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parler

1. parler [ parle ] v. <conjug. : 1>
parlier Xe; lat. ecclés. parabolare parole
I V. intr. A
1Articuler les sons d'une langue naturelle. Enfant qui apprend à parler. « Tout parle en mon ouvrage [les Fables] et même les poissons » (La Fontaine). parole. Les muets ne peuvent parler. Refus, impossibilité de parler. aphasie, mutisme. Parler distinctement ( articuler) ; de façon défectueuse ( bafouiller , balbutier, bégayer, bléser, zézayer) ; entre ses dents ( marmonner) . Parler du bout des lèvres. Parler bas, à voix basse, à mi-voix. chuchoter, murmurer. Parler haut ( crier, gueuler) , vite, du nez ( nasiller) , avec un accent, sans accent. On dirait qu'il va parler, réflexion familière à propos d'un portrait fidèle, d'une peinture réaliste. — Imiter la voix humaine. Apprendre à parler à un perroquet. Poupée qui parle.
2S'exprimer en usant de ces sons ( langue; langage). Parler en français. S'exprimer en parlant ( oralement) ou par écrit. Parler peu ( laconisme) , beaucoup ( bavarder, fam. tchatcher) , tout seul ( monologuer, soliloquer) . Parler pour ne rien dire. Parler pour parler, pour le plaisir de parler. S'écouter parler. Loc. Savoir ce que parler veut dire. Voilà ce qui s'appelle parler, voilà qui est parler, marque l'approbation de ce qui vient d'être dit. C'est une façon, une manière de parler : il ne faut pas prendre à la lettre ce qui vient d'être dit. Il parle comme un livre, il parle d'or, très bien, sagement. — Parler crûment, sans mâcher ses mots. Parler en se répétant ( radoter) . Parler à mots couverts. Parler à tort et à travers (région. déparler) . Ne parlez pas tous à la fois (pour demander aux interlocuteurs de s'exprimer l'un après l'autre, ou iron. de prendre la parole alors qu'ils restent silencieux). Parlons peu, (mais) parlons bien : réglons la question rapidement.
Je parlerai pour vous, en votre faveur ( intercéder, plaider) . Fig. « Malheureusement, son habit parlait peu pour lui » (Michelet).« Je n'avais qu'à parler pour avoir tout ce que je souhaitais de mon père ! » (Molière), qu'à demander.
Prendre la parole en public. Parler à la radio, au nom de son parti ( porte-parole) . Le conférencier a parlé une heure. C'est à vous de parler. Il a très bien parlé. Parler à la tribune, dans un meeting, un colloque.
Avoir une conversation avec qqn. converser, deviser, dialoguer, s'entretenir, 2. causer. Parler avec une amie. Nous avons longuement parlé. babiller, bavarder, 2. causer, discuter.
3Révéler ce qu'on tenait caché, passer aux aveux. fam. accoucher (cf. fam. Vider son sac, se mettre à table, manger le morceau). Parler sous la menace, sous la torture. Nous avons les moyens de vous faire parler.
4Annoncer, déclarer son jeu, aux cartes. C'est à toi de parler.
5(1644) PARLANT, précédé d'un adv. :en s'exprimant de telle manière. Humainement, généralement parlant.
BFig.
1S'exprimer. Les muets parlent par gestes. Parler avec les mains.
2(Sujet abstrait) Être éloquent, s'exprimer. Laisser parler son cœur. Les faits parlent d'eux-mêmes.
II V. tr. ind. (avec de, à)
1(XIe) PARLER DE QQCH. Parler de la pluie et du beau temps, de choses et d'autres. Toute la ville en parle. Fam. De quoi ça parle, ce livre ? de quoi est-il question. Loc. Sans parler de ( 2. outre) .Je veux parler de : je fais allusion à. ⇒ 1. dire (vouloir dire). Je ne parle pas de : je ne fais pas allusion à. Cela ne vaut pas la peine d'en parler : c'est une chose insignifiante. ⇒ mentionner, signaler. On en parlera : cela fera du bruit. Iron. Parlons-en ! « Appelez-moi mon gendre, et n'en parlons plus ! » (Aragon),que ce soit fini. PROV. Quand on parle du loup (on en voit la queue).
(Avec un nom compl. sans art.) Employer le mot de. « On parle sans cesse de bourgeoisie. Mais il est vain d'appeler de ce nom des types sociaux très différents » (Bernanos).
2(XIe) PARLER DE QQN. « Les oreilles ont dû vous tinter, Monsieur, on ne parlait que de vous » (Proust). Il fait beaucoup parler de lui, on en parle beaucoup. Je ne veux plus entendre parler d'elle. Parler de qqn en bien. Parler de qqn à qqn, intervenir en sa faveur. Je parlerai de vous au directeur. On parle de lui comme futur ministre.
3(1549) PARLER DE (et inf.) :manifester l'intention de. « Qui parle d'offenser grand-père ni grand'mère ? » (Molière) . Il parlait d'émigrer aux Antilles.
4(1080) PARLER À QQN, lui adresser la parole ( interlocuteur) . Tu pourrais répondre quand on te parle. Parler à un mur, à qqn qui ne veut rien entendre. Parler à l'oreille de qqn. Il lui parle comme à un chien, sans égards. Moi qui vous parle, j'ai connu votre arrière-grand-oncle. Trouver à qui parler : avoir affaire à forte partie. « Elle est un peu sorcière, et si le diable vient, il trouvera à qui parler » (Gautier).Spécialt Il est amoureux d'elle, mais il n'ose pas lui parler, se déclarer.
V. pron. (réfl.) Il se parle à lui-même. monologuer, soliloquer. (Récipr.) Donner à deux amoureux l'occasion de se parler. Nous ne nous parlons plus : nous sommes brouillés.
5 ♦ PARLER DE... À QQN. Je voulais vous parler de cette affaire. On m'a beaucoup parlé de vous. Par ext. (par écrit) Je vous en ai parlé dans ma dernière lettre.
(À l'impér.) Parlez-moi d'un associé comme ça ! Qu'on ne m'en parle plus !
Absolt, Fam. (à la 2e pers. de l'indic. seulement, avec une nuance de moquerie ou de colère, parfois d'admiration). Tu parles ! Tu parles, Charles ! Sa reconnaissance, tu parles ! Tu parles d'un idiot ! quel idiot !
III V. tr. dir.
1Pouvoir s'exprimer au moyen de (telle ou telle langue). Parler français, italien, russe. Fam. Parler français comme une vache espagnole. Parler un anglais excellent, impeccable. Parler un français approximatif. baragouiner, jargonner. Parler patois, argot. Interprète qui parle couramment plusieurs langues ( multilingue, plurilingue, polyglotte) . Pronom. (pass.) Langue qui se parle dans le monde entier. Langues parlées en Inde.
Il parle un langage fleuri.
2(Avec un compl. sans art.) Aborder (tel sujet). Parler affaires, politique, chiffons. « Si vous continuez à parler passion quand je vous parle mariage » (Balzac).
⊗ CONTR. Taire (se). parler 2. parler [ parle ] n. m.
• 1190; de 1. parler
1Vx Action, faculté de parler. parole. Mod. Franc-parler (voir ce mot).
2Manière de parler. « Son parler avait quelque chose de rude » (Radiguet). Les mots du parler de tous les jours. usage.
3(1665) Ling. Ensemble des moyens d'expression employés par un groupe à l'intérieur d'un domaine linguistique. dialecte, idiome, langue, patois. Les parlers régionaux.

parler verbe intransitif (latin ecclésiastique parabolare, de parabola, parole) Articuler des paroles, prononcer les sons, les mots du langage : Il a parlé à 18 mois. Prononcer les mots de telle ou telle manière : Parler du nez, avec un accent. Exprimer sa pensée, ses sentiments par des paroles : Si je pouvais parler librement, j'aurais beaucoup à dire. Prendre la parole en public, prononcer un discours, intervenir : Il a l'habitude de parler. S'exprimer dans telle langue : Parler anglais. Exprimer sa pensée autrement que par la parole, communiquer : Parler par gestes. Dévoiler quelque chose et, en particulier, dénoncer quelqu'un : Ils n'ont pas réussi à le faire parler. Imiter des sons articulés : Poupée qui parle. Littéraire. S'exprimer, se faire connaître, reconnaître : Le devoir a parlé. Son cœur a parlé. Faire une enchère à un jeu. Résonner, en parlant d'un instrument de musique. ● parler verbe transitif indirect Discuter avec quelqu'un au sujet de quelque chose ou de quelqu'un, sur un thème : C'est quelqu'un avec qui on peut parler de tout. Parler (de) philosophie. Dire quelque chose à quelqu'un, lui exprimer sa pensée au sujet de quelque chose ou de quelqu'un, faire un discours portant sur tel point : Le Premier ministre a parlé au pays de la situation. Adresser la parole à quelqu'un en maintenant ou en engageant des relations avec lui : Je suis fâché avec lui, je ne lui parle plus. Pour un texte, un film, etc., avoir quelque chose pour sujet, traiter tel point : Ce livre parle d'une découverte médicale. Évoquer quelqu'un ou quelque chose : Tout ici me parlait de toi. Être évocateur, frapper l'imagination de quelqu'un : Un tableau qui (me) parle. Exprimer telle intention, envisager de faire telle ou telle chose : Il parle de déménager. On parle d'une augmentation du carburant. Intervenir en faveur de quelqu'un auprès de quelqu'un : Je parlerai de vous au patron.parler verbe transitif Faire usage d'une langue : Parler le français.parler nom masculin Manière de s'exprimer, de prononcer les sons du langage : Un parler recherché. Moyen de communication linguistique défini par un cadre géographique étroit et dont le statut social (langue, dialecte, sabir) n'est pas précisé. ● parler (citations) verbe intransitif (latin ecclésiastique parabolare, de parabola, parole) Georges Bataille Billom 1897-Paris 1962 Il est hors de doute que tout a été dit, écrit, imprimé, crié ou gémi sur le malheur, à cette réserve près que ce n'est jamais le malheur qui parle, mais n'importe quel heureux bavard au nom du malheur. Documents Mercure de France Georges Louis Leclerc, comte de Buffon Montbard 1707-Paris 1788 Ceux qui écrivent comme ils parlent, quoiqu'ils parlent très bien, écrivent mal. Discours sur le style, prononcé à l'Académie française, le jour de sa réception, 25 août 1753 Malcolm de Chazal Vacoas 1902-Port-Louis 1981 L'homme est prêt à croire à tout, pourvu qu'on le lui dise avec mystère. Qui veut être cru, doit parler bas. Sens plastique Gallimard Philippe de Commynes, sire d'Argenton Renescure, près d'Hazebrouck ?, 1447-Argenton 1511 Je me suis souvent repenti d'avoir parlé, mais jamais de m'être tu. Sentence gravée en latin sur la muraille du château de Loches Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Il parla quatre jours, toute la Cour songea, Et quand il eut fini l'Empereur dit : Déjà ! La Légende des siècles, les Quatre Jours d'Ercis Joseph Joubert Montignac, Corrèze, 1754-Villeneuve-sur-Yonne 1824 Parler plus bas pour se faire mieux écouter d'un public sourd. Carnets Jean de La Bruyère Paris 1645-Versailles 1696 C'est une grande misère que de n'avoir pas assez d'esprit pour bien parler, ni assez de jugement pour se taire. Les Caractères, De la société et de la conversation Jean de La Bruyère Paris 1645-Versailles 1696 Il y a des gens qui parlent un moment avant que d'avoir pensé. Les Caractères, De la société et de la conversation François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 On parle peu quand la vanité ne fait pas parler. Maximes Louis XIV, roi de France Saint-Germain-en-Laye 1638-Versailles 1715 Il est très malaisé de parler beaucoup sans dire quelque chose de trop. Mémoires Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière Paris 1622-Paris 1673 Quand on se fait entendre, on parle toujours bien. Les Femmes savantes, II, 6, Martine Michel Eyquem de Montaigne château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1533-château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1592 Je ne serais pas si hardi à parler s'il m'appartenait d'en être cru. Essais, III, 11 Michel Eyquem de Montaigne château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1533-château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1592 Je parle au papier comme je parle au premier que je rencontre. Essais, III, 1 Gérard Labrunie, dit Gérard de Nerval Paris 1808-Paris 1855 On ne peut empêcher les gens de parler, et c'est ainsi que s'écrit l'histoire. Lettre, à son père, 12 juin 1854 Raymond Queneau Le Havre 1903-Paris 1976 Parler, c'est marcher devant soi. Les Œuvres complètes de Sally Mara Gallimard Armand Jean du Plessis, cardinal de Richelieu Paris 1585-Paris 1642 Il faut écouter beaucoup et parler peu pour bien agir au gouvernement d'un État. Maximes d'État Jean-Jacques Rousseau Genève 1712-Ermenonville, 1778 Généralement, les gens qui savent peu parlent beaucoup, et les gens qui savent beaucoup parlent peu. Émile ou De l'éducation Charles Augustin Sainte-Beuve Boulogne-sur-Mer 1804-Paris 1869 Moins on parle, et bien souvent mieux l'on pense. Correspondance, à la princesse Mathilde, 8 février 1865 Alfred, comte de Vigny Loches 1797-Paris 1863 Gémir, pleurer, prier, est également lâche. Fais énergiquement ta longue et lourde tâche Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler, Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler. Les Destinées, la Mort du loup Hésiode Ascra, Béotie, milieu du VIIIe s. avant J.-C. Ne mens pas pour le plaisir de parler. Les Travaux et les Jours, 709 (traduction E. Bergougnan) Bible Elles ont une bouche et ne parlent pas, elles ont des yeux et ne voient pas, elles ont des oreilles et n'entendent pas. Ancien Testament, Psaumes CXV, 5-6 les idoles Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Ali, cousin et gendre du Prophète, quatrième calife de 656 à 661 Un homme parle d'autant moins qu'il possède une intelligence plus pénétrante. Anonyme Qui parle des choses qui ne le regardent point entend ce qui ne lui plaît pas. Les Mille et Une Nuits, Histoire des trois Kalenders Abraham Cowley Londres 1618-Chertsey 1667 Des mots qui pleurent et des larmes qui parlent. Words that weep and tears that speak. The Prophet Octavio Paz Mexico 1914-Mexico 1998 L'eau parle sans cesse et jamais ne se répète. El agua habla sin cesar y nunca se repite. Libertad bajo palabra, I, Condición de nube William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 Il ne suffit pas de parler, il faut parler juste. It is not enough to speak ; but to speak true. Le Songe d'une nuit d'été, V, 1, Lysandre William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 Les hommes qui parlent le moins sont les plus vaillants. Men of few words are the best men. Henry V, III, 2, le page Antony Christiaan Winand Staring Gendringen 1767-Vorden, près de Lochem, 1840 La connaissance mûre écoute, Celle qui n'a pas mûri parle. Dagelijks doen parler (difficultés) verbe intransitif (latin ecclésiastique parabolare, de parabola, parole) Construction 1. Parler avec qqn / parler à qqn : les deux constructions sont correctes mais n'ont pas tout à fait le même sens. Parler à qqn = s'adresser à lui, sans nécessairement recevoir de réponse. Parler avec qqn = échanger des paroles, avoir avec lui une conversation. → causer. 2. Parler de qqch, de qqn. Quand le sujet de la conversation est de type général, l'ellipse de la préposition de est fréquente et correcte : parler politique, parler chiffons, parler voitures. Mais de ne peut être sous-entendu si le complément est une personne ou un sujet précis : parler de Danielle, des dernières élections. Registre Parler le français comme une vache espagnole = le parler très mal. Cette locution est familière. Recommandation Dans l'expression soignée, en particulier à l'écrit, recourir à des équivalents : écorcher le français, mal s'exprimer, maltraiter la syntaxe... Remarque Certains grammairiens ont voulu voir dans cette locution imagée très ancienne (elle est attestée dès 1640) une déformation populaire de parler le français comme un Basque espagnol ou comme un Basque l'espagnol. Cette explication paraît aujourd'hui hasardeuse. Il s'agirait plutôt d'un renforcement plaisant, lié à la fois au sens intensif de comme une vache - voir d'autres locutions populaires telles que pleuvoir comme vache qui pisse, tirer comme une vache (sur la corde), etc. - et à des connotations négatives (hâblerie, vantardise), aujourd'hui disparues, de l'adjectif espagnol. ● parler (expressions) verbe intransitif (latin ecclésiastique parabolare, de parabola, parole) C'est une façon, une manière de parler, il ne faut pas prendre à la lettre ce qui vient d'être dit. Les faits parlent d'eux-mêmes, ils indiquent ce qu'on veut montrer d'une manière évidente ; ils sont éloquents. Savoir ce que parler veut dire, comprendre à demi-mot, saisir le sens d'une allusion, avoir la notion du poids des paroles. Familier. Tu parles !, marque l'incrédulité, la contradiction : Ses promesses ? Tu parles ! ; surenchérit sur ce qui vient d'être dit ; bien sûr, et comment : Tu viens avec nous ? — Tu parles que je viens ! Familier. Voilà qui est parler, ça c'est parler !, expriment une pleine approbation ou se disent lorsque quelqu'un parle d'une manière que l'on trouve nette, sans ambiguïté. ● parler (synonymes) verbe intransitif (latin ecclésiastique parabolare, de parabola, parole) Exprimer sa pensée, ses sentiments par des paroles
Synonymes :
Contraires :
Prendre la parole en public, prononcer un discours, intervenir
Synonymes :
- pérorer
parler (citations) verbe transitif indirect Simone de Beauvoir Paris 1908-Paris 1986 […] Pour parler de soi, il faut parler de tout le reste. Les Mandarins Gallimard Maurice Bedel Paris 1883-Thuré, Vienne, 1954 Entre tant de plaisirs que dispense l'amour, il n'en est pas de plus grand que de parler de soi à l'être que l'on chérit. Le Laurier d'Apollon Gallimard François René, vicomte de Chateaubriand Saint-Malo 1768-Paris 1848 Je parle éternellement de moi. Itinéraire de Paris à Jérusalem François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 On aime mieux dire du mal de soi-même que de n'en point parler. Maximes Armand Jean du Plessis, cardinal de Richelieu Paris 1585-Paris 1642 Poursuivre lentement l'exécution d'un dessein, et le divulguer, est le même que parler d'une chose pour ne la pas faire. Testament politique la même chose Jean-Jacques Rousseau Genève 1712-Ermenonville, 1778 Les hommes à qui l'on parle ne sont point ceux avec qui l'on converse. Julie ou la Nouvelle Héloïse Zénobios IIe s. Tu parles aux sables de la mer. Corpus paraemiographorum graecorum, I, 38 Søren Aabye Kierkegaard Copenhague 1813-Copenhague 1855 Je parle de préférence avec de vieilles bonnes femmes qui racontent des potins de ménage, ensuite avec des fous et, en dernier lieu, avec des gens très raisonnables. Journal, 1837 parler (expressions) verbe transitif indirect Avoir entendu parler de, savoir quelque chose pour l'avoir entendu quelque part, connaître quelqu'un de réputation : Je n'ai jamais entendu parler de ça. Faire parler de soi, se signaler par quelque action remarquable, en bien ou en mal. Ne m'en parle pas, n'agite pas cette question, je ne le sais que trop. N'en parlons plus, l'affaire est entendue. Parler aux yeux, au cœur, à l'imagination, etc., flatter le regard, plaire, porter à la rêverie, etc. Parler de la pluie et du beau temps, de choses et d'autres, s'entretenir de choses sans importance. Familier. Parle(z)-moi de…, se dit pour vanter l'excellence de quelqu'un ou de quelque chose : Avec ces huîtres, parlez-moi d'un vin d'Alsace. Parlons-en !, se dit pour marquer le peu de cas que l'on fait de quelque chose, de quelqu'un. Sans parler de…, indépendamment de, outre que : Il a un gros salaire, sans parler de ses revenus personnels. Trouver à qui parler, être en présence d'un adversaire, de quelqu'un qui ne se laisse pas faire. Familier. Tu parles, vous parlez de quelque chose, quelqu'un, s'emploient pour contester la valeur de quelque chose, de quelqu'un ou au contraire pour souligner leur côté exceptionnel. ● parler (synonymes) verbe transitif indirect Discuter avec quelqu'un au sujet de quelque chose ou de quelqu'un...
Synonymes :
- conférer
- débattre
- deviser (littéraire)
- discuter de
Dire quelque chose à quelqu'un, lui exprimer sa pensée au sujet...
Synonymes :
Adresser la parole à quelqu'un en maintenant ou en engageant...
Synonymes :
- deviser (littéraire)
- s'adresser à
Pour un texte, un film, etc., avoir quelque chose pour sujet...
Synonymes :
Évoquer quelqu'un ou quelque chose
Synonymes :
- faire allusion à
Être évocateur, frapper l'imagination de quelqu'un
Synonymes :
- émouvoir
- faire image
Exprimer telle intention, envisager de faire telle ou telle chose
Synonymes :
- se proposer de
- songer à
parler (expressions) verbe transitif Ne pas parler la même langue, le même langage, ne pas se comprendre, avoir des points de vue radicalement différents. ● parler (citations) nom masculin Michel Eyquem de Montaigne château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1533-château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1592 Le parler que j'aime, c'est un parler simple et naïf, tel sur le papier qu'à la bouche, un parler succulent et nerveux, court et serré, non tant délicat et peigné comme véhément et brusque. Essais, I, 26 parler (synonymes) nom masculin Manière de s'exprimer, de prononcer les sons du langage
Synonymes :
- débit
- élocution

parler
n. m.
d1./d Manière de parler. Un parler soigné, négligé. Syn. (Québec) parlure.
d2./d LING Ensemble des moyens d'expression utilisés par un groupe, à l'intérieur d'un domaine linguistique. Les parlers peuls en Afrique de l'Ouest.
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parler
v.
rI./r v. intr.
d1./d Articuler des sons appartenant à une langue; prononcer des mots. Cet enfant a parlé tôt.
d2./d Manifester sa pensée, ses sentiments par la parole; s'exprimer.
Parler en l'air, à tort et à travers, sans réfléchir.
Parler pour qqn, s'exprimer en son nom, intercéder en sa faveur.
|| Par anal. Communiquer par un code autre que la parole. Les muets parlent par signes.
d3./d Faire des aveux, révéler ce qui devait être tenu secret. Il a parlé sous la menace.
|| Faire parler qqn, l'amener à dire ce qu'il voulait tenir caché.
rII./r v. tr. indir.
d1./d Parler à (avec) qqn: s'adresser à qqn, dialoguer avec lui.
Fig. Parler à un mur: tenter vainement de convaincre qqn, parler à qqn qui refuse d'écouter.
d2./d Parler de qqch, de qqn: donner son avis, révéler ses sentiments sur qqch, sur qqn.
|| Parler de la pluie et du beau temps: dire des banalités.
d3./d Parler de qqch à qqn: s'entretenir avec qqn d'un sujet précis.
|| Fam. (Marquant l'incrédulité, le doute, l'assentiment ironique.) Lui, généreux? Vous parlez!
rIII/r v. tr.
d1./d Parler une langue, pouvoir s'exprimer, converser dans cette langue. Parler le chinois.
|| v. Pron. être parlé. Le français se parle dans la communauté francophone.
d2./d Parler affaires, peinture, politique, etc.: s'entretenir d'affaires, etc.

I.
⇒PARLER1, verbe
I. Empl. intrans.
A. Qqn parle
1. Émettre les sons articulés d'une langue naturelle. Parler bas, haut, fort; parler gras; parler distinctement; parler trop vite ; parler en détachant, en martelant les syllabes; parler d'une voix étouffée; parler à voix basse, à mi-voix; parler à voix haute; parler entre ses dents; parler de la gorge; faculté de parler. Cosette, nous l'avons dit, n'avait pas eu peur. L'homme lui adressa la parole. Il parlait d'une voix grave et presque basse (HUGO, Misér., t.1, 1862, p.477). Depuis qu'il était à Paris, Edmond avait appris à parler du bout des dents et en serrant les lèvres, comme toutes les personnes du midi qui ont de l'éducation (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.202):
1. ... parler est un art qu'on apprend lentement, en attachant à chaque articulation un sens convenu. Or, l'on apprend à parler par le moyen de l'oreille: sans son secours, nous ne pourrions tenter cet apprentissage; nous n'aurions même aucune idée des sons articulés qu'il a pour but de nous accoutumer à reproduire, en y attachant les idées, ou les sentimens dont ils sont les signes convenus.
CABANIS, Rapp. phys. et mor., t.1, 1808, p.189.
Parler du nez. Parler avec un son nasal. Synon. nasiller. Le mathématicien Briot, un petit bonhomme pincé, prétentieux, parlant du nez, d'un vilain nez, qu'il a eu cassé à l'accident de chemin de fer de la rive gauche (GONCOURT, Journal, 1864, p.107). Madame Lerat, l'aînée des Coupeau, était une grande femme, sèche, masculine, parlant du nez (ZOLA, Assommoir, 1877, p.438).
Au fig. Parler haut. V. haut1 II C 2 b.
P. anal. [Le suj. désigne un animal; en partic., un oiseau] Émettre des sons, des cris imitant le langage humain. Faire parler un perroquet, un mainate:
2. J'étais si étonnée d'entendre parler un oiseau, que mes contes de fées me parurent plus sérieux que je n'avais peut-être cru jusqu'alors. Je ne me rendis pas du tout compte de cette parole mécanique dont le pauvre oiseau ne comprenait pas le sens: puisqu'il parlait, il devait penser et raisonner, selon moi, et j'eus très-peur de cette espèce de génie malfaisant qui frappait du bec les barreaux de sa cage, en répétant toujours: muera, muera!
SAND, Hist. vie, t.2, 1855, p.192.
Rem. On relève un empl. de parler avec un suj. désignant un animal au sens de «faire entendre son cri». Jamais les oiseaux ne cessent de parler. Dès l'aube, à l'heure où cette nature sèche semble un peu mouillée de rosée, tous ensemble bavardent (BARRÈS, Mystère, 1923, p.130). Un chien de meute parla sous les hêtres (GENEVOIX, Dern. harde, 1938, p.64).
Loc. pop. et fam. On dirait qu'il va parler. [Le suj. désigne un portrait fidèle ou une peint. réaliste] L'effigie de la jument verte demeurait en place. Le dimanche, lorsque toute la famille mangeait du bouilli ou de la grillade de cochon dans la salle à manger, Jules Haudouin levait les yeux vers la jument verte et, la tête penchée sur l'épaule, soupirait en joignant les mains: —Il y a des fois, on dirait qu'elle va parler (AYMÉ, Jument, 1933, p.18).
2. a) Utiliser la parole pour exprimer sa pensée. Parler beaucoup, peu, trop; parler tous à la fois; parler sans réflexion; parler pour le plaisir de parler; faire qqc. sans parler; manière, façon de parler; aimer parler; oser parler; laisser parler qqn; avoir besoin de parler; écrire comme on parle. Tout le monde parlait à la fois dans un tohu-bohu d'affirmations contradictoires et de démentis insultants (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p.24). Il parlait tout seul en marchant, il pensait à voix haute, pour le soulagement qu'il avait à entendre le son de sa voix d'homme (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p.292).
Parler pour amuser le tapis.
Parler pour parler, parler pour ne rien dire. Prononcer des paroles inutiles, sans intérêt. —Chang-Kaï-Shek ne nous laissera plus aller jusque-là, répondit Kyo (...). Il ne peut se maintenir ici qu'en s'appuyant sur (...) les contributions de la bourgeoisie, et la bourgeoisie ne paiera pas pour rien: il faudra qu'il lui rende sa monnaie en communistes zigouillés. —Tout ça, dit Tchen, est parler pour ne rien dire (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p.273). Parler pour parler est la formule de délivrance. Novalis, Fragments (ÉLUARD, Donner, 1939, p.152).
S'écouter parler. V. écouter A 2 a. Le respectueux silence de Noémi, chaque soir, tandis que sur un canapé du salon, Jean Péloueyre s'écoutait parler, inclinait ce garçon à croire que, comme le disait M. le curé, une jeune fille sérieuse prise surtout chez son fiancé les avantages de l'esprit (MAURIAC, Baiser Lépreux, 1922, p.167).
Savoir ce que parler veut dire. V. dire III A 3.
Voilà (ce) qui s'appelle parler, voilà qui est parler, ça c'est parler. [En parlant de qqn qui parle avec autorité, avec assurance; marque l'approbation de ce qui vient d'être dit] Quant à nous, remarquez qu'il s'agit simplement d'un caprice à satisfaire; et qu'il serait ridicule, pour un caprice, de risquer notre vie. —Ah ! per bacco! s'écria maître Pastrini, à la bonne heure, voilà ce qui s'appelle parler (DUMAS père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.431). —Vous avez parfaitement raison, s'écria Jambe-D'Or, et pour moi, je crois à vos mines comme si je les avais vues. —Jambe-D'Or, voilà qui est parler... (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p.108):
3. —Ça, c'est un frère, s'exclama la dame chapeautée, ça c'est un frère! Vous l'avez entendu? On va lui dire d'entrer pour le faire asseoir, on se poussera!... —Elle ouvrit la porte: —Venez, Monsieur, ça c'est parler! vous êtes un frère, on va vous faire une petite place... L'homme, gêné par ce succès imprévu, entra.
TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p.35.
Vous qui parlez. [S'adresse à qqn qui parle ou accuse avec audace ou impudence pour le rappeler à plus de modestie; s'emploie pour faire un reproche à qqn] La défiance est un état affreux! Est-ce là le langage d'un homme libre qui croit que la liberté ne peut être achetée à trop haut prix? (...) Est-ce encore vous qui parlez ici? Quoi! c'est la défiance du peuple qui empêche le pouvoir exécutif de marcher; et ce n'est pas sa volonté propre? (ROBESP., Discours, Guerre, t.8, 1792, p.77).
Parle toujours, tu m'intéresses; parle toujours; parlez toujours. [Indique le peu de cas que fait (ou fera) le locuteur des propos tenus; indique que le locuteur ne tiendra aucun cas des propos tenus] Le Cardinal: Revenez donc vous asseoir là, Ricciarda. Je ne vous ai point encore donné l'absolution. La Marquise: Parlez toujours; il n'est pas prouvé que j'en veuille (MUSSET, Lorenzaccio, 1834, II, 3, p.141). Ta place n'est pas ici. —Parle toujours, dit le Russe du bout de ses longues dents, avec plus d'insolence que jamais (BERNANOS, Joie, 1929, p.654).
[Constr. avec un compl. prép., un adv. ou une expr. à valeur adv. précisant la lang., le ton, le style du message communiqué] Parler correctement, grossièrement, avec grossièreté, avec préciosité; parler haut et fort, sans manières; parler de façon décousue; parler sans façons; parler pour parler; parler en latin, en français, en anglais; parler comme une grande personne; parler comme un moulin; si j'ose ainsi parler; si je puis parler ainsi; s'il est permis de parler ainsi; pour ainsi parler; pour parler plus clairement. Un mot n'attendait pas l'autre. Le vieux homme parlait avec une volubilité campagnarde où il n'y avait rien d'inquiétant (HUGO, Misér., t.1, 1862, p.559). Il parle dans une langue étrangère, et chacun l'écoute dans un recueillement respectueux (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p.330). Janine parlait sec, d'un ton qui aurait suffi à me mettre hors de moi (MAURIAC, Noeud vip., 1932, p.180).
Bien parler, parler bien. Parler avec éloquence; s'exprimer correctement, avec élégance. Il a très bien parlé. Très bon ouvrier, il parlait bien, se mettait à la tête de toutes les réclamations (ZOLA, Germinal, 1885, p.1189). Ma mère elle-même, Mélanie forma mon langage. Je n'ai pas à le regretter; tout ignorante qu'elle était, elle parlait bien. Elle parlait bien puisqu'elle disait les mots qui persuadent et les mots qui consolent (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p.195). C'était un fils de famille, qui parlait toujours de son père —mon père par-ci, mon père par-là, le royaume de mon père, et il racontait des histoires aux malheureux qui l'écoutaient avec admiration, parce qu'il parlait bien et qu'il avait de l'instruction (PRÉVERT, Paroles, 1946, p.34).
Mal parler, parler mal. S'exprimer dans une langue peu soignée, incorrecte ou grossière. Je n'ai jamais appris à parler mal, à injurier et à maudire (JOUBERT, Pensées, t.1, 1824, p.85). Nos gages, qu'il appelle des caches! Pauvre homme! S'il parle mal, il pense bien, et je l'entends tout de même (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p.607).
Région. (Québec). [Anglicisme] Parler à travers son chapeau, à travers sa tuque. Dire n'importe quoi. Nos homm's d'État sont des génies qui parl'nt à travers leur chapeau (E. CODERRE, J'parle tout seul..., 1961, p.51 ds Richesses Québec 1981, p.618).
Parler clair, net; parler clair et net; parler franc. S'exprimer sans ambiguïté et avec franchise, ouvertement. Parlons clair et ne nous cachons pas dans des mots-brouillards (CHATEAUBR., Mém., t.1, 1848, p.618). La mère Justamonde, matrone qui parlait franc, avait dit à son voisin, la veille de la signature de l'acte: «Excusez-moi si j'ai l'air de m'occuper de vos affaires (...) mais faut pas tout donner aux enfants (...)» (R. BAZIN, Blé, 1907, p.89). Il y a des cas où l'on devrait parler net, remarque l'ancien bûcheron d'une voix dont il exagère exprès le grasseyement, mais possible que je n'en vaille pas la peine (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p.1457).
Parler gras. Avoir un langage grossier, ordurier, licencieux. Elle retrouva Chéri grandi trop vite, creux, les yeux fardés de cerne, portant des complets d'entraîneur et parlant plus gras que jamais (COLETTE, Chéri, 1920, p.29 ds ROB. 1985).
Parler comme un livre. V. livre I B 2 c.
Parler comme un oracle.
Parler d'or. Tenir des propos pleins de sens ou d'utilité. Petrowlski: Je veux d'abord un bel uniforme avec des galons... pour que l'on voie bien que c'est moi qui commande!... Rabagas: Nous l'aurons!... Petrowlski: Et avec ça, j'irai partout, l'on me saluera!... Rabagas: Vous parlez d'or! (SARDOU, Rabagas, 1872, II, 4, p.93). La secrétaire: (...) La guerre elle-même a ses vertus et il n'est pas jusqu'aux cimetières qui ne puissent être de bonnes affaires lorsque les concessions à perpétuité sont dénoncées tous les dix ans. L'homme: Vous parlez d'or... (CAMUS, État de siège, 1948, 1re part., p.219):
4. Je regrette de paraître dur, de blâmer implicitement la conduite de bon nombre de mes amis. Mais il leur suffisait de réfléchir tant soit peu pour savoir que les conventions de La Haye interdisent à l'ennemi de demander aux civils plus que le nécessaire pour l'armée d'occupation. Voilà! —Vous parlez d'or, Hennedyck, mais qui vous l'assure, ce droit? Ce que nous ne voulons pas donner l'ennemi le prend.
VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p.133.
Parler contre sa pensée. Parler autrement qu'on ne pense. (Dict.XIXe et XXes.).
Parler en l'air. Parler avec légèreté, inconsidérément ou sans disposer de certitudes suffisantes. Notre éloquence a pris l'habitude de parler en l'air. On entend, dans tous nos discours, une voix qui s'enfle et qui se perd (JOUBERT, Pensées, t.1, 1824, pp.432-433). Je ferai une oeuvre propre, parce qu'elle ne sera qu'accessoirement littéraire. L'intérêt de tous les hommes militera en ma faveur... mon livre aura un poids, une substance. Je ne parle pas en l'air (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1936, p.198). Quand voulez-vous que je vienne? Pour la première fois il parlait en l'air, n'ayant aucune idée de la manière de prendre une novice, une cliente qui n'avait même pas l'idée de mentir, et de citer une ou deux fausses références (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p.68).
Vx. Parler Vaugelas, parler Voiture. S'exprimer avec pureté, avec élégance, à la manière de Vaugelas, de Voiture. (Dict.XIXe et XXes.).
[Constr. avec un compl. prép., un adv. ou une expr. à valeur adv. précisant les dispositions intellectuelles, morales, affectives du locuteur] Il est des entretiens où l'âme ni le corps n'ont de part. J'appelle ainsi ces conversations où personne ne parle du fond de son coeur, ni du fond de son humeur (JOUBERT, Pensées, t.1, 1824, p.247). Un de ces coeurs endoloris qui prennent tout à faux et de travers, et avec lequel les explications ne raccommodent rien, parce qu'on ne se fait pas comprendre et qu'il y a des arrière-pensées au fond de leurs aveux, et même de leur pardon. Est-ce qu'entre femmes on se parle jamais avec une entière franchise? (AMIEL, Journal, 1866, p.332):
5. Il parlait avec cette politesse insolente des gens qui, par le choix des mots, par leurs intonations, par tous leurs mouvements, laissent entendre qu'ils sont en train de perdre leur temps mais que, par malheur, ils n'ont précisément pas une minute à perdre.
DUHAMEL, Suzanne, 1941, p.201.
SYNT. Parler crûment, doctoralement, étourdiment, précieusement, raisonnablement, hardiment, sagement, sèchement, sérieusement, utilement, vertement; parler avec affectation, assurance, circonspection, confiance, conviction, passion, prétention; parler à contretemps, au hasard, à la légère; parler à coeur ouvert, à mots couverts; parler en connaissance de cause; parler en pesant ses mots, en plaisantant; parler à contretemps; parler hors de propos; parler par allusions, par sous-entendus; parler par expérience; parler sans fard, sans haine; parler pour plaisanter, pour rire; parler sans s'émouvoir, sans ménager ses termes; parler selon son coeur, selon sa conscience; parler sur un ton irrité, hautain; parler sur un certain ton.
Parler en, en qualité de, en tant que + subst. Je ne parle pas ici en directeur de conscience, notez-le. Je parle en homme, humainement (BERNANOS, Joie, 1929, p.698). L'autre jour, tu t'es fâchée de ce qu'il disait sur la politique. Je n'y entends pas grand-chose... pourtant il me semble qu'il parlait en homme de coeur (MAURIAC, Mal Aimés, 1945, III, 2, p.227).
Parler en maître. S'exprimer avec autorité. Le monde est ainsi fait, que tout homme qui parle en maître est presque sûr d'être obéi (ABOUT, Roi mont., 1857, p.252).
[Au part. prés., faisant fonction de gérondif, et précédé d'un adv. en -ment] En parlant, si on parle de telle ou telle manière; en se plaçant, si on se place à tel ou tel point de vue. Absolument, généralement, strictement parlant; financièrement, littérairement parlant; militairement parlant; moralement parlant. Le public jugeant toujours les résultats, Birotteau passa d'autant plus pour un homme supérieur, commercialement parlant, qu'il rédigea lui-même un prospectus dont la ridicule phraséologie fut un élément de succès (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p.46). Que les mots au lieu d'être pris uniquement pour ce qu'ils veulent dire grammaticalement parlant soient entendus sous leur angle sonore, soient perçus comme des mouvements (ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p.144).
[À l'inf. précédé de à ou pour et accompagné d'un adv.] Pour employer des termes de telle ou telle nature, pour s'exprimer de telle ou telle manière. À proprement parler; pour parler franchement. Je vous ai dit: «Gare les côtes»; mais, à franchement parler, je ne croyais pas que ça aille si mal (GIONO, Colline, 1929, p.176):
6. Tous ces jeunes gens qui croient que tous les travaux formellement philosophiques amènent un profit à l'espèce humaine, parce qu'on leur a persuadé qu'il en va ainsi de toutes les tâches spirituelles. Avoir de bonnes intentions, c'est d'autre part, et pour parler gros, vouloir précisément ce profit.
NIZAN, Chiens garde, 1932, p.13.
b) P. anal. Exprimer sa pensée par un moyen autre que la parole, que le langage articulé. Parler des yeux, du regard; parler avec les mains; parler par signes. Si je ne peux pas parler haut et que je ne puisse pas non plus t'approcher, ma bergère, nous n'avons pas de chances de nous entendre... alors, parlons par gestes!... (CRÉMIEUX, Orphée, 1858, I, 4, p.16). Il a baissé un peu le front, comme un bélier têtu, qui se butte. Tantôt faisant oui du menton, tantôt secouant la tête pour nier, il n'a plus parlé que par signes (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p.234).
♦[P. méton. du suj.] Être éloquent, expressif, avoir une signification. Regards, yeux qui parlent. De Thérèse à ce moment, Jude n'apercevait que la main (...). Il y a des mains qui parlent. Après avoir attiré le regard de Jude, celle-ci le retint. Elle suggérait le désir de la prendre pour y poser les lèvres (ESTAUNIÉ, Vie secrète, 1908, p.192). Par les dieux, les claires danseuses!... Leurs mains parlent, et leurs pieds semblent écrire (VALÉRY, Eupalinos, 1923, p.14):
7. Les deux ou trois putes (...) faisaient de l'oeil aux passants (...) s'éventaient, faisaient de la retape avec leur éventail (...) déroulaient leurs jalousies qui claquaient, zyeutaient encore à travers les lames en accordéon, les yeux parlant dans la pénombre, passaient une main, faisaient du doigt un geste de racolage...
CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.148.
c) En partic.
) Exprimer, développer ses idées par écrit. (Dict.XIXe et XXes.).
[P. méton., le suj. désigne un texte écrit] Dans la rue, et «en plein vingtième siècle» comme parlent les gazettes (TOULET, Nane, 1905, p.83).
) Prononcer un discours en public; prendre la parole en public. Parler à la tribune, à la radio, devant un micro; parler face à la foule; parler ex cathedra; parler en public. N'ont-ils pas eu l'effronterie de vouloir parler au peuple du haut de l'échafaud; morbleu! comme on leur a vite coupé la parole et la tête! (BOREL, Champavert, 1833, p.13). Je puis monter à la tribune dans une heure, et parler sans autres notes que ça... (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p.149). Écrire, parler à la radio et quelquefois dans les meetings pour dénoncer quelques abus, ça le satisfaisait pleinement (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.305).
Parler d'abondance. V. abondance I B.
Parler pour, contre qqn/qqc., en faveur de qqn/qqc. Prendre la parole pour défendre, soutenir quelqu'un/quelque chose, combattre quelqu'un/quelque chose. Parler en faveur d'un accusé. On ne peut ni parler contre le christianisme sans colère, ni parler de lui sans amour (JOUBERT, Pensées, t.1, 1824, p.116). Comment aurais-je pu parler en faveur d'une mesure sur laquelle je ne pouvais avoir d'idée arrêtée? (CHATEAUBR., Mém., t.3, 1848, p.237). Nous parlons pour l'humanité, et c'est insulter la France de nier qu'en même temps nous parlions pour la patrie (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p.25).
) Échanger des propos, des idées; faire connaître son avis, donner son opinion. Parler chacun son tour. Nous revînmes à Clochegourde en parlant à bâtons rompus. Le comte se plaignait de douleurs vives sans les préciser (BALZAC, Lys, 1836, p.78). Hellouin parla le premier, puis il s'épongea le front et remit son feutre, comme un homme qui a rempli sa mission et dit ce qu'il avait à dire. Il fut alors bien évident que la princesse d'Élide parlait à son tour (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p.249).
Parlons peu, (mais) parlons bien. [Indique l'intention de régler rapidement une affaire, de résoudre rapidement un problème, de prendre des décisions, des résolutions sérieuses] Et maintenant, où en es-tu? parlons peu, parlons bien: quelques semaines à tirer en prison, pas grand'chose. Fais-les, mon gars, et le plus vite possible, c'est un bon conseil que je te donne. Faut en sortir, je ne vois pas d'autre moyen (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p.234).
JEUX DE CARTES. Faire une annonce, annoncer, déclarer son jeu. À vous de parler. —(...) Et puis, François, il y a toujours le poker... —Une culotte? —Oui, hier soir... Un pot de cinq sacs... J'ouvre avec deux as, la dernière à parler (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p.31).
) Faire connaître sa volonté, de manière à être obéi. Parler en maître (supra I A 2 a). N'avoir qu'à parler pour être obéi. Que dois-je pour faire plaisir À ta sagesse? (...) Parle, que puis-je? (VERLAINE, OEuvres compl., t.3, Invect., 1896, p.377).
) Rompre le silence, bavarder; ne pas respecter une consigne de silence en s'adressant à quelqu'un. Élève qui parle en classe. (Dict.XIXe et XXes.).
♦Révéler un secret, révéler ce qu'on aurait dû taire. Synon. pop. accoucher, se mettre à table, vider son sac. Parler sous la menace, la torture; parler par étourderie. Saverny [à Marion]: Je tiendrai secrètes vos paroles, Nous autres gens de cour, on nous croit têtes folles, Médisants, curieux, indiscrets, brouillons; mais Nous bavardons toujours et ne parlons jamais (HUGO, Marion Del., 1831, p.177). Elle se mourait du regret d'avoir parlé, après avait failli mourir de ne point parler (BOYLESVE, Leçon d'amour, 1902, p.256):
8. L'été dernier, un grand chef de la Résistance (...) a été arrêté et conduit à Fort-Montluc; les états-majors réunis de toutes les organisations ont tout envisagé pour le tirer de là, les plus gros sacrifices d'argent, même l'assaut à main armée (...) il a fallu renoncer à tout, il est mort sous les coups sans avoir parlé...
VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p.26.
Faire parler qqn. Amener quelqu'un par la violence ou la ruse à dire, avouer ce qu'il sait. Synon. fam. tirer les vers du nez. Ils vont essayer de me faire parler et vous savez ce que c'est que les prisons de maintenant. Si on me brutalise, je parlerai peut-être malgré moi (AYMÉ, Uranus, 1948, p.98). Tu as du culot, tu sais faire parler les gens, tu es débrouillarde (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.164).
B.Au fig. ou p.métaph. Qqc. parle
1. a) [Le suj. désigne des choses ou des abstractions considérées comme douées de lang., comme possédant une faculté d'expression] S'exprimer par le moyen du langage. Laisser parler son coeur, son chagrin; la justice, la vérité parle par sa bouche. Mon âme croit parler, ma langue embarrassée Frappe l'air de vingt sons, ombre de ma pensée (LAMART., Médit., 1820, p.237). Madame Chardon (...) tremblait que David n'eût raison, car il parlait comme elle entendait parler sa conscience de mère (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p.646).
b) P. ext.
) Avoir une signification, exprimer quelque chose. Ne me regardez plus que comme une espèce d'artiste, votre confrère, qui n'a malheureusement pas comme vous, l'art d'animer le marbre, et de faire parler la pierre (CHATEAUBR., Corresp., t.1, 1805, p.209). Musique qui danse et musique qui rêve, toutes me parlent, me donnent une sensation (A. DAUDET, Trente ans Paris, 1888, p.290):
9. Deux choses qu'on peut regarder indéfiniment: le feu qui brûle et la neige qui tombe. Il faut les regarder avec beaucoup de patience pour qu'ils se mettent à parler. Et que disent-ils? Je n'en sais rien, mais ils ont beaucoup à dire et ce qu'ils ont à dire est important.
GREEN, Journal, 1956, p.168.
) S'imposer avec force, commander. L'honneur parle, j'ai vu le devoir, il faut le suivre, et à l'instant (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p.431). Il la voulait avant tout, l'adorable créature; ce désir exaspéré parlait plus fort que les autres, dans ses sens enfiévrés, dans son imagination éblouie par tout ce qu'il y avait de délirant autour de cette image: la belle, la noble, l'opulente princesse dans ses bras (VOGÜÉ, Morts, 1899, p.365).
2. En partic.
a) [Le suj. désigne un mot ou une expr.] Être particulièrement évocateur ou chargé de sens. Liberté: c'est un de ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens; qui chantent plus qu'ils ne parlent; qui demandent plus qu'ils ne répondent; de ces mots qui ont fait tous les métiers (VALÉRY, Regards sur monde act., 1931, p.49). [Grand] se montra ensuite fort préoccupé par l'adjectif «superbe». Cela ne parlait pas, selon lui, et il cherchait le terme qui photographierait d'un seul coup la fastueuse jument qu'il imaginait (CAMUS, Peste, 1947, p.1327).
b) [Le suj. désigne une note de mus. ou un instrument de mus.] Sonner, résonner; rendre des sons particulièrement évocateurs. [Mayer] ne savait guère faire chanter la voix humaine, mais il faisait parler les instruments (STENDHAL, Rossini, t.1, 1823, p.24). Bientôt chaque pierre vibra dans l'église, mais sans changer de place. Les orgues parlèrent, et me firent entendre une harmonie divine à laquelle se mêlèrent des voix d'anges (BALZAC, J.-C. en Flandre, 1831, p.311).
3. P. plaisant. Faire parler la poudre. Se battre, laisser la place aux armes. Quelque chose pourtant manquait au bonheur de Kadour. Il aurait voulu se battre, faire parler la poudre (A. DAUDET, Contes lundi, 1873, p.170). Les Bédouins du désert, de tous côtés, parurent, Deux tribus, qui semblaient depuis longtemps dormir, Venaient de relever l'étendard de l'Émir Et voulaient de nouveau faire parler la poudre (COPPÉE, Poés., t.3, 1887, p.81).
Rem. On relève également un empl. de parler avec un suj. désignant une arme à feu: Pour trouver aujourd'hui des moeurs pareilles [à celles des Italiens au XIIIes.], il faudrait visiter les placers de San Francisco; là, sur la première provocation (...) le revolver parle (TAINE, Voy. Ital., t.2, 1866, p.99).
4. Région. (Canada). Ça parle au diable, au maudit, au sorcier. ,,C'est stupéfiant, ça me dépasse, je n'aurais jamais cru ça`` (Canada 1930).
II.Empl. trans. indir.
A. Parler de qqn/qqc.
1. Qqn parle de qqn/qqc.
a) Prononcer des paroles, tenir des propos, des discours relatifs à quelqu'un, quelque chose. Parler de sa famille, de ses parents; parler d'un événement; parler d'amour, de littérature; parler de banalités, de niaiseries; parler de ses projets, de ses inquiétudes; parler de choses et d'autres; on ne parle que de çà. J'avais souvent entendu parler de ces femmes qui plongent leurs peines de coeur dans des flots d'encre, et versent sur le papier les trésors de pureté et de grâce que renferme leur imagination (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p.207). Le colonel disait toujours: «Ma pauvre île,» en parlant de cette Crète qu'il n'avait jamais vue (VOGÜÉ, Morts, 1899, p.299). Je te défends de parler de la jeune fille (BERNANOS, Joie, 1929, p.652). —Vous avez déjà entendu parler de l'hôtel Terminus? —Pourquoi? —La Gestapo, mademoiselle, la Gestapo, ça ne vous dit rien? On vous y fait passer un interrogatoire bien senti... (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p.84).
Vouloir parler de. Faire allusion à. À cette notion du hasard s'en attache une autre qui est de grande conséquence en théorie comme en pratique: nous voulons parler de la notion de l'impossibilité physique (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p.42). Nous possédons (...) une expérience historique effrayante, relative à une grande transformation survenue en temps de décadence économique; je veux parler de la conquête chrétienne et de la chute de l'empire romain qui la suivit de près (SOREL, Réflex. violence, 1908, p.126).
Ne pas parler de. Ne pas faire allusion à, passer sous silence, négliger un aspect de la question, du sujet dont il est parlé. «Vous vous plaignez du gouvernement, continua ce jeune homme, ne parlons pas de l'état des choses avant l'époque de sa naissance, et voyons ce qu'il a fait depuis (...)» (CRÈVECOEUR, Voyage, t.2, 1801, p.330). Ne pourriez-vous pas aller comme de vous-même remettre au geôlier ce petit paquet qui contient quelques louis? (...) Il faut surtout qu'il n'aille pas parler de cet envoi d'argent (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p.452).
En parlant de. S'agissant de. Mais en parlant de morale, comment ne rien dire des religions? Ce serait une affectation déplacée: elle ne tromperait personne (SENANCOUR, Obermann, t.2, 1840, p.181):
10. C'était un bonhomme que Philibert, et qui tenait bien sa place à la mairie... en parlant de mairie, à propos... Honoré se méprit sur le sens de cet à propos... il prévint: —Je t'ai déjà dit que je ne veux pas être maire ni seulement adjoint. C'est déjà trop d'être conseiller.
AYMÉ, Jument, 1933, p.52.
Sans parler de. Indépendamment de, sans tenir compte de. La force comique suppose un caractère au moins insouciant; mais on auroit tort de pousser cette force jusqu'à braver la pitié; l'art même en souffriroit, sans parler de la délicatesse (STAËL, Allemagne, t.3, 1810, p.192). Il y a là deux femmes charmantes, sans parler de la maîtresse de la maison (BERNSTEIN, Secret, 1913, II, 6, p.20). Vous avez mis toute une brassée de bois vert sur le feu, vous allez complètement le tuer! sans parler de la fumée noire que ça fait (CLAUDEL, Soulier, 1944, 1re part., 2e journée, 8, p.1021).
Iron. Parlons-en (!). [Indique le peu de cas que le locuteur fait de qqn ou de qqc.] Ah! oui, parlons-en, de tes qualités domestiques... (CRÉMIEUX, Orphée, 1858, I, 5, p.44). Le pays n'est plus reconnaissable; la ville est maussade, et quant aux habitants, parlons-en! des gens vaniteux et mal élevés (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p.43). —Arthur, l'amour c'est l'infini mis à la portée des caniches et j'ai ma dignité moi! que je lui réponds. —Parlons-en de toi! t'es un anarchiste et puis voilà tout! (CÉLINE, Voyage, 1932, p.13).
En parler (bien) à son aise. [Indique que le locuteur considère que son interlocuteur parle de qqc. qui ne le concerne pas directement ou personnellement] C'est trop fort à la fin! Vous disposez de moi, là! Vous y allez...! Vous y allez !... (Brusquement). Je ne me battrai pas! (...) C'est vrai ça! «L'épée; le pistolet!» Vous en parlez à votre aise!... (FEYDEAU, Dame Maxim's, 1914, III, 17, p.71). L'on me reproche ma démarche oblique... Mais qui ne sait, lorsqu'on a vent contraire, que force est de tirer des bordées? Vous en parlez bien à votre aise, vous qui vous laissez porter par le vent (GIDE, Journal, 1946, p.287).
Cela ne vaut pas, cela n'est pas la peine d'en parler. C'est une chose sans importance, insignifiante. —Il mange donc votre homme extraordinaire? —Ma foi, s'il mange, c'est si peu, que ce n'est point la peine d'en parler (DUMAS père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.582).
N'en parlons plus. [Indique un refus de la part du locuteur, la volonté du locuteur de couper court à tout commentaire] Laissons cela; c'est une affaire entendue. Eh bien! me dit Brigitte, nous passerons la nuit ici; aussi bien, je suis fatiguée. Ce rocher est un lit un peu dur; nous en ferons un avec des feuilles sèches. Asseyons-nous et n'en parlons plus (MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p.254). Eh bien donc, puisque c'est impossible, n'en parlons plus (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p.198). Arsène, l'imagination t'a perdu, c'est mon idée, tu ne m'enlèveras pas ça de la tête. Enfin, vrai ou pas vrai, je te pardonne, n'en parlons plus. —N'en parlons plus! bon Dieu de bon Dieu! mais puisque c'est d'en parler qui me fait du bien! (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p.1437).
Parler de la pluie et du beau temps. Tenir des propos sans importance. Honorine: Mais non, il ne me l'a pas dit, mais quand je le rencontre, il ne me dit plus rien. Claudine, même jeu: Il ne te parle plus? Honorine: Il me parle de la pluie et du beau temps, mais de la petite plus un mot! (PAGNOL, Fanny, 1932, I, 2e tabl., 3, p.74). Il parla de la pluie et du beau temps avec sa voix traînante et monotone, poli, mais distrait (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p.136).
Fam. Tu parles, vous parlez de, d'un(e)... [Marque la surprise l'irritation, l'admiration du locuteur] —(...) Dis donc, t'as entendu, c'te nuit, l'attaque? Mon vieux, tu parles d'un bombardement qu'ils ont balancé. Quelque chose de soigné comme décoction! (BARBUSSE, Feu, 1916, p.12). C'est malheureux de voir un tacot pareil! de Bayonne ici, quatre heures, quatre et deux font six. Six heures pour 180 kilomètres, vous parlez d'une moyenne! les gars du tour de France font mieux... (BERNANOS, Crime, 1935, p.861).
Tu parles, vous parlez si..., comme... Tu penses bien, vous pensez bien que. «... Vous pouvez vous mettre en grève: j'ai de l'argent, je prendrai des mois de vacances que j'irai passer sur la Côte d'Azur.» Tu parles s'ils en ont fait une, de bouille! (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.259). Vous parlez s'il a encore été question de la relève! Ah! nom de Dieu de nom de Dieu! On n'a pas idée d'être déveinards à ce point-là! (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p.36).
Absol. [Marque l'incrédulité, le désaccord, la réprobation du locuteur] Pour Heredia, je suis un paresseux. (Tu parles!) (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1899, p.366). Goethe eut le sentiment qu'il avait encore bien des choses à apprendre. «De ce jour, clama-t-il, magnifiquement, selon les habitudes de son génie, commence une époque nouvelle!» Tu parles! par la suite, comme le système était excellent, on se mit à fabriquer des héros en série, et qui coûtèrent de moins en moins cher, à cause du perfectionnement du système (CÉLINE, op.cit., p.88). [Marque l'approbation du locuteur, le fait qu'il renchérit sur ce qui vient d'être dit] —Dans les premiers temps, c'était franc, mon vieux. Y en avait, j'l'ai vu, qui collaient leurs musettes et même leur armoire dans une voiture de gosse qu'i's poussaient sur la route. —Ah! tu parles! c'était l'bon temps d'la guerre! Mais on a changé tout ça (BARBUSSE,Feu, 1916, p.198).
Proverbes. Il ne faut pas parler de la corde dans la maison d'un pendu. V. corde II A loc. Quand on parle du loup, (on en voit la queue).
En partic. Faire un exposé, un cours, une conférence sur quelqu'un, quelque chose. M. d'Arlincourt (...) venait demander à Michaud d'en parler [de son dernier ouvrage] de manière à faire sentir au public tout ce qu'il y avait de profond, de délicat dans cette conception (DELACROIX, Journal, 1854, p.190).
P. ext. S'exprimer par écrit sur tel ou tel sujet, traiter une question par écrit. Un article où l'on parle de littérature. Vous oubliez donc le passage où Pline L'Ancien parle de la bibliothèque de Carthage et des trésors qui y étaient entassés? (BENOIT, Atlant., 1919, p.153). En juillet, dans une lettre à l'archiduc: il parle de l'état de sa poitrine (Brustzustand), qui ne s'améliore pas, malgré les soins médicaux (ROLLAND, Beethoven, t.1, 1937, p.84). Ailleurs, Bergson parle du singulier obstacle qu'opposent au poète les mots, où s'évanouit sans recours l'essentiel de la pensée (PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p.66).
♦[P. méton., le suj. désigne un écrit] Traiter de, avoir pour sujet. De quoi çà parle (fam.). Il est vrai que le texte parle d'un homme, et non d'un autre mammifère (MÉNARD, Rêv. païen, 1876, p.210). Les journaux parlaient souvent d'une dette qui était due à la société. Il fallait, selon eux, la payer (CAMUS, Étranger, 1942, p.1200).
b) [Empl. laudativement ou péjorativement] Tenir des propos, faire des commentaires favorables ou défavorables sur quelqu'un ou quelque chose. Des gens dont on parle; parler en bien de qqn; parler mal de qqn. Cette année-là, le milieu du salon carré était occupé par un gigantesque chameau, produit d'un artiste célèbre dans l'école coloriste et modérément chevelue. Tout le monde parlait de ce chameau, s'extasiait sur ce chameau (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p.248). Une dame, se détachant du groupe, vint à nous et ma mère me dit rapidement: —C'est madame de Chambrun!... sois polie... j'avais beaucoup entendu parler de la comtesse de Chambrun, et je la regardais avec une curiosité amusée (GYP, Souv. pte fille, 1928, p.221). Je pense: «Il a donc remporté un succès, on parle donc beaucoup de son oeuvre en ce moment?» (LARBAUD, Journal, 1934, p.292).
Faire parler (de soi). Se faire remarquer (en bien ou en mal). Avant tout, ne dois-je pas faire parler de moi pour arriver? (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p.99). C'est le plus insignifiant et le plus borné des princes de la famille impériale. Avec cela vaniteux au possible; il se met partout en avant et veut absolument faire parler de lui (BARRÈS, Cahiers, t.11, 1917, p.243). Je lui parlais des ravages faits chez les artistes de vocation imparfaite par le besoin de «vivre hors d'eux-mêmes», dans l'opinion du public, —d'où: manie de faire parler de soi, d'attirer les regards, —d'où l'oeuvre faussée en vue de ce résultat (LARBAUD, Journal, 1934, p.300).
En partic., péj. Personne qui fait beaucoup parler d'elle. Personne dont on dit beaucoup de mal (notamment à propos de sa vie privée). Une malheureuse femme, habitant une ville de France au-dessous de vingt mille âmes, et qui a fait parler d'elle (...) n'est plus engagée à aucun des bals qui se donnent dans sa petite ville (STENDHAL, Corresp., 1832, p.89):
11. «Faire parler d'elle», cette expression qui dans tous les mondes est appliquée à une femme qui a un amant, pouvait l'être dans le Faubourg St-Germain à celles qui publient des livres, dans la bourgeoisie de Combray à celles qui font des mariages, dans un sens ou dans l'autre «disproportionnés».
PROUST, Temps retr., 1922, p.955.
Entendre parler de qqn, de qqc.; ne pas vouloir en entendre parler. V. entendre I A 2 a.
Il en sera parlé, on en entendra parler; croyez-moi, on en parlera. Cela fera du bruit.
On en parle. Cela fait du bruit; péj., cela fait du scandale. Qui donc m'empêcherait d'envoyer au journal une petite note là-dessus? eh! mon dieu! un article circule..., on en parle..., cela finit par faire la boule de neige! (FLAUB.,Mme Bovary, t.2, 1857, p.11).
c) Parler de + subst. (sans art.). Employer tel ou tel terme, telle ou telle notion. Quand je parle d'antiquité, j'entends la sainte antiquité, car il y en eut une malade et délirante (JOUBERT, Pensées, t.1, 1824, p.400). On parle sans cesse de liberté, de droit de réunion, de droit d'association. Rien de mieux, si les intelligences étaient dans l'état normal (RENAN, Avenir sc., 1890, p.355):
12. Quand je parle d'hallucinations, il ne faut pas prendre le mot dans son sens le plus strict. Une nuance très-importante distingue l'hallucination pure, telle que les médecins ont souvent occasion de l'étudier, de l'hallucination ou plutôt de la méprise des sens dans l'état mental occasionné par le haschisch.
BAUDEL., Paradis artif., 1860, p.366.
d) Parler de + inf./subst. (sans art.). Annoncer, d'une manière plus ou moins précise ou vague, l'intention, la possibilité de faire quelque chose, d'agir d'une certaine façon. Parler de partir, de voyager; parler de mariage, de se marier. Dans cette querelle, le premier mouvement de Fabrice fut tout à fait du XVIe siècle: au lieu de parler de duel au jeune genevois, il tira son poignard et se jeta sur lui pour l'en percer (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p.74). Quand revenez-vous? voilà ce que j'ai cherché dans votre épître. Mais vous ne parlez pas de retour (FLAUB., Corresp., 1872, p.336).
2. Qqc. parle de qqn/qqc.
a) [Le suj. désigne une partie du corps, le regard] Exprimer (quelque chose). Il est vrai que les yeux d'Émile étaient fort éloquents (...) habitués à parler d'amour, ils s'exprimaient si bien, qu'en peu de temps il fallait leur répondre ou cesser de les regarder (KOCK, Zizine, 1836, p.170).
b) [Le suj. désigne une réalité matérielle] Signifier (quelque chose), évoquer (quelque chose ou quelqu'un). Ce pont abattu, les piles écroulées s'entassant des deux côtés en monceaux de pierres blanches, les cordages de fer trempant dans l'eau, tout cela faisait sur l'horizon comme une grande déchirure qui parlait d'invasion (A. DAUDET, R. Helmont, 1874, p.65). Je revis la grande cour sèche, le préau, la classe vide... tout parlait du grand Meaulnes. Tout était rempli des souvenirs de notre adolescence déjà finie (ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p.306):
13. ... de tous côtés je vois des collines d'inégales hauteurs couvertes de bouquets d'arbres plantés par le hasard, et que la main de l'homme n'a point encore gâtés et forcés à rendre du revenu (...). Tout est noble et tendre, tout parle d'amour, rien ne rappelle les laideurs de la civilisation.
STENDHAL, Chartreuse, 1839, p.23.
B. — Parler à/avec qqn/qqc.
1. Qqn parle à/avec qqn/qqc.
a) Converser, s'entretenir avec quelqu'un. Synon. causer (pop. et fam.), deviser (littér.), dialoguer, conférer. Parler longuement à, avec qqn.; on vous parle (au téléphone). Le mardi, vers les dix heures, la jolie Sara s'en retourna chez sa maîtresse. Après son départ, la mère monta chez moi. «J'ai à vous parler, » me dit-elle (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p.25). S'il avait osé parler librement à Honoré, il lui aurait dit que des enfants de bonne famille ne jouent pas à s'entre-regarder l'intérieur des cuisses, comme faisaient Gustave et Clotilde (AYMÉ, Jument, 1933, p.109):
14. ... tout cela ne faisait que rendre plus nécessaire de parler enfin sérieusement à Albertine afin de ne pas agir indélicatement, et puisque j'étais décidé à me consacrer à son amie, il fallait qu'elle sût bien, elle, Albertine, que je ne l'aimais pas.
PROUST, Sodome, 1922, p.1113.
b) Adresser la parole à quelqu'un. Parler à un inconnu, à un passant; parler à l'oreille de qqn; répondez quand on vous parle; à qui voulez-vous parler?; parler à la cantonade; parler sans ambages à qqn; parler d'homme à homme à qqn (v. homme II A 1 d). Je dis, d'un ton très sec, et, en même temps, très noble: —Monsieur se trompe... monsieur croit parler à ses autres femmes de chambre (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p.84). Elle ne sourit qu'à son père. De tous les hommes qui sont à la Rocca, il n'y a que lui devant lequel son visage rayonne. C'est que, lui, il sait parler aux enfants, comme il sait parler au petit peuple, comme il sait parler aux bêtes... (MONTHERL., Malatesta, 1946, IV, 5, p.518):
15. ... il sortait tous les matins, cachant, sous son imperméable jeté sur le bras, sa boîte de couleurs: il s'agissait de sortir de la pension sans que personne ne lui ait dit, avec ce sourire que les gens prennent pour parler aux amoureux, aux enfants et aux simples d'esprit: «Alors, Monsieur Slavsky, vous partez faire du paysage?» comme ils diraient: «Allez, allez, bécotez-vous, c'est de votre âge!» ou encore: «Allez jouer, c'est un passe-temps pas méchant, amusez-vous...»
TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p.151.
À qui croyez-vous parler? Savez-vous à qui vous parlez? Apprenez à qui vous parlez. [Rappel adressé à un locuteur oubliant la déférence due à la personne à laquelle il s'adresse] Allez, monsieur, rien ne peut vous justifier d'une semblable injustice... Ce que vous venez de faire est affreux. Dufour: Songez-vous à qui vous parlez?... (GUILBERT DE PIXÉR., Coelina, 1801, II, 8, p.36). Je vous dis qu'il me manque vingt francs, m'sieu!... —M'sieu!... —Après?... m'sieu!... —Apprenez à qui vous parlez, m'sieu! —Je ne demande pas mieux, m'sieu! —Je suis le prince Grégory du Monténégro, m'sieu!... (A. DAUDET, Tartarin de T., 1872, p.86).
Moi qui vous (te) parle. [Introd. un récit à la 1re pers. en insistant sur la valeur, le poids du témoignage] Je te raconterai, si tu veux, comment, moi qui te parle, j'ai sauvé un chef français (BENOIT, Atlant., 1919, p.241). Moi qui vous parle, j'ai connu, peu s'en faut, les bruits et les embarras de Paris, tels que Boileau les décrivait, vers 1660, dans son grenier du palais (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p.321). Elle redevint bonne, ronde, humble devant l'ordinaire de sa vie: (...) j'ai vu, me contait-elle, moi qui te parle, j'ai vu neiger au mois de juillet (COLETTE, Sido, 1929, p.52).
Ne plus parler à qqn. Être brouillé avec quelqu'un, avoir cessé toute relation avec quelqu'un. Synon. ne plus adresser la parole à qqn. Je ne lui parle plus.
Trouver à qui parler. Trouver quelqu'un capable de répondre aux propos tenus, quelqu'un de compétent dans le domaine dont il est parlé:
16. —Oui, mais Monsieur le comte de Fontaine et sa famille. Hein! celui-là venait sous son nom de Grand-Jacques (...) et Monsieur de La Billardière, qui s'appelait le Nantais, à la reine des roses, avant la grande affaire du treize vendémiaire. C'était alors des poignées de main! (...) —Mets-le, dit Constance. Si Monsieur de La Billardière et son fils viennent, il faut qu'ils trouvent à qui parler.
BALZAC, C. Birotteau, 1837, p.189.
En partic. Trouver un interlocuteur sachant particulièrement tenir tête, répliquer. Elle ajouta, au bout d'un instant: «Il n'avait pas l'air commode.» «Non! les rouspéteurs devaient trouver à qui parler.» La phrase m'était adressée (SARTRE, Nausée, 1938, p.120). Trouver un adversaire particulièrement combatif. Maxence avait donc en face un ennemi redoutable; il trouvait, selon le mot du pays, à qui parler (BALZAC, Rabouilleuse, 1842, p.506). Ils disent que le boche s'est déchaîné sur Verdun avec une artillerie infernale (...) qu'il a cru tout casser, tout briser, tout tuer et s'avancer l'arme à la bretelle sur un terrain nettoyé, qu'il a trouvé à qui parler au lieu des morts qu'il pensait fouler (BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p.34).
Rem. Trouver à qui parler peut indiquer une mise en garde ou une menace: Daisy: Le voici, monsieur l'inspecteur. L'inspecteur: Voici qui? Daisy: Le spectre! (...) L'inspecteur: Il va trouver à qui parler: c'est quelque complice d'Isabelle qui me prend pour un imbécile! (GIRAUDOUX, Intermezzo, 1933, III, 1, p.164).
Au fig. ou p.métaph. Parler à un mur (v. mur D 3), parler aux rochers (v. rocher1), parler à une souche, à un sourd.
Parler à son bonnet.
Empl. pronom.
réfl. Se parler à soi-même. Elle se parlait à elle-même; elle répéta plusieurs fois d'une voix blanche: —Cela me rappelle quelque chose, mais quoi? (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p.103). Je ne lui aurai pas appris ma langue, je ne serai pas parvenu à la toucher avec les mots que j'emploie pour me parler à moi-même (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1936, p.249).
réciproque. Avoir l'occasion de se parler. Dans la loge, ils ne pourraient se parler, alors que le lendemain même, aux pâturages du duc, ce serait une liberté complète (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p.481). On se parlait à peine, à voix basse, crainte du surveillant général, de tout l'espionnage des copains (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.295).
Ne plus se parler. Être brouillés. Bien souvent, l'intérêt a divisé les frères; on ne se parlait plus (MÉNARD, Rêv. païen, 1876, p.217). Dans les derniers temps, le ménage ne se parlait plus (GONCOURT, Journal, 1894, p.669).
En partic. S'adresser à un groupe de personnes, à un auditoire. Lamartine disait à Royer-Collard: «Je veux parler à la masse du pays, je veux parler par la fenêtre.» (BARRÈS, Cahiers, t.5, 1906, p.19). Hitler, sans réelle valeur personnelle, ne serait qu'un jouet entre les mains d'un savant état-major (...) mais ce concile aurait besoin de lui (...) lui seul sachant parler au peuple et l'émouvoir (GIDE, Journal, 1943, p.193).
[P. méton. du compl. prép.; le compl. prép. désigne un sens, un sentiment] S'adresser plus particulièrement (à tel sens ou tel sentiment). [Pelletan] me répond, avec cette belle tête qu'il avait, car il ressemble maintenant à Méphistophélès: «Il faut toujours parler à la haine, on est toujours sûr d'être entendu.» (GONCOURT, Journal, 1860, p.783). Je n'ai rien à faire de ma raison aussitôt que cette femme parle à mon coeur (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1935, p.46).
Rem. On relève qq. empl. où parler est constr. avec un compl. désignant un animal. Parler à son chat, à un cheval. Entendant la tousserie matinale de Nanon, et la bonne fille allant, venant, balayant la salle, allumant son feu, enchaînant le chien et parlant à ses bêtes dans l'écurie (BALZAC, E. Grandet, 1834, p.84). De notre jardin, nous entendions, au sud, Miton éternuer en bêchant et parler à son chien blanc dont il teignait, au 14 juillet, la tête en bleu et l'arrière-train en rouge (COLETTE, Sido, 1929, p.21).
c) P. ext. S'adresser, exprimer sa pensée à quelqu'un en utilisant un moyen autre que la parole, que le langage articulé. Olympia ne disait rien, mais elle parlait à son jeune voisin avec les yeux, avec les pieds, avec les genoux, et cette conversation en valait bien une autre (KOCK, Compagnons Truffe, 1861, p.256).
♦[P. méton. du suj.] Blanche [à dame Bérarde]: (...) Du jour où son regard à mon regard parla, Le reste n'est plus rien, je le vois toujours là (HUGO, Roi s'amuse, 1832, p.402).
En partic. [Le suj. désigne un texte écrit] Ce journal qui parle surtout aux passions a cela de bon qu'il répand les doctrines de la liberté chez des gens qui ne comprennent que par les sens et les passions (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p.392). On ne devrait jamais oublier le rôle que peut jouer le livre qu'on écrit. Parle-t-il comme il doit à l'inconnu qui l'attend? (GREEN, Journal, 1945, p.199).
2. Au fig. ou p.métaph. Qqc. parle à qqn/qqc. Signifier quelque chose à quelqu'un, toucher, émouvoir quelqu'un. La gravité qui remplaçait dans la figure de sa soeur la complète innocence qu'il y avait vue à son départ pour Paris, parlait trop éloquemment à Lucien pour qu'il n'en reçût pas une impression douloureuse (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p.650). [Les femmes] demeurent toujours incapables de comprendre les grands vins, qui parlent seulement au palais des hommes, car le vin parle (MAUPASS., Notre coeur, 1890, p.455):
17. ... tout ce qui aura eu du prix pour les êtres de ma race: une vie recueillie dans une maison ancienne où ont vécu avant nous ceux dont nous sommes issus et que nous avons aimés, et d'où ils souhaitent de s'éloigner le moins possible, car c'est là et nulle part ailleurs qu'ils communient à la terre et que les constellations leur sont familières, et que le vent dans les branches leur parle avec une voix humaine.
MAURIAC, Nouv. Bloc-Notes, 1961, p.239.
[P. méton. du compl. prép.; le compl. prép. désigne un sens, une faculté] Faire une forte impression sur. Les femmes aiment la musique parce qu'elle parle aux sens (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1811, p.55). C'est peut-être la nouvelle de ce départ qui a parlé à la petite imagination de Mademoiselle (CLAUDEL, Père humil., 1920, III, 1, p.530):
18. ... il y avait un spectacle qui parlait plus vivement à l'âme de Fabrice du clocher, ses regards plongeaient sur les deux branches du lac à une distance de plusieurs lieues, et cette vue sublime lui fit bientôt oublier toutes les autres; elle réveillait chez lui les sentiments les plus élevés.
STENDHAL, Chartreuse, 1839, p.156.
En partic. [Le suj. désigne un mot ou une expr.] Montesquieu, dans les Lettres persanes, est plein de ces expressions neuves et vives, qui parlent à l'imagination, et qui se font applaudir et accepter (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t.9, 1854, p.355).
C. Parler de qqn/qqc. à/avec qqn
1. Qqn parle de qqn/qqc. à/avec qqn. Avoir un entretien, une conversation avec quelqu'un sur tel sujet ou sur telle personne. Le chef de bureau, M. Reffre, homme sage à cheveux blancs, consommé dans les affaires, lui dit, même avant de parler de la mort du chef: —Monsieur, j'ai à vous parler de vos affaires; mais s'il vous plaît, nous passerons dans votre chambre (STENDHAL, L. Leuwen, t.3, 1836, p.408). N'allez pas me parler de ces deux femmes, qui doivent, en ce moment, coudre côte à côte, dans la salle à manger. Que pensent-elles? Que disent-elles? Ne m'en parlez pas: je n'y ai que trop songé depuis trois jours (DUHAMEL, Confess. min., 1920, p.212). Je lui parlais d'amour, elle me parlait de ses devoirs; à mes lettres brûlantes jamais elle ne répondit (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1936, p.162).
Parle-moi de, parlez-moi de qqn/qqc. [Indique l'excellence en laquelle le locuteur tient une chose ou une pers.] Parlez-moi de ça, de cela. Dix-sept heures et demie de sommeil!... c'est magnifique!... parlez-moi des enfants élevés en province!... à la bonne heure!... ça mange, ça dort... c'est bâti à chaux et à sable!... ça n'est pas nerveux... (GYP, Souv. pte fille, 1928, p.219). Il recommençait de rêver tout haut: —Parlez-moi de l'Asie, disait-il. Les fleuves y sont si longs, ils traversent tant de peuples qu'ils changent trente fois de noms avant d'arriver à la mer (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p.231).
Ne me parle/parlez pas/plus de qqn/qqc. [Indique l'agacement du locuteur, son mépris, son refus de prendre en considération qqc.] De grâce, ne me parlez plus de ces gens-là: c'est bien assez de voir le juge et l'avocat (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p.475). Ah! tenez, ajouta le comte d'un ton méprisant, ne me parlez pas des européens pour les supplices, ils n'y entendent rien et en sont véritablement à l'enfance ou plutôt à la vieillesse de la cruauté (DUMAS père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.494). Je me sentais traquée: (...) son intonation admirative me faisait brusquement peur. —Allez-y si vous voulez, mais ne me parlez plus de tout ça, par pitié! (SAGAN, Bonjour tristesse, 1956, p.172).
Ne m'en parle/parlez plus! Rouquerolle: Tiens, vous avez des loups? Fourchevif: Ne m'en parlez pas! L'hiver dernier, ils ont mangé seize moutons (LABICHE, Fourchevif, 1859, p.418). —Alors, c'est un grand déjeuner? —Oh! Monsieur Jacques, ne m'en parlez pas, voyez-vous. Je ne tiens plus debout (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p.97).
Empl. pronom.
réfl. Gilbert aurait mieux fait de quitter la ferme. Il s'en était parlé à lui-même, deux ou trois fois. Mais la volonté lui avait manqué (R. BAZIN, Blé, 1907, p.291).
réciproque. Elle avait vu Poëri et la jeune israélite assis l'un près de l'autre et les mains enlacées, se parlant d'amour (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p.288). C'est peut-être un ami à eux... ils doivent se parler de la mère (CÉLINE, Voyage, 1932, p.136).
2. Qqc. parle de qqn/qqc. à qqn. Évoquer. Dans le silence des ruraux, nous écoutons un long cri contenu qui est celui des coeurs séparés et qui nous parle de la mer sous le soleil de midi, de l'odeur des roseaux dans le soir, des bras frais de nos femmes (CAMUS, État de siège, 1948, 2e part., p.249):
19. J'entends dans la rue un cornet à bouquin. C'était une musique pour moi, il y a bientôt quatorze ans, une musique qui me parlait de bal masqué, qui me mettait dans les jambes des démangeaisons de danse furibonde, de nuits de gymnastique. Aujourd'hui, il me semble un bruit mort, étrange, qui ne me parle plus de rien.
GONCOURT, Journal, 1861, p.882.
♦[P. méton. du compl. prép.; le compl. prép. désigne un sens, une faculté] Il sait encore tirer de cette vérité et de cette harmonie combinées un chant de splendeur et de mélancolie: la splendeur y parle à l'esprit du règne classique de la raison; la mélancolie chuchote au coeur la fuite irrémédiable et romantique des instants précairement intenses (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p.148).
III.Empl. trans.
A. Qqn parle qqc.
1. a) [Le compl. désigne une lang.] Employer telle ou telle langue pour s'exprimer. Parler argot, parler (l')anglais; parler plusieurs langues. Un enfant, avant d'entendre et de parler la langue de ses pères, a sans doute des signes particuliers qui lui servent à se représenter les objets de ses besoins, de ses plaisirs, de ses douleurs; il a sa langue (CABANIS, Rapp. phys. et mor., t.1, 1808, p.61). Vous êtes de la cour, et parlez comme vous voulez, avec pleine licence et liberté entière. Nous, gens de village, sommes tenus de parler français, pour n'être point repris (COURIER, Pamphlets pol., Au réd. La Quotidienne, 1823, p.205).
Rem. 1. Lorsque le compl. désigne une lang. déterminée, l'art. peut être supprimé (supra ex.). 2. On relève la constr. qqn parle qqc. à qqn. Je parle au peuple la langue du peuple!... (SARDOU, Rabagas, 1872, II, 5, p.65). Les femmes savent parler aux enfants la seule langue qu'ils puissent comprendre (MÉNARD, Rêv. païen, 1876, p.200).
Empl. pronom. à sens passif. [Le suj. désigne une lang. donnée] Être parlé. Le français se parle. (Dict.XIXe et XXes.).
En partic. Savoir telle ou telle langue, pouvoir s'exprimer en telle ou telle langue. Le marquis mourrait de chagrin et d'ennui s'il était une journée sans le voir, d'autant que Stephen sait à peu près le français et que lui ne parle pas un mot d'allemand (KARR, Sous tilleuls, 1832, p.200). Nous pouvons parler plusieurs langues, mais l'une d'elle reste toujours celle dans laquelle nous vivons. Pour assimiler complètement une langue, il faudrait assumer le monde qu'elle exprime et l'on n'appartient jamais à deux mondes à la fois (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p.218).
Au fig.
Parler chinois. V. chinois II B 4 a.
Parler français. S'exprimer de façon compréhensible, claire; s'exprimer correctement. J'avais cru que cinquante années de classe vous ôteraient cette odieuse manie de latinité, qui vous rend insupportable. Ne sauriez-vous laisser là ces sottises, et parler français comme tout le monde? (TOEPFFER, Nouv. genev., 1839, p.219). —Eh bien! c'est entendu, Gabrielle, vous serez Esther... Je demande: —C'est-y des tableaux vivants?... —Parlez donc français —dit Madame Garabis agacée —... (GYP, Souv. pte fille, 1928, p.167).
Loc. fam. Parler le français comme une vache espagnole. V. espagnol A expr.
Parler hébreu. V. hébreu B 1.
Parler le même langage. Se comprendre, envisager les choses du même point de vue. Je vois dès les premiers mots que nous ne parlons pas la même langue, puisque je parlais de noms de l'aristocratie et que vous me citez les plus obscurs des noms des gens de robe, de petits roturiers retors (PROUST, Prisonn., 1922, p.234).
Parler le langage + adj. ou compl. prép. de. S'exprimer, considérer les choses d'une certaine façon. Parler le langage de l'amour, de la raison (infra 2 b ex. de Renan). Si l'on veut parler un langage physiologique, il n'y a pas de raison que les liaisons de l'écorce aux centres sous-corticaux, cérébelleux et bulbaires soient à sens unique (MOUNIER, Traité caract., 1946, p.223).
P. ext. [Le compl. désigne un lang. autre que le lang. articulé] Parler le langage des sourds, des fleurs, de la musique. Comme des sourds-muets parlant dans une gare Leur langage tragique au coeur noir du vacarme Les amants séparés font des gestes hagards (ARAGON, Crève-coeur, 1941, p.24).
P. anal. Je veux que chacun des arts parle le langage qui lui est propre, au lieu de bégayer dans une langue étrangère (ALAIN, Propos, 1921, p.230).
b) [P. oppos. à chanter ou déclamer] Dire sur le ton de l'élocution, sur le ton de la parole. Car après avoir presque «parlé»: «Les escargots, ils sont frais, ils sont beaux», c'était avec la tristesse et le vague de Maeterlinck, musicalement transposés par Debussy, que le marchand d'escargots (...) ajoutait avec une chantante mélancolie: «On les vend six sous la douzaine...» (PROUST, Prisonn., 1922, p.117).
2. a) [Constr. avec un compl. sans art. désignant ce dont les locuteurs parlent] Avoir une conversation, échanger des propos sur tel ou tel sujet, s'entretenir de. Parler affaires, chiffons; parler boutique. Ce très aimable docteur Martin est vraiment un délicat. Je l'ai entendu parler femmes, bouquins, cuisine, et la manière dont il en parle ne peut laisser un doute sur cette qualité distinguée de l'homme (GONCOURT, Journal, 1894, p.542). Raoul Dufy est en train d'illustrer sa Terre, —qui est vraiment sa terre au sens campagnard et noble du mot. Ainsi nous avons été amenés à parler campagne, fermiers, tracteurs, etc. (LARBAUD, Journal, 1931, p.252). Ne parlons pas haine, parlons politique. Le pape mort, savez-vous qui lui succédera? (MONTHERL., Malatesta, 1946, I, 8, p.457).
b) [Le compl. indique le point de vue auquel le locuteur se place pour parler] Parler en termes de, le langage de. Parler honneur. Elle se renversa sur un canapé en éclatant de rire à sa traduction. Monsieur, quand cette fille-là riait, il n'y avait pas moyen de parler raison. Tout le monde riait avec elle (MÉRIMÉE, Carmen, 1845, p.60). Ne vaudrait-il pas mieux chercher à parler raison et enseigner à tous à parler et à comprendre ce langage? (RENAN, Avenir sc., 1890, p.356).
B. P. anal. Qqc. parle qqc. [Le compl. désigne un lang. autre que le lang. articulé] Signifier, manifester (quelque chose) en utilisant un langage particulier. Les étoffes parlent une langue muette, comme les fleurs (BAUDEL., Poèmes prose, 1867, p.24). Le blanc du papier qui parle le langage du dessin (ALAIN, Beaux-arts, 1920, p.286). On entendait (...) les feuillages qui parlaient la langue des arbres (GIONO, Que ma joie demeure, 1935, p.231). Le ciel était d'un bleu profond et les étoiles parlaient ce langage que les mots ne peuvent rendre, mais qui me troublera toujours, parce qu'il s'adresse en moi à ce qu'il y a de plus vrai (GREEN, Journal, 1942, p.270).
REM. 1. Parlerie, subst. fém., rare. Bavardage, discours abondant et vide. Synon. parlage. [Manon] a fait plus pour la cause, hier soir, que trois mois de parleries de ces messieurs (LA VARENDE, Man' d'Arc, 1939, p.135). Ponge s'est aperçu qu'on ne pouvait creuser longtemps les mots à vide; il s'est détourné de la grande parlerie surréaliste qui a consisté pour beaucoup à choquer des mots sans objets les uns contre les autres (SARTRE, Sit. I, 1947, p.253). 2. Parlophone, subst. masc. Dispositif acoustique situé à la porte d'un immeuble et permettant, avant d'y pénétrer, de se mettre en communication avec l'un de ses occupants. Tous les studios sont livrés meublés et décorés, cuisine équipée, salle de bains complète, avec ascenseur, chauffage central, parlophone (Le Point, 14 juin 1976, p.120, col.1).
Prononc. et Orth.: [], (il) parle []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 937-952 parfait parla (Jonas, éd. G. de Poerck, 21). I. Intrans. A. 1. a) 2e moitié Xes. «(en parlant d'une personne) user de sons articulés propres au langage humain» (St Léger, éd. J. Linskill, 161: Am las lawras li fai talier Hanc la lingua quae aut in quev [...] Hor a perdud don deu parlier); 1174-76 (GUERNES DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, éd. E. Walberg, 71: Li müet i parolent, li surt i unt l'oïe); b) ca 1100 «s'exprimer à l'aide de ces sons» (Roland, éd. J. Bédier, 3784: Ben set parler [Pinabel] e dreite raisun rendre); 1174-87 trop parlanz, bien parlanz (CHRÉTIEN DE TROYES, Perceval, éd. F. Lecoy, 1647, 7721); 1641 loc. généralement parlant (DESCARTES, Méditations, VIe ds OEuvres, éd. A. Bridoux, p.325); 2. spéc. a) fin Xes. faire «connaître sa volonté par une déclaration, un discours, en vue d'être entendu, obéi» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 106: [Jesus li bons] Tan dulcement pres a parler [...] A cel sopar un sermon fiz); ca 1100 (Roland, 426; 675; 752); b) 1174-76 «s'entretenir, conférer, échanger des avis avec quelqu'un» (GUERNES DE PONT-STE-MAXENCE, op. cit., 1781: Dunc alerent ensemble li evesque parler); c) 1646 «faire connaître, révéler ce qui devrait être tu» (CORNEILLE, Héraclius, II, 1: Vous êtes fille, Eudoxe et vous avez parlé); 3. accompagné d'un compl. d'obj. indir. parler de a) fin Xes. de aucune rien (Passion, 452: De regnum Deu semper parlet [Jesus]); b) ca 1100 d'aucun (Roland, 522: De Carlemagne vos voeilloïr parler); 4. avoir une conversation avec quelqu'un a) parler ab, a «avec» fin Xes. (Passion, 260: Ab les femnes pres a parler; 402: Si parlet a las femnes, dis); ca 1050 (St Alexis, éd. Chr. Storey, 448: Set a mei sole vels une feiz parlasses); ca 1100 (Roland, 369: Par grant saveir parolet li uns a l'altre); b) ca 1165 parler de... a (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, 5542 ds T.-L.); 1174-76 (GUERNES DE PONT-STE-MAXENCE,op. cit., 1786). B. S'exprimer par écrit. Traiter d'un sujet 1. ca 1050 en parlant d'un auteur (St Alexis, 15); 2. 1174-87 en parlant d'un écrit «traiter, disserter de» (CHRÉTIEN DE TROYES, op. cit., éd. F. Lecoy, 6289); ca 1208 (GEOFFROI DE VILLEHARDOUIN, Conquête de Constantinople, éd. E. Faral, 8); ca 1260 letre bien parlant (Récits d'un Ménestrel de Reims, 229 ds T.-L.). C. P. anal. 1. ca 1050 le sujet est une statue figurant une personne (St Alexis, 183: Est vus l'esample par trestut le païs, Que cele imagine parlat pur Alexis); 2. ca 1100 un animal (Roland, 2559: Cascun [ours] parolet altresi cume hum); ca 1180 (MARIE DE FRANCE, Fables, 51, 18 ds T.-L.); 3. 1634-36 un instrument de musique tuiau [d'orgue] qui parle bien (MERSENNE, 1. 6 ds RICH. 1680). D. 1. 1556 le sujet est une chose à laquelle on prête un langage, une signification (RONSARD, Nouvelle continuation des ,,Amours``, Sonet, 12 ds OEuvres, éd. P. Laumonier, t.7, p.254: icy toute chose ayme, Tout parle de l'amour, tout s'en veult enflammer); 1680 armes parlantes (RICH.); 1633 fig. (BERTAUT, OEuv., p.603 ds GDF. Compl.: Leur vie est un parlant exemple); 2. 1665 une abstraction à laquelle on prête une faculté d'expression «s'imposer, commander» (RACINE, Alexandre, I, 2: Et, quand la gloire parle). E. 1661 «s'exprimer par un moyen naturel autre que la parole» (MOLIÈRE, D. Garcie, I, 1: Un soupir, un regard, une simple rougeur, Un silence est assez pour expliquer un coeur: Tout parle dans l'amour); 1654 part. prés. adj. parlant (PERROT D'ABLANCOURT, Lucien, De la danse ds LITTRÉ: [en parlant d'un pantomime] cet homme avoit le corps et les mains parlantes). II. Trans. A. parler mot «dire un mot» fin Xes. (Passion, 478: De Crist non sabent mot parlar [Li soi fidel]); ca 1180 [en parlant d'un oiseau] parler les matinees «dire les matines» (MARIE DE FRANCE, Fables, 56, 7 ds T.-L.). B. Employer pour s'exprimer dans telle ou telle langue fin Xes. (Passion, 459: Lingues noves il parlaran et dïables encalceran); ca 1200 savoir parler latin et roman (Aiol, 276 ds T.-L., s.v. latin); 2e moitié XIII parler Franchois (Antéchrist, I, 3 ds T.-L., s.v. françois). C. Aborder, traiter tel ou tel sujet [avec un compl. sans art.] 1re moitié XIIes. parler pais [pacem loqui] (Psautier de Cambridge, 27, 3, ibid.); 1613 (RÉGNIER, Satires, XV, 58, éd. G. Raibaud, p.200: Et sans parler curé, doyen, chantre ou Sorbonne). D. p.ell. 1672 parler Vaugelas (MOLIÈRE, Femmes savantes, II, 7). E. Prononcer, dire sur le ton de la conversation 1768 (VOLTAIRE, Lettre à d'Argental, 18 nov. ds Corresp. éd. Th. Besterman, t.34, p.141: C'est une tragédie [Les Guèbres] qu'il faut plutôt parler que déclamer). Du lat. chrét. de basse époque parabolare (dér. de parabola, v. parole), relevé dans des textes jur. et hagiographiques tardifs (678-79 «parler» Visio S. Baronti; 853 «conférer ensemble» Capit. miss. Silvac. ds NIERM.). Ce verbe a éliminé les class. loqui grâce à sa forme plus étoffée et à son sens plus concret et fabulari, v. hâbler. Pour la généralisation des formes faibles (type il parole > il parle), v. FOUCHÉ Morphol., pp.13-15, 142. V. aussi R. CHATTON, Zur Geschichte der romanischen Verben für ,,sprechen``, ,,sagen`` und ,,reden``, Bern, 1953. Fréq. abs. littér.: 72912. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 93766, b) 99643; XXes.: a) 108012, b) 111726. Bbg. CORNU (J.). Rem. sur l'anc. conjug. du verbe parler. Romania. 1875, t.4, pp.457-460. —LANLY (A.). Morphol. historique des verbes fr. Paris, 1977, pp.130-131. —MULLER (Ch.). Dans notre courrier. Fr. Monde. 1965, p.56; Les Verbes les plus fréquents du fr. Fr. Monde. 1974, n° 103, pp.14-17. —QUEM. DDL t.9, 10, 13, 14, 18, 19 (s.v. parlons), 20, 24 (s.v. parlophone). —SCHMIDT (A.). Die Verbalabstrakta der Wortfamilie parler. Diss. Bonn. 1971, 210 p.
II.
⇒PARLER2, subst. masc.
A.Vx. Faculté de parler. Les premières leçons de la vue, du goût, du toucher, du marcher et du parler (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p.285).
B. —Manière de parler. Ils se seraient presque avoué, si elle eût été moins à la mode, que son parler avait quelque chose d'un peu coloré pour la délicatesse féminine (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p.308). Exquis souvenirs que ceux de cette enfance où son parler ne différait pas du patois des petits paysans! (CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p.34):
♦ Des vocabulaires entiers sont gâtés par l'anglais. Tous les jeux, tous les sports sont devenus d'une inélégance verbale qui doit les faire entièrement mépriser de quiconque aime la langue française. Coaching, yachting, quel parler!
GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, p.86.
[Constr. avec un adj. spécifiant la nature, la qualité de l'expr., du style] Parler incorrect, commun; parler affecté, recherché, vulgaire; parler obscur, ambigu. On causait, ce soir, rue de Berri, du parler spécial aux gens des clubs, du parler ayant quelque chose du parler de l'acteur en scène (GONCOURT, Journal, 1887, p.666). Le parler soudainement agressif, Angélina lui demande: —De quoi c'est que t'as à te plaindre de lui s'il est si bon travaillant? (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p.38).
Avoir son franc-parler.
[Constr. avec un adj. spécifiant la nature de la prononc.] Parler mal articulé, guttural, rude, saccadé. L'accent faubourien de Barque (...) se croise avec l'accent quasi belge et chantant de ceux de «ch'nord» venus du 8e territorial, avec le parler sonore, roulant sur les syllabes comme sur des pavés, que nous versa le 144e (BARBUSSE, Feu, 1916, p.22). Son parler très fin, légèrement rude, laissait voir qu'elle était née quelque part à la vie terrestre et que c'était en Toscane (JOUVE, Paulina, 1925, p.173).
Rem. On relève un empl. en parlant d'oiseaux: Les cavaliers zézayaient à l'andalouse, langue molle, coulante et imprononcée, où on supprime les consonnes parce qu'elles demandent un peu d'effort, ce que doivent faire aussi dans leur parler les oiseaux (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p.414).
C.LING. Ensemble des moyens d'expression utilisés par un groupe social, dans un cadre géographique restreint, par un groupe, à l'intérieur d'un domaine linguistique donné; variété d'une langue utilisée par un groupe social déterminé. Parlers locaux, provinciaux, régionaux; parler populaire; parlers ruraux, urbains, spéciaux. Votre voix a des sons dérivés Du parler berrichon lent et mélancolique (CROS, Coffret santal, 1873, p.98). L'opinion de Malherbe sur l'excellence du parler de la place Maubert a toujours sa valeur, et il y a un usage obscur qui souvent sera l'usage universel (GOURMONT, op.cit., p.135). Nous trouverons dans les divers parlers locaux que les voyelles du français sont généralement altérées selon les provinces (VALÉRY, Variété III, 1936, p.279).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. 1160-74 «manière de parler, de prononcer» (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, II, 1916); 2. ca 1165 «ce qui est dit, paroles» (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, 19605 ds T.-L.); 3. ca 1250 «manière de s'exprimer» (ROBERT DE BLOIS, Chastoiement des Dames, éd. J.H. Fox, 13); 4. av. 1784 «manière de parler particulière à une région» (DIDEROT, Mém., t.III, p.175 ds LITTRÉ). Subst. de parler1.

1. parler [paʀle] v.
ÉTYM. Xe, parlier; lat. ecclés. parabolare. → Parole.
———
I V. intr.
A
1 Articuler les sons d'une langue naturelle. || L'espèce humaine est douée de la faculté de parler. Parole (→ Agent, cit. 2; bête, cit. 3; caractère, cit. 13). || Enfant qui commence à parler, qui apprend à parler (→ Développement, cit. 2; naissance, cit. 2). || Babillage, lallation de l'enfant qui ne parle pas encore. || Muet, idiot (cit. 11) qui ne peut pas parler. || Refus; impossibilité de parler. Mutacisme, mutisme, mutité. || Incapacité momentanée de parler (→ Abattement, cit. 4; honneur, cit. 19; ivre, cit. 2; œil, cit. 1). || Ouvrir la bouche comme pour parler (→ 2. Mort, cit. 5). || Empêcher qqn de parler. Bâillonner (fig.), taire (faire). || Parler distinctement. Articuler (cit. 6); et aussi articulation, (cit. 7). || Parler en détachant, en martelant les syllabes, en psalmodiant. || Parler de façon défectueuse. Bafouiller, balbutier, bégayer, bléser, bredouiller (cit. 1), chevroter, grailler, zézayer; lambdacisme, rhotacisme || Parler gras (cit. 32 et 35). Grasseyer (cit. 1). || Parler de façon confuse, entre ses dents. Marmotter (→ Intonation, cit. 5). || Parler bas (1. Bas, cit. 83), à voix basse, à mi-voix… Baisser (le ton, la voix), chuchoter, murmurer (→ Appartenir, cit. 13; apprivoiser, cit. 11; éteindre, cit. 56). || Parler du bout (cit. 7) des lèvres. || Parler haut (cit. 103, 104 et 106). → Avoir le verbe haut. || Parler à voix haute; parler fort (→ Audience, cit. 13, Chamfort; éclat, cit. 7; égosiller (s'), cit. 1; indescriptible, cit. 3). Brailler, crier, gueuler, voix (élever la). || S'égosiller, s'enrouer à force de parler. || Ne parlez pas si fort, vous nous cassez les oreilles. || Gesticuler en parlant. || Parler vite, avec volubilité…Parler du nez. Nasiller. || Ventriloque parlant la bouche presque fermée. || Parler avec un accent, avec des intonations (→ Joyeuseté, cit. 2; 2. mal, cit. 12).Imiter le langage humain, en parlant d'un cri d'animal. || Faire parler un perroquet.
1 (…) on voit que les pies et les perroquets peuvent proférer des paroles ainsi que nous, et toutefois ne peuvent parler ainsi que nous, c'est-à-dire en témoignant qu'ils pensent ce qu'ils disent; au lieu que les hommes qui, étant nés sourds et muets, sont privés des organes qui servent aux autres pour parler (…) ont coutume d'inventer d'eux-mêmes quelques signes par lesquels ils se font entendre à ceux qui étant ordinairement avec eux ont loisir d'apprendre leur langue.
Descartes, Discours de la méthode, V.
2 Tout parle en mon ouvrage, et même les poissons.
La Fontaine, Fables, Dédicace à Mgr le Dauphin.
3 Il parlait avec difficulté à cause d'un râtelier qu'il portait seulement depuis peu (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 238.
Loc. On dirait qu'il va parler, réflexion populaire à propos d'un portrait fidèle, d'une peinture réaliste.
Par plaisanterie :
3.1 De près, ma pochade ressemble à un vieux gant ou à une poire. À un mètre, c'est l'écureuil dans ses moindres détails (…) la noisette se détache comme si elle était réelle. « On dirait qu'elle va parler », selon la formule de Boulard.
J. Dutourd, Pluche, VIII, p. 76.
2 S'exprimer en usant de ces sons articulés. Langage, langue, parole. || Parler de façon à être compris, sans être compris… (→ Apprêt, cit. 11; après, cit. 19; clairement, cit. 3; humaniser, cit. 1).Parler clair, clair et net. || Penser et parler (→ Autant, cit. 19; désapprouver, cit. 3; futilité, cit. 3; main, cit. 18). || Parler et écrire (→ Arriver, cit. 73; écrire, cit. 51; expression, cit. 9; latin, cit. 4; légèreté, cit. 13). || Liberté (cit. 29) de parler et d'écrire (→ Abus, cit. 3). || Par écrit ou en parlant. Oralement (→ De vive voix). || Parler ou écouter (→ Attention, cit. 10; conversation, cit. 9; écouter, cit. 13; 1. garde, cit. 32). || Parler ou se taire. || « Il est bon (cit. 104) de parler et meilleur de se taire ».S'écouter parler (→ Latin, cit. 2). — ☑ Loc. On sait ce que parler veut dire (→ Galéjade, cit. 2).Besoin, démangeaison (cit. 5) de parler. || Interrompre celui qui parle. || Répliquer à celui qui parle. || N'avoir pas besoin de parler pour s'exprimer. || Parler et agir (cit. 12).
4 (…) s'il y a beaucoup d'art à savoir parler à propos, il n'y en a pas moins à savoir se taire. Il y a un silence éloquent (…)
La Rochefoucauld, Réflexions diverses, 4.
5 (…) le Français parle encore plus qu'il n'agit, ou du moins (…) il donne un bien plus grand prix à ce qu'on dit qu'à ce qu'on fait.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, IIe partie, XVII.
6 S'il faut agir, prodigue-toi; s'il faut parler, ménage-toi; en agissant, crains la paresse, et en parlant, crains l'abondance, l'ardeur, la volubilité.
Joseph Joubert, Pensées, VIII, LXXIII.
7 Il (Simon Giguet) s'écoutait parler, il prenait la parole à tout propos, il dévidait solennellement des phrases filandreuses et sèches qui passaient pour de l'éloquence dans la haute bourgeoisie d'Arcis.
Balzac, le Député d'Arcis, Pl., t. VII, p. 649.
8 Nous ne parlions pas. Que se disent deux cœurs qui s'aiment ? Rien. Mais nos yeux exprimaient tout.
Lautréamont, les Chants de Maldoror, III.
9 Évidemment. Parler ne devrait être qu'un moyen d'agir (…) Mais, tant qu'on ne peut pas agir, c'est déjà faire quelque chose que de parler (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 96.
10 Si au contraire, dès que je parle, j'ai l'angoissante certitude que les mots m'échappent et qu'ils vont prendre là-bas, hors de moi, des aspects insoupçonnables, des significations imprévues, n'est-ce pas qu'il appartient à la structure même du langage de devoir être compris par une liberté qui n'est pas la mienne ?
Sartre, Situations I, p. 236.
10.1 (…) ceux qui parlèrent sans écrire ont payé de leur vie cet acte destructeur de la Loi, créateur de temps et d'événements : Socrate, le Christ, peut-être Jeanne d'Arc.
Henri Lefebvre, la Vie quotidienne dans le monde moderne, p. 329.
Parler en une langue, s'exprimer (occasionnellement) dans cette langue. || Parler en français, en grec… || Il ne me parlait qu'en latin (→ 1. Coulant, cit. 2). || Parler en… suivi du nom d'une langue (→ Habituellement, cit. 2; humanité, cit. 17). → aussi la construction parler français (ci-dessous, II, 1.)
Parler peu (→ Écouter, cit. 4; gendarme, cit. 8), parler bref. Laconisme. || Parler beaucoup, aimer à parler. Bavard, loquace, parleur, prolixe, verbeux.Parler pour parler, pour le plaisir de parler. Bavarder; jaser, pérorer (→ Tailler des bavettes). — ☑ Loc. Parler pour ne rien dire, pour amuser le tapis (→ Amuser, cit. 2; beaucoup, cit. 1).Il parle (bavarde) comme une pie. — ☑ (1791). Parlons peu et parlons bien : réglons la question rapidement.Parler beaucoup et sans réflexion (→ Discourir, cit. 4). || Parler diffusément. || Trop parler (→ Latin, cit. 7). — ☑ Prov. Trop parler nuit, trop gratter cuit.Parler avec animation, avec facilité. → N'avoir pas la langue dans sa poche. || Parler inutilement. → Dépenser beaucoup de salive. || Parler tous à la fois (→ Métropolitain, cit. 5). || Parler tout seul. Monologue, soliloque. || Ne pas parler. Silence (garder le), taire (se); et → Ne pas desserrer les dents. || Nous marchions (cit. 44) sans parler. || « Souffre et meurs sans parler » (→ Énergiquement, cit.).
11 Généralement les gens qui savent peu parlent beaucoup, et les gens qui savent beaucoup parlent peu.
Rousseau, Émile, IV.
12 Un jour que l'on ne s'entendait pas dans une dispute à l'Académie, M. de Mairan dit : « Messieurs, si nous ne parlions que quatre à la fois. »
Chamfort, Caractères et Anecdotes, « Dispute à l'Académie ».
12.1 On parle toujours pour ne rien dire : parler est s'occuper de choses superficielles. Je n'ai pas parlé sérieusement depuis des années. Avec les bonzes, oui, mais d'une façon (…) professionnelle. Je lis, et ce n'est pas la même chose. Je tiens beaucoup de dialogues imaginaires. J'ai tort. J'aime notre conversation; je ne l'aurai peut-être jamais plus.
Malraux, Antimémoires, p. 462.
Loc. fam. Parle toujours, tu m'intéresses !, se dit à quelqu'un dont on a cessé d'écouter ce qu'il dit, ou d'en tenir compte. Ellipt. || Ça va, parle toujours, mon vieux !
12.2 « Il faut cesser tous les excès, tu me comprends ? » Elle hochait la tête comme une vieille piquée, avec un air de dire : « Parle toujours, tu m'intéresses. »
Marie Cardinal, les Mots pour le dire, p. 325.
(Relativement à la langue, au style). REM. Dans ces emplois, Parler s'emploie souvent pour « s'exprimer » oralement ou non. → ci-dessous, II. — Parler bien, mal (→ Avoir, cit. 76, La Bruyère; dire, cit. 109; esprit, cit. 155; exercer, cit. 12). || L'art de bien parler. Orthologie, rhétorique. || Parler purement, correctement (cit. 1; et → Gasconner, cit.; grammairien, cit. 3). || « Leur règle n'est pas de parler juste » (→ Antithèse, cit. 1, Pascal). || Parler incorrectement, parler mal, mal parler. Charabia, galimatias. || On consulte un dictionnaire (cit. 6) pour apprendre comment aujourd'hui l'on parle et l'on écrit. || Parler gras (cit. 10), grossièrement, avec grossièreté. || Parler d'une façon décousue (→ Aller par sauts et par bonds). || Manières, façons (cit. 12) de parler. Expression, idiome, locution (→ Atticisme, cit. 1; chacun, cit. 15; copier, cit. 8; enregistrer, cit. 2; finir, cit. 10). — ☑ (Avec ainsi; loc.). Si j'ose ainsi parler, si je puis parler ainsi, s'il est permis de parler ainsi (→ Dépositaire, cit. 6; immensurable, cit. 1; inhérent, cit. 1; intellectuel, cit. 2). || Pour ainsi parler (→ Approcher, cit. 6; dissoudre, cit. 3). — ☑ C'est une façon (cit. 17) de parler. || Pour parler exactement, plus exactement (→ Absolument, cit. 1). || Pour parler comme telle personne, pour employer son expression, pour le citer (→ Apaisement, cit. 1; démocratie, cit. 8; gorge, cit. 10; nommer, cit. 13).À proprement parler (→ Assimiler, cit. 20; département, cit. 1; dépôt, cit. 2; fierté, cit. 3; funambulesque, cit. 2). || Il faut écrire (cit. 49) comme on parle (→ Demeure, cit. 5). — ☑ Loc. Parler comme un livre (cit. 36).Parler comme une grande personne (→ 1. Faux, cit. 40).
13 Quand on se fait entendre, on parle toujours bien.
Molière, les Femmes savantes, II, 6.
14 J'ai connu des familles où l'on parlait aussi bien mais pas une où l'on parlât mieux que dans la mienne. Ce n'est point à dire qu'on n'y fît pas communément les huit ou dix fautes dauphinoises.
Stendhal, Vie de Henry Brulard, 29.
15 (…) et si les cœurs qui se brisent et qui saignent étaient autre chose que des façons de parler, à l'usage des poètes, je vous jure qu'on aurait pu trouver derrière moi, sur la plaine blanche, une longue trace de sang.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, I, XII.
(Relativement aux dispositions intellectuelles ou morales de celui qui s'exprime). Tenir des propos (de telle ou telle nature). || Parler avec assurance, confiance, conviction, passion… || Parler crûment, sec, sèchement, vertement, hardiment (→ Et, cit. 22), sans ménager ses termes. || Parler sans s'émouvoir (cit. 21)… || Parler comme un oracle. Vaticiner. || Parler avec circonspection, par sous-entendus, à mots couverts, de façon embarrassée, équivoque ( Circonlocution, circonvolution, périphrase, tortillage). → Tourner autour du pot. — Parler par allusions… — ☑ Loc. Parler à cœur (cit. 137) ouvert (→ Naïveté, cit. 1; noble, cit. 1).Parler selon sa conscience (cit. 13), sans fard (cit. 8), contre sa pensée (→ Farder, cit. 7)… || À parler franc. || Parler net. — ☑ Loc. Parler d'or (cit. 29), d'une manière excellente, sage.Parler raisonnablement, en connaissance de cause, par expérience (→ Misogynie, cit. 1)… || Parler en pesant ses mots. || Parler précieusement, avec affectation, prétention. Phrase (faire des). || Parler doctoralement. Dogmatiser; sentencieux. || Parler étourdiment, à tort et à travers, à la légère, au hasard, en l'air, à contretemps, hors de propos… Divaguer. — ☑ Loc. Parler à bâtons rompus.Parler sur un certain ton. Prendre; → Demande, cit. 1. || Parlez-vous sérieusement ? || Parler en plaisantant, pour rire. Badiner, blaguer. || Se répéter en parlant. Rabâcher, radoter.Parler en…, comme un…, en tant que… || Parler en artiste (→ Méconnaissable, cit. 2), parler en homme (→ Naïf, cit. 4).
(En marquant les dispositions bienveillantes ou malveillantes de celui qui parle). || Parler pour quelqu'un, en sa faveur. Intercéder, plaider (→ Aujourd'hui, cit. 11). || Parler contre quelqu'un. Attaquer, invectiver, nuire.REM. Ne pas confondre avec parler pour au sens de parler au nom de… Pour qui parles-tu, pour toi ou pour les autres ?
Parlant, précédé d'un adv. (1644) : en s'exprimant de telle manière. || Généralement parlant, en parlant de façon générale, d'un point de vue général (→ Apprendre, cit. 25). || Absolument (→ Oiseau, cit. 4), strictement parlant. || Moralement (cit. 2) parlant. || Militairement, financièrement parlant (→ Non-sens, cit. 1; folie, cit. 26). || Littérairement parlant (→ Journal, cit. 8).
16 Le seul être avec lequel il communiquait, socialement parlant, était moi (…)
Balzac, Gobseck, Pl., t. II, p. 625.
3 Spécialt. a Parler pour faire connaître sa volonté, de manière à être obéi. Commander. || « Mais un devoir austère (cit. 13) / Quand mon père a parlé, m'ordonne de me taire » (Racine). || Vous n'avez qu'à parler, on vous obéira (→ N'avoir qu'un mot à dire). — ☑ Voilà qui s'appelle parler ! Ça c'est parler !, se dit de quelqu'un qui parle avec autorité et sans réplique.Parler ferme, en maître (cit. 26 et supra).On n'a qu'à parler pour l'obtenir : c'est une chose simple, facile à obtenir, à avoir.
17 (…) je n'avais qu'à parler pour avoir tout ce que je souhaitais de mon père !
Molière, l'Amour médecin, I, 4.
18 Dieu parle, et d'un mortel vous craignez le courroux !
Racine, Esther, I, 3.
19 Dieu parle, il faut qu'on lui réponde.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Tristesse ».
20 — Quel compère ! s'écria Hulot, c'est comme à l'armée d'Italie, il sonne la messe et il la dit. Est-ce parler, cela ?
Balzac, les Chouans, Pl., t. VII, p. 819.
b Parler pour donner ou échanger un avis. || Avec lui, c'est toujours le dernier qui parle qui a raison ! (→ Conteste, cit. 2). || Il a parlé à la dernière réunion et son intervention a été remarquée. || Parler à son tour. || Parler dans tel ou tel sens (→ Discréditer, cit. 3). || Parler pour, contre… (→ Mutilation, cit. 5). || Parler net, avec netteté (cit. 6). Trancher (→ Offrir, cit. 11).
c Parler en public. Allocution, conférence, discours, speech; déclamer, discourir, improviser, parole (avoir, prendre la)… || L'art de parler en public. Débit, élocution, éloquence; oratoire (→ Diction, cit. 4; dire, cit. 21). || Parler à la tribune. || Parler à la radio ( Speaker). || Facilité de parler. Brio, faconde, verbosité (→ Éloquence, cit. 4 et 9). || Parler face à une foule (→ Gammée, cit. 2; officiel, cit. 1). || Les orateurs qui ont parlé contre la tyrannie (→ Flatter, cit. 46). || Parler avec force, avec véhémence, chaleur, feu, flamme, fougue… Tonner. || Parler avec emphase, grandiloquence… Tirade.Parler d'abondance, sans notes. || Parler ex cathedra. || Parler au nom de son parti. Porte-parole. || À l'assemblée du peuple athénien tout homme pouvait parler (→ Démocratie, cit. 7). Chapitre (avoir voix au). || Orateur qui tousse, s'éclaircit la voix avant de parler.
21 Lafayette parla, froidement, sagement, puis Lally-Tollendal avec son entraînement irlandais, ses larmes faciles.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., II, I.
22 Autant il (Jaurès) avait de joie exubérante et saine (…) quand il parlait pour convertir, autant ceux qui le connaissaient bien devinaient en lui un arrière-plan de sincère tristesse quand il parlait pour combattre.
Ch. Péguy, la République…, p. 20.
d Révéler ce qu'on tenait caché. fam. Accoucher, jacter, sac (vider son), table (se mettre à); morceau (manger le); → Accuser, cit. 22; dénoncer, cit. 6. || Parler pour s'épancher (cit. 24), pour se soulager. || Parleras-tu enfin ? (→ Entendre, cit. 24). || Je lui avais recommandé de ne point parler (→ Causeur, cit. 3). Indiscret. || Parler sous la torture, sous la menace. || Faire parler quelqu'un (→ Biaiser, cit. 8; essayer, cit. 23). Délier, dénouer (la langue), jaser (faire), tirer (quelque chose de quelqu'un). || La police saura bien le faire parler ! Confesser, ver (tirer les vers du nez).
23 Un remords le harcelait d'avoir dit cette chose à Jean. Il se jugeait odieux, malpropre, méchant, et cependant il était soulagé d'avoir parlé.
Maupassant, Pierre et Jean, IX.
(Cartes). Annoncer, déclarer son jeu. || À vous de parler ! || Vous n'aviez pas un jeu à parler. || Ne pas parler. Parole (passer), passer.
4 Parler de (qqch.). Prononcer des paroles, des discours relatifs à… Attaquer (un sujet), citer, mentionner, nommer, tenir (des discours, des propos). || Parler d'une chose, d'un événement, d'un sujet… (→ Cerveau, cit. 5; goujat, cit. 1; gourmandise, cit. 11; 2. idéal, cit. 18; médiocrité, cit. 8). || Toute la ville en parle (→ Honte, cit. 5). || Parler de choses et d'autres, de la pluie et du beau temps. || Parler de niaiseries, de banalités. Débiter. || Oublier de parler de son sujet : se perdre en digressions. || Parler de littérature, de peinture, de voyages. || Parler d'amour (voir rem., infra). || Parler continuellement de… Tarir (ne pas).Je veux parler de… : je fais allusion à…, il est question dans ma pensée de… Dire (vouloir dire). || Je ne parle pas de… : je ne fais pas allusion à… (→ Différence, cit. 9), je passe sous silence… (→ Campement, cit. 1). Prétérition. || En parlant de… : quand il s'agit de… (→ Docte, cit. 1; gribouillage, cit. 1). || Sans parler de… : pour ne rien dire de…, sans tenir compte de… Indépendamment, outre (→ Fonction, cit. 4).Parlons-en !, se dit ironiquement.N'en parlons plus : laissons cela, c'est une affaire entendue.Cela ne vaut pas la peine d'en parler : c'est une chose insignifiante, sans importance. || Croyez-moi, on en parlera : c'est une chose qui fera du bruit (→ Nullement, cit. 1).Parler d'une chose comme un aveugle (cit. 41) des couleurs (sans rien en connaître).En parler à son aise.Entendre parler (vx, ouïr parler) de quelque chose. — ☑ (1680, in D. D. L.). Prov. Il ne faut pas parler de corde dans la maison d'un pendu.Quand on parle du loup, on en voit la queue.
24 Or, quel est le principe fondamental du gouvernement démocratique ou populaire ? (…) C'est la vertu, je parle de la vertu publique (…) de cette vertu qui n'est autre chose que l'amour de la Patrie et de ses lois.
Robespierre, Discours du 7 févr. 1794.
25 (…) celui-ci lui dit jovialement : « Appelez-moi mon gendre, et n'en parlons plus ! » Par la suite on tint pour entendu que Paul (M. Gilson-Quesnel) était fiancé à Diane, et on n'en parla plus.
Aragon, les Cloches de Bâle, I, II.
(Au passif). || Il sera beaucoup parlé de ce voyage, il en sera parlé, on en parlera beaucoup. || Il n'était parlé de la franc-maçonnerie qu'avec circonspection (→ Fréquenter, cit. 10).
26 Il ne fut pas tout d'abord parlé de ce jeune béjaune, mais bien de son frère aîné (…)
Huysmans, En ménage, XII.
Pron. || Il (cit. 28) ne se parlait parmi eux que de faux Christs.
(XVIIe; → Œcuménique, cit. Bossuet). || Parler de (suivi d'un nom sans prédéterminant). Prononcer, employer le mot de. || Dans ce cas, il vaudrait mieux parler d'orgueil que de timidité ( Dire, énoncer, prononcer). || Dès qu'il parlait, c'était de… (→ Cauchemar, cit. 5). || Ils osent parler de liberté (→ Ameuter, cit. 2). || L'athée (cit. 4) parle toujours de religion. || On parle sans cesse de bourgeoisie (cit. 2), mais… || Lorsque le profane parle d'hérédité (cit. 12) humaine… || Difficulté n'est pas le bon mot, il serait juste de parler d'inconfort (cit. 2).REM. On ne doit pas confondre cette construction avec des expressions comme parler d'amour, de littérature, où l'absence d'article est due au caractère général de ce dont on parle. || « À force de parler d'amour, l'on devient amoureux » (cit. 3, attribuée à Pascal; → aussi Fantôme, cit. 6; faveur, cit. 31; ainsi que le tour parler poésie, ci-dessous II., 2.).
27 Et vous parlez d'individus, pauvres philosophes ! (…) Que voulez-vous donc dire avec vos individus ? Il n'y en a point (…) Il n'y a qu'un seul grand individu, c'est le tout (…) quand vous donnerez le nom d'individu à cette partie du tout, c'est par un concept aussi faux que si, dans un oiseau, vous donniez le nom d'individu à l'aile (…) Et vous parlez d'essences, pauvres philosophes ! laissez là vos essences.
Diderot, Rêve de d'Alembert, Pl., p. 930-931.
(1549). || Parler de (suivi d'un inf.). Annoncer, plus ou moins vaguement, l'intention, la possibilité de… (→ Intérieurement, cit. 2; infracteur, cit.; lot, cit. 1; miséricorde, cit. 3; nettoyer, cit. 17; novateur, cit. 1; obtenir, cit. 2). || Il parlait d'émigrer au Canada. || « Qui parle d'offenser grand-père ni grand-mère ? » (→ Grammaire, cit. 1, Molière). || Ce grigou (cit. 2) ne parle pas de me mettre sur son testament. Oublier.
28 On parlait cependant beaucoup de rendre la capitale plus commode, plus propre, plus saine et plus belle qu'elle ne l'était : on en parlait, et on ne faisait rien.
Voltaire, Dialogue, I.
29 Rancé courut de semblables dangers : aussitôt qu'il eut parlé de réforme, on parla de le poignarder, de l'empoisonner, ou de le jeter dans les étangs.
Chateaubriand, Vie de Rancé, p. 91.
30 Alors Hamilcar fit planter des croix pour ceux qui parleraient de se rendre (…)
Flaubert, Salammbô, XIII.
Parler de qqn (→ Amitié, cit. 24; gêner, cit. 25; hésiter, cit. 19). || Parler de soi avec complaisance, avec forfanterie ( Hâbler). || « On aime mieux dire du mal (3. Mal, cit. 31, La Rochefoucauld) de soi-même que de n'en point parler ». || « Un homme modeste (cit. 4, La Bruyère) ne parle point de soi » (→ Indiscrétion, cit. 4). || On parle de lui, les oreilles doivent lui tinter. || Ne parler mal (cit. 8) de personne, ne dire du mal de personne. Blâmer, calomnier, critiquer, déblatérer. || Entendre (cit. 45) parler de quelqu'un. || Parler de quelqu'un en bien. Louer, vanter.
31 Les oreilles ont dû vous tinter, monsieur, lui dit-elle, pendant le voyage que nous avons fait avec Mme Verdurin. On ne parlait que de vous.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. II, p. 211.
32 Mais il y a toujours quelque ridicule à parler de soi, et juger de son propre personnage est aussi difficile que de se voir de dos dans un miroir de poche.
Claudel, Positions et Propositions, t. I, p. 244.
Des gens célèbres, des gens dont on parle (→ Individu, cit. 25), qui sont l'objet de commentaires flatteurs. || Un jeune romancier qui fait beaucoup parler de lui. || Homme médiocre (cit. 7) qui avec de l'adresse arrive à faire parler de lui. Bruit, réputation.Péj. || Des femmes rejetées par leur milieu « parce qu'on parlait d'elles » (→ Abreuver, cit. 9). Médire. || Il, elle a fait beaucoup parler de lui, d'elle, on en a dit beaucoup de mal (en particulier sur sa conduite, sa vie privée). → aussi Galanterie, cit. 17. Défrayer (la chronique).
33 (…) cette estimable feuille qui, semblable aux Académies de province, en fille bien élevée, selon le mot de Voltaire, ne faisait jamais parler d'elle.
Balzac, Illusions perdues, Pl., t. IV, p. 974.
34 « Faire parler d'elle », cette expression qui dans tous les mondes est appliquée à une femme qui a un amant, pouvait l'être dans le faubourg Saint-Germain à celles qui publient des livres, dans la bourgeoisie de Combray à celles qui font des mariages dans un sens ou dans l'autre « disproportionnés ».
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XV, p. 116.
5 Avoir une conversation avec quelqu'un. Causer, converser, deviser, dialoguer, discuter, entretenir (s').REM. Parler est le mot le plus général et le plus neutre socialement (causer est régional ou marqué; converser et deviser archaïques, littéraires…). || Parler avec les femmes d'un air doctoral (cit. 1). || Il avait toujours évité de parler de Berthe avec Marie (→ Garder, cit. 73). || Nous avons longuement parlé. Bavarder, giberner. || Elles parlaient de leur amie interminablement (cit. 1). || Nous avons à parler. Entrevue, explication. || Parler avec ses associés… Conférer.
35 (…) une petite ville (…) où l'on voit parler ensemble le bailli et le président (…)
La Bruyère, les Caractères, V, 50.
36 Si vous rencontrez un vrai Français, vous trouvez du plaisir à parler avec lui sur la littérature française (…)
Mme de Staël, De l'Allemagne, I, IX.
(1080). || Parler à qqn : s'adresser par la parole (à qqn) que cela aboutisse ou non à une conversation. Parole (adresser la). || « Être avec des gens qu'on aime… leur parler, ne leur parler point… » (→ Auprès, cit. 11, La Bruyère). || Parler à un inconnu. || Répondez donc quand on vous parle. || Tirer quelqu'un à part pour lui parler. || Parler à l'oreille de qqn, parler à qqn dans le tuyau de l'oreille. Souffler. || Laissez-moi vous parler sans ambages (cit. 2). || Moi (cit. 21) qui vous parle, j'ai connu… || Est-ce à votre cocher ou à votre cuisinier que vous voulez parler ? (→ Autre, cit. 106). || Il parlait à son corps comme on parle à un serviteur (→ Carcasse, cit. 5). || Ma mère ne me parle plus (→ Encre, cit. 2). || Parler durement. Rudoyer. || Qu'est-ce que c'est que ces manières de parler à un supérieur ? (→ Étouffer, cit. 13). || Je vous parle d'homme à homme (cit. 116). || Une de ces filles insignifiantes (cit. 7) à qui on ne parle pas. — ☑ Parler à la cantonade.Parler à un mur.Autant parler à un sourd.
37 Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
La Fontaine, Fables, V, 9.
38 J'ai voulu lui parler, et ma voix s'est perdue.
Racine, Britannicus, II, 2.
39 Quand une femme vous parle, écoutez ce que disent les yeux.
Hugo, Post-Scriptum de ma vie, « Tas de pierres », VI.
40 (…) de vieilles gens bavardes, qui ressassaient toujours les mêmes plaisanteries et se lançaient dans d'interminables discussions sur l'art, sur la politique, ou sur les généalogies des familles du pays, — bien moins intéressés par les sujets dont ils parlaient, qu'heureux de parler et de trouver à qui parler.
R. Rolland, Jean-Christophe, Le matin, I, p. 117.
Loc. Trouver à qui parler : trouver un interlocuteur qui sait répondre, répliquer, tenir tête. || Vous trouverez à qui parler, se dit en manière de menace.
41 Maxence avait donc en face un ennemi redoutable; il trouvait, selon le mot du pays, à qui parler.
Balzac, la Rabouilleuse, Pl., t. III, p. 1055.
42 (…) quant à notre duègne, elle est un peu sorcière, et si le diable vient, il trouvera à qui parler.
Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, II.
Vx. || Parler à moi, à lui… (au lieu de me, lui… parler). || Parlant à vous (→ Louche, cit. 1, Ronsard).
43 Mais il est mon époux, et tu parles à moi.
Corneille, Polyeucte, III, 2.
Pron. (Réfl.). || Se parler. || Un homme qui se parle à lui-même. Monologue (cit. 4. → Fourmiller, cit. 10; interlocuteur, cit. 2).(Récipr.). || Donner à deux amants l'occasion de se parler (→ Entremetteur, cit. 5). || Se voir chaque jour sans se parler (→ Fermenter, cit. 4). || Se parler sans feinte (→ Fois, cit. 1, Racine). || Ils ne se parlent plus : ils sont brouillés.
44 Il serait plus doux de se parler que de s'écrire; mais la destinée recule toujours le temps heureux où Paris doit nous réunir.
Voltaire, Correspondance, 702, 11 juil. 1741.
45 Il y a des gens de génie à Paris qui passent leur vie à se parler, et qui se contentent d'une espèce de gloire de salon.
Balzac, la Cousine Bette, Pl., t. VI, p. 321.
46 (…) ils se parlaient de plus en plus bas, la main toujours dans la main (…)
Loti, Pêcheur d'Islande, IV, VII.
47 Nous nous saluons, mais nous ne nous parlons pas.
Mot attribué à Voltaire, à Piron… à propos de Dieu. — « Il aurait été dit par un libre penseur surpris en train de se découvrir devant un crucifix » (Guerlac).
Parler de qqch. (de qqn), à qqn. || Je voudrais vous en parler. Mot (toucher un). || Il me parla de toutes sortes de sujets (→ Converser, cit. 2). || Ceux qui vous parlent de leurs amours (→ Farceur, cit. 5). || Il n'osa pas lui parler de l'affaire (→ Go, cit. 1). || « Vous me parlez toujours d'inceste (cit. 1) et d'adultère » (Racine). || Lorsqu'un médecin vous parle d'aider la nature (→ Médecine, cit. 2; et aussi ci-dessus 4., supra cit. 28 avec l'infinitif).Il m'a beaucoup parlé de vous et de votre frère… || C'est la femme dont il nous parlait l'autre jour.Par ext. || La Politique nous parle aussi de liberté (cit. 25, Valéry).
48 Nous nous taisions donc sur la pensée unique qui nous occupait constamment. Nous nous prodiguions des caresses, nous parlions d'amour; mais nous parlions d'amour de peur de nous parler d'autre chose.
B. Constant, Adolphe, V.
49 Nous marcherons ainsi, ne laissant que notre ombre
Sur cette terre ingrate où les morts ont passé;
Nous nous parlerons d'eux à l'heure où tout est sombre.
A. de Vigny, Poèmes philosophiques, « la Maison du berger », III.
Parlez-moi de cela, de ça ! : c'est une chose remarquable, excellente; vous me ferez plaisir en m'en parlant. || Parlez-moi d'un associé comme ça, c'est un plaisir de travailler avec lui. — ☑ Ne m'en parlez pas !, se dit avec une nuance d'agacement, de mépris, d'une chose désagréable sur laquelle on préfère se taire.Qu'on ne me parle plus de… : je ne veux plus entendre parler de…
50 Qu'on ne me parle plus de la méchanceté du monde. Un simple jeu de petite fille la rend anodine. Qu'on ne me parle plus de la fatalité, elle n'existe que par la veulerie des êtres. Ruses des hommes, désirs des dieux, ne tiennent pas contre la volonté et l'amour d'une femme fidèle (…)
Giraudoux, Amphitryon 38, II, 7.
Fam. (À la 2e pers. de l'indic. prés. seulement, avec une nuance de moquerie ou de colère, parfois aussi d'admiration). ☑ Tu parles ! (→ Antiphrase, cit. 2). || Tu parles, Charles ! || Bonne cuisinière, tu parles ! elle n'est pas fichue de faire cuire un œuf !Tu parles d'un idiot ! (→ Quel idiot !). || Tu parles de fumiers (cit. 11, Dorgelès), ces cuistots-là ! || Tu parles d'une guerre à la noix (cit. 7). || Toujours dernier, vous parlez d'un champion ! (→ Drôle de).(Exprimant l'admiration). || Elle est belle, n'est-ce pas ? Tu parles ! Comment (et comment !).
51 (…) ils vont brûler les documents secrets. Tu parles d'un secret : des ordres que j'ai tapés moi-même.
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 65.
B
1 S'exprimer (par écrit, par gestes; autrement que par la parole). || Apprendre aux muets (cit. 18) à parler par signes. || Se parler des yeux (cit. 41), du regard. || Leur mimique leur permettait de se parler et de se comprendre.Ainsi parle Littré (→ Ironie, cit. 1).
2 Parler de qqn, de qqch. : traiter par écrit de qqch., aborder par écrit qqch. || J'ai parlé des ruines d'Athènes (→ Amateur, cit. 3). || On a beaucoup parlé des cahiers (cit. 6) des États Généraux : il y a une littérature abondante sur la question. || J'ai réuni des coupures (cit. 5) de journaux qui parlaient de vous. || « Pourvu que je ne parle en mes écrits (cit. 7, Beaumarchais) ni de l'autorité, ni du culte… » || MM. de Port-Royal ont banni de leurs écrits l'usage de parler d'eux-mêmes… (→ Égoïsme, cit. 1). || Je voudrais pouvoir parler de cela dans la revue (→ Fin, cit. 42). || Vous ne m'en avez pas parlé dans votre dernière lettre (→ Ligoter, cit. 2). || Parler d'un camembert (cit.) en poésie ! || Parlons maintenant de… Venir (en). || Une nouvelle où il est parlé de deux amants (→ Manche, cit. 13). Question (être). Fam. || De quoi ça parle, ce bouquin ?
52 Je ne parle pas des fous, je parle des plus sages; et c'est parmi eux que l'imagination a le grand don de persuader les hommes.
Pascal, Pensées, II, 82.
53 Les vers qui parlaient d'amour portèrent à la fois dans l'âme de l'ingénu le plaisir et la douleur.
Voltaire, Ingénu, XII.
54 Sans doute il est trop tard pour parler encore d'elle.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « À la Malibran », I.
55 Est-ce donc la vie d'un homme ? Oui, et la vie des autres hommes aussi (…) Hélas ! quand je vous parle de moi, je vous parle de vous (…) Ah ! insensé, qui crois que je ne suis pas toi.
Hugo, les Contemplations, Préface.
Au passif :
56 (…) un article (…) où il était parlé d'inquiétude de la jeunesse, de déceptions nationales (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XI, XXV, p. 245.
REM. Cet emploi correspond à l'absence de cette construction avec le verbe écrire.
3 Parler à… : s'adresser à… (un aspect de la personnalité du destinataire, du lecteur). || Philosophe qui parle à la raison. || Rousseau a su parler au cœur de ses contemporains. Émouvoir, toucher. (Sujet n. de chose). || Des vers, des mélodies qui parlent à l'âme, au cœur (cit. 89).
57 Je voudrais parler non pas à la mémoire de mes lecteurs, mais à leur bon sens, et l'on a plus tôt fini quand on parle au bon sens qu'à la mémoire.
Montesquieu, Cahiers, IX, De l'esprit des lois.
58 (…) vous verrez que les plus grands (peintres) sont des philosophes égarés dans la peinture, plus capable de parler à la raison qu'aux yeux, et dont l'instrument devrait être une plume, non un pinceau.
Taine, Philosophie de l'art, t. I, p. 145.
4 (Sujet non humain). Rendre, produire des sons qui ressemblent à la parole ou que l'on interprète comme des paroles porteuses d'une signification. || Des rossignols parlant de leurs douces amourettes (cit. 2). || Le piano parlait sous les doigts. || Faire parler sa lyre.Loc. Faire parler la poudre : tirer des coups de feu; combattre.
59 L'une (des voix) venait des mers; chant de gloire ! hymne heureux !
C'était la voix des flots qui se parlaient entre eux.
Hugo, les Feuilles d'automne, V.
5 (Sujet n. de chose). Exprimer qqch. autrement que par la parole.Danseuse (cit. 3) dont les mains parlent. Éloquent, expressif. || Les yeux parlent pour la bouche muette (→ Inversion, cit. 1).
60 Un soupir, un regard, une simple rougeur,
Un silence est assez pour expliquer un cœur;
Tout parle dans l'amour.
Molière, Don Garcie, I, 1.
61 (…) en lui tout parlait d'amour, excepté ses paroles (…)
Stendhal, Romans et Nouvelles, Féder, VI.
62 Vous êtes peintres, mes enfants; que votre bouche soit muette, et que votre main parle pour vous.
A. de Musset, Andréa del Sarto, I, 5.
63 Sigognac (…) admirait fort l'Isabelle, et ses yeux parlaient pour sa bouche.
Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, II.
Plus cour. (Le sujet désigne une abstraction). || Lorsque la volonté se tait, l'instinct parle (→ Absence, cit. 16). || La voix du corps parle-t-elle plus haut que celle de l'esprit ? (→ Effervescence, cit. 3). || L'imagination et la volonté parlent ici plus haut que l'intelligence (→ Farouche, cit. 15). || Quand le cœur parle (→ Épanchement, cit. 5). || Laisser parler son cœur, son chagrin (cit. 3). Abandonner (s'), communiquer (se), confier (se), déboutonner (se). || Les discours où les grandes passions doivent parler (→ Fleurir, cit. 28). || « Et ce n'est point ainsi que parle la nature » (cit. 57, Molière). || Quand mes sens ont parlé (→ Gronder, cit. 4). || « L'honneur (cit. 29) parle, il suffit… » (Racine). || La réalité présente parlait plus haut que les rêves du passé (→ Impérieux, cit. 10). || La vérité parle par sa bouche.Les faits parlent d'eux-mêmes (→ Croire, cit. 17), on n'a pas besoin d'y ajouter des paroles, des commentaires. Évident, compréhensible.
64 Allez, indigne époux, le fait parle de soi,
Et l'imposture est effroyable.
Molière, Amphitryon, II, 2.
65 D'un mensonge si noir justement irrité,
Je devrais faire ici parler la vérité (…)
Racine, Phèdre, IV, 2.
66 Fierté, raison et richesse, il faudra que tout se rende. Quand l'amour parle, il est le maître (…)
Marivaux, les Fausses Confidences, I, 2.
Parler pour… || Son mérite, son passé parlent pour lui, en sa faveur (cit. 25). Plaider. || Il n'a rien qui parle pour lui. Recommander. || Tout parle contre lui, tout l'accuse, le dessert, le rend suspect.
67 Tout lui parle, Madame, en faveur d'Agrippine (…)
(…) Mais tout, s'il est ingrat, lui parle contre moi.
Racine, Britannicus, I, 1.
68 (…) ses quarante mille livres de rente en fonds de terre parlaient suffisamment pour elle (une jeune fille à marier).
Balzac, la Femme abandonnée, Pl., t. II, p. 240.
69 Malheureusement son habit, son triste déguisement, parlait peu pour lui. Ce laquais, en petite perruque, ne rappelait guère le Roi.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., IV, XIII.
Parler, parler à… || Les pierres, le marbre doivent parler (→ Architecture, cit. 1). || Certains édifices sont muets, d'autres parlent (→ Chanter, cit. 11). || Portraits, statues, médailles… ces documents (cit. 5) parlent aux yeux. Impression (faire). || Spectacle qui parle à l'œil. Charmer, plaire (à). || L'imagination (cit. 6) parle toujours à nos sens. || Nouvelles, chiffres qui parlent à l'imagination (→ Normal, cit. 3).
70 Ils se plaisent dans l'idéal, parce qu'il n'y a rien dans l'état actuel des choses qui parle à leur imagination.
Mme de Staël, De l'Allemagne, II, II.
71 Laissons parler ces charmantes gravures où Gavarni a chanté ce vif et brillant poème de la jeunesse (…)
Th. Gautier, Souvenirs de théâtre…, Gavarni, V.
Parler de… || Il n'y a rien dans la nature qui ne lui parle de ce qu'il aime (→ Imaginer, cit. 5). || Tout parle de sa gloire (→ Mur, cit. 8).
72 (…) ici toute chose aime,
Tout parle de l'amour, tout s'en veut enflammer.
Ronsard, Second Livre des amours, I, XXVIII.
73 Je passe donc rapidement ces cellules déjà à moitié abattues pour me promener dans les salles du palais : , tout me parle d'un événement dont on ne retrouve de trace qu'en remontant jusqu'à Sciarra Colonna (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. V, p. 134.
74 Nous avons fait des moindres choses de la nature des complices de nos félicités; tout est vivant, tout nous parle de nous dans ces bois ravissants.
Balzac, Mémoires de deux jeunes mariées, Pl., t. I, p. 305.
———
II V. tr.
1 Pouvoir s'exprimer au moyen de (une langue). || Parler plusieurs langues. || Parler un dialecte, un patois. || La langue que parlait Jésus (→ Araméen, cit.). || La langue qu'il était appelé à parler (→ Dictionnaire, cit. 16). || Pourquoi les hommes (cit. 72) n'ont pas voulu parler une même langue. || On parle toutes les langues ici ! (→ C'est une vraie tour de Babel). || Caractère commun aux sujets parlant un même idiome (cit. 4). || Il ne parle pas souvent sa langue maternelle (mais il la connaît, il la « parle » encore, au sens traité ci-dessous). || Il s'est formé et parlé en France une langue romane unique (→ Matrice, cit. 2). || Langue actuellement parlée ( Vivant), qui n'est plus parlée ( Mort). || Les langues parlées en Chine (→ Mandarin, cit. 6).Pron. (passif). || Le français se parle dans beaucoup de pays.
75 Mes domestiques français s'impatientaient de la lenteur allemande et s'étonnaient de n'être pas compris quand ils parlaient la seule langue qu'ils crussent admise dans les pays civilisés.
Mme de Staël, De l'Allemagne, I, XIII.
76 Non, je ne tiens pas à me battre, moi, Français, pour des Français qui parlent ma langue et qui me font sentir si clairement dans notre idiome commun que nous n'avons rien de semblable.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 336.
Parler français (cit. 15), anglais, chinois, wolof, arabe, créole… (→ Assimiler, cit. 20; exterminer, cit. 8; hache, cit. 6). || « Mais sa muse (cit. 7) en français parlant grec et latin » (Boileau).Loc. fig. C'est comme si on lui parlait hébreu (cit. 7), chinois, il ne comprend pas. || Parler français (cit. 20) : s'exprimer clairement, intelligiblement. || Parlez-vous franglais ? ouvrage d'Étiemble. — ☑ Loc. prov. Quand les ânes parleront latin ( Jamais).
77 Et, dans le cercle des jeunes filles, aussitôt on se mit à parler allemand, avec la même aisance que tout à l'heure pour le français.
Loti, les Désenchantées, I, II.
Savoir employer (une langue). || Interprète qui parle couramment deux, plusieurs langues. Bilingue, polyglotte (→ Borgne, cit. 4). || Il parle encore, il ne parle plus sa langue maternelle. || Parler mal une langue. Baragouiner, écorcher, jargonner (→ 1. Lire, cit. 15).(Suivi du nom d'une langue, précédé ou non de l'article défini — ou de l'article indéf. avec un qualificatif : il parle un français excellent, approximatif). || Il parle très bien le français, un français impeccable (→ Discernable, cit. 2), il le parle à merveille (→ Français, cit. 19).
Loc. Parler le français comme une vache espagnole.
REM. En général, parler français signifie simplement « s'exprimer en français », alors que parler le français signifie « savoir s'exprimer en français ». Cependant la distinction n'est pas absolue : ainsi Montesquieu dit de Mazarin qu'il ne parle pas bien français (→ Écorcher, cit. 7), et de même un Français à l'étranger, entrant dans un magasin, demandera : Parlez-vous français ? Dans ces deux cas on attendrait plutôt le français (pour parler en français, → ci-dessus, infra cit. 10.1).
78 (…) j'entends très bien l'italien; il y a du moins peu de choses qui m'échappent quand on ne le parle pas trop vite; pour ce qui est de le parler, je baragouine quelques mots.
Flaubert, Correspondance, 273, 4 déc. 1850.
79 (…) bien parler le français c'est le parler sans accent (…)
Valéry, Regards sur le monde actuel, p. 128.
Utiliser (une langue spéciale). || Parler argot (cit. 3 et 6). || « Mais je ne saurais, moi, parler votre jargon » (cit. 5, Molière). || Parler la langue de Rivarol ou de Chamfort (→ Cautère, cit. 3).Ellipt. || « Parler Vaugelas » (→ Manquer, cit. 43, Molière).Parler le langage le plus simple (→ Chercher, cit. 20), le langage de l'atelier (→ Homérique, cit. 3), la langue des dieux (→ Improviser, cit. 1), le langage (cit. 12) des halles, de l'enfance (→ Garçon, cit. 6), une langue (cit. 36) très abstraite,…Au p. p. || Le français bien parlé ne chante presque pas (→ Diction, cit. 3).Pron. || Les Français n'ont de goût (cit. 23) que pour ce qui se parle et se lit.
80 Sans s'en douter, un homme vraiment touché dit des choses charmantes, il parle une langue qu'il ne sait pas.
Stendhal, De l'amour, XXIII.
81 J'aime surtout les vers, cette langue immortelle,
C'est peut-être un blasphème, et je le dis tout bas;
Mais je l'aime à la rage. Elle a cela pour elle
Que les sots d'aucun temps n'en ont pu faire cas,
Qu'elle nous vient de Dieu, — qu'elle est limpide et belle,
Que le monde l'entend, et ne la parle pas.
A. de Musset, Premières poésies, « Namouna », II, II.
Par ext. || Le langage (cit. 9) que parlent les sourds-muets (→ Hagard, cit. 4); la langue (cit. 26) que les enfants parlent avant de savoir parler.
Par métaphore, fig. || La musique (cit. 8) est une langue qu'on ne saurait parler sans génie. || Chaque art doit parler le langage (cit. 33) qui lui est propre. || Rembrandt a d'abord parlé la langue de son maître (cit. 90). || Parler le langage (cit. 29 et 30) des passions, de la raison (→ Couler, cit. 8). || « Tout y parlerait À l'âme en secret Sa douce langue natale » (cit. 1, Baudelaire). || « L'intérêt parle toutes les langues » (→ Désintéresser, cit. 3.1, La Rochefoucauld).REM. Dans ces emplois plus ou moins métaphoriques, parler a la même extension que langue et langage.
2 (Avec un complément sans article). Aborder ou traiter, dans la conversation (un sujet, un thème). → ci-dessus, I., A., 4., Parler de… || Parler affaires, boutique, comptes, chicane, travail… (→ Causer, cit. 8). || Parler politique, littérature (→ Franc-parler, cit. 3; goutte, cit. 51; 1. montre, cit. 7). || On leur parle amitié, ils comprennent sexe (→ Homme, cit. 128).
82 Moi, j'irais me charger d'une spirituelle
Qui ne parlerait rien que cercle et que ruelle.
Molière, l'École des femmes, I, 1.
83 Si vous continuez à parler passion quand je vous parle mariage, nous ne nous entendrons bientôt plus.
Balzac, la Maison du Chat-qui-pelote, Pl., t. I, p. 66.
84 Parler romans, c'est comme si chacun avait parlé de sa vie.
Barbey D'Aurevilly, les Diaboliques, « Le dessous de cartes… », p. 205.
85 (…) la conversation allait bon train; on parlait modes nouvelles, ajustements, santé des enfants, singularités des époux, emportements même de ces messieurs (…)
A. de Gobineau, Nouvelles asiatiques, p. 103.
86 J'ai parlé littérature. Je parlerais tout aussi bien langage : discussion, cri, aveux, récits à la veillée.
J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, p. 22.
87 (Il) se mit à parler vers et poètes, revues, écoles, symbolisme, unanimisme, ghildes, hurles aux loups, café du Dôme, simultanéistes (…)
R. Dorgelès, le Cabaret de la belle femme, « Poète sous le pot de fleurs ».
88 M. de Maubrun se taisait. Il souffrait. Le simple fait de « parler gros sous » était, pour lui, déjà, un supplice.
Michel de Saint-Pierre, les Aristocrates, V.
Parler raison : parler le langage de la raison (→ Entendre raison). — ☑ Révérence parler.
89 Mon fils aîné a onze ans, reprit Madame de Rênal tout à fait rassurée, ce sera presque un camarade pour vous, vous lui parlerez raison.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, VI.
Rare (avec un compl. déterminé) :
90 Il doit être fou (…) dit froidement M. de Percy, parlant sa pensée comme s'il avait été seul.
Barbey D'Aurevilly, le Chevalier des Touches, p. 41.
3 Mus. Dire sans chanter (une partie du livret). || Ce récitatif est à parler, doit être parlé.Au p. p. || Déclamation chantée et déclamation parlée dans l'opéra (cit. 2). || Pièces vocales insérées au milieu du dialogue parlé (→ Ariette, cit. 2). N. m. || Le parlé dans l'opéra-comique (cit.), dans l'opérette (cit. 2).
——————
se parler v. pron.
Voir à l'article.
——————
parlé, ée p. p. adj.
Voir à l'article; et aussi Parlé, adjectif.
CONTR. Taire (se). — Muet (être, rester muet).
DÉR. Parlage, parlant, parlé, parlement, 2. parler, parlerie, parleur, parloir, parlote, parlure.
COMP. Déparler, pourparler, reparler. — Parlophone.
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2. parler [paʀle] n. m.
ÉTYM. V. 1155; de 1. parler.
1 (V. 1175). Vx. Action, faculté de parler. Parole. || N'interromps pas mon parler (→ Lieu, cit. 21, Montaigne).Mod. || Franc-parler. Franc-parler.
1 (…) Voulez-vous que j'écoute à jamais ?
Partageons le parler, au moins, ou je m'en vais.
Molière, le Dépit amoureux, II, 6.
2 Mod. Manière de parler. a Quant à la prononciation. || Un parler confus (→ Articuler, cit. 7), mal articulé (→ Balbutiement, cit. 1), guttural et rude (→ Énonciation, cit. 2), un peu gras (cit. 35), grasseyant (cit. 2), lent, traînant… || Le parler particulier des speakers à la radio (→ Maison, cit. 42).
2 Marius était attentif au parler de cet homme. Il épiait l'accent et le geste, mais son désappointement croissait; c'était une prononciation nasillarde, absolument différente du son de voix aigre et sec auquel il s'attendait.
Hugo, les Misérables, V, IX, IV.
3 Son parler avait quelque chose de rude. Cette voix, d'une grâce sévère, apparaissait rauque, masculine aux naïfs.
R. Radiguet, le Bal du comte d'Orgel, p. 28.
b Quant à l'expression, au style. || Affectation (cit. 5) dans le parler. || Le parler obscur, ambigu (cit. 1, Montaigne) du jargon prophétique. || « J'aime un parler succulent et nerveux… » (cit. 2, Montaigne). || Un parler incorrect, commun. || Avoir un parler bref (cit. 6). || « Le doux (cit. 7) parler ne nuit de rien » (La Fontaine). || Les mots du parler de tous les jours (→ Désapprobation, cit. 1).
3 (1665). Ling., cour. « Ensemble des moyens d'expression employés par un groupe à l'intérieur d'un domaine linguistique » (Marouzeau). Dialecte (cit. 1 et 2), idiome, usage, usance. || Les différents parlers des provinces françaises. || Les parlers régionaux (→ Français, cit. 12), locaux (→ Gallo-, cit.), citadins. || Parlers ruraux. Patois. || Parlers spéciaux (propres à tel groupe social). Usage; sociolecte. || Parler d'usage, courant (par oppos. à langue littéraire).
4 (…) on voit apparaître, depuis que le français se parle dans les provinces et dans les milieux les plus modestes de la province, une espèce nouvelle, qui est de type français (…) modifié par l'accent local, le vocabulaire, la syntaxe du dialecte local (…) Et nous avons là, sur notre sol, l'illustration d'une loi générale : les pays à dialectes tendent à se laisser absorber et unifier par une langue commune; la langue commune (…) tend à se fragmenter en parlers diversifiés.
A. Brun, les Parlers régionaux, p. 153.

Encyclopédie Universelle. 2012.