toujours plus de style que les autres objets ornés, et pourquoi une broderie en couleurs plaît plus aisément qu'une peinture (ALAIN, Beaux-arts, 1920, p. 186).
2. ESTHÉT. VESTIM. ET INDUSTR. Synon. de stylisme (v. ce mot B). Le Centre de style crée un poste de documentaliste (...) chargé(e) de (...) gérer l'information concernant la création industrielle (Le Nouvel Observateur, 4 oct. 1976, p. 82). Elle (...) [a] fait ses premières armes avant de travailler dans une dizaine de bureaux de style. Collections (...), réalisation de cahiers de tendancesils permettent de déterminer les couleurs, les formes, les matières qui deviendront à la mode et conditionnent les productions (Le Monde loisirs, 14 avr. 1984, p. XVI).
E. — 1. MUS., CHORÉGR. Manière de composer particulière à un auteur, une école ou caractère distinctif d'une œuvre. Cette œuvre [symphonie en « ut » majeur], (...) par son style mélodique, par sa sobriété harmonique (...) se distingue (...) des autres compositions de Beethoven (BERLIOZ, À travers chants, 1862, p. 19). On parle de ses trois manières (...); à la vérité (...), le style de Verdi reste si personnel qu'il suffit d'entendre une phrase d'un de ses ouvrages, même du début de sa carrière, pour le reconnaître (DUMESNIL, Hist. théâtre lyr., 1953, p. 162). V. comique ex. de Delacroix.
De style. Une danse de style, comme le menuet, est une danse de politesse (ALAIN, Beaux-arts, 1920, p. 202).
2. P. anal. Manière personnelle d'interpréter une œuvre musicale, chorégraphique, théâtrale, cinématographique. C'était une assez décente pianiste [Mme Otto] (...) et d'un certain style, celui, en plus moelleusement fade, que lui avait légué feu Otto (ARNOUX, Solde, 1958, p. 213). Dans Orphée le ton ne peut être ni familier ni « poétique ». Il doit correspondre à l'écriture d'un texte dur (...). Voilà le style que Jean Marais possède (COCTEAU, Poés. crit. I, 1959, p. 248).
III. A. — 1. Manière habituelle d'appréhender, d'apprécier les choses et de se comporter, propre à une personne ou un groupe. Les dimanches des stalags ressuscitèrent (...) les dimanches de n'importe quelle petite ville française. On y reconnaissait les habitudes familières de la race, son ingéniosité, son amour du bien-vivre, son style aimable et débraillé (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 156):
3. Le monde a son unité (...). Elle est comparable à celle d'un individu que je reconnais dans une évidence irrécusable (...), parce qu'il conserve le même style dans tous ses propos et dans toute sa conduite, même s'il change de milieu ou d'idées. Un style est une certaine manière de traiter les situations...
MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 378.
P. méton. [À propos d'un trait hum.] Synon. de genre, modalité. Ne parlons pas d'un nouveau type de sainteté (...). Mais les conditions historiques changeantes peuvent donner lieu à des modes nouveaux, à des styles nouveaux de sainteté. La sainteté de François d'Assise a une autre physionomie que celle des stylites (MARITAIN, Human. intégr., 1936, p. 134). On ne peut consentir à vivre qu'en ignorant tout du style de sa mort et des formes de son vieillissement (NIZAN, Conspir., 1938, p. 110).
Locutions
Fam. (Le) style + subst. en appos.; subst. + style + subst. en appos.; subst. + adj. + style; subst. + style + adj. (A) la manière caractéristique de. Il réalisait le type d'un de ces Allemands nouveau style qui affectent de répudier avec des railleries le vieil idéalisme de la race (ROLLAND, J.-Chr., Matin, 1904, p. 117). Ce que j'appelle, en fait de sortie, le style femme de ménage (COLETTE, Seconde, 1929, p. 255). Le carré de soie noire, style Pieds-Nickelés, qui protégeait son œil (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 196).
Dans le/de style + déterminatif; du style de + déterminatif. À la façon typique de. Quelle différence entre un Cruppi et une larve du style de Hanotaux, toujours biaisant (L. DAUDET, Salons et journaux, 1917, p. 188). Je faisais aussi des colères dans le plus pur style Pasquier. La ressemblance était frappante (DUHAMEL, Nuit St-Jean, 1935, p. 81). Le paranoïaque de style persécuté (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 358).
De grand style. De vaste envergure, avec des moyens importants. Offensive de grand style. Je proposais de monter une opération de grand style sur le front des armées (...) et de doter cette attaque du maximum de moyens qu'il serait possible de réunir (JOFFRE, Mém., t. 2, 1931, p. 349).
Style d'action, d'existence, de vie. Manière personnelle d'agir, de se conduire dans la vie. Marie-Dorée découvrait en l'écoutant [la comtesse] un genre d'existence, une éducation, un style de pensée et de vie (...) qu'elle ne soupçonnait pas (L. DE VILMORIN, Lit à col., 1941, p. 244).
Être (bien) dans le style de + subst.; être (bien) dans son style de + inf. Être dans les goûts, dans les façons de faire habituelles de. Je n'aime pas beaucoup ça, ces visiteuses que l'on reçoit dans sa chambre. Ce n'est pas dans le style de la maison. Mais, pour une fois! (BOURGET, Actes suivent, 1926, p. 159). Rien qui fût moins dans son « style » que d'être assise sur le tapis (MAURIAC, Plongées, 1938, p. 18).
2. [Avec une valeur fortement laud.] Le (grand) style (de qqn/qqc.). Manière de se présenter, de se comporter qui marque un rang élevé, qui est empreinte de noblesse, de distinction. Arrivée en bas [de l'escalier], elle rejeta le pardessus. Dans ce rez-de-chaussée (...) d'une nudité pompéienne, Hedwige drapée à l'antique (...), quel style! (MORAND, Homme pressé, 1941, p. 133). Pièce monumentale, avec colonnes de marbre, dallage de marbre (...). Tout respire le luxe et le grand style. Ravier: grand, mince, élégant (MONTHERL., Celles qu'on prend, 1950, I, p. 767).
De (grand) style. C'est dans ma chambre qu'il recevait celle que nous appelions « la dame », une putain de style, (...) je n'ai gardé souvenir que du dégoût qu'elle me causait avec la distinction de son allure, son élégance et son afféterie (GIDE, Si le grain, 1924, p. 572). Il avait entrevu d'abord une dispute de grand style, quelque chose de magnifique avec éclats de voix, tirades, agenouillements et sanctions. Il avait préparé des mots cinglants (DUHAMEL, Passion J. Pasquier, 1945, p. 226).
Avoir, donner du style. Avoir, donner de la dignité, de l'allure, du panache. Myope et maladroit de son corps (...), il se tenait sous les injures, sous les agressions même, intrépide. Son orgueil lui donnait du style (BARRÈS, Appel soldat, 1900, p. 202). Cette demeure (...) tout ensemble historique et vivante, habitée par des descendants qui ont à la fois du « style » et de la vie (PROUST, Chron., 1922, p. 51). Manquer de style. Manquer de classe, de grandeur. Elle avait dû se faire une instruction et une éducation, car elle ne manquait, à l'occasion, ni d'esprit, ni de style, ni de tenue (ZOLA, Paris, t. 1, 1897, p. 85).
En partic. [À propos d'un employé de maison] Manière élégante d'accomplir son service dans les formes. Le petit vieux saisit (...) le bouton d'une porte (...). Le domestique de haut style l'en décroche avec des précautions respectueuses, et lui dit d'une voix bien cultivée, sévère et douce à la fois:J'en demande pardon à Monsieur (RENARD, Lanterne sourde, 1893, p. 29). Les chauffeurs de grand style arrivent (...) en gants mousquetaires, pour vérifier si leurs Rolls ont été bien lavées (MORAND, Londres, 1933, p. 177).
B. — Spécialement
1. Arg., vx. Synon. de argent. Nous vendrons ce butin à la première occasion, et nos profondes auront le style qui leur manque (A. CAMUS, Bohèmes, 1863, p. 193).
2. DR., vx. ,,Manière de procéder en justice`` (BARR. Suppl. 1967, BARR. 1974). Le style du Châtelet. Le style du Parlement (...). Style de la Cour de Rome (Ac. 1798-1935). L'instruction commença sur-le-champ. Avec de si faibles éléments, il était impossible, en style de parquet, d'en tirer une condamnation à mort (BALZAC, Splend. et mis., 1847, p. 560).
Clause de style. V. clause A et ex. 2. Cette clause de style, servant d'ironique conclusion à la mise en demeure qui la contredisait (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 117).
3. HIST. ,,Point de départ de l'année`` (FÉDOU Moy. Âge 1980). En France, le style le plus courant était celui de Pâques (...). L'indication « nouveau style » (n. s. ou n. st.) portée à la suite d'une date signifie que celle-ci est exprimée après conversion en style actuel, c'est-à-dire en prenant pour point de départ le 1er janvier. Ce style du 1er janvier a été rendu obligatoire par une ordonnance de Charles IX (1564) (FÉDOU Moy. Âge 1980).
Vieux style/nouveau style. ,,Vieux style, La manière dont on comptait dans le calendrier, avant sa réformation par Grégoire XIII, et qui est encore suivie en Grèce et en Russie. Nouveau style, La manière dont on compte depuis cette réformation. C'est aujourd'hui le quinze de janvier selon le vieux style, ou simplement, vieux style; et le vingt-six, nouveau style`` (Ac. 1835). Je donne les dates en style décadaire et en style grégorien. Quoique le dernier soit le seul employé maintenant, le premier étoit en usage à l'époque de notre voyage; j'ai dû le conserver parce que les éphémérides Françoises, dans cet invervalle, sont calculées suivant ce calendrier (FREYCINET, Voy. terres austr., 1815, p. 469). C'est le 8 mars (style ancien), 20 mars (style nouveau) que Missolonghi (...) a succombé (DELÉCLUZE, Journal, 1826, p. 336).
Vieux style. ,,Se dit aussi de l'ère chrétienne, par opposition à l'ère républicaine commencée le 22 septembre 1792`` (LITTRÉ). Je suis prisonnier des Anglais depuis le 14 thermidor an VI (ou le 2 août 1798, vieux style, qui, dit-on, redevient à la mode aujourd'hui) (VIGNY, Serv. et grand. milit., 1835, p. 145).
4. SPORTS. ,,Manière d'utiliser la technique propre à telle (...) spécialité sportive, que le pratiquant assimile à l'entraînement, pour atteindre dans l'épreuve à l'efficacité et à l'élégance du geste`` (PETIOT 1982). La technique du coureur et la maîtrise de ses skis, en un mot son style (...) apparaissent dans le slalom (Comment parlent les sportifs ds Vie Lang. 1952, p. 140). L'entraîneur corrige le style des rameurs et les amène progressivement à harmoniser leurs mouvements, à acquérir le rythme voulu (Jeux et sports, 1967, p. 1534).
Avoir du style. Grand et bien taillé, Duncan (...) sut ce que c'est que d'avoir du style sur piste [vélocipédique] (BAUDRY DE SAUNIER, Cycl., 1892 p. 445).
REM. Stylométrie, subst. fém., ling. Science qui utilise les statistiques pour l'étude du style (supra II A). On peut mesurer le lexique et la syntaxe d'un style (...). La stylométrie usera de tous les moyens de mesurer: on pourra compter, calculer, faire des analyses factorielles, des prévisions statistiques, des comparaisons, (...) son objet global demeure cette propriété de l'ensemble sur laquelle s'exerce finalement le jugement esthétique (J.-M. ZEMB ds Rech. de styl., Nancy, C.R.A.L., 1967, p. 36).
Prononc. et Orth.:[stil]. Ac. 1694, 1718: stile, style; dep. 1740: style. Homon. style2. Étymol. et Hist. A. Ca 1290 estile « manière d'agir » (GAUTIER DE BIBBESWORTH, Traité sur la lang. fr., éd. A. Owen, 278); ca 1350 stile (GILLES LE MUISIT, Poésies, I, 125 ds T.-L.); ca 1480 selon son stille « à sa manière » (Myst. Viel Test., 43204, éd. J. de Rothschild, t. 5, p. 295); 1540 changer le stille de sa vie « changer de manière de vivre » (B. DE LA GRISE, L'Orloge des Princes [trad. du texte esp. de A. Guevara], L. III, f° XIV r°). B. Ca 1393 « manière de parler » (Ménagier de Paris, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, p. 194, 36); spéc. 1870 gramm. style direct (FLAUB., loc. cit.); 1913 style indirect (PÉGUY, Argent, p. 1233: conjonction latine de style indirect). C. 1. 1536 stile « manière de composer, d'écrire » (R. DE COLLERYE, Œuvres, éd. Ch. d'Héricault, p. 46); spéc. a) id. hault stille « manière la plus noble de s'exprimer par écrit » (ID., ibid., p. 258); b) 1538-58 stille bas (MELLIN DE SAINT-GELAIS, Œuvres, t. 2, p. 2); 2. 1699 Beaux-Arts (R. DE PILES , Abrégé de la Vie des Peintres, Idée du Peintre parfait, p. 4 ds BRUNOT t. 6, p. 707, note 7: Que le peintre dessine correctement et d'un stile varié); 3. a) 1671 « caractère propre à une langue » (BOUHOURS, Les Entretiens d'Ariste et d'Eugène, p. 86 ds QUEM. DDL t. 21: stile Asiatique); b) 1734 « caractère général des œuvres des écrivains ou artistes d'un même pays, d'une même époque, etc. » ici, litt. (VOLTAIRE, Lettres philos., t. 2, p. 125: la licence impétueuse du stile anglais); 1742 (J.-B. DUBOS, Hist. crit. de l'établissement de la monarchie fr. dans les Gaules, t. 2, p. 367: enseignemens [...] écrits dans le style du sixieme siecle). D. 1346 jur. stille « règlement coutumier » (Arch. JJ 75, f° 59 v° ds GDF.); 1564 être de style « relever du droit coutumier » (THIERRY); 1765 clause de style « clause se trouvant ordinairement dans tous les actes d'une même espèce » (Encyclop.). E. 1. Fin XIVe s. stille « poinçon à écrire » (B.N. lat. 13032, 11800 ds ROQUES, p. 395); 1546 style (RABELAIS, Tiers Livre, chap. 25, éd. M. A. Screech, p. 178, 32); 2. 1562 p. ext. stile « tige dont l'ombre portée sur un cadran solaire indique l'heure » (BULLANT, Horolog., p. 10 ds GDF. Compl.); 3. 1672 « instrument de chirurgie long et pointu » (J. SCULTET, L'Arcenal de Chirurgie [ouvrage trad. du lat. par Fr. Deboze], p. 17). F. 1457-66 stille « manière de compter les jours de l'année et de fixer le début de celle-ci » (Ch. des comptes, reg. n° 6301, A. du royaume de Belgique ds GDF. Compl.); av. 1630 nouveau stile « manière de fixer le début de l'année postérieure à la réforme de 1582 » (A. D'AUBIGNÉ, lettre ds Œuvres, éd. Réaume et de Caussade, t. 1, p. 530); 1802 nouveau style « manière de compter les jours selon le calendrier révolutionnaire » (Nouv. dict. fr.-all. et all.-fr., Basles, S. Flick d'apr. FEW t. 12, p. 266b). Empr. au lat. stilus« tout objet en forme de tige pointue; poinçon pour écrire » (d'où E), puis « manière, style », « œuvre littéraire » en lat. d'époque impériale (d'où A, B, C), « coutume, mœurs » et « règlement, formule juridique » en lat. médiév. (XIIIe s. et XIVe s. ds DU CANGE, s.v. stillus; d'où D), aussi « manière de fixer le début de l'année » (XIVe s. d'apr. NIERM.; d'où F). La graph. avec -y- est due à l'infl. du gr. « colonne; pointe » (v. style2). Voir FEW t. 12, pp. 266b-268. Bbg. DELBOUILLE (P.). Les Art. style et stylistique dans les nouv. dict. fr. de ling. Cah. d'analyse textuelle. 1976, t. 18, pp. 7-37. —KLINKENBERG (J.-M.). Essai de redéfinition sémiol. du concept de style. Fr. mod. 1985, t. 53, pp. 242-245. —QUEM. DDL t. 11 (s.v. style de révolution), 27, 31 (s.v. style télégraphique), 36, 37. — REIMANN (R.). Obs. sur l'us. contemp. du mot style. B. Inform. Lab. Anal. Lexicol. 1961, t. 5, pp. 43-53. —ROHR Geldbezeichn. 1987, p. 247. —SAYCE (R. A.). The Definition of the term style. In: Congrès de l'Assoc. internat. de Litt. comp. 3. 1962, pp. 156-166. —SEMPOUX (A.). Note sur l'hist. des mots style et stylistique. R. belge Philol. Hist. 1961, t. 39, pp. 736-746.
II.
⇒STYLE2, subst. masc.
A. — Littér. Synon. de colonne. Le papayer qu'on eût pris pour un style d'argent ciselé, surmonté d'une urne corinthienne (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 335). Quoi de plus simple que de poser horizontalement une pierre sur deux styles verticaux? Et cependant, de ce principe si simple, combien les Grecs ont-ils su tirer de conséquences? (VIOLLET-LE-DUC, Archit., 1863, p. 458).
P. anal. Un peuplier dont le long style s'élevait dans le ciel comme un pinceau (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 119). Vois ce pays (...) Regarde-la, cette colonne italienne (...), cette terre longue et resserrée dans le soleil, Je dis cette Clef royale, et ce style (CLAUDEL, Feuilles Saints, 1925, p. 677).
B. — BOT. Partie du pistil située entre le stigmate et l'ovaire, de forme allongée et cylindrique. [Dans la fleur femelle du châtaignier] l'ovaire (...) est surmonté de six styles cartilagineux et à stigmates simples (BAUDRILLART, Nouv. manuel forest., t. 1, 1808, p. 161). V. pistil ex.
C. — ZOOL. ,,Petit prolongement pointu, articulé ou non`` (SÉGUY 1967). Chez les Blattidae [groupe d'insectes ayant pour type les blattes] (...), il existe deux paires de ces appendices terminaux désignés sous le nom de styles (...) qui ont la forme de filets pluriarticulés (E. PERRIER, Zool., t. 1, 1893, p. 1162).
REM. Stylaire, adj., bot. Qui appartient au style (supra B). Une cause importante de stérilité est la désharmonie entre la constitution d'un style et celle d'un tube pollinique, (...) le tissu stylaire inhibe la croissance du tube pollinique (CUÉNOT, J. ROSTAND, Introd. génét., 1936, p. 72).
Prononc. et Orth.:[stil]. Att. ds Ac. dep. 1835. Homon. style1. Étymol. et Hist. 1. 1721 bot. stile synon. de pistil (Trév.); 1765 désigne une partie du pistil (Encyclop.); 2. 1848 synon. de colonne (CHATEAUBR., Mém., t. 1, p. 335); 3. 1872 zool. (LITTRÉ). Empr. au gr. « colonne; pointe » par la lang. des savants. Voir FEW t. 12, p. 323b.
STAT.Style1 et 2. Fréq. abs. littér.:4 838. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 7 290, b) 7 192; XXe s.: a) 5 880, b) 6 964.
BBG. — REIMANN (R.). Obs. sur l'us. contemp. du mot style. B. Inform. Lab. Anal. Lexicol. 1961, t. 5, pp 43-47.

1. style [stil] n. m.
ÉTYM. V. 1400; estile, v. 1280, au sens III.; estilh, 1350; « manière de parler », XIVe; « formule de procédure », 1346; lat. stilus, proprt « poinçon servant à écrire ». → 2. Style.
———
I Dans le langage.
1 Aspect de l'expression chez un écrivain, dû à la mise en œuvre de moyens d'expression dont le choix, raisonné ou spontané, résulte dans la conception classique des conditions du sujet et du genre (cit. 14), et dans la conception moderne, de la réaction personnelle de l'auteur en situation. Écriture (B., 2.), élocution, expression (cit. 7), langage, langue (cit. 39).REM. Aucun de ces mots n'est synonyme; notamment → Écriture, cit. 18.3. || Approprier (cit. 4), assortir le style à la matière qu'on traite (→ Appropriation, cit. 1). || « Je changerai (cit. 38) de style en changeant de matière » (La Fontaine). || « Le style n'est que l'ordre (cit. 7) et le mouvement qu'on met dans ses pensées » (Buffon; → Harmonie, cit. 23). || « Le style est l'homme même » (cit. 9), célèbre formule de Buffon. || « Le style n'est que le mouvement (cit. 33) de l'âme » (Michelet). || « Le style est l'habitude (cit. 46), la seconde nature de la pensée » (J. Renard), « une qualité naturelle comme le son de la voix » (→ Apanage, cit. 6, Claudel). || « Le style n'est pas, comme la pensée, cosmopolite » (cit. 2, Chateaubriand). || Un style qui ressemble à l'homme (→ Cachet, cit. 5; coloris, cit. 4; marquer, cit. 46). || Un homme qui transforme toute son expérience en style (→ Enfermer, cit. 23). || Chaque auteur (cit. 40) a son style. || Le style selon Flaubert (→ Métrique, cit. 1; perle, cit. 1; 1. rocher, cit. 8). || Le travail du style (→ Faute, cit. 30; 2. loupe, cit. 5; nettoyer, cit. 7; refaire, cit. 2). || Étude, science du style. Rhétorique, stylistique.Figure de style.
1 Presque toujours les choses qu'on dit frappent moins que la manière dont on les dit; car les hommes ont tous à peu près les mêmes idées que ce qui est à la portée de tout le monde. L'expression, le style fait toute la différence (…) Le style rend singulières les choses les plus communes, fortifie les plus faibles, donne de la grandeur aux plus simples.
Voltaire, Dict. philosophique, Style.
2 L'élocution a deux parties qu'il est nécessaire de distinguer (…) la diction et le style. La diction n'a proprement de rapport qu'aux qualités grammaticales du discours, la correction et la clarté : le style au contraire renferme les qualités de l'élocution plus particulières, plus difficiles et plus rares, qui marquent le génie ou le talent de celui qui écrit ou qui parle (…)
d'Alembert, Réflexions sur l'élocution oratoire et sur le style, Œ. compl., t. IV, p. 274.
3 On reconnaît souvent un excellent auteur, quoi qu'il dise, au mouvement de sa phrase et à l'allure de son style, comme on peut reconnaître un homme bien élevé à sa démarche, quelque part qu'il aille.
Joseph Joubert, Pensées, XXII, LXIV.
4 Le style et il y en a de mille sortes, ne s'apprend pas; c'est le don du ciel, c'est le talent.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 139.
5 M'interrogeant longuement, j'ai la conviction qu'il (Jules de Goncourt) est mort du travail de la forme, à la peine du style. Je me rappelle maintenant, après les heures sans repos passées au remaniement, à la correction d'un morceau, après ces efforts et ces dépenses de cervelle, vers une perfection, cherchant à faire rendre à la langue française tout ce qu'elle pouvait rendre et au delà (…)
Ed. et J. de Goncourt, Journal, 22 juin 1870, t. III, p. 265.
6 Non seulement le style c'est l'homme, mais le style c'est un homme, une réalité physique et vivante.
A. Thibaudet, Gustave Flaubert, p. 207.
7 Quand le sujet parlant se trouve dans les mêmes conditions que tous les autres membres du groupe, il existe de ce fait une norme à laquelle on peut mesurer les écarts de l'expression individuelle; pour le littérateur, les conditions sont toutes différentes : (…) il fait de la langue un emploi volontaire et conscient (…) et surtout, il emploie la langue dans une intention esthétique (…) Or cette intention, qui est presque toujours celle de l'artiste, n'est presque jamais celle du sujet qui parle spontanément sa langue maternelle. Cela seul suffit pour séparer à tout jamais le style et la stylistique.
Charles Bally, Traité de stylistique franç., p. 19.
8 Le style résulte d'une sensibilité spéciale à l'égard du langage. Cela ne s'acquiert pas; mais cela se développe.
Valéry, Regards sur le monde actuel, Œ. t. II, Pl., p. 1053.
8.1 Le style pour l'écrivain, aussi bien que la couleur pour le peintre, est une question non de technique mais de vision. Il est la révélation, qui serait impossible par des moyens directs et conscients, de la différence qualitative qu'il y a dans la façon dont nous apparaît le monde, différence qui, s'il n'y avait pas l'art, resterait le secret éternel de chacun.
Proust, le Temps retrouvé, Pl., p. 895.
Hist. littér. || Hiérarchie (cit. 11), division traditionnelle des styles : style simple (ou familier, cit. 15), tempéré (ou moyen, ou médiocre), sublime (ou élevé), ou grave (ou noble, cit. 12), ou relevé (→ Contraster, cit. 1; dithyrambe, cit.; enrichissement, cit. 2; idylle, cit. 1; malgracieux, cit. 1; muraille, cit. 5; noblesse, cit. 8). || Style naturel (cit. 6) et style figuré (cit. 15; et → Figure, cit. 25; nature, cit. 57). Métaphore, périphrase. || Style marotique (cit. 1), poissard (cit. 5), burlesque, macaronique, précieux (→ Gongorisme, cit. 2). || Style descriptif (cit. 2), didactique (cit. 2), épistolaire (cit. 1 et 2), oratoire (→ Associer, cit. 9), narratif. || Style tragique, comique, épique, lyrique, biblique. || Style historique (→ Correctement, cit. 2).
9 J'ai entendu souvent demander si, dans nos meilleures tragédies, on n'avait pas trop souvent admis le style familier, qui est si voisin du style simple et naïf. Par exemple, dans Mithridate, « Seigneur, vous changez de visage ! » cela est simple et même naïf. Ce demis-vers, placé où il est, fait un effet terrible : il tient du sublime.
Voltaire, Dict. philosophique, Style.
La critique littéraire et le style. || Le style de Rabelais, de Chateaubriand, de Pouchkine, des Goncourt… Manière, ton (→ Cambrure, cit. 3; frémissement, cit. 11; impressionniste, cit. 2). || Le style artiste. || Imiter, pasticher le style d'un auteur. || Style abrupt (cit. 3), rude (→ Prédication, cit. 2), rocailleux, embarrassé (→ Barbarie, cit. 9), incohérent (→ Bond, cit. 4), rompu, inégal, négligé, incorrect (cit. 1)… || Style plat et bouffi (cit. 4), affecté, guindé, pompeux, emphatique et ampoulé (cit. 2), enflé (cit. 32), maniéré, recherché, étudié (cit. 25), alambiqué, tarabiscoté… || Style diffus (cit. 7), monotone, trop égal (cit. 32), inexpressif (cit. 1), terne, sec, académique (cit. 1), livresque (cit. 2)… || Mauvais style. Charabia, cacographie, galimatias. || Défauts du style, fautes de style. Cliché, impropriété, lourdeur, redondance… || Style abondant (cit. 7), facile, élégant (→ Élever, cit. 70). || Style clair (→ Fatras, cit. 8), pur (→ Lettre, cit. 35), correct, châtié (cit. 9), net (cit. 21)… || Style simple (→ Complexe, cit. 1), sobre, concis, laconique… || Style orné, fleuri, imagé, coloré, brillant, à facettes (cit. 6)… || Style baroque, précieux. || Les paillettes de son style. || Style harmonieux, nombreux (cit. 6), poétique… || Beau, bon style (→ Écrire, cit. 52; facilité, cit. 13). || Qualités du style. Atticisme (cit. 4), clarté (cit. 12), force, mouvement, poésie, précision, propriété, souplesse, vie, vigueur…; et aussi saillie, trait; pureté, purisme. || Polir, soigner, travailler son style. || Varier le style. || Du même style. Encre, plume.
10 J'aime l'allure poétique, à sauts et à gambades. Mon style et mon esprit vont vagabondant de même.
Montaigne, Essais, III, IX.
11 De là ces phrases décousues, ces entrelacements (…) ce style épineux tout hérissé d'additions inattendues (…) Ajoutez des expressions vieillies, populaires, de circonstance ou de mode, le vocabulaire, fouillé jusqu'au fond (…) et, par-dessus tout, une opulence d'images passionnées dignes d'un poète. Ce style bizarre, excessif, incohérent, surchargé, est celui de la nature elle-même (…) il est la notation littérale et spontanée des sensations.
Taine, Essais de critique et d'histoire, Saint-Simon.
12 (…) un style qui serait beau, que quelqu'un fera à quelque jour, dans dix ans ou dans dix siècles, et qui serait rythmé comme le vers, précis comme le langage des sciences, et avec des ondulations, des ronflements de violoncelle, des aigrettes de feu; un style qui vous entrerait dans l'idée comme un coup de stylet, et où votre pensée enfin voguerait sur des surfaces lisses, comme lorsqu'on file dans un canot avec bon vent arrière.
Flaubert, Correspondance, 318, 24 avr. 1852.
13 (Huysmans) s'était assuré le style de ses nerfs; langage visant toujours à l'inattendu et à l'extrême de l'expression, surchargé d'adjectifs pervertis et employés hors d'eux-mêmes (…) Il aimait de brutaliser l'ordre des mots, d'éloigner le qualificatif du nom qu'il qualifie, le complément du verbe (…) Il usait et abusait systématiquement des épithètes non impliquées par l'objet mais suggérées par la circonstance (…) moyen puissant, — mais moyen périlleux et de courte vie, comme tous les moyens de l'art qui se peuvent aisément définir.
Valéry, Variété, Études littéraires, Œ., t. I, Pl., p. 755.
Absolt. || Le style; du style. Bon style, style original, présentant des qualités artistiques (→ Écrivain, cit. 16). || « On n'arrive au style qu'avec un labeur atroce » (cit. 9, Flaubert). || Les bréviaires (cit. 3) de style, de Flaubert. || Apprendre le style (→ Empreinte, cit. 6). || Exercice (cit. 10) de style. || Exercices de style, titre d'une œuvre de R. Queneau. || Hugo n'aimait pas Stendhal, il lui refusait (cit. 5) le style. || Écrivain, œuvre qui manque de style.
14 (J. Renard) a cru toute sa vie que le style était l'art de faire court. Et sans doute est-il vrai que l'expression la plus concise est ordinairement la meilleure. Encore faut-il entendre : relativement à l'idée qu'on exprime.
Sartre, Situations I, p. 296.
14.1 Il n'a ni syntaxe, ni style ! il n'écrit plus rien ! il n'ose plus !
Ah, turpitude ! menterie éhontée !… plein de style que je suis ! que oui ! et pire !… bien plus ! que je les rendrai tous illisibles !… tous les autres ! flétrides impuissants ! pourris des prix et manifesses ! que je peux comploter bien tranquille, l'époque est à moi ! je suis le béni des Lettres ! qui m'imite pas existe pas !… simple !…
Céline, Rigodon, p. 214.
2 (1872). Ling. « Aspect de l'énoncé qui résulte du choix des moyens d'expression déterminé par la nature et les intentions du sujet parlant ou écrivant » (Guiraud, la Stylistique, p. 109).REM. Cette définition très large permet de réunir les conceptions du style, souvent très différentes, qui se sont fait jour en stylistique; elle étend la notion de style au delà du domaine littéraire. → Discours.
15 Si, comme le définit Herzog remarquablement « le terme de style nous sert à désigner l'attitude que prend l'écrivain vis-à-vis de la matière que la vie lui apporte », il y a dans le style un domaine qui déborde le cadre de la stylistique. Il est vrai que d'autres définitions ont été proposées. Pour L. Spitzer, le style est « la mise en œuvre méthodique des éléments fournis par la langue ». Pour M. Marouzeau, le style est « l'attitude que prend l'usager, écrivant ou parlant, vis-à-vis du matériel que la langue lui fournit ». Mais qui ne voit que ces deux excellents philologues n'ont voulu retenir du contenu de ce terme de style que ce qui rentrait dans le domaine de la stylistique ?
M. Cressot, le Style et ses techniques, p. 4.
Types de style. || Classification (psychologique, sociologique, chronologique, etc.) des styles. || Styles parlé et écrit (cit. 51). || Style concret et abstrait, familier et soutenu… || Style en usage dans un milieu, une collectivité, à une époque… (→ 1. Argot, cit. 9; maestria, cit. 2). || Style populaire (→ Renfoncement, cit. 1), militaire (→ Homme, cit. 165).Clause de style. || Le style du Palais. || Style administratif; commercial, technique, publicitaire Phraséologie, terminologie. || Document diplomatique d'un style insolite (cit. 3). || Style héraldique (→ Noir, cit. 36), lapidaire (→ Génie, cit. 12), télégraphique (→ Article, cit. 20). || Ce que dans le style du temps nous appelions notre impécuniosité (cit. 2). || « Style de 1750 » (→ Marcher, cit. 41, Stendhal). || Styles nationaux (étudiés par l'idiomatologie). Idiome.En style… : en s'exprimant (de telle manière). || En style d'atelier → Rapin, cit. 1. || En style pédant…(Gramm.). || Style direct, indirect (cit. 4), indirect libre. Discours, tour. || Style substantif.
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II (1699). Dans les arts de l'espace et du temps. Manière particulière (personnelle ou collective) de traiter la matière et les formes en vue de la réalisation d'une œuvre d'art; ensemble des caractères d'une œuvre qui permettent de la classer avec d'autres dans un ensemble constituant un type esthétique. || Style pastiché (cit. 2), imité par un faussaire (cit. 5). || Le style d'un peintre, d'une école. Facture, faire (cit. 227.1 et supra), genre, goût, manière, touche (→ Conjonction, cit. 3; écriture, cit. 13; imitateur, cit. 5).Le style d'un dessin, d'un tableau (→ Dénoter, cit. 3; naïf, cit. 5). || Style d'esquisse (cit. 2). || Style d'une statue (→ Fouille, cit. 1; intaille, cit.), d'un édifice (→ Cintré, cit.; grec, cit. 8).Les styles dans l'art grec; style dorique, ionique, corinthien, en architecture ( Ordre). || Style byzantin, roman (cit. 4), gothique (cit. 13) ou ogival (cit. 2), Renaissance, baroque et jésuite (cit. 2) et plateresque (cit.), Louis XIII, Louis XIV, rocaille (cit. 3) ou rococo (cit. 3), antique, Second Empire, 1900 ( Modern-style; → Chaîne, cit. 25; genre, cit. 17; restaurateur, cit. 1). || Les styles dans les arts mineurs, décoration, mobilier, etc. (meubles gothiques, Renaissance, Henri II, Louis XIII, Louis XIV, Régence, Louis XV, Louis XVI, Directoire, Empire, Restauration, Louis-Philippe, Second Empire, 1900…). → Bergère, cit. 1; grec, cit. 16; ligne, cit. 14; merveille, cit. 3. || Meubles de style anglais. || Chaises de style bistrot. || Style métro (style 1900 du métro parisien). || Meubles de style Louis XVI (→ Meubler, cit. 5). || Styles rustiques. || Les styles dans l'art arabe, hindou, chinois, japonais… || Styles et arts primitifs (préhistoire, Amérique précolombienne, Afrique…).Dans le style de… || Des robes dans le style du Second Empire.
16 Les poètes aussi bien que les orateurs ont plusieurs styles pour s'exprimer selon le sujet qu'ils ont entrepris de traiter (…) Il en est de même dans la peinture (…) et les peintres comme les poètes ont leur style élevé pour les choses élevées, familier pour celles qui sont ordinaires, pastoral pour les champêtres, et ainsi du reste.
Roger de Piles, Cours de peinture, p. 52 (1708).
17 (…) on voit peu à peu (…) surgir des déblais des architectures mortes, grecque et romaine, cette mystérieuse architecture romane, sœur des maçonneries théocratiques de l'Égypte et de l'Inde, emblème inaltérable du catholicisme pur (…) Toute la pensée d'alors est écrite en effet dans ce sombre style roman. On y sent partout l'autorité, l'unité, l'impénétrable, l'absolu (…)
Hugo, Notre-Dame de Paris, I, V, II.
17.1 Car Quiquendone possédait un théâtre, bel édifice, ma foi, dont la disposition intérieure et extérieure rappelait tous les styles. Il était à la fois byzantin, roman, gothique, Renaissance, avec des portes en plein cintre, des fenêtres ogivales, des rosaces flamboyantes, des clochetons fantaisistes, en un mot, un spécimen de tous les genres, moitié Parthénon, moitié Grand Café parisien, ce qui ne saurait étonner, puisque, commencé sous le bourgmestre Natalis van Tricasse, on avait mis sept cents ans à le construire, et il s'était successivement conformé à la mode architecturale de toutes les époques.
J. Verne, le Docteur Ox, p. 46.
18 Qu'est-ce donc qui constitue un style ? Les éléments formels, qui ont une valeur d'indice, qui en sont le répertoire, le vocabulaire, et, parfois, le puissant instrument. Plus encore, mais avec moins d'évidence, une série de rapports, une syntaxe. Un style s'affirme par ses mesures. Ce n'est pas autrement que le concevaient les Grecs, quand ils le définissaient par les proportions relatives des parties (…) C'est un nombre qui distingue l'ordre ionique de l'ordre dorique. Mais il est d'autres arts, où les éléments constitutifs ont une valeur fondamentale, l'art gothique par exemple. On peut dire qu'il est tout entier dans l'ogive (…) Mais on doit retenir qu'il y a des monuments où l'ogive apparaît sans engendrer un style, c'est-à-dire une série de convenances calculées.
Henri Focillon, la Vie des formes, p. 17.
Dans le domaine de la mode :
18.1 (…) un de ses éternels costumes de tweed style gentleman-farmer (…)
Claude Simon, le Vent, p. 110.
Les styles en musique (→ Costume, cit. 1; messe, cit. 7). || Style de l'opéra-comique (cit.), de l'opérette (cit. 2). || Les différents styles du jazz (cit. 2 et 3). || Style d'un metteur en scène de cinéma (→ Gag, cit. 1). || Danse d'un style brillant (→ Jota, cit. 2).
19 style : s. m. Caractère distinctif de composition ou d'exécution. Ce caractère varie beaucoup selon les pays, le goût des peuples, le génie des auteurs (…) On dit en France le style de Lully, de Rameau (…)
Rousseau, Dict. de musique, Style.
De style : qui appartient à un style ancien bien défini. || Meubles de style et d'époque (→ Pièce, cit. 10).Exécuté de nos jours dans un style ancien. || Reliure de style. || Robe de style.
Absolt (sens laudatif). « Qualité supérieure de l'œuvre d'art, celle qui lui permet d'échapper au temps, une sorte de valeur éternelle » (Focillon, Vie des formes, p. 16). || Nature idéalisée par le style (→ 2. Importer, cit. 4). || Volonté d'expression et volonté de style (→ Expressionniste, cit.). || Masques (1. Masque, cit. 3) simplifiés jusqu'au style. Styliser. || Tableau qui ne manque pas de style (→ Prétention, cit. 7).
20 (…) j'ai trouvé une assez jolie rue; mais les maisons sont trop basses pour avoir du style.
Stendhal, Mémoires d'un touriste, t. I, p. 267.
21 (…) d'autres se conforment à des règles de pure convention (…) les faux amateurs du style (…) tous les hommes qui par leur impuissance ont élevé le poncif aux honneurs du style.
Baudelaire, Curiosités esthétiques, IX, IV.
22 Alors le style ne nous apparaît plus seulement comme un caractère commun aux œuvres d'une école, d'une époque — conséquence ou ornement d'une vision — il nous apparaît comme l'objet de la recherche fondamentale de l'art, dont les formes vivantes ne sont que la matière première. Et à : « Qu'est-ce que l'art ? » nous sommes portés à répondre : « Ce par quoi les formes deviennent style. »
Malraux, les Voix du silence, p. 270.
22.1 Notre vie quotidienne se caractérise par la nostalgie du style, par son absence et sa poursuite obstinée. Elle n'a pas de style, elle échoue à se donner un style malgré les efforts pour se servir des styles anciens ou s'installer dans les restes et ruines et souvenirs de ces styles. À tel point que l'on peut distinguer jusqu'à les opposer style et culture.
Henri Lefebvre, la Vie quotidienne dans le monde moderne, p. 60-61.
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III
1 (Fin XIVe; estile, v. 1280). Manière personnelle d'agir, de se comporter, jugée d'après des critères de valeur.REM. Ce sens, fréquent au XVIIe s. (→ Enfariner, cit. 3), subsiste dans certaines expressions. C'est bien là son style. Style de vie, d'action.De grand style : mettant en œuvre de puissants moyens d'action. || Opération, offensive de grand style.
23 Vous dites des merveilles, ma fille, en parlant de la fierté et de la confiance de la jeunesse (…) il vient un temps où il faut changer de style : on trouve qu'on a besoin de tout le monde (…)
Mme de Sévigné, 1182, 5 juin 1689.
24 L'ouvrier d'industrie se distingue des autres catégories sociales, moins par son niveau de vie que par son style de vie, moins par sa condition matérielle que par sa condition sociale.
Th. Maulnier, Au delà du nationalisme, p. 156, in Foulquié, Dict. de la langue philosophique, art. Style.
24.1 Un pied-noir ironisa sur les malheureux patrons nouveau style : le matin, servir le déjeuner à messieurs les prolétaires.
Claude Courchay, La vie finira bien par commencer, p. 191.
2 (1856, Petiot). Sports. Manière personnelle de pratiquer un sport, tendant à l'efficacité et à la beauté. || Style d'un coureur, d'un sauteur, d'un skieur,…Absolt. || Nageur qui a du style (→ Nager, cit. 2).
25 Le style ! don mystérieux ! peut-être au corps ce qu'à l'âme est la grâce (…) sans style, il n'y a pas dans le sport de joie pleine et parfaite. La « performance » satisfait l'esprit; le style fait du bien dans tout l'être (…) Le style est la caresse du sport.
Montherlant, les Olympiques, p. 57.
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IV Didact. (Mil. XVe). Manière de compter les années. || Ancien style, celui du calendrier julien; nouveau style, du calendrier grégorien.
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V (Au sens II de styliste). Création de nouveaux modèles de mode. || Bureau de style : entreprise de création en matière de modes, de textile.
DÉR. (Sens I., II. et III.) Stylé, styler, styliser, stylisme, styliste.
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2. style [stil] n. m.
ÉTYM. V. 1380, stile; lat. stilus, au sens concret « poinçon ».
A
1 (V. 1380, stile). Antiq. Poinçon de fer ou d'os, dont une extrémité, pointue, servait à écrire sur la cire des tablettes, et l'autre, aplatie, à effacer (→ Géomancie, cit.). Stylet.
1 (…) une longue table couverte en toile cirée assez grasse pour qu'un facétieux externe y écrive son nom en se servant de son doigt comme de style (…)
Balzac, le Père Goriot, Pl., t. II, p. 851.
Techn. Tige dont la pointe, imbibée d'encre, trace une courbe dans un appareil enregistreur. || Style d'un barographe.
2 Le baromètre était suspendu dans un angle. Il s'en approcha : il descendait toujours et marquait 745. La ligne rouge que traçait le style avait même, depuis une heure, amorcé une pente qui ressemblait de plus en plus à une chute verticale.
Roger Vercel, Remorques, p. 41.
2 (Mil. XVIe). Tige (d'un gnomon), dont l'ombre sur le cadran indique l'heure. || Le style d'un cadran solaire.
B Choses naturelles.
1 Bot. Partie allongée du pistil (et du carpelle) entre l'ovaire et le ou les stigmates (→ 1. Fruit cit. 5). || Ovaire à un style, à deux styles. Distyle.
2 (1904). Zool. Organe de la copulation, chez les araignées.
3 (1870). Zool. Soie articulée sur les antennes des insectes diptères.
COMP. Distyle. — Vaccinostyle. — Soustylaire.

Encyclopédie Universelle. 2012.